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19/10/2014

(UK) Marvellous : sincérité et humanité pour un biopic inspirant

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Malcolm: How'd you wangle that?
Neil : I just asked.
Malcolm : You can't just get things by asking.
Neil : Can't you? I can.

On parle souvent du petit écran anglais pour ses séries, ses mini-séries... Sachez qu'il existe un autre format à ne pas négliger : les téléfilms. Et dans l'art des unitaires percutants qui savent se démarquer, BBC2 fait partie des chaînes à surveiller, à l'image, l'année dernière, du génial The Wiper Times ou encore de la genèse de Doctor Who retracée dans An Adventure in Space and Time. Cet automne, c'est une fiction également à part qui a été proposée aux téléspectateurs anglais le 25 septembre 2014.

Écrit par Peter Howker (à qui l'on doit notamment un autre OTNI du petit écran anglais, Blackpool),  Marvellous s'inspire d'une histoire vraie, la vie de Neil Baldwin (lequel effectue d'ailleurs plusieurs apparitions). Souffrant de troubles d'apprentissage, exclu très tôt du système scolaire, il est malgré tout toujours allé de l'avant, déjouant et dépassant les attentes pour réaliser ses rêves et vivre de ce qu'il aimait. On suit donc son parcours bigarré, d'une carrière de clown dans un cirque jusqu'à l'université de Keele, en passant par le club de football de Stoke City.

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La séquence d'ouverture du téléfilm pose immédiatement le ton particulier que va adopter Marvellous. Rythmée par une chanson entraînante qu'entonne et joue un chœur, la jeunesse de Neil défile à travers quelques instantanés fondateurs, mêlant fiction tournée en noir et blanc et brèves images d'archive, de son exclusion de l'école à sa découverte du cirque ou à la naissance de sa passion pour le football grâce à sa mère qui l'emmenait voir les matchs. Durant l'heure et demie qui suit, l'unitaire va cultiver une sincérité d'écriture rare, aussi imperturbable que désarmante, qui résonnera durablement au plus profond du téléspectateur. Optant pour une sobriété bienvenue, sans excès de bons sentiments, ni approche manichéenne, c'est un récit parfaitement ciselé qui se déploie. L'impression d'authenticité demeure, notamment grâce à une tonalité non dénuée d'ambivalence, dans laquelle les limites et les difficultés auxquelles se heurte Neil ne sont jamais passées sous silence. Marquée par des passages dramatiques émouvants, mais aussi des moments drôles et légers, se dévoile avant tout une humanité qui touche en plein cœur et fait la force de cette œuvre.

Marvellous apparaît en fait comme une bulle d'air frais au sein du petit écran. Il y règne une sorte de dynamisme communicatif : l'espace d'un instant passé aux côtés de Neil (un Toby Jones magistral), tout semble possible. Du fait de sa condition, Neil aurait pu être destiné à une vie isolée, guère épanouissante, loin de ce qu'il aimait. Mais, avec un aplomb indéfectible, il a su aborder le quotidien d'une manière qui lui a permis de s'affranchir de tous les cadres dans lesquels il aurait dû se trouver limité et enfermé. Multipliant les contacts, il a réussi à nouer des liens bien au-delà de son seul entourage proche. Il a su faire confiance, compter sur les autres qui, même si beaucoup ont d'abord été perplexes, le lui ont souvent rendu. Il est aussi resté fidèle à lui-même, à sa franchise rafraîchissante comme à son art de faire rire les autres. Son attitude lui a ouvert des portes inattendues, lui permettant de dépasser toutes les attentes et de réaliser ses rêves. C'est sans doute aussi là que réside la clé de la magie de Marvellous : en nous entraînant dans le sillage de Neil, le téléfilm nous transmet une partie de l'état d'esprit qui le caractérise. L'impossible paraît soudain réalisable, les barrières se troublent... et c'est avec une énergie comme renouvelée que le téléspectateur ressort de cette heure et demie. 

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Toby Jones et... le vrai Neil Baldwin

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Dotée d'une écriture sincère et authentique, Marvellous propose un récit d'accomplissement, à l'humanité sobre et touchante, qui ne laisse pas le téléspectateur insensible. En ces temps où le cynisme et la noirceur paraissent plus porteurs dans le petit écran, voilà une œuvre qui cherche à inspirer et distille cette idée folle, aussi vertigineuse qu'entêtante, que les projets qui semblent les plus inaccessibles peuvent parfois se réaliser. Véritable antidote à tout blues d'automne, ce téléfilm a l'art de réchauffer les cœurs. Il est parfait pour accompagner une soirée qui s'annonçait morose : à découvrir !


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de cet unitaire :

13/09/2013

(UK) The Wipers Times : un journal satirique tenu sur le front durant la Grande Guerre

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La Première Guerre Mondiale est un sujet qui a été fréquemment traité dans les fictions : ces dernières années, de Downton Abbey à Parade's End, en passant par The Village et Birdsong, les period dramas l'évoquant n'ont pas manqué. La commémoration qui s'annonce en 2014 pour son centenaire promet également d'apporter son lot de productions y étant consacrées. Cependant certaines fictions parviennent encore à se réapproprier ce thème avec une approche originale, qui mérite pour cela toute l'attention du téléspectateur.

C'est le cas du savoureux téléfilm qui a été diffusé ce mercredi 11 septembre 2013 sur BBC2, en Angleterre. D'une durée de 90 minutes, The Wipers Times a été écrit par Ian Hislop et Nick Newman. Il s'inspire d'une histoire vraie, puisqu'il revient sur un journal de tranchées satirique qui fut tenu par des soldats anglais postés sur la ligne de front durant la Première Guerre Mondiale. Assez naturellement, le téléspectateur songe forcément un instant à la saison 4 de Blackadder qui a durablement marqué le petit écran britannique. Mais The Wipers Times a son identité, et une tonalité qui lui est propre. Une chose est sûre : ce téléfilm est une vraie réussite.

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The Wipers Times débute en 1916 dans une ville d'Ypres en train d'être réduite en ruines par les obus qui la frappent. L'unité du capitaine Fred Roberts découvre dans un des bâtiments encore debout une presse typographique en état de marche. Un de ses subordonnés ayant une formation lui permettant de manier une telle machine, Roberts, avec l'assistance de son lieutenant Jack Pearson, a une idée : créer un journal satirique qui romprait l'ennui dans lequel lui et ses hommes sont plongés, tout en aidant à maintenir le moral des troupes. Ils le nomment "The Wipers Times", Wipers étant la façon dont les soldats anglais prononcent "Ypres".

Avec ses brèves ironiques voire sarcastiques, ses plaisanteries plus ou moins allusives qui n'épargnent guère la hiérarchie, le journal ne fait évidemment pas l'unanimité parmi les officiers supérieurs. Mais il rencontre un franc succès auprès des troupes. Roberts bénéficie en plus de la bienveillance du général en charge de leur division. De 1916 à 1918, les publications se poursuivent, en dépit des difficultés matérielles et des aléas du front. Accompagnant la division jusque dans la Somme - le titre du journal changeant au gré des déplacements des troupes -, les numéros ouvrent aussi leurs colonnes aux soldats qui, avec une plume parfois maladroite mais toujours sincère, éprouvent le besoin de retranscrire les horreurs de la guerre.

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Dès ses premières scènes, c'est par sa tonalité que The Wipers Times séduit et se démarque. Bénéficiant d'une écriture fine et vive, la fiction introduit une savoureuse dynamique au sein de cette unité militaire qui s'improvise rédaction publiante. Les dialogues sont parfaitement ciselés. Les répliques s'enchaînent, démontrant une réjouissante gestion de l'ironie, ponctuée de pointes de sarcasme, dosée comme il faut. En plus de relater le quotidien de ces soldats-journalistes, c'est également au sein de l'hebdomadaire que la fiction immerge le téléspectateur. Non seulement elle nous fait assister à la naissance de certaines idées, mais elle va même plus loin en mettant en scène, au cours de brefs sketchs, des passages humoristiques directement issus des articles. C'est une ironie noire qui ressort, parfois féroce, notamment lors de la première parenthèse qui ouvre le journal, au cours de laquelle un soldat se fait diagnostiquer un mal dangereux : l'optimisme. Imaginez, ce brave homme pense que la guerre se finira vraiment dans les 12 prochains mois et que l'état-major est compétent pour remporter la victoire... Le médecin lui prescrit un remède efficace contre cette terrible maladie : il lui rédige son ordre de mission pour être envoyé au front.

The Wipers Times a des scènes franchement drôles. Cependant l'humour ne masque pas la réalité de la guerre. Derrière une vision critique et désabusée, se perçoit quelque chose de plus poignant. Le journal est le moyen pour ces hommes, et en premier lieu pour Roberts, de se raccrocher à ce qu'ils sont, à ce qu'ils étaient avant les évènements. Face à l'enlisement de la situation, face à la vanité de certaines offensives pourtant si mortelles (la bataille de la Somme), ils répondent par leur entêtement à créer encore et toujours des blagues, à persister dans la publication de l'hebdomadaire. Comme Roberts l'explique après la guerre à un journaliste avec lequel il a un entretien, ce journal reflète sa guerre, sa façon à lui de ne pas se laisser emporter par les horreurs dont il est témoin. Car tout en pointant inlassablement les absurdités du quotidien des soldats, on retrouve aussi au fil des numéros les épreuves traversées, mesurant tout ce qui se brise chez un soldat dans ces tranchées. The Wipers Times est une fiction nuancée, dotée d'un souci d'authenticité bien réel. Partageant avec le téléspectateur cet humour d'époque qui savait dérider les troupes, elle n'en laisse pas moins transparaître l'étendue de la tragédie humaine qui se déroule sur ce front.

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Sur la forme, The Wipers Times privilégie le huis clos, s'appuyant sur la qualité de son fond et de ses dialogues. La reconstitution historique de la vie des tranchées est minimale, se limitant principalement à quelques lieux stratégiques où se déroulent la plupart des scènes (le QG de l'unité, quelques tranchées autour). Il y a cependant deux-trois passages de plus grande ampleur (dans la Somme notamment). La mise en scène tire le meilleur parti de cette approche, y compris avec de petites parenthèses en noir et blanc qui reprennent des articles du journal : le téléspectateur peut ainsi pleinement apprécier le contenu de cette publication.

Enfin, The Wipers Times peut s'appuyer sur un très solide casting. La dynamique qui s'installe entre les acteurs principaux est excellente. Ben Chaplin (World Without End, Dates) interprète un capitaine Roberts à l'esprit vif, au mot ironique facile, qui tente de préserver son état d'esprit, en dépit de la guerre et des épreuves qu'il traverse. Ses échanges avec un Julian Rhind-Tutt (Green Wing, The Hour) tout aussi impeccable sont savoureux. Steve Oram (Heading Out) ou encore Michael Palin (Monty Python), en général amusé, rejoignent ce même état d'esprit, tandis que Ben Daniels (The State Within, Law & Order : UK, House of Cards US), à l'opposé, investit le registre de l'officier jugeant le journal trop irrévérencieux à son goût pour le maintien de l'ordre au sein des troupes.

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Bilan : Dotée d'un sujet très intéressant et original, la publication d'un journal satirique sur le front durant la Première Guerre Mondiale, The Wipers Times est une fiction finement écrite, versant dans une tonalité chargée d'ironie noire. Sachant très bien manier un humour authentique (et même historique), ce téléfilm se révèle à la fois drôle, mais aussi fort et poignant. Car, en filigrane, se perçoit non seulement la critique de la guerre et de sa gestion, mais aussi la façon dont les tragédies et les horreurs dont ils sont témoins affectent les soldats. The Wipers Times est en plus un bel hommage rappelant à la mémoire collective le souvenir de ce journal de tranchées dont les responsables furent très vite oubliés une fois l'Armistice signée, et ne poursuivirent pas cette carrière journalistique improvisée. Une jolie réussite du petit écran, à découvrir !


NOTE : 8/10


Une bande-annonce du téléfilm :

Un extrait - "Optimism" :

26/07/2013

(UK) Burton and Taylor : la dernière pièce

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La dernière pièce, la fin d'une ère... C'était la pensée qui venait au téléspectateur anglais de BBC4, ce lundi 22 juillet 2013, en s'installant devant le téléfilm proposé en soirée, Burton and Taylor. Pas seulement parce qu'il avait pour sujet le dernier acte ensemble de deux icônes cinématographiques du XXe siècle. Mais aussi parce que Burton and Taylor s'annonce comme probablement la dernière production originale de la chaîne BBC4, laquelle doit faire face à des coupes budgétaires importantes. Côté fictions, elle continuera seulement à importer des séries étrangères - elle est celle qui a initié la "vague scandinave" outre-Manche avec Forbrydelsen et Borgen. Pour rappel, parmi ses plus récentes fictions dont j'avais pu vous parler, il y avait eu notamment Spies of Warsaw ou encore Dirk Gently. Par conséquent, avec sa durée d'1h22, Burton and Taylor marque la fin d'une ère de plusieurs points de vue, à l'écran comme en coulisses, et il le fait de belle manière, notamment grâce à un casting convaincant.

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Burton and Taylor n'est pas un biopic qui couvrirait l'ensemble de la relation, aussi intense que tumultueuse, ayant uni les acteurs Richard Burton et Elizabeth Taylor. Il aurait sinon fallu un format autrement plus long. Ce téléfilm s'ouvre simplement en 1983. Il met en scène ce duo mythique du cinéma, deux fois mariés et deux fois divorcés, dans ce qui sera leur dernier projet commun : une pièce de théâtre de Broadway, Private Lives (Richard Burton décèdera l'année suivante, en 1984).

Lorsque le récit débute, le temps a passé depuis leur dernière séparation (leur second divorce remonte à 1976), lui est désormais fatigué physiquement et rêve de jouer Le Roi Lear, elle subit ses dépendances et souhaiterait renouer avec lui. Ils vivent chacun en couple avec un autre, mais leurs sentiments réciproques sont toujours là, avec tous les excès qui les accompagnent. Cette réunion sur scène sera éprouvante... sortira-t-elle de la seule sphère professionnelle ?

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Il y a deux fils narratifs qui s'entremêlent dans Burton and Taylor, une histoire professionnelle, et une autre, beaucoup plus intime. Le point de départ, c'est d'abord l'aboutissement d'un projet théâtral : on suit donc la préparation, puis la mise en scène d'une pièce à Broadway, assistant jusqu'aux réactions du public et des critiques et à la façon dont cela affecte chacun. Le fait que les protagonistes soient des acteurs reste une donnée centrale du récit : leur histoire, leur passé, depuis le tournage de Cléopâtre, sont liés à leur carrière. Le téléfilm essaie ainsi d'éclairer et de comprendre leur relation de travail, soulignant leurs différences dans la manière de concevoir leur métier, mais aussi de vivre et d'exploiter la célébrité qui les accompagne. Elizabeth Taylor représente l'icône hollywoodienne par excellence. Le contraste entre leurs méthodes est frappant dès la première répétition, mais le respect professionnel qu'ils ont l'un pour l'autre est bien réel. Ce qui n'empêche pas les jugements sur leurs prestations. Seulement, tout prend souvent des tournures démeusurées dans leurs rapports, car évidemment ces derniers ne sauraient se réduire au seul versant professionnel.

L'histoire plus personnelle qui se joue en parallèle est celle qui confère à Burton and Taylor cette tonalité particulière, au final poignante, qui marque le téléspectateur. Réunir sur scène et en coulisses ces deux acteurs, c'est voir se confronter à nouveau les sentiments intenses qui les unissent par-delà leurs ruptures. Ce récit n'est pas tant celui des retrouvailles, que celui du rappel des étincelles, parfois douloureuses, voire dangereuses, qui caractérisent leur relation. Ce n'est pas l'existence de leur amour qui est en cause, mais son intensité qui les entraîne dans une spirale au potentiel autodestructeur difficilement maîtrisable. Richard Burton est usé, Elizabeth Taylor plus que jamais prise dans ses addictions... il s'agit de se résoudre, pour tous deux, à tourner la page, d'où le ressenti de la fin d'une ère qui prédomine. Il ne s'agit pas de ne plus s'aimer, mais de reconnaître que cet amour les brûlera tous deux s'ils tentent de reprendre cette voie. Le temps a passé, ils doivent aspirer à autre chose. Burton and Taylor est donc le récit de cette admission difficile. C'est un dernier acte : une ultime réunion professionnelle derrière laquelle se trouve entériné un au revoir plus personnel et déchirant.

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S'il vous fallait une autre raison de jeter un oeil à Burton and Taylor, ce serait la performance d'ensemble offerte par son casting, et plus précisément par ses deux acteurs principaux. Helena Bonham Carte est fascinante en Elizabeth Taylor, capturant à merveille les envolées et autres élans de star de son personnage, et apportant une belle présence à chacune de ses apparitions à l'écran. Dominic West (The Wire, Appropriate Adult, The Hour) propose quant à lui un pendant parfait, avec une figure plus posée, mais sur lequel le téléspectateur mesure bien l'importance et l'influence de chacune de ses intéractions avec son ex-femme. L'alchimie entre les deux acteurs est indéniable à l'écran, et ils assurent ainsi l'investissement du téléspectateur aux côtés de ce couple qu'ils interprètent. S'ils occupent quasiment tout l'espace, signalons quelques têtes familières dans les rôles secondaires, tels Lenora Crichlow (Sugar rush, Being Human), Greg Hicks, Stanley Katselas (The Shadow Line) ou encore William Hope (aperçu dans la dernière saison de Spooks).

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Bilan : Burton and Taylor est un téléfilm qui retient l'attention non pas tant du fait de l'éventuel glamour de la réunion sous les feux des projecteurs de deux icônes du cinéma du XXe siècle, mais avant tout en raison de l'ambiance poignante qui traverse le récit. Tout en traitant des thèmes périphériques attendus comme la célébrité, ou encore l'addiction, c'est avant tout l'histoire d'un amour qui ne peut plus être, car entraînant ses représentants sur une voie trop dangereuse. C'est le récit du difficile choix d'accepter la fin d'une histoire commune. En gardant en plus à l'esprit la mort de Richard Burton l'année suivante, tout cela confère au téléfilm une dimension étonnamment touchante. Pour les prestations des acteurs, comme pour son sujet, les amateurs devraient apprécier une soirée devant Burton and Taylor (d'autant que le téléfilm reste court).


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce du téléfilm :


09/03/2013

(UK) The Scapegoat : l'histoire d'une deuxième chance inattendue

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Ma pile de fictions à regarder est une haute tour sans fin (dont je sais pertinemment que je n'en viendrais jamais à bout), au sein de laquelle j'oublie parfois même certaines de ces oeuvres, mises de côté lors de leur diffusion, englouties depuis dans l'océan des séries "qu'il faudra que je rattrape un jour". Dans ces conditions, entreprendre un peu de rangement a parfois du bon : cela permet de se remémorrer quelques oublis, à l'image du téléfilm que j'ai finalement (enfin) visionné dimanche dernier.

The Scapegoat a été diffusé sur ITV1 le 9 septembre 2012. Il s'agit d'une adaptation d'un roman du même nom de Daphne du Maurier, datant de 1957. A noter qu'une adaptation cinématographique a déjà eu lieu, en 1959, mettant en scène Alec Guinness dans le rôle principal. Dans cette version de 2012, d'une durée d'1h40, c'est à Matthew Rhys qu'est confié cet intriguant double rôle, pour une fiction qui s'est révélée vraiment très plaisante à suivre. 

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Il faut préciser d'emblée que The Scapegoat (2012) prend un certain nombre de libertés avec l'histoire d'origine (que je n'ai pas lue). Le téléfilm s'ouvre en Angleterre, en 1952, dans un contexte de préparation des festivités pour le couronnement de la reine. John Standing est enseignant. Il vient d'être renvoyé de son établissement, sa matière ayant été sacrifiée au nom d'arbitrages pédagogiques. Sans attaches, ni famille, il envisage de partir à la découverte du monde. Mais, dans un bar, il croise un individu étonnamment semblable à lui en apparence, Johnny Spence. Les deux hommes semblent être des doubles l'un de l'autre. Il s'ensuit une soirée, arrosée, de discussions où ils échangent sur leurs vies respectives, toutes deux à problèmes.

Le lendemain matin, John Standing se réveille difficilement dans une chambre qui n'est pas la sienne, avec, disposés dans la pièce, des vêtements qui ne sont pas non plus à lui. De Johnny Spence, plus aucune trace, l'homme étant parti avec les papiers de Standing. Or ce dernier passe sans difficulté pour Johnny Spence auprès de son personnel, à commencer par son chauffeur. Pour en apprendre plus sur l'homme qui a volé son identité, John décide un temps de jouer le jeu et se laisse conduire dans la belle demeure qui est celle des Spence. Il y découvre une situation maritale, familiale et professionnelle extrêmement tendue, son double étant loin d'être irréprochable moralement. Presque malgré lui, il s'introduit dans ce quotidien et entreprend d'essayer de sauver ce qui peut encore l'être.

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Le concept de départ de The Scapegoat, qui voit deux individus identiques échanger leurs vies et se faire passer l'un pour l'autre, est un ressort narratif très fréquemment utilisé dans certains petits écrans comme la Corée du Sud. Il l'est en revanche moins dans la fiction occidentale. Pour rentrer dans l'histoire, il faut donc admettre le postulat de départ suivant : l'idée que Standing puisse donner le change et se faire vraiment passer pour son double physique auprès des proches qui connaissent Johnny Spence intimement. La réussite du récit est ici de proposer une narration fluide et cohérente, entraînant sans difficulté le téléspectateur à la suite du personnage de Standing et des péripéties qu'il a à solutionner. On assistera ainsi tout d'abord à ses efforts, souvent maladroits, pour comprendre la vie menée par son vis-à-vis, puis à ses tentatives pour redresser des situations semblants brisées au-delà de toute réparation.

En filigranne, se construit peu à peu l'opposition entre les deux hommes. Car Standing et Spence ont tous deux des caractères, mais aussi des valeurs, très différents. L'approche choisie est un autre grand classique, celle manichéenne du "bon jumeau" et de son "double maléfique". L'intérêt de l'histoire tient au fait que la confrontation qui viendra, on le pressent, à un moment ou à un autre, n'est pas au centre de l'intrigue. L'enjeu de l'ensemble est avant tout une réalisation humaine et relationnelle. Endossant le costume de Spence, Standing rebâtit et rétablit peu à peu des ponts, oubliés ou depuis longtemps détruits, entre chaque personne de son entourage. Il avance avec une sincérité et une bonne volonté assez touchantes. Il règne sur The Scapegoat une forme de chaleur humaine, plutôt optimiste, qui provoque l'attachement du téléspectateur. C'est ainsi un divertissement solide et à plaisant à suivre, jusqu'à la conclusion qui diffère de celle du livre d'origine.

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Sur la forme, The Scapegoat propose une belle reconstitution des années 50 - la demeure des Spence offrant un de ces décors de la haute société que nombre de period dramas affectionnent. La réalisation est soignée, l'image est belle avec une teinte qui sied parfaitement à l'époque mise en scène. Quant à la bande-son, elle ne se fait jamais trop intrusive, mais accompagne posément le récit.

Côté casting, le téléfilm repose en grande partie sur Matthew Rhys (Brothers & Sisters, The Americans) qui cumule les rôles de ces deux "faux jumeaux", aux inclinaisons et caractères très différents. L'acteur s'en sort dans l'ensemble bien. Le fait que le "double maléfique" ait finalement assez peu de scènes lui permet surtout d'explorer le personnage autrement plus franc et digne de confiance qu'est Standing ; cependant, les quelques scènes communes aux protagonistes - notamment au début - sont bien menées. Autour de lui gravite un entourage au sein duquel on retrouve quelques têtes très familières, comme Eileen Atkins (Smiley's People, Psychoville, Doc Martin) qui interprète la matriarche de la famille Spence, ou encore Andrew Scott (aka Moriarty dans Sherlock) qui incarne le frère de Johnny. On croise également Alice Orr-Ewing, Sheridan Smith (Mrs Biggs), Jodhi May (Emma, Strike Back, The Jury II), Eloise Webb, Sylvie Testud (avec un accent de l'Est prononcé), Anton Lesser (Little Dorrit, The Hour), Pip Torrens (The Promise) ou encore Phoebe Nicholls.

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Bilan : The Scapegoat est l'histoire surprenante d'une deuxième chance inattendue, tout autant que le récit d'une reconstruction de diverses vies au bord de l'implosion. Il flotte sur l'ensemble le parfum caractéristique, un peu à part, d'une fable aussi improbable qu'attachante. L'histoire apparaît somme toute très simple, mais le récit assuré se déroule de façon fluide et sans à-coups. Et les ouvertures et les possibilités permises par ce concept étonnant achèvent de séduire un téléspectateur qui passe, devant son petit écran, 1h40 très agréables. En résumé, un visionnage plaisant donc recommandé (parfait pour un dimanche). 


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du téléfilm :

03/03/2013

(UK) Complicit : questionnements et doutes sur la lutte antiterroriste et ses moyens

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Les thèmes de l'espionnage et de la lutte antiterroriste ont été tellement rebattus ces dernières années qu'il devient difficile de trouver une place dans ce - vaste - genre pour toutes les fictions qui s'y essaient encore régulièrement. Certaines y parviennent cependant. C'est le cas du téléfilm d'une durée d'1h30 diffusé par Channel 4, en Angleterre, le dimanche 17 février 2013, intitulé Complicit.

Ecrit par Guy Hibbert, il traite des moyens de cette lutte contre le terrorisme et plus précisément du choix du recours à la torture. D'une sobriété exemplaire, Complicit est un essai intéressant pour traiter de ce thème, loin de toute recherche de sensationnalisme ou de sur-dramatisation. C'est aussi l'occasion de retrouver David Oyelowo au MI-5 quelques années après Spooks, dans un registre bien différent que celui proposé par la référence anglaise d'espionnage de la dernière décennie.

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Edward Ekubo est un agent du MI-5. Cela fait trois ans qu'il surveille un individu ayant la citoyenneté britannique, suspecté d'appartenir à une mouvance terroriste, Waleed Ahmed. Au vu des indices et informations collectés, il est persuadé que ce dernier s'apprête à passer à l'action, planifiant une attaque à l'arme chimique au sein même du Royaume-Uni en recourrant à ce poison qu'est la ricine. Seulement sa conviction repose sur des déductions et des recoupements qui sont insuffisants pour convaincre ses supérieurs de l'urgence de la situation. Il parvient cependant à obtenir une surveillance à l'étranger de son suspect.

Passant par le Yemen, Waleed Ahmed arrive finalement au Caire. Il y est arrêté par la police locale en contact avec d'autres suspects de liens terroristes et des fermiers soupçonnés de produire le poison mortel. En débarquant en Egypte, Edward déchante cependant vite : les autres suspects sont tous revenus sur leurs aveux initiaux, extorqués après de rudes interrogatoires, et Waleed, affirmant avoir été victime de mauvais traitement, invoque sa citoyenneté britannique et les droits qui y sont attachés auprès des agents venus de l'ambassade. Seulement le temps presse, car Edward est persuadé que la ricine est déjà en route vers sa cible.

Un colonel des services de sécurité égyptien lui assure alors qu'il obtiendrait ces informations s'il avait l'occasion d'interroger son suspect suivant ses propres méthodes...

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Complicit est une fiction lente, d'une sobriété appliquée. Loin de toutes recherches de sensationnalisme, elle désamorce tous les clichés d'action ou de rebondissements multiples auxquels on associe communément nombre des fictions de ce genre. Le quotidien des services de renseignements britanniques y est rythmé avant tout par de longues surveillances et d'interminables procédures complexes. Pour nous présenter un exemple particulière d'affaire au sein de la lutte antiterroriste actuelle, le téléfilm adopte entièrement le point de vue d'Edward. La narration fait preuve alors d'une intéressante neutralité : laissant place à l'interprétation, elle donne des faits, expose des coïncidences et nous fait partager les soupçons du personnage principal, mais elle n'assène jamais une vérité univoque. Elle suggère, questionne implicitement, tout en subtilité. Cela a d'ailleurs pour conséquence de progressivement distiller le doute sur la réalité de la situation racontée, loin d'une simple chasse à un terroriste identifié : les intuitions et les déductions d'Edward sont-elles seulement justes, envers et contre le scepticisme de ces collègues et de ces supérieurs ?

Complicit est en fait une oeuvre qui évolue dans une zone grise, loin de tout manichéisme. Plusieurs réflexions s'esquissent au fil du récit. Initialement c'est la position même d'Edward au sein du MI-5 qui pose question : quelle est la source du manque d'avancement et de la relative défiance de ses supérieur ? Est-ce qu'il sur-interprète simplement des faits, sa compétence doit-elle remise en cause ou bien est-il victime d'une forme de discrimination parce qu'il n'appartient pas à l'establishment ? Ensuite, après l'arrestation de Waleed en Egypte, une autre problématique est introduite : jusqu'où peut-on aller pour récupérer des informations ? Quelle est la valeur (et la réalité) d'aveux obtenus sous la contrainte ? Une démocratie qui se veut garante des droits de l'homme peut-elle admettre et utiliser des régimes qui recourrent à la torture pour parvenir à ses fins ? Entre la position légale officielle et la réalité du terrain, où se situe le curseur ? La formulation de ces différentes problématiques demeure implicite, et surtout, Complicit n'impose aucune réponse toute faite, se contentant de présenter avec neutralité son cas d'espèce compliqué. La fin est à l'image de la tonalité de la fiction : ce n'est pas tant le recours à de telles méthodes que le fait d'avoir été découvert et exposé qui vaut condamnation.

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Sur la forme, Complicit est une fiction soignée. La caméra s'attarde sur les visages, capture les expressions plus parlantes que mille et un dialogues. Le téléfilm sait user du silence et se ménager des temps de pause quasi-introspectifs au cours desquels les mises en scène et les images prennent le relais pour raconter l'histoire. C'est donc une oeuvre digne d'intérêt à plus d'un titre, formellement solide et convaincante.

Enfin, Complicit est l'occasion, pour le nostalgique des jeunes années de Spooks de retrouver en agent du MI-5, David Oyelowo, dans un registre différent : celui d'un officier suivant obstinément ses instincts lesquels, peu à peu, lui font prendre une pente dangereuse où même le téléspectateur peut en venir à douter. Face à lui, Arsher Ali (Beaver Falls) nous offre notamment une grande et fascinante scène de confrontation dans les geôles égyptiennes. A leurs côtés, on retrouve quelques têtes familières du petit écran britannique, comme Stephen Campbell Moore (Titanic, Hunted), Monica Dolan (Occupation, Appropriate Adult), Sebastian Armesto (The Palace, Little Dorrit) ou encore Paul Ritter (Vera, Friday Night Diner). On croise également Nasser Memarzia et Makram Khoury (House of Saddam).

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Bilan : Au sein d'un genre d'espionnage où il est souvent facile de présenter des luttes manichéennes, avec des réalités bien identifiées et des camps clairement définis, l'approche de Complicit se révèle intéressante à plus d'un titre. Loin de toute surenchère, ce téléfilm relate un cas d'espèce particulier, en nous plongeant dans une zone grise où l'on est amené à questionner les motivations et les jugements de chacun : qu'il s'agisse d'Edward et de son obsession pour Waleed, ou du MI-5 et de ses réserves vis-à-vis de son agent. De même, les problématique du recours à la torture, mais aussi de son admission par une démocratie occidentale, sont esquissées, prouvant la richesse de cette fiction. Son traitement très neutre est un atout, même si c'est aussi une limite car on aurait aimé voir certains thèmes plus explorés, l'oeuvre préférant laisser souvent tout en suspens. L'ensemble n'en reste pas moins une approche de la lutte antiterroriste qui mérite la curiosité.


NOTE : 7,5/10


Une bande-annonce :