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08/02/2012

(K-Drama) What's up (première partie) : au-delà du simple drama musical, un apprentissage de la vie

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Pour terminer avec le cycle "J'aurais voulu être un artiste" entamé sur ce blog vendredi dernier avec Smash, puis Forestillinger, le mercredi asiatique du jour se met au diapason avec What's up. J'ai commencé ce drama avec une curiosité mêlée d'appréhension. Pensez bien que l'enjeu était de taille : pouvait-il réussir là où Dream High, You've fallen for me (Heartstrings) ou encore The Musical avaient échoué ? C'était ma dernière chance d'apprécier un drama "musical". Et peut-être parce qu'il s'est avéré être plus que cela, c'est avec un réel plaisir que je me suis investie dans cette série.

Précisons tout d'abord que What's Up est un de ces rescapés qui aura profité de la révolution du câble, l'an passé, en Corée du Sud. Entièrement tourné avant sa diffusion, il aura longtemps cherché un créneau, pour finalement arriver sur MBN, où il a été diffusé à partir du 3 décembre 2011, les samedi et dimanche soirs. Il s'est achevé la semaine dernière, au terme de 20 épisodes. Initialement, ce billet était censé être une review de pilote. Mais une nuit de semi-insomnie plus tard, ayant vu les 12 premiers épisodes, on parlera donc plutôt de bilan de mi-saison. Ce qui en soit va me permettre d'éclairer les atouts d'un drama qui, s'il n'est pas sans maladresses, n'en demeure pas moins solide et touchant par son humanité.

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What's up nous introduit dans le quotidien d'étudiants du département spécialisé dans les comédies musicales d'une université à l'extérieur de Séoul. L'histoire adopte une approche relativement classique pour ce genre, puisqu'elle va offrir au téléspectateur l'occasion de suivre la nouvelle promotion, l'accompagnant des épreuves de sélection pour gagner le précieux ticket d'entrée, jusqu'à une représentation musicale en guise de show final qui permettra de montrer combien ils ont appris (du moins c'est que je déduis de l'état d'avancement de mon visionnage).

S'intéressant aux étudiants, mais aussi à certains des professeurs, What's up est un drama choral qui nous fait suivre toute une galerie de personnages qui vont mûrir et faire la paix avec eux-même et leur passé, au fil d'un récit qui prend régulièrement des accents un peu initiatiques. De l'ancien délinquant qui a commis l'irréparable et qui est en quête de rédemption à celui qui est complètement paralysé dès qu'il s'agit de faire une performance en public, de celle un peu ingénue qui embrasse une carrière artistique sur les pas de son défunt père jusqu'à celui qui tente d'arbitrer entre sa passion pour la musique et le nécessaire secret qu'il doit préserver sur ses origines... A défaut de réelle originalité, ce sont des personnages qui ne manquent pas de relief que l'on va accompagner.

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Pour comprendre le charme qui s'opère devant What's up, il faut tout d'abord souligner l'ambiance de la série. Loin du clinquant un peu vide qui est une dérive récurrente de nombre de fictions dites "musicales", ce drama investit immédiatement un registre plus dramatique et mâture. Dès la première scène, le ton est donné, avec une chanson surprenante qui retentit, Vois sur ton chemin, des Choristes. Passée la surprise initiale pour le téléspectateur français, puisque ce n'est pas vraiment le genre de chanson que l'on s'attend à trouver là, il faut reconnaître que cette dernière offre une introduction parfaite. En effet, au-delà du mélange des influences musicales, ce flashforward introduit des personnages endeuillés et attristés par un évènement (décès ?) qui ne nous est pas précisé. On devine donc que ce n'est pas devant un simple drama à paillettes que l'on s'installe, mais qu'au contraire, la série va suivre un cheminement plus émotionnel.

La suite du drama confirme les premières impressions laissées par le pilote : le background musical, qui reste toujours un réel atout car utilisé à bon escient et sans jamais se substituer au scénario, se superpose à une véritable leçon de vie. Ce double apprentissage, à la fois artistique, mais également sur soi-même, demeurera une composante centrale d'un scénario étoffé qui y gagne en épaisseur. Ce parti pris peut dans un premier temps dérouter : je me suis initialement demandée, en voyant dès le départ introduites des storylines très dramatiques n'ayant rien à voir avec la dimension musicale, s'il n'y avait pas un risque de trop se disperser. Cependant, sans que le scénario évite certains clichés-coïncidences dont les sud-coréens raffolent, ni quelques raccourcis un peu maladroits, à mesure que l'histoire progresse, la volonté de ne pas faire de What's up un simple drama musical se légitime pleinement. Car c'est par ce côté sombre inattendu que la série gagne une autre dimension, et impose ses personnages.

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En effet, What's up est un vrai drama choral, dont la force réside dans l'humanité, mais aussi une certaine authenticité émotionnelle, qui transparaissent de l'ensemble. Chaque protagoniste se cherche, en quête d'affirmation, de rédemption ou tout simplement souhaitant être en mesure de faire la paix avec soi-même ou avec son passé. La réussite de l'histoire tient à sa capacité à impliquer le téléspectateur dans le destin de tous ces personnages, aux multiples facettes. Ne s'intéressant pas uniquement aux figures principales, la série éclaire tour à tour chacun des protagonistes, fonctionnant pour cela par petits arcs narratifs. Dévoilant et complexifiant les différentes personnalités, tout en fournissant des clés de compréhension, cela a surtout pour avantage de les humaniser.

Ainsi, si cette construction scénaristique a ses limites, car elle peut sembler un peu artificiel par moment, créant des conflits pour ensuite les oublier (Oh Doo Ri et sa mère par exemple) ; dans le même temps, elle permet vraiment de s'attacher aisément à tous. Cela fonctionne d'autant mieux que, progressivement, eux-mêmes constituent peu à peu une bande d'amis qui va découvrir la solidarité entre étudiants. Il y a une justesse dans la manière dont sont caractérisés leurs rapports, qu'il est assez rare de voir mise en scène. Pourtant, assez paradoxalement si vous observez la présentation de l'affiche promo ci-dessus, je dois avouer que ce sont avant tout les personnages secondaires qui ont retenu mon attention. On peut même dire que je me suis rarement autant attaché à un drama dans lequel j'ai aussi peu aimé les personnages principaux.

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C'est bien simple, j'ai adoré la spontanéité et la grâce naturelle de Park Tae Hee, touchante dans sa façon de chérir encore le lien qu'elle a pu avoir avec son père décédé il y a un an. J'ai immédiatement aimé Oh Doo Ri, en observatrice cynique dans un premier temps, qui s'émancipe de la tutelle de sa mère pour peu à peu s'investir également dans le groupe. Les deux "stars" de la fac, une actrice qui fait partie de la promotion, et un compositeur au génie un peu déconnecté, offrent aussi un pendant plus professionnel, avec déjà une expérience de la scène qui tranche avec l'inconséquence de nombre des plus jeunes. J'ai même fini par prendre en pitié le manque de timing chronique de Kim Byung Gun et toutes ses maladresses à répétition. Quant aux professeurs, je ne vous cache pas que Sun Woo Young, avec son sens de la provocation et ses propres blessures passées, est rapidement devenu mon personnage préféré.

En revanche, sans être insensible à la situation difficile de Ha Do Sung ou à la quête de rédemption de Jang Jae Hun, je n'ai pas ressenti pour eux l'attachement spontané dont leurs camarades ont bénéficié. Je ne les déteste pas, je suis leur progression avec le même intérêt, mais je n'ai pas trouvé chez eux l'authenticité et la nuance des autres protagonistes. Peut-être est-ce parce qu'ils sont plus clairement introduits dès le départ, en forçant pas mal les traits, et qu'il n'y a donc pas eu ce charme de la découverte progressive. Cependant, cela ne m'a pas empêché d'apprécier l'ensemble ; ce qui montre bien que la force de ce drama est indéniablement la solidité de sa dimension chorale !

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Sur la forme, What's up dispose d'une réalisation maîtrisée. J'ai beaucoup aimé la photographie qui correspond bien à ce récit de vie qu'est finalement la série. De plus, le drama utilise assez efficacement le background musical. Non seulement les numéros de chant des étudiants sont bien exécutés, tout en conservant une part de spontanéité bienvenue, mais plus généralement la bande-son très diversifiée permet à la série de s'imposer dans ce registre musical sans se restreindre à un seul genre. Le premier épisode est assez révélateur de cette volonté d'échapper à tout classement : la série débute par les Choristes, pour plonger ensuite dans une tranche beaucoup plus hard rock avec le concert d'Hadès, puis c'est un passage du Fantôme de l'Opéra qui est utilisé... Il y a une vraie volonté de prendre en considération toute la musique qui apporte un plus et constitue une réelle richesse.

Enfin, il convient de conclure cette review en saluant le casting de What's up qui permet au drama d'asseoir son registre collectif. On retrouve en tête d'affiche Im Ju Hwan (Tamra, the Island) et Kang Dae Sung (il sait chanter ; pour jouer, ça viendra avec le temps). A leurs côtés, j'ai découvert et grandement apprécié Im Joo Eun (Soul, Wild Romance) et Kim Ji Won (High Kick! 3), les deux rôles féminins les plus convaincants du drama. J'ai aussi retrouvé avec (beaucoup) de plaisir Oh Man Suk (The Vineyard Man, The King and I, Wild Romance), dans ce rôle de professeur atypique. A noter également que, dans les personnages plus secondaires, Lee Soo Hyuk a confirmé tout le bien que je pensais de lui après White Christmas.

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Bilan : Surprenant par sa dimension dramatique, What's up est plus qu'un simple drama musical. Investissant une tonalité plutôt sombre, loin des paillettes auxquelles ce genre peut donner lieu, il s'agit d'une vraie série chorale qui, derrière l'apprentissage artistique, propose une réelle leçon de vie. Cultivant son humanité, elle saura toucher l'affectif d'un téléspectateur qui s'attache très rapidement à sa galerie de personnages. Sans éviter certains poncifs et raccourcis narratifs, il y a cependant une forme d'authenticité dans les relations qui y sont dépeintes, qui donne envie de s'impliquer. Et l'écriture est égale et homogène, la première moitié du drama ne souffrant d'aucun passage à vide.

En résumé, si vous ne deviez en choisir qu'un parmi les différents k-dramas musicaux de ces derniers mois, entre Dream High, Heartstrings, The Musical et What's Up, mon conseil sera : n'hésitez pas, optez pour le dernier !


NOTE : 7/10


La première scène de la série (avec la chanson Vois sur ton chemin, des Choristes) :


Une bande-annonce de la série :


Une chanson de l'OST (Lunatic, par Daesung) :

05/02/2012

(DAN) Forestillinger (Performances) : la vie est une vaste représentation théâtrale où l'on joue tous un rôle


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Cela faisait quelques mois que le Danemark ne s'était plus invité sur My Télé is Rich!. Non que j'avais délaissé le petit écran scandinave, ayant par exemple dévoré fin décembre la saison 2 de Borgen (à ce sujet, petit rappel : la saison 1 démarre ce jeudi, en prime-time en plus, sur Arte ; c'est l'occasion d'être curieux !), mais je n'étais plus partie à la découverte de nouveaux horizons. Or, suite au visionnage du pilote de Smash, j'avais envie de retrouver les coulisses d'une création artistique. Se programmer une intégrale de Slings & Arrows était évidemment tentant (même si peu raisonnable), mais je me suis rappelée que j'avais une autre série, danoise cette fois-ci, s'intéressant également au théâtre, qui m'attendait depuis quelques temps.

Forestillinger (Performances en version anglaise) est une série, composée de 6 épisodes d'1 heure chacun, diffusée par la chaîne publique danoise DR1 au printemps 2007. Ecrite par Lars Kjeldgaard, il s'agit de la première série télévisée du réalisateur Per Fly, avec lequel sont peut-être familiers ceux qui, parmi vous, s'intéressent au cinéma danois, notamment pour sa trilogie The Bench (2000), The Inheritance (2003) et Manslaughter (2005). Plus qu'une série sur les coulisses d'une représentation, Forestillinger est une véritable expérience narrative, assez fascinante, explorant sans artifice les relations humaines. Son visionnage aura été très intéressant.

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Forestillinger s'intéresse aux coulisses de la préparation d'une adaptation de Venus et Adonis, de William Shakespeare, écrite par Marko, un directeur qui a révolutionné le théâtre danois dans les années 90. Même si tout le monde ne le sait pas encore, il s'agira de la dernière production du Théâtre Sortedam. Le récit couvre une période de six semaines qui s'ouvre avec le début des répétitions de la pièce, pour se conclure dans les applaudissements du public le soir de la première représentation.

L'originalité de Forestillinger tient à la construction narrative très particulière qu'elle adopte. En effet, chaque épisode couvre l'intégralité de ces six semaines, et la série va faire le choix de nous raconter cette période six fois, à travers les yeux d'un personnage différent à chaque fois. Six points de vue pour une même histoire en quelque sorte. Mais chacun des protagoniste apparaît à un croisement de sa vie, à l'heure de devoir assumer les conséquences de choix passés ou de prendre des décisions importantes pour le futur. Plus qu'une simple représentation théâtrale, le travail de mise en scène de ce poème shakespearien va se révéler être un véritable chemin introspectif, souvent douloureux, mais probablement nécessaire pour chacun d'entre eux.

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Forestillinger est tout d'abord une véritable expérience narrative qui interpelle et interroge le téléspectateur sur son rapport à la réalité. Troublante et fascinante, elle souligne l'extrême subjectivité inhérente aux perceptions humaines. A priori, faire le choix de raconter une même période de temps, en empruntant six points de vue différents, aurait pu faire craindre un risque de répétition un peu lassante ; il n'en est rien. Car la première réussite de la série réside justement dans sa faculté à exploiter pleinement son intriguant concept de départ. Chaque heure éclaire un personnage dont on adopte la perspective, c'est-à-dire le ressenti, mais aussi la façon d'analyser et de comprendre tout ce qui l'entoure. Pour y parvenir, les scénaristes se livrent alors à un véritable exercice d'écriture et de réécriture permanente d'une même période.

Chaque épisode opère une sélection des passages considérés comme importants pour le protagoniste concerné, apportant son lot de scènes inédites. Mais ce sont surtout les moments partagés à plusieurs qui retiennent l'attention : un même passage verra ses dialogues édités et pourra ainsi être relaté de manière complètement différente d'un personnage à l'autre. Le scénariste nous place véritablement dans leur tête, et la caméra nous montre, à travers leurs yeux, le déroulement des évènements. La façon dont un même échange peut sembler très dissemblable d'un épisode à l'autre, ou le fait que certains éléments sont occultés ou mis en lumière de manière exacerbée suivant le personnage, offre un storytelling mouvant qu'il est fascinant de voir se construire et se déconstruire, sans que l'on sache qu'elle est la version de l'histoire la plus proche de la réalité. A mesure que les pièces de ce vaste puzzle humain se mettent en place, la série devient une réflexion très intéressante sur notre façon d'appréhender ce qui nous entoure, tout en permettant une compréhension rare de ses protagonistes.

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En effet, le second atout de Forestillinger tient à l'empathie que chaque personnage est capable de susciter. Tout en abordant des thématiques relationnelles relativement classiques, qu'il s'agisse d'amour, d'amitié ou des rapports parents/enfant, la série réussit à nous impliquer dans le sort de chacun. D'une finesse et d'une justesse psychologiques à saluer, elle place la compréhension de ses "sujets" au centre de son récit, s'efforçant de capturer l'essence de toutes ces personnalités très différentes. Pour cela, elle n'hésite pas à utiliser des parenthèses au cours desquelles les personnages se livrent directement face à la caméra. Ils donnent alors spontanément dans ce confessionnal improvisé leurs impressions sur ce qui vient de se passer, avec souvent une franchise rare. C'est sur ces bases solides que la série va pouvoir explorer les passions, les failles et les forces qui rythment les parcours de chacun. Si tous les épisodes ne se valent pas en intensité - le cinquième étant peut-être le plus faible -, ils trouvent tous une résonnance particulière auprès d'un téléspectateur qui ne reste jamais insensible.

Il faut dire que les six semaines choisies sont une période déterminante où chaque personnage se trouve à un carrefour. Ils voient leurs certitudes être remises en cause et vont finalement se découvrir eux-mêmes dans des circonstances personnelles et professionnelles peu plaisantes. Forestillinger acquiert ici une autre dimension. La série n'est pas une simple fiction sur les coulisses d'une production. Les lignes de démarcation entre la préparation de la représentation théâtrale et la vie de chacun des personnages se troublent peu à peu et finissent parfois par disparaître complètement. Pour les trois acteurs principaux de la pièce, ainsi que pour Marko, cette dernière devient un moyen d'exprimer leurs sentiments, et d'extérioriser les conflits et les émotions qui les déchirent. Paradoxalement, tandis que le théâtre apparaît comme une véritable métaphore de la vie, au fil des épisodes, la vie s'apparente elle de plus en plus à une vaste représentation où chacun joue et se voit attribuer un rôle.  

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Sur un plan formel, la maîtrise dont fait preuve Forestillinger contribue grandement à la réussite de la série. La réalisation est d'une sobriété travaillée, chaque plan semble étudié, alternant cadre serré ou large suivant l'impression de proximité que le réalisateur veut donner à la scène. La photographie est soignée, avec une dominante de couleurs froides qui correspond parfaitement à la tonalité avant tout dramatique de l'histoire. De plus, la série bénéficie également d'une bande-son originale superbe : entre accompagnement minimaliste au piano et passages plus dynamiques, la musique est un élément à part entière de la narration. Sur bien des points, l'influence de Per Fly est perceptible, et le petit écran fait sien une mise en scène très cinématographique.

Enfin, Forestillinger doit également beaucoup à son casting, homogène, qui délivre un ensemble de prestations authentiques et troublantes à la hauteur de la subtilité et des ambivalences du scénario. Si Mark, interprété par Dejan Cukic (Nikolaj og Julie, Borgia), reste le pivôt central et le dénominateur commun de tous les récits, chaque acteur a droit à un épisode dans lequel il peut s'affirmer et s'imposer. Et tous sont capables de proposer des performances où l'émotion surgit à fleur de peau, à mesure que leur personnage se décompose sous l'oeil de la caméra. Par ordre d'épisode leur étant consacré - le dernier étant logiquement celui de Marko -, on retrouve Mads Wille, Sonja Richter (Forsvar), Sara Hjort Ditlevsen, Pernilla August et Jesper Christensen (Kroniken, Revelations).

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Bilan : Disposant d'un casting convaincant et bénéficiant d'une réalisation impeccable, la grande originalité de Forestillinger tient à l'expérience narrative assez fascinante qu'elle fait vivre au téléspectateur. Pour exploiter pleinement ce concept d'une même période racontée suivant six points de vue différents, la pièce de théâtre est le cadre parfait. Quoi de mieux qu'une représentation artistique pour s'interroger sur notre perception fluctuante et subjective de la réalité, et plus généralement sur les rôles que la vie nous fait tous jouer consciemment ou inconsciemment ? De plus, en s'intéressant aux fondements des relations humaines, la série sait également jouer efficacement sur la carte du drama et de l'émotionnel.

Le résultat reste particulier (ce qui en soit est déjà un point positif), et Forestillinger peut sans doute dérouter plus d'un téléspectateur. Mais c'est une série qui mérite assurément le coup d'oeil pour son parti pris narratif. A découvrir ! 


NOTE : 8,5/10


Un aperçu de la série :


03/02/2012

(Pilote US) Smash : laissez-vous emporter dans les coulisses d'une comédie musicale

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Attention, événement ! Mesurez la portée du billet que vous êtes en train de lire : depuis que ce blog existe, jamais je n'avais consacré un article entier au seul pilote d'une série d'un grand network américain. Les lecteurs habitués des lieux le savent, je n'ai pas forcément une très bonne opinion de ces chaînes et de ce qu'elles ont pu proposer au cours des dernières années. Très souvent, je teste et oublie aussi vite leurs nouveautés. Mais voilà, le week-end dernier, je suis tombée sur une exception : Smash

Cette série débute en fait lundi prochain sur NBC, et la chaîne semble avoir envie d'y croire au vu de l'effort investi dans sa promotion. A priori, si la dimension comédie musicale m'intriguait un peu, c'est surtout l'immersion dans les coulisses d'une production artistique qui avait aiguisé ma curiosité. Certes, autant le dire tout de suite, Smash ne sera pas à la comédie musicale ce que Slings & Arrows a pu être au théâtre. Mais voilà, ce pilote dense, même s'il cède à certaines facilités, dégage quelque chose qui retient l'attention : NBC aurait-elle retrouvé une âme ? 

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Smash nous plonge dans les coulisses d'un spectacle musical de Broadway, basé sur la vie de Marilyn Monroe, icône parmi les icônes américaines. Son pilote se concentre sur la genèse et les premiers pas du projet. A son origine, on retrouve un duo d'auteurs-compositeurs, censés être en période de pause dans leur carrière, Tom et Julia. Cette dernière est d'ailleurs dans une procédure d'adoption avec son mari. Mais le nouvel assistant de Tom, par une proposition presque anodine, les lance sur l'idée d'une comédie musicale consacrée à Marilyn, sujet difficile à mettre en scène mais qui comporte un tel potentiel.

L'écriture avance rapidement. Une amie de Tom, Ivy, est recrutée pour faire quelques essais vocaux et les premiers enregistrements à partir des chansons déjà écrites. A la suite d'une indiscrétion de l'assistant (décidément décisif) de Tom, ce premier rush se retrouve sur internet, où il suscite un joli buzz positif en faveur du projet. Il n'en fallait plus pour que tout le microcosme de Broadway s'agite. Eileen Rand les contacte pour la production, et leur propose comme chorégraphe, Derek, un des meilleurs dans son domaine, si ce n'est qu'il entretient des relations exécrables avec Tom. Malgré tout, l'équipe se constitue et les premières auditions ont lieu. Si Ivy avait jusque là semblé faite pour le rôle de Marilyn une jeune aspirante artiste attire l'attention, Karen Cartwright. 

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Sans perdre de temps, le pilote de Smash se révèle très efficace pour nous conter de manière expresse les premiers pas d'une comédie musicale. L'objectif est à l'évidence que le téléspectateur se prenne au jeu du processus créatif en marche, emporté par cette dynamique caractéristique qui flotte sur tout l'épisode. L'enthousiasme de la mise en forme du projet, qui pièce par pièce prend corps, se dispute à l'excitation de la nouveauté, provoquée par l'écoute des premières chansons.

Tout est volontairement accéléré, et les raccourcis, comme la diffusion "accidentelle" sur internet du premier enregistrement test, paraissent totalement assumés par les scénaristes. Cela peut certes donner une impression d'artifice devant une telle précipitation, mais l'avantage indéniable est non seulement d'un rythme sans le moindre temps mort, mais aussi de faire que tout soit très vite concret. L'épisode balaie ainsi indistinctement le vaste champ des différents grands thèmes à exploiter dans ce milieu artistique ultra-concurrentiel, posant les antagonismes et exposant les objectifs de tous les protagonistes qui vont prendre part à ce processus créatif.

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En réalité, l'atout de Smash ne réside pas dans une quelconque originalité. Les esquisses d'intrigues de ce premier épisode, aussi bien calibrées qu'elles soient, ne sortent à aucun moment des sentiers battus. La réelle valeur ajoutée va venir d'un ressenti que je n'avais plus éprouvé depuis longtemps pour une série de NBC : son humanité. Le pilote s'impose par sa capacité à installer immédiatement des personnages aux personnalités bien définies, et auxquels le téléspectateur s'attache instinctivement. Peu importe le recours aux stéréotypes, il y a indéniablement quelque chose qui se forme entre eux, et qui nous touche derrière notre écran. Cette sorte d'alchimie confère à la série une rafraîchissante authenticité émotionnelle. 

Certes, tout n'est pas parfait. On peut passer outre les clichés, mais pas forcément suivre les scénaristes dans tous leurs partis pris. Mon principal bémol tient sans doute au rôle de Karen, cendrillon prédestinée à hériter du rôle de Marilyn. Je l'ai trouvée bien fade, trop "innocente et parfaite" si j'ose dire, alors qu'elle se retrouve confrontée à des situations trop convenues. Ivy, sa concurrente, peut-être parce qu'elle est justement moins exploitée, m'a paradoxalement plus intéressé, sans doute parce que nous ignorons encore beaucoup d'elle. L'effort fait par les scénaristes pour braquer les projecteurs sur Karen a donc paradoxalement eu l'effet inverse sur moi. Néanmoins ces affinités personnelles subjectives s'effacent devant la dynamique d'ensemble qui s'impose.

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Sur la forme, Smash est une série soignée. La réalisation est impeccable. C'est l'intégration des passages chantés qui représentait l'enjeu principal. Précisons que ce n'est pas la série en tant que telle qui est une comédie musicale, mais l'on va assister à la naissance de Marilyn. La musique se limite donc d'abord aux scènes d'audition ou de répétition. Les premiers morceaux du projet sont ainsi présentés, et ils s'intègrent naturellement dans le récit, donnant vraiment l'impression d'assister à la naissance de la comédie musicale (l'écriture a été confiée à Marc Shaiman et Scott Wittman). Mais c'est la conclusion, et le montage en parallèle d'Ivy et de Karen se rendant à l'audition décisive, marchant dans la rue, puis arrivant devant leurs juges, qui m'a définitivement conquise, par la force qui se dégage de cette scène.

Enfin le casting apparaît homogène et solide, au diapason de la tonalité de la série. Debra Messing (Will & Grace, The Starter Wife) et Christian Borle incarnent le duo d'auteurs-compositeurs à l'origine de la comédie musicale. Les acteurs trouvent immédiatement une excellente complicité à l'écran. Le mari du personnage de Debra Messing est lui joué par Brian d'Arcy James. Les deux chanteuses sur lesquelles le pilote s'attarde et qu'il place en concurrence pour le rôle de Marilyn sont interprétées respectivement par Katharine McPhee (à noter que son petit ami est joué par Raza Jaffrey (Spooks)) et Megan Hilty. Enfin, l'équipe est complétée par Anjelica Huston (Medium) et Jack Davenport (This Life, Six Sexy, FlashForward).

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Bilan : C'est une introduction réussie que nous propose Smash, avec un pilote dense et efficace qui pose bien tous les thèmes et enjeux de la série, nous entraînant sans attendre dans les coulisses d'un projet de comédie musicale qui se matérialise sous nos yeux au cours de ces premières quarantes minutes. En dépit des raccourcis pris, et des sentiers battus que ce pilote emprunte, il marque par son humanité. Il se crée une proximité immédiate avec cette galerie bigarrée de personnages forts. On s'attache ainsi à cet ensemble et à la dynamique artistique qui le parcourt. Reste à espérer que le public américain se laissera lui-aussi charmé.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

01/02/2012

(K-Drama / Pilote) History of the Salaryman : une enthousiasmante comédie noire dans le monde de l'entreprise


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Poursuivons l'exploration des nouveautés du pays du Matin Calme en ce mercredi asiatique. Il semblerait en effet que l'année 2012 commence sous les meilleures auspices dans le petit écran sud-coréen. En ce mois de janvier, j'avais classé History of the Salaryman dans la catégorie des "curiosités à tester", tant les bandes-annonces et les affiches promos (quelque peu étranges/inclassables) m'intriguaient tout en me laissant circonspecte. C'était un peu le genre de drama dont on ne sait trop quoi attendre tant l'ensemble semble déroutant, et au fond, c'était peut-être ce trait spécifique qui était le plus excitant a priori : où allait-on mettre les pieds ?

Pour le savoir, il a fallu attendre la diffusion qui a commencé le 2 janvier 2012 sur SBS, les lundi et mardi soirs. La série devrait comprendre 20 épisodes au total. Il faut préciser que l'équipe à l'origine de ce drama n'est pas un duo inconnu, puisque c'est celle à qui l'on doit Giant. Si History of the Salaryman a débuté assez timidement et que ses audiences restent très moyennes et aléatoires, je ne vais pas faire durer le suspense : j'ai été très agréablement surprise par les premiers épisodes de ce drama, lequel s'impose comme mon premier coup de coeur de l'année. En espérant qu'il poursuive sur ces bases enthousiasmantes !

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History of the Salaryman nous plonge dans le milieu ultraconcurrentiel de grands conglomérats industriels, notamment pharmaceutiques. C'est au sein du groupe Chunha que le drama se déroule principalement. S'il est dirigé d'une main de fer par le patriarche Jin Shi Hwang, ce dernier songe à sa succession : peu confiant dans les capacités de son ambitieux fils, il espère pouvoir compter sur sa petite-fille, Baek Yeo Chi. Mais cette dernière, excentrique jeune femme trop gâtée, se désintéresse complètement de ces affaires. Dans le même temps, cependant, en dépit des tensions internes, le groupe Chunha développe un nouveau médicament qui pourrait considérablement allonger l'espérance de vie. C'est au cours des essais cliniques du produit, dont la direction est confiée à Cha Woo Hee, que nos principaux protagonistes vont avoir  l'occasion de se rencontrer pour la première fois.

Rêvant d'un emploi stable dans une grande entreprise, Oh Yoo Bang enchaîne pour le moment les petits boulots sans parvenir à trouver sa voie. Finalement, une éventuelle opportunité s'ouvre lorsqu'un cadre de Chunha lui donne pour mission d'infiltrer les essais cliniques afin d'extraire un échantillon du produit miracle inventé. Mais Yoo Bang n'est pas le seul à se trouver diligenté sur place avec une mission similaire : un directeur d'un groupe concurrent, Choi Hang Woo, se fait également admettre dans le même but. Finalement, les effets secondaires du médicament et la découverte (erronée) d'un autre espion industriel précipite la fin du programme (et de la carrière de Woo Hee). Une scène de fureur de Yeo Chi, et la révélation du déroulement du test, achèveront de faire échouer le lancement du produit.

Suite à tous ces évènements, Yoo Bang reçoit un soutien inattendu pour réussir l'examen d'entrée au sein du groupe Chunha. Il a la surprise de retrouver dans son service la caractérielle Yeo Chi, punie pour ses excès d'impertinence et devant désormais accepter le statut de simple salariée. Pendant ce temps, Hang Woo continue d'oeuvrer en coulisse pour la chute du groupe Chunha afin de venger la mort de son père, dont le suicide serait lié au président actuel de l'entreprise.

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Le premier aspect marquant de History of the Salaryman tient à sa richesse de tons. Le drama se révèle en effet être un cocktail détonnant de différents genres, le tout porté par une écriture qui témoigne d'un vrai sens du rythme narratif, ne laissant jamais place à aucun temps mort. Il propose un mélange de thèmes classiques du petit écran sud-coréen, comme l'opposition des classes sociales, les liens personnels naissant peu à peu de premières rencontres antagonistes nourries de qui pro quo, mais aussi des thèmes d'héritage familial et de vengeance... Tout en empruntant ses codes à la comédie, sans hésiter à faire dans le burlesque, la série nous plonge également dans les coulisses de luttes de pouvoir internes et de concurrence, entre et au sein des grandes entreprises. Elle délivre alors des scènes au cours desquelles le drama semble plus emprunter son art des intrigues et des complots, des alliances et des retournements, à un sageuk. Et les confrontations ont les accents de véritables batailles ayant pour cadre l'entreprise. Le résultat, très dense, surprend dans le bon sens du terme.

Il faut dire que ce drama a une façon d'assumer certaines situations les plus farfelues avec un aplomb et un naturel qui s'avèrent très enthousiasmants. Dès les scènes d'ouverture - il débute sur un classique flashforward -, History of the Salaryman s'impose dans un registre prenant et rafraîchissant qui se complaît dans un certain humour noir assumé et qui sait exploiter toute la palette de tonalités à sa disposition. La série captive par sa capacité à manier l'absurde et l'auto-dérision, ne reculant devant aucun ridicule, ni excès théâtralisés, tout en pouvant basculer la minute d'après dans un passage autrement plus sérieux où l'émotionnel prédomine. Le soin apporté aux détails des mises en scène offre aussi son lot de moments proprement jubilatoires. Dans les premiers épisodes, le destin "exceptionnel et tragique" de la fameuse poule du président du groupe Chunha, cobaye du produit miracle, illustre parfaitement cette faculté à flirter avec les extrêmes, en repoussant les limites et en provoquant pour mieux capturer l'attention d'un téléspectateur surpris, sans pour autant jamais en faire trop. 

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Outre ces mélanges osés et dosés, la réussite de History of the Salaryman tient à ses personnages. Ils s'imposent très vite à l'écran, bien caractérisés, permettant d'impliquer émotionellement le téléspectateur dans le devenir de chacun. C'est qu'ils sonnent très humains, avec leurs failles, leurs préconceptions, leurs qualités comme leurs défauts. Aucun n'est unidimensionnel, et leurs personnalités se nuancent progressivement, esquissant une part de complexité et d'ambivalence dès les premiers épisodes. Aucun ne suscite une complète antipathie, même Hang Woo qui, derrière son machiavélisme, laisse entrevoir son lot de blessures. Yeo Chi aurait pu être une énième tête à claque d'héritière, elle est au contraire une jubilatoire explosion permanente de scandales les plus improbables. Les antagonismes et oppositions qui se forment entre les personnages, comme les rapprochements surprenants et associations inattendues qui s'opèrent, forgent des relations volatiles, assez pimentées, qui sont un plaisir à suivre.

De plus, ce qui permet d'être optimiste pour la suite, c'est que les personnages semblent tous disposer d'une marge de progression pour mûrir et véritablement se révéler. Le téléspectateur perçoit chez eux un réel potentiel, narratif et humain, à faire grandir. Comment ainsi ne pas s'attacher à Yoo Bang qui, en dépit de ses réactions parfois excessivement spontanées et assez naïves, n'en démontre pas moins un réel pragmatisme et un sens de la débrouillardise qui finiront par payer ? Fils prodigue ayant hérité du rêve d'ascension sociale de son défunt père, il s'est déjà considérablement endurci au contact de nombre de déceptions. Il apparaît vite comme bien plus complexe et solide que les premières images proposées par la série. De même, on devine que Yeo Chi a un long chemin à parcourir pour quitter ses airs d'enfant gâtée, mais que le caractère de la jeune femme ne l'handicapera pas toujours. Si elle semble si déconnectée de la réalité, elle n'a pas moins toutes les clés en main pour faire quelque chose de sa vie. C'est un tableau donc très vivant et évolutif que forment les personnages.

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Solide sur le fond, History of the Salaryman est également un drama très soigné sur la forme. On y retrouve, avec la même réussite, ce cocktail surprenant qui s'impose comme la marque de la série. La réalisation est impeccable. Sobre quand il faut, elle reste toujours très dynamique, n'hésitant pas non plus à verser dans quelques excès de théâtralisation dans la mise en scène, lesquels, volontairement excessifs, déclencheront chez le téléspectateur plus d'un fou rire. La photographie est plutôt sombre, ce qui correspond parfaitement aux thèmes abordés. De manière générale, l'esthétique apparaît comme un écho parfait à la tonalité versatile du drama. Et l'utilisation de la bande-son est convaincante : cette dernière mêle admirablement les styles les plus divers, entre thèmes pop-culturels connus comme des musiques de films, des morceaux de musique classique au parfum faussement épique et des chansons récurrentes plus orientées k-pop, classiques d'un k-drama.

Enfin, History of a Salaryman ne serait pas aussi enthousiasmant s'il ne s'appuyait pas sur un casting excellent, à la hauteur du scénario. Je ne doutais pas un instant que Lee Bum Soo (On Air, Giant) serait parfait dans ce rôle de salarié a priori moyen qui trouve peu à peu ses marques et amorce son ascension ; j'aime beaucoup comment très vite le personnage s'affirme, sans jamais se départir d'une certaine innocence. J'ai par contre eu un gros coup de coeur pour Jung Ryu Won (Automn Shower, Ja Myung Go), qui était la seule que je ne connaissais pas au sein du casting principal. Alors même que le type de rôle qui lui est confié peut souvent avoir tendance à m'agacer, elle est ici extra en héritière excentrique dont la personnalité va, elle aussi, peu à peu se nuancer. Elle impose une sacrée présence à l'écran. De son côté, Jung Gyu Woon (Dr Champ, Sign) est également efficace dans un rôle assez sombre qu'il maîtrise bien. Enfin Hong Soo Hyun (Temptation of an Angel, Lie to me, The Princess Man) complète avec énergie ce quatuor.

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Bilan : Comédie noire mêlant les genres, toujours très dynamique et souvent jubilatoire, History of the Salaryman est un drama abouti sur le monde des entreprises. Bénéficiant d'une écriture habile, il sait jouer sur tous les registres. Avec un certain sens de la provocation, ne reculant devant aucun excès, il réussit dans l'humour comme dans l'émotionnel, dans l'absurde comme dans les mises en scène plus nuancées et complexes. S'affirmant dans cette alternance des tonalités, la série trouve un équilibre rafraîchissant qui la démarque d'autres productions ayant perdu leur âme dans le sur-formatage.

Même si je ne veux pas trop m'emballer, et que seul le temps nous dira si History of the Salaryman saura préserver l'étincelle de ses débuts, au vu de la solidité de ces premiers épisodes, j'ai envie de faire confiance aux scénaristes pour poursuivre sur cette voie. 


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :


Une chanson de l'OST :

29/01/2012

(FR) Un village français, saisons 1 à 3 : chronique du quotidien ordinaire sous l'Occupation

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Après avoir tant voyagé à travers le globe, j'ai reposé mes valises en France en ce mois de janvier. Mercredi soir, je me suis installée devant Les Hommes de l'Ombre sur France 2. Une fiction pas inintéressante, mais dont l'inégalité chronique est symptomatique de bien des maux qui pèsent sur la télévision française. Pour un passage réussi, combien de flottements téléphonés ?

Je le reconnais, les séries françaises et moi, c'est une longue histoire de désamour. Il fut un temps où j'en testais, parfois avec réussite : j'ai encore le souvenir de Police District qui avait su considérablement me marquer. Mais trop d'insatisfactions ont fini par me lasser. Je suis donc partie en voyage. Ca m'a permis de découvrir qu'il existait des horizons sériephiles inexplorés au-delà des Etats-Unis ; que l'on pouvait trouver des perles dans les petits écrans de pays dont j'ignorais tout. Ce n'est pas une simple quête pour se dépayser. Ca a été (et c'est toujours) une voie d'apprentissage sériephile pour mieux comprendre ce que le petit écran a à offrir.

Avec le recul, je me rends compte que je fonctionne beaucoup par cycles. Tout en diversifiant les nationalités de mes programmes, il y a toujours eu des périodes consacrées à l'exploration plus avancée de tel ou tel pays. En France, hormis quelques exceptions, il faut avouer que j'ai très peu regardé la télévision ces 5 dernières années. Cependant quand, dans le même temps, je vois le dynamisme global que connaissent les productions à travers le monde, j'ai envie de revenir donner une chance à celles à venir ou que j'ai pu rater. J'ai donc pris des résolutions pour 2012 : jeter un oeil aux séries de Canal + (j'ai donc investi dans les DVD de Reporters et d'Engrenages). Et puis, prendre le temps de rattraper une série qui m'intriguait depuis ses débuts : Un Village français sur France 3. 

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Un Village français a été créée par Frédéric Krivine, Philippe Triboit et Emmanuel Daucé. Elle a débuté sur France 3 le 4 juin 2009. Si elle compte déjà trois saisons, une quatrième sera diffusée ce printemps 2012. Il faut préciser que j'ai visionné les deux premières saisons, de six épisodes chacune, l'année dernière. Puis, en ce mois de janvier, je me suis lancée dans la troisième, me surprenant à la regarder à un rythme beaucoup plus soutenu tant le récit était devenu vraiment prenant. On peut donc dire que cette série constitue ma première expérience concluante de ce cycle "séries françaises".

Un Village français entreprend de nous plonger dans la Seconde Guerre Mondiale, et plus précisément durant l'occupation allemande, en s'intéressant au quotidien d'une petite ville de province, sous-préfecture fictive du Jura, Villeneuve, qui se situe non loin de la ligne de démarcation. La série débute en juin 1940 et devrait donc nous raconter les cinq années qui vont suivre jusqu'à la libération et la fin de la guerre. C'est aux côtés de la population civile que nous allons vivre ces années difficiles. Que ses personnages soient entrepreneur, agriculteur, maire, policier ou institutrice, c'est à la survie de citoyens ordinaires dans des circonstances extraordinaires qu'est consacrée la série. Elle va nous relater leurs doutes, leurs choix, les prises de positions, mais aussi les sacrifices que les circonstances précipiteront.

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En premier lieu, il est impossible de rédiger une critique d'Un Village français sans souligner l'affirmation progressive que la série connaît. En effet, elle bénéficie d'une amélioration constante à chacune de ses saisons, comme si les scénaristes gagnaient en assurance et maîtrisaient de mieux en mieux leur thème, leurs objectifs, mais aussi le format télévisuel choisi. Initialement, pour s'imposer comme une chronique humaine et chorale s'intéressant au quotidien d'une galerie de personnages, la fiction fait le choix de s'intéresser à des journées-clés, souvent espacées, dont les évènements sont représentatifs de tout ce qui est en train de se passer dans le pays. Hormis quelques accélérations dramatiques opportunes, comme pour le 11 novembre 1940, chaque épisode apparaît comme une forme d'instantané semi-indépendant. Or, au cours de la saison 3, la perspective change : le feuilletonnant devient dominant, et les scénaristes prennent alors la pleine mesure du format.

Si elle compte 12 épisodes, et non plus 6 comme les deux premières, la saison 3 est plus ramassée, se déroulant sur une période plus brève. Le récit est dense, porté par une tension dramatique croissante, et rythmé par d'efficaces cliffhangers. Un Village français devient alors véritablement captivant : désormais le téléspectateur est naturellement porté à enchaîner les épisodes, au vu de tout ce qui est laissé en suspens. On assiste clairement à la construction de grands arcs narratifs, la saison formant une sorte de boucle, les derniers épisodes concluant et tirant les conséquences des évènements tout en redistribuant les cartes et en laissant incertain le destin de plusieurs protagonistes pour la saison suivante. Si le nombre d'épisodes conduit à peut-être étirer un peu trop certaines storylines qui perdent alors une part de leur intensité (la préparation de l'attentat par les communistes notamment), dans l'ensemble, ce changement d'approche est maîtrisé et surtout vraiment perceptible pour le téléspectateur.

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Outre cette prise de conscience des possibilités offertes par le format, à laquelle il est vraiment intéressant d'assister, Un Village français mérite également le détour en raison de son sujet et de la manière dont il est traité. C'est ici dans le registre de la reconstitution historique que la série s'impose. En faisant le choix de traiter de cette zone grise que représente l'occupation, sa première réussite va justement être de ne jamais tomber dans une approche manichéenne qui aurait été par trop réductrice. Au contraire, elle dresse un tableau très nuancé de tous ces habitants, ordinaires, qui poursuivent comme ils le peuvent leur vie. Elle montre bien combien les positions de chacun peuvent fluctuer et dépendre des circonstances ou du statut social, mais aussi combien il est difficile d'analyser une situation comme celle de l'occupation dans l'immédiateté, sans avoir le moindre recul, alors que l'on est pris dans toutes ces difficultés - alimentation, couvre-feu, ligne de démarcation - qui entravent désormais le quotidien.

Qu'ils fassent avant tout preuve de pragmatisme, qu'ils suivent de réelles convictions politiques ou nationalistes, ou qu'ils soient simplement entraînés par les circonstances, les personnages sont amenés à faire des choix. Au fil des saisons, une radicalisation s'opère. Il est frappant de constater combien les motifs qui provoquent les glissements vers une résistance ou une collaboration actives sont très différents. Si initialement, chaque protagoniste apparaît comme un stéréotype représentatif d'une situation, à mesure que la série avance, les personnages gagnent en épaisseur. Les motivations et les failles de chacun apparaissent au grand jour. Ils s'affirment, se radicalisent, leur psychologie se développe et se précise. Le téléspectateur en a alors une meilleure compréhension. Cette progression contribue ainsi à les humaniser, transformant la chronique rigoureuse mais un peu distante des débuts, en un récit dans lequel on s'implique de plus en plus émotionnellement.

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Sur la forme, Un Village français est une série soignée. La réalisation est parfaitement maîtrisée, ni trop figée, ni trop nerveuse, mais restant toujours très posée et capable de s'adapter aux différentes scènes. La photographie permet une belle reconstitution historique. De plus, la série dispose d'un générique très bien pensé dont la teinte beige, semblable aux anciennes photos d'époque, donne l'impression d'inviter le téléspectateur à feuilleter les archives de cette petite ville provinciale.

Enfin, le casting se révèle homogène et solide, ce qui est déterminant dans le cadre d'une série chorale comme Un Village français. Si on peut ressentir plus ou moins d'affinités pour certains personnages, et si suivant les saisons, tous ne sont pas mis en valeur pareillement, les acteurs délivrent des interprétations globalement sans fautes. Parmi eux, on retrouve notamment Robin Renucci, Audrey Fleurot, Nicolas Gob, Thierry Godard, Nade Dieu, Emmanuelle Bach, Patrick Descamps, Fabrizio Rongione, Marie Kremer, Maxim Driesen, Max Renaudin, Lucie Bonzon, Nathalie Cerda, Constance Dollé, Samuel Theis ou encore Richard Sammel.

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Bilan : Reconstitution historique soignée, abordant avec toute la nuance nécessaire cette période complexe qu'a été l'occupation allemande durant la Seconde Guerre Mondiale, Un Village français est une série qui grandit au fil des saisons. Son écriture s'affirme progressivement. Non seulement, elle va prendre pleinement conscience des possibilités offertes par son format, en embrassant un rythme feuilletonnant particulièrement efficace au cours de la saison 3. Mais elle va aussi peu à peu humaniser ses personnages, retranscrivant les conflits qui les agitent et permettant de mieux comprendre les choix qu'ils font ou feront. Une série donc intéressante à découvrir à plus d'un titre !


NOTE : 7,25/10


Une bande-annonce (saison 2) :

Le générique :