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10/08/2012

(Pilote DAN) Rita : une dramédie familiale attachante et rafraîchissante

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Quand un téléspectateur pense aux séries venues de Scandinavie, instinctivement s'imposent à son imagination des morceaux d'ambiance noire et glacée, de polars épurés et violents... Mais le petit écran de l'Europe du Nord, ce n'est pas seulement ça. A côté des innovations expérimentales comme Äkta Människor qui a prouvé que la Suède pouvait s'aventurer sans rougir sur le terrain de la science-fiction, figurent aussi des fictions plus traditionnelles qui méritent également un éclairage, à l'image d'une attachante dramédie dont je viens de visionner le premier épisode : Rita

Tout d'abord, il faut préciser qu'à la différence de Borgen ou de Forbrydelsen, les séries danoises les plus connues à l'international ces dernières années, nous ne sommes pas sur DR, mais sur TV2. Créée par Christian Torpe, Rita a été diffusée sur cette chaîne en début d'année 2012, à partir du 9 février (LadyTeruki y avait consacré un billet). Sa première saison compte 8 épisodes d'une quarantaine de minutes chacun. Elle a été plutôt bien accueillie par les critiques comme par le public danois, et une seconde saison a donc été commandée. C'est tant mieux car ce pilote introduit une dramédie dynamique et attachante dont j'ai envie de poursuivre le visionnage.

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Abordant la vie avec une indépendance d'esprit jalousement conservée, Rita est une femme au fort caractère qui n'a pas son pareil pour aller au conflit et dire des vérités qui ne sont pas toujours plaisantes à entendre à ceux qu'elle côtoie. Chérissant le politiquement incorrect, son quotidien se construit donc dans la confrontation. C'est aussi de cette manière qu'elle a élevé seule ses trois enfants. Deux sont désormais de jeunes adultes : Ricco, qui envisage de se marier avec sa fiancée, tandis que Molly vient tout juste de rompre avec son ami. Le dernier, Jeppe, est encore adolescent à une période où chacun se cherche.

C'est un euphémisme d'écrire que la philosophie de vie de Rita ne fait pas l'unanimité autour d'elle. Un aspect qui apparaît encore plus clairement lorsque lui est présentée la future belle-famille de Ricco (surtout lorsqu'elle découvre avec surprise qu'elle est sortie dans sa jeunesse avec le père de la fiancée de son fils). Par ailleurs, Rita est enseignante. Adorant son métier, elle exerce dans une école à deux pas de sa maison ; et ses méthodes, parfois brusques et sans diplomatie vis-à-vis de certains élèves comme des parents, lui valent également son lot de tracas quotidiens. 

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Rita est une dramédie dynamique et attachante qui entend s'intéresser aux deux univers gravitant autour de son personnage central : d'une part sa vie professionnelle avec les ennuis qui peuvent surgir à l'école, et d'autre part sa vie personnelle et sa gestion de sa famille. Le ton de la série se veut à l'image de l'héroïne : les dialogues cultivent un certain décalage et une franchise très plaisante. Cela donne un ensemble plein de vitalité et globalement léger, prêtant ainsi à plus d'un sourire.

Alors même que le pilote aborde des sujets très classiques et met en scène des figures finalement toutes assez familières au téléspectateur, il renvoie dans le même temps une vraie impression de fraîcheur. En effet, Rita détonne dans un quotidien scolaire où ses méthodes de travail et ses réparties font d'elle un véritable électron libre. C'est sans surprise qu'elle est peu appréciée des autres adultes. Mais c'est aussi grâce à cette attitude, si souvent reprochée, qu'elle trouve facilement ses marques dans son métier et auprès de la plupart des élèves - même si, comme partout, certains goûtent peu à son approche guère orthodoxe. Sans chercher à innover, la série entreprend donc surtout de dépoussiérer son cadre connu pour mieux l'exploiter. Et dans ce premier épisode, la recette fonctionne.

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La série repose logiquement en grande partie sur les épaules de Rita. L'écueil à éviter était de trop en faire et de tomber dans un one woman show vite indigeste. Mais ce premier épisode rassure, en soignant les dynamiques relationnelles entre tous les personnages. Les échanges y sont souvent, à l'image de Rita, portés par une franchise flirtant avec l'insolence. L'enseignante apporte à toutes ses interactions une authenticité propre à sa façon d'être, mêlée à une spontanéité parfois assez touchante. C'est ainsi qu'est dépeinte son aventure avec le directeur de l'école, mais on découvre que ses rapports avec ses enfants ne sont pas si différents. Elle est à la fois un soutien indéfectible pour eux, mais n'hésite pas non plus à les provoquer : l'accueil glacial réservé à la future belle-famille de Ricco, ou bien sa gestion des doutes de Jeppe sur son orientation sexuelle, l'illustrent bien.

Surtout, derrière l'attitude forte de Rita, on devine que se cachent d'autres blessures : ce registre de provocation continuelle dans lequel elle s'enferme est avant tout un mécanisme de défense, cachant tant bien que mal des incertitudes. A ce titre, un des dialogues les plus mémorables de ce pilote a lieu entre Rita et une de ses élèves, Rosa, trop sérieuse pour apprécier ses méthodes. Pour l'inviter à se dévergonder, Rita cherche à créer un électrochoc en pointant l'isolement de l'adolescente, "adulte au milieu d'adolescents". Or cette dernière réplique avec beaucoup d'acuité sur le même registre : Rita n'est pas acceptée dans le monde des adultes car elle est restée dans sa tête une jeune rebelle aux conventions. Cette remarque appuie là où cela fait mal pour Rita qui dévoile pour la première fois de l'épisode un pan beaucoup moins assuré de sa personnalité. Elle s'humanise, gagne en profondeur, et donne envie au téléspectateur d'apprendre à la connaître.

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Le dynamisme qui marque la narration de Rita est également perceptible dans la forme de la série. Cette dernière bénéficie d'une réalisation soignée, avec une photographie très claire et épurée. L'ensemble correspond bien à la tonalité du récit. La caméra sait accompagner la vitalité communicative du scénario. De plus, la série bénéficie d'une bande-son musicale plaisante, avec un thème principal entêtant et rythmé. Quant au générique, s'il ne cherche pas particulièrement à faire dans l'innovation, il reste sympathique.

Enfin, Rita réunit un casting très énergiquement conduit par Mille Dinesen (Borgen) qui trouve le juste équilibre pour imposer la personnalité forte de l'héroïne sans en faire trop et risquer de braquer les téléspectateurs. Ses enfants sont respectivement interprétés par Morten Vang Simonsen (Ricco), Sara Hjort Ditlevsen (Molly) (Forestillinger) et Nikolaj Groth (Jeppe). On retrouve à leurs côtés Carsten Bjørnlund (Forsvar, Forbrydelsen 2, Pagten) en principal qui n'est pas insensible au charme de Rita, Lise Baastrup en nouvelle enseignante qui découvre le métier, Ellen Hillingsø (Pagten, Livvagterne, Broen/Bron) en rigide conseillère encadrant les moeurs de l'établissement, ainsi que Lykke Sand Michelsen et Carsten Norgaard en futurs beaux-parents du fils aîné un brin inquiets à la perspective de rentrer dans la famille de Rita.

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Bilan : Avec son héroïne enseignante et un concept de départ qui n'ambitionne pas de révolutionner le genre investi, Rita signe un pilote extrêmement sympathique qui pose les bases solides d'une dramédie rafraîchissante, drôle à l'occasion, et que ses personnages contribuent à rendre attachante. Tout en se positionnant dans le registre du divertissement familial, la série bénéficie d'une figure principale qui apporte une fraîcheur et un dynamisme communicatifs à l'ensemble. Il est certain que les thèmes traités, scolaires comme familiaux, resteront assez classiques, mais si la série sait conserver la tonalité de ce premier épisode, son visionnage devrait être très plaisant (d'autant que ses saisons ne comptent que 8 épisodes).

En plus, c'est aussi l'occasion de découvrir un autre pan du petit écran danois. Reste donc à espérer que la série dépasse les frontières danoises et arrive jusqu'à nous (elle apparaît suffisamment fédératrice pour pouvoir être diffusée par toute chaîne).


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

05/02/2012

(DAN) Forestillinger (Performances) : la vie est une vaste représentation théâtrale où l'on joue tous un rôle


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Cela faisait quelques mois que le Danemark ne s'était plus invité sur My Télé is Rich!. Non que j'avais délaissé le petit écran scandinave, ayant par exemple dévoré fin décembre la saison 2 de Borgen (à ce sujet, petit rappel : la saison 1 démarre ce jeudi, en prime-time en plus, sur Arte ; c'est l'occasion d'être curieux !), mais je n'étais plus partie à la découverte de nouveaux horizons. Or, suite au visionnage du pilote de Smash, j'avais envie de retrouver les coulisses d'une création artistique. Se programmer une intégrale de Slings & Arrows était évidemment tentant (même si peu raisonnable), mais je me suis rappelée que j'avais une autre série, danoise cette fois-ci, s'intéressant également au théâtre, qui m'attendait depuis quelques temps.

Forestillinger (Performances en version anglaise) est une série, composée de 6 épisodes d'1 heure chacun, diffusée par la chaîne publique danoise DR1 au printemps 2007. Ecrite par Lars Kjeldgaard, il s'agit de la première série télévisée du réalisateur Per Fly, avec lequel sont peut-être familiers ceux qui, parmi vous, s'intéressent au cinéma danois, notamment pour sa trilogie The Bench (2000), The Inheritance (2003) et Manslaughter (2005). Plus qu'une série sur les coulisses d'une représentation, Forestillinger est une véritable expérience narrative, assez fascinante, explorant sans artifice les relations humaines. Son visionnage aura été très intéressant.

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Forestillinger s'intéresse aux coulisses de la préparation d'une adaptation de Venus et Adonis, de William Shakespeare, écrite par Marko, un directeur qui a révolutionné le théâtre danois dans les années 90. Même si tout le monde ne le sait pas encore, il s'agira de la dernière production du Théâtre Sortedam. Le récit couvre une période de six semaines qui s'ouvre avec le début des répétitions de la pièce, pour se conclure dans les applaudissements du public le soir de la première représentation.

L'originalité de Forestillinger tient à la construction narrative très particulière qu'elle adopte. En effet, chaque épisode couvre l'intégralité de ces six semaines, et la série va faire le choix de nous raconter cette période six fois, à travers les yeux d'un personnage différent à chaque fois. Six points de vue pour une même histoire en quelque sorte. Mais chacun des protagoniste apparaît à un croisement de sa vie, à l'heure de devoir assumer les conséquences de choix passés ou de prendre des décisions importantes pour le futur. Plus qu'une simple représentation théâtrale, le travail de mise en scène de ce poème shakespearien va se révéler être un véritable chemin introspectif, souvent douloureux, mais probablement nécessaire pour chacun d'entre eux.

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Forestillinger est tout d'abord une véritable expérience narrative qui interpelle et interroge le téléspectateur sur son rapport à la réalité. Troublante et fascinante, elle souligne l'extrême subjectivité inhérente aux perceptions humaines. A priori, faire le choix de raconter une même période de temps, en empruntant six points de vue différents, aurait pu faire craindre un risque de répétition un peu lassante ; il n'en est rien. Car la première réussite de la série réside justement dans sa faculté à exploiter pleinement son intriguant concept de départ. Chaque heure éclaire un personnage dont on adopte la perspective, c'est-à-dire le ressenti, mais aussi la façon d'analyser et de comprendre tout ce qui l'entoure. Pour y parvenir, les scénaristes se livrent alors à un véritable exercice d'écriture et de réécriture permanente d'une même période.

Chaque épisode opère une sélection des passages considérés comme importants pour le protagoniste concerné, apportant son lot de scènes inédites. Mais ce sont surtout les moments partagés à plusieurs qui retiennent l'attention : un même passage verra ses dialogues édités et pourra ainsi être relaté de manière complètement différente d'un personnage à l'autre. Le scénariste nous place véritablement dans leur tête, et la caméra nous montre, à travers leurs yeux, le déroulement des évènements. La façon dont un même échange peut sembler très dissemblable d'un épisode à l'autre, ou le fait que certains éléments sont occultés ou mis en lumière de manière exacerbée suivant le personnage, offre un storytelling mouvant qu'il est fascinant de voir se construire et se déconstruire, sans que l'on sache qu'elle est la version de l'histoire la plus proche de la réalité. A mesure que les pièces de ce vaste puzzle humain se mettent en place, la série devient une réflexion très intéressante sur notre façon d'appréhender ce qui nous entoure, tout en permettant une compréhension rare de ses protagonistes.

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En effet, le second atout de Forestillinger tient à l'empathie que chaque personnage est capable de susciter. Tout en abordant des thématiques relationnelles relativement classiques, qu'il s'agisse d'amour, d'amitié ou des rapports parents/enfant, la série réussit à nous impliquer dans le sort de chacun. D'une finesse et d'une justesse psychologiques à saluer, elle place la compréhension de ses "sujets" au centre de son récit, s'efforçant de capturer l'essence de toutes ces personnalités très différentes. Pour cela, elle n'hésite pas à utiliser des parenthèses au cours desquelles les personnages se livrent directement face à la caméra. Ils donnent alors spontanément dans ce confessionnal improvisé leurs impressions sur ce qui vient de se passer, avec souvent une franchise rare. C'est sur ces bases solides que la série va pouvoir explorer les passions, les failles et les forces qui rythment les parcours de chacun. Si tous les épisodes ne se valent pas en intensité - le cinquième étant peut-être le plus faible -, ils trouvent tous une résonnance particulière auprès d'un téléspectateur qui ne reste jamais insensible.

Il faut dire que les six semaines choisies sont une période déterminante où chaque personnage se trouve à un carrefour. Ils voient leurs certitudes être remises en cause et vont finalement se découvrir eux-mêmes dans des circonstances personnelles et professionnelles peu plaisantes. Forestillinger acquiert ici une autre dimension. La série n'est pas une simple fiction sur les coulisses d'une production. Les lignes de démarcation entre la préparation de la représentation théâtrale et la vie de chacun des personnages se troublent peu à peu et finissent parfois par disparaître complètement. Pour les trois acteurs principaux de la pièce, ainsi que pour Marko, cette dernière devient un moyen d'exprimer leurs sentiments, et d'extérioriser les conflits et les émotions qui les déchirent. Paradoxalement, tandis que le théâtre apparaît comme une véritable métaphore de la vie, au fil des épisodes, la vie s'apparente elle de plus en plus à une vaste représentation où chacun joue et se voit attribuer un rôle.  

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Sur un plan formel, la maîtrise dont fait preuve Forestillinger contribue grandement à la réussite de la série. La réalisation est d'une sobriété travaillée, chaque plan semble étudié, alternant cadre serré ou large suivant l'impression de proximité que le réalisateur veut donner à la scène. La photographie est soignée, avec une dominante de couleurs froides qui correspond parfaitement à la tonalité avant tout dramatique de l'histoire. De plus, la série bénéficie également d'une bande-son originale superbe : entre accompagnement minimaliste au piano et passages plus dynamiques, la musique est un élément à part entière de la narration. Sur bien des points, l'influence de Per Fly est perceptible, et le petit écran fait sien une mise en scène très cinématographique.

Enfin, Forestillinger doit également beaucoup à son casting, homogène, qui délivre un ensemble de prestations authentiques et troublantes à la hauteur de la subtilité et des ambivalences du scénario. Si Mark, interprété par Dejan Cukic (Nikolaj og Julie, Borgia), reste le pivôt central et le dénominateur commun de tous les récits, chaque acteur a droit à un épisode dans lequel il peut s'affirmer et s'imposer. Et tous sont capables de proposer des performances où l'émotion surgit à fleur de peau, à mesure que leur personnage se décompose sous l'oeil de la caméra. Par ordre d'épisode leur étant consacré - le dernier étant logiquement celui de Marko -, on retrouve Mads Wille, Sonja Richter (Forsvar), Sara Hjort Ditlevsen, Pernilla August et Jesper Christensen (Kroniken, Revelations).

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Bilan : Disposant d'un casting convaincant et bénéficiant d'une réalisation impeccable, la grande originalité de Forestillinger tient à l'expérience narrative assez fascinante qu'elle fait vivre au téléspectateur. Pour exploiter pleinement ce concept d'une même période racontée suivant six points de vue différents, la pièce de théâtre est le cadre parfait. Quoi de mieux qu'une représentation artistique pour s'interroger sur notre perception fluctuante et subjective de la réalité, et plus généralement sur les rôles que la vie nous fait tous jouer consciemment ou inconsciemment ? De plus, en s'intéressant aux fondements des relations humaines, la série sait également jouer efficacement sur la carte du drama et de l'émotionnel.

Le résultat reste particulier (ce qui en soit est déjà un point positif), et Forestillinger peut sans doute dérouter plus d'un téléspectateur. Mais c'est une série qui mérite assurément le coup d'oeil pour son parti pris narratif. A découvrir ! 


NOTE : 8,5/10


Un aperçu de la série :