15/12/2013
(FR) Un Village Français, saison 5 : dans la Résistance de 1943
Un Village Français est incontestablement une des séries françaises actuelles les plus abouties. Mieux, elle est l'exemple qui me vient toujours en tête quand je veux montrer combien une fiction peut bénéficier de la durée, avec une écriture qui mûrit au fil de l'expérience et une exploitation du format télévisé qui devient de plus en plus engageante. N'ayant pas pu suivre la diffusion sur France 3 cet automne, c'est par les DVD que j'ai découvert (et rapidement visionné) cette saison 5 fin novembre : l'occasion de se rendre compte que, en effet, les épisodes s'enchaînent tout seuls dans le petit écran, et qu'elle n'a décidément rien à envier à ses consœurs pour faire céder le téléspectateur aux sirènes du "binge-watching".
[La review qui suit contient des spoilers sur des évènements de cette saison 5.]
Cette saison 5 ne manquait pourtant pas de défis à relever. Suivant le schéma chronologique désormais bien établi, la série progresse d'une année par rapport à la saison 4, et nous plonge dans les problématiques de 1943, en France, face au Service du Travail Obligatoire (STO), mais aussi face aux rapports de force en train de changer au sein de la guerre qui se joue à l'échelle mondiale. Pour continuer de nous conter le conflit à l'échelle de Villeneuve, Un Village français doit trouver chaque saison le juste équilibre entre ses personnages historiques et l'introduction de nouvelles figures qui représentent les grands thèmes traités au cours des douze épisodes. Elle doit accepter -et faire accepter par le téléspectateur- de reléguer au second plan certains, pour conserver la cohésion d'un récit dont l'ambition narrative dépasse les seules destinées personnelles.
La première des réussites de cette saison est d'avoir justement su intégrer ses nouveaux protagonistes et impliquer le téléspectateur à leurs côtés. Le refus du STO conduit vers les maquis de jeunes hommes qui ne s'étaient jusqu'à présent jamais engagés. Ils se tournent vers une résistance, dont le terme large recouvre une réalité éclatée d'organisations embryonnaires, manquant chroniquement de moyens. L'un des enjeux de la saison est ainsi la formation d'un groupe, mais aussi l'affirmation d'un leader, Antoine, qui prend en main ces jeunes gens désœuvrés qui se cachent. Plus que jamais, l'époque est aux choix. Les circonstances poussent d'ailleurs à la radicalisation de part et d'autre... tandis que les opportunistes sentent le vent tourner et songent déjà à négocier l'après-guerre.
Un des éléments intéressants de la saison est la justesse de l'équilibre trouvé dans la tonalité du récit. Derrière les accents de tragédie d'un récit au sein duquel les victimes ne manqueront pas, l'écriture s'attache à capturer l'humanité de chacun, avec ses failles, ses instants de solidarité, ses principes inébranlables portés en étendard ou ses moments de lâcheté... L'ordinaire confronté à l'extraordinaire reste le leitmotiv... Les circonstances et les épreuves changent chacun, quel que soit son camp, emporté toujours plus loin dans un tourbillon qu'il ne maîtrise pas. Illustrant cette approche, la mise en scène du maquis des réfractaires au STO se retrouve associée à un thème inattendu : le théâtre. Cette passion d'un des amis d'Antoine se superpose étonnamment aux drames qui se jouent, introduisant un décalage, une parenthèse, qui apparaît comme une éphémère échappatoire.
Initialement, le fil rouge théâtral tend parfois à occuper un peu trop de temps par rapport au reste, mais ce parti se retrouve justifié a posteriori par sa conclusion, qui achève la saison sur une scène, métaphore aussi déchirante que magistrale, qui laisse des frissons au téléspectateur. Il faut dire que la mort plane sur tous ces épisodes, qu'il s'agisse des coups d'éclat de la résistance ou bien des passages à l'intérieur de la prison, dans cette cellule froide salle d'attente pour une mort promise devant le peloton d'exécution. A ce titre, il était logique que des figures historiques finissent par tomber, elles aussi, sur ce champ de bataille. Ce sera un des personnages les plus engagés, Marcel, celui qui, dès le départ, s'est toujours battu pour ses convictions. L'amère ironie de le voir fusillé aux côtés de celui qui représente la collaboration la plus zélée apporte d'ailleurs une dimension supplémentaire à cette exécution.
Bilan : Si Un Village français a eu besoin de quelques épisodes pour reconstruire son équilibre entre personnages historiques et nouvelles figures au cours de cette saison 5, la série a conservé intacte la force de son récit. Toujours très humaine, c'est dans un versant émotionnel et poignant qu'elle acquiert toute sa dimension, face aux drames, aux arrestations et aux dilemmes auxquels doivent faire face les différents personnages. Comme dans les deux saisons précédentes, le rythme narratif exploite aussi pleinement le format sériel, capable d'accélérer et de maintenir en suspens la tension qui convient pour s'assurer que le téléspectateur sera au rendez-vous pour la suite.
Un Village français continue donc de mûrir, de se renouveler et de se construire épisode par épisode pour reconstituer son époque... Je reste une fidèle. Rendez-vous pour la saison 6 !
NOTE : 7,75/10
La bande-annonce de la saison 5 :
17:03 Publié dans (Séries françaises) | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : un village français, france 3, robin renucci, thierry godard, nicolas gob, audrey fleurot, nade dieu, françois loriquet, emmanuelle bach, marie kremer, maxim driesen, richard sammel, cyril couton, martin loizillon, bernard blancan, pascal demolon | Facebook |
01/06/2013
(FR) Alias Caracalla : au coeur de la Résistance
Je vous propose aujourd'hui de délaisser les contrées exotiques, puisque c'est le petit écran français qui va être à l'honneur. Je voudrais en effet en profiter pour revenir sur une fiction diffusée sur France 3 le week-end dernier, les samedi et dimanche soirs : Alias Caracalla. Il s'agit d'un téléfilm, comportant deux parties de 90 minutes chacune. Transposant à l'écran les mémoires de Daniel Cordier, résistant qui passa presque une année au service de Jean Moulin, le sujet s'annonçait très intéressant.
Comme trop souvent avec la fiction française, j'étais passée complètement à côté de la diffusion durant le week-end (j'ai conscience du paradoxe qu'il y a à maîtriser les grilles des programmes de pays lointains tout en restant malheureusement dans une relative ignorance de sa télévision nationale). J'ai donc profité de pluzz.fr pour rattraper cette négligence durant la semaine. Je ne l'ai pas regretté, car ces 3 heures denses et bien menées m'ont agréablement surprise, entraînant le téléspectateur dans les coulisses de la Résistance.
Alias Caracalla est le récit du parcours de Daniel Cordier durant la Seconde Guerre Mondiale. Il couvre trois années, de 1940 à 1943. En juin 1940, il est alors un jeune militant énergique à l'Action française, maurrassien et antisémite dans la lignée de l'éducation qu'il a reçue. Refusant la défaite et l'armistice demandée par le maréchal Pétain, il embarque dans les jours qui suivent sur un bâteau pour gagner les forces françaises d'Afrique du nord. Mais le navire est dérouté vers l'Angleterre. C'est finalement dans les forces françaises libres londoniennes qu'il s'engage. Après deux années d'entraînement, il est parachuté en France en 1942.
Débute alors la deuxième partie du récit : il devait être le radio de Georges Bidault, il devient finalement le secrétaire de l'envoyé du général De Gaulle à Lyon, Jean Moulin. Au contact de ce républicain aux opinions diamétralement opposées, Daniel Cordier apprend beaucoup, évoluant peu à peu politiquement. Il va être le témoin privilégié des tensions et des rapports de force constants qui divisent alors les mouvements de Résistance, assistant aux efforts réalisés pour les unifier et créer le Conseil National de la Résistance. Ce dernier sera réuni pour la première fois fin mai 1943. Quelques semaines plus tard, Jean Moulin est arrêté à Caluire.
Choisir d'évoquer la Résistance de la perspective de Cordier, c'est permettre à Alias Caracalla de se réapproprier la vivacité de son jeune protagoniste principal : la narration est dès le départ très dynamique, sans temps mort, accompagnée d'une réalisation tout aussi nerveuse. Impulsif et campé sur ses certitudes, Cordier a des opinions antirépublicaines très tranchées qu'il revendique ouvertement et n'hésite pas à partager. Le premier intérêt du récit est d'assister à son évolution au cours de ces trois années : ses certitudes vont d'abord être confrontées à la défaite et aux réactions de chacun devant une armistice qui redessine les camps, puis il apprend ensuite beaucoup au contact de celui dont il devient le secrétaire.
Tout en soulignant les différences entre l'ancien préfet et celui qui fut militant à l'Action française, le téléfilm éclaire l'influence que va avoir le premier sur le second : Moulin, que Cordier ne connaît que par ses fonctions actuelles et un pseudonyme, ne lui apporte pas seulement une autre grille de lecture politique, il lui ouvre plus généralement de nouveaux horizons, à l'image de leurs conversations sur la peinture. Insistant sur les rapports de travail, mais aussi humains, qu'entretiennent les deux hommes, Alias Caracalla se montre intéressant, tout particulièrement parce que la figure de Jean Moulin est très bien caractérisée. Le récit lui restitue une vraie complexité et une nuance, rejetant toute tentation d'une représentation monolithique d'une icône de la Résistance. Cela est sans conteste la grande réussite de ce téléfilm.
Dans le même temps, Alias Caracalla nous fait pénétrer dans la Résistance des années 1942-1943. Il la raconte du point de vue des envoyés de Londres. Suivre les pas de Cordier n'est pas une histoire de faits d'armes. C'est un récit besogneux, celui d'un travail de secrétariat et de coordination d'une organisation éclatée que l'on tente d'unifier et de rendre cohérente. De cet éclairage de la gestion quotidienne de la direction d'une lutte clandestine, le téléspectateur retient les enjeux autour de la distribution des fonds londoniens, mais aussi les tensions idéologiques et les batailles d'égos entre les dirigeants des mouvements, qui transforment chaque réunion en rapports de force permanents.
Toute la deuxième partie du téléfilm relate la difficile gestation et création du Conseil National de la Résistance. Le récit s'y fait didactique, avec une volonté manifeste de privilégier l'essentiel, refusant d'alourdir le récit de détails non nécessaires à la compréhension globale de ce qui se joue. Si la tension n'en souffre pas, ce choix amoindrit quelque peu la force de la reconstitution historique : il aurait pu être intéressant d'enrichir ce tableau, en expliquant plus précisément la réalité des situations et les nuances liées aux positions de chacun. Le téléfilm fait le choix de suivre son fil rouge, avec une approche restreinte à ce cadre. Comme la période est suffisamment bien connue du téléspectateur, ces réserves restent anecdotiques ; d'autant que ce parti pris fonctionne bien à l'écran, légitimé par une narration efficace.
Enfin, une autre des forces de Alias Caracalla repose sur la performance d'ensemble d'un casting très solide. Dans un rôle de jeune impulsif aux idées radicales qui, progressivement mûrit et évolue, Jules Sadoughi délivre une prestation vive et énergique, pleine de l'aplomb de la jeunesse. Il capture et partage à merveille l'intensité de Cordier et de ses convictions. L'autre acteur à se démarquer de façon notable au fil de ces trois heures est un très convaincant Eric Caravaca dans le rôle de Jean Moulin : son jeu est nuancé et sobre, tout en apportant dans le même temps une présence particulière à l'écran à chacune de ses apparitions. L'association de ces deux personnalités aux parcours très différents est mise en scène de façon convaincante. A leurs côtés, on retrouve notamment Nicolas Marié, Jean-Michel Fête, Léo-Paul Salmain, Julie Gayet, Louis-Do de Lencquesaing, Laurent Stocker, Grégory Gadebois, Thierry Hancisse, Lou de Laâge, François Loriquet, Géraldine Martineau, Lazare Herson-Macarel, Olivier Chantreau et François Civil.
Bilan : Récit dynamique, Alias Caracalla est l'histoire prenante d'un parcours personnel atypique en des temps extraordinaires que sont ceux d'une guerre. L'angle est intéressant : il permet d'esquisser, en allant à l'essentiel, un portrait d'une Résistance des années 1942-1943 désunie et tiraillée par les ambitions, tout en éclairant plus particulièrement la figure de Jean Moulin, dont la caractérisation est une des réussites du téléfilm. C'est donc un visionnage que je recommande : outre la dimension historique, c'est une solide fiction bien menée qui saura retenir l'attention d'un public au-delà de ceux qui s'intéressent à la Deuxième Guerre Mondiale. Elle est encore disponible pour quelques heures sur pluzz.fr ; sinon notez la sortie prochaine du DVD. De mon côté, je vais tenter de mettre la main sur les mémoires dont ce téléfilm est l'adaptation !
NOTE : 7,5/10
Pour un aperçu, deux extraits :
09:45 Publié dans (Séries françaises) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : france 3, alias caracalla, jules sadoughi, éric caravaca, nicolas marié, jean-michel fête, léo-paul salmain, julie gayet, louis-do de lencquesaing, laurent stocker, grégory gadebois, thierry hancisse, lou de laâge, françois loriquet, géraline martineau, lazare herson-macarel, olivier chantreau, françois civil | Facebook |
28/10/2012
(FR) Un Village français, saison 4 : une chronique ordinaire dense et marquante de la France de 1942
Un de mes plus intéressants rattrapages de séries françaises effectué cette année aura sans conteste été la découverte de Un Village français. Une oeuvre au sujet fort, ambitieux, qui gagne en maîtrise, en intensité et en qualité tout au long des trois premières saisons sur lesquelles j'avais eu l'occasion de revenir dans un bilan rédigé en début d'année. Depuis, la quatrième saison 4 a été diffusée au printemps 2012. J'ai investi dans le coffret DVD les yeux fermés. Avec raison.
Elle confirme en effet la place de la série parmi ces fictions qui démontrent que, oui, la France est capable de faire de bonnes, voire très bonnes, séries, exploitant pleinement le format télé et sachant les faire mûrir au fil des épisodes. En attendant la cinquième saison, annoncée pour février 2013 sur France 3 (au tournage de laquelle un nouveau magazine français sur les séries, sorti cette semaine, Preview, consacre d'ailleurs un reportage), j'ai achevé mon visionnage de la quatrième. Il est donc temps de vous expliquer pourquoi Un Village français mérite, cette année encore plus particulièrement, votre attention.
La saison 4 d'Un Village français continue de nous faire progresser dans la chronologie de la Seconde Guerre Mondiale, durant la période de l'Occupation, abordant cette fois l'année 1942. Se voulant représentative de tous les enjeux d'alors, la saison se découpe en deux parties, séparées par plusieurs mois, mais se déroulant sur des courtes périodes de quelques jours seulement.
La première permet d'évoquer le sort des juifs : Villeneuve accueillant en transit un convoi de juifs étrangers déplacés par les Allemands, elle devient le théâtre d'arrestations pour satisfaire aux demandes de l'occupant, tandis que l'école doit faire face à l'hébergement provisoire de ces détenus dans des conditions difficiles. A la mi-saison, ils partent finalement pour le camp de Drancy, sans savoir ce qui les attend. Ensuite, la série se recentre sur la question des réseaux de résistance à l'intérieur du pays, mais aussi en coordination avec la France libre dont le parachutage d'un radio venu de Londres rappelle l'existence. L'enjeu devient alors celui d'un rapprochement entre les différents mouvements issus de toutes les tendances politiques, des communistes aux gaullistes, tandis que la police française et les autorités allemandes redoublent d'effort pour les exposer.
Cette saison 4 s'inscrit dans la droite ligne de l'équilibre trouvé au fil des précédentes saisons. Tout en n'occultant jamais un arrière-plan historique où les grands évènements nous parviennent par quelques mots échangés à la préfecture, mais aussi par l'intermédiaire de Radio Londres, Un Village français reste centrée sur le sort de ses figures locales devenues familières. Les stéréotypes des débuts ont depuis longtemps été dépassés, les psychologies se sont affinées, révelant des complexités, voire des ambivalences, qui ont humanisé des personnages ayant gagné en épaisseur. On sait chacun caractérisé par une ambition, une prudence, un engagement ou un humanisme particulier. Désormais, partant de cette base, la série nous relate leurs réactions face aux nouveaux développements et tournants pris par l'occupation : comment, en cohérence avec eux-mêmes, mais aussi avec les limites de leurs caractères ou de leurs convictions, vont-ils faire face aux évènements ? C'est sur ce plan que le parti pris de la série est très intéressant. Car c'est sans le moindre recul, ni toujours réelle compréhension des enjeux, que chacun est amené à se positionner.
Faire de Villeneuve un lieu de transit provisoire pour des détenus juifs est ainsi l'occasion de se replacer du point de vue de 1942. Au-delà de l'antisémitisme ambiant, à ce moment-là, ni les juifs, ni les habitants de la ville ne peuvent imaginer ou mesurer ce vers quoi ils se dirigent. Or l'ignorance des protagonistes contraste avec la connaissance du téléspectateur. La gorge se noue imperceptiblement en voyant Daniel Larcher s'agiter pour mettre à disposition un local communal afin de tenter de soigner le quotidien immédiat des juifs, devenant sans le comprendre un maillon parmi tant d'autres qui facilitent par-là même le bon déroulement de la déportation en cours. Pareillement, les échanges à l'intérieur de l'école et les efforts faits par chacun pour comprendre et rationaliser ce qu'il se passe n'en sont que plus marquants. Il faut ici saluer la qualité de l'écriture qui conserve toujours, dans ces moments-là, une sobriété bien dosée, même face à des scènes où le drame et le déchirement pointent.
Si les personnages d'Un Village français sonnent souvent authentiques et réels, c'est justement grâce à leurs paradoxes et à leurs failles. Ils évoluent, pour la plupart, dans une zone grise, et seul l'avenir permettra de juger les décisions qu'ils ont prises, sur un plan aussi bien moral que légal ou politique. La saison offre à un certain nombre d'intéressants développements, fidèles à eux-mêmes, mais jamais figés non plus dans leurs positions. Parmi les différentes storylines, la seule sur laquelle je garde des réserves est celle de la relation entre Marchetti et Rita, une histoire d'amour impossible que je n'ai jamais réussie à trouver crédible. Toujours est-il que la série a conservé une dimension chorale qui fait sa force, avec une caractérisation cohérente des personnages particulièrement bien mise en valeur au cours des passages de crise les plus déterminants. Les conditions de la chute du réseau gaulliste, avec ce piège qui se referme sur la ferme de rendez-vous, illustrent cette qualité.
Par ailleurs, la saison 4 aura été celle de la confirmation pour ce qui est de la maîtrise du rythme narratif. Le passage à du vrai feuilletonnant en saison 3 avait constitué un déclic pour la série, soudain capable de susciter une attente chez un téléspectateur impatient de découvrir la suite. Le même savoir-faire se retrouve : le récit est dense, sans temps mort, avec une narration homogène. Les chutes de fin en forme de cliffhanger permettent un enchaînement naturel des épisodes. La maturité de la fiction se perçoit également dans sa gestion de ses grandes trames. Par exemple, on assiste au cours de la première partie relative aux juifs à un glissement inexorable, impeccablement géré, allant crescendo dans une tonalité de plus en plus glaçante. Tout d'abord, la déportation est assimilée à une simple tâche administrative et policière. Puis surgissent rapidement la réalité d'enjeux humanitaires pressants. Mais c'est l'ordre de séparation des enfants, et enfin l'arrivée des SS, qui achèvent le basculement dans l'horreur, confirmée par l'annonce finale de la destination du groupe : Drancy. Une escalade que la série sait bien construire.
Enfin, outre sa solidité d'écriture et l'ambition de son sujet, Un Village français bénéficie également d'un casting dans l'ensemble très bon et convaincant, dont les interprétations permettent de donner une force supplémentaire aux intrigues portées à l'écran. Cette saison 4 rassemble des acteurs principaux fidèles à eux-mêmes et maîtrisant parfaitement leurs personnages, même si, les storylines variant, tous n'ont pas la même exposition que par le passé (Thierry Godard, par exemple, est plus en retrait). Quant à ceux qui arrivent au cours de cette saison, ou sont seulement de passage, ils trouvent aussi très vite le ton juste. En dépit d'une histoire un peu artificielle, Axelle Maricq apporte une belle fraîcheur à l'écran dans son rôle de Rita. Philippe Résimont rend instantanément détestable personnage de Chasagne, un des rares à être présenté sans la moindre ambivalence. Nathalie Bienaimé se sera affirmée en se rapprochant d'un Raymond Schwartz moins présent. Et puis, en radio parachuté de Londres, je ne dis jamais non à quelques épisodes comprenant Jérôme Robart.
Bilan : Avec un récit dense et un rythme de narration très bien maîtrisé, la saison 4 de Un Village français marque une nouvelle étape dans la maturation d'une série qui semble désormais prendre pleinement la mesure de la force et de l'ambition de son sujet. Capable de susciter une vraie implication émotionnelle grâce à l'humanité de ses personnages, la série conserve dans le même temps l'approche pleine de sobriété et de retenue qui fait sa force, lui permettant de traiter avec beaucoup de justesse de thèmes difficiles. Cette saison 4 aura été une saison pleine et solide, confirmant la progression constante d'une oeuvre parvenue à maturité.
En conclusion, si cela n'est pas déjà fait, un rattrapage s'impose avant février prochain.
NOTE : 8/10
La bande-annonce de la saison :
18:29 Publié dans (Séries françaises) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : france, un village français, france 3, robin renucci, audrey fleurot, nicolas gob, thierry godard, nade dieu, emmanuelle bach, patrick descamps, fabrizio rongione, marie kremer, maxim driesen, max renaudin, lucie bonzon, nathalie cerda, constance dollé, philippe résimont, nathalie bienaimé, axelle maricq, jérôme robart | Facebook |
29/01/2012
(FR) Un village français, saisons 1 à 3 : chronique du quotidien ordinaire sous l'Occupation
Après avoir tant voyagé à travers le globe, j'ai reposé mes valises en France en ce mois de janvier. Mercredi soir, je me suis installée devant Les Hommes de l'Ombre sur France 2. Une fiction pas inintéressante, mais dont l'inégalité chronique est symptomatique de bien des maux qui pèsent sur la télévision française. Pour un passage réussi, combien de flottements téléphonés ?
Je le reconnais, les séries françaises et moi, c'est une longue histoire de désamour. Il fut un temps où j'en testais, parfois avec réussite : j'ai encore le souvenir de Police District qui avait su considérablement me marquer. Mais trop d'insatisfactions ont fini par me lasser. Je suis donc partie en voyage. Ca m'a permis de découvrir qu'il existait des horizons sériephiles inexplorés au-delà des Etats-Unis ; que l'on pouvait trouver des perles dans les petits écrans de pays dont j'ignorais tout. Ce n'est pas une simple quête pour se dépayser. Ca a été (et c'est toujours) une voie d'apprentissage sériephile pour mieux comprendre ce que le petit écran a à offrir.
Avec le recul, je me rends compte que je fonctionne beaucoup par cycles. Tout en diversifiant les nationalités de mes programmes, il y a toujours eu des périodes consacrées à l'exploration plus avancée de tel ou tel pays. En France, hormis quelques exceptions, il faut avouer que j'ai très peu regardé la télévision ces 5 dernières années. Cependant quand, dans le même temps, je vois le dynamisme global que connaissent les productions à travers le monde, j'ai envie de revenir donner une chance à celles à venir ou que j'ai pu rater. J'ai donc pris des résolutions pour 2012 : jeter un oeil aux séries de Canal + (j'ai donc investi dans les DVD de Reporters et d'Engrenages). Et puis, prendre le temps de rattraper une série qui m'intriguait depuis ses débuts : Un Village français sur France 3.
Un Village français a été créée par Frédéric Krivine, Philippe Triboit et Emmanuel Daucé. Elle a débuté sur France 3 le 4 juin 2009. Si elle compte déjà trois saisons, une quatrième sera diffusée ce printemps 2012. Il faut préciser que j'ai visionné les deux premières saisons, de six épisodes chacune, l'année dernière. Puis, en ce mois de janvier, je me suis lancée dans la troisième, me surprenant à la regarder à un rythme beaucoup plus soutenu tant le récit était devenu vraiment prenant. On peut donc dire que cette série constitue ma première expérience concluante de ce cycle "séries françaises".
Un Village français entreprend de nous plonger dans la Seconde Guerre Mondiale, et plus précisément durant l'occupation allemande, en s'intéressant au quotidien d'une petite ville de province, sous-préfecture fictive du Jura, Villeneuve, qui se situe non loin de la ligne de démarcation. La série débute en juin 1940 et devrait donc nous raconter les cinq années qui vont suivre jusqu'à la libération et la fin de la guerre. C'est aux côtés de la population civile que nous allons vivre ces années difficiles. Que ses personnages soient entrepreneur, agriculteur, maire, policier ou institutrice, c'est à la survie de citoyens ordinaires dans des circonstances extraordinaires qu'est consacrée la série. Elle va nous relater leurs doutes, leurs choix, les prises de positions, mais aussi les sacrifices que les circonstances précipiteront.
En premier lieu, il est impossible de rédiger une critique d'Un Village français sans souligner l'affirmation progressive que la série connaît. En effet, elle bénéficie d'une amélioration constante à chacune de ses saisons, comme si les scénaristes gagnaient en assurance et maîtrisaient de mieux en mieux leur thème, leurs objectifs, mais aussi le format télévisuel choisi. Initialement, pour s'imposer comme une chronique humaine et chorale s'intéressant au quotidien d'une galerie de personnages, la fiction fait le choix de s'intéresser à des journées-clés, souvent espacées, dont les évènements sont représentatifs de tout ce qui est en train de se passer dans le pays. Hormis quelques accélérations dramatiques opportunes, comme pour le 11 novembre 1940, chaque épisode apparaît comme une forme d'instantané semi-indépendant. Or, au cours de la saison 3, la perspective change : le feuilletonnant devient dominant, et les scénaristes prennent alors la pleine mesure du format.
Si elle compte 12 épisodes, et non plus 6 comme les deux premières, la saison 3 est plus ramassée, se déroulant sur une période plus brève. Le récit est dense, porté par une tension dramatique croissante, et rythmé par d'efficaces cliffhangers. Un Village français devient alors véritablement captivant : désormais le téléspectateur est naturellement porté à enchaîner les épisodes, au vu de tout ce qui est laissé en suspens. On assiste clairement à la construction de grands arcs narratifs, la saison formant une sorte de boucle, les derniers épisodes concluant et tirant les conséquences des évènements tout en redistribuant les cartes et en laissant incertain le destin de plusieurs protagonistes pour la saison suivante. Si le nombre d'épisodes conduit à peut-être étirer un peu trop certaines storylines qui perdent alors une part de leur intensité (la préparation de l'attentat par les communistes notamment), dans l'ensemble, ce changement d'approche est maîtrisé et surtout vraiment perceptible pour le téléspectateur.
Outre cette prise de conscience des possibilités offertes par le format, à laquelle il est vraiment intéressant d'assister, Un Village français mérite également le détour en raison de son sujet et de la manière dont il est traité. C'est ici dans le registre de la reconstitution historique que la série s'impose. En faisant le choix de traiter de cette zone grise que représente l'occupation, sa première réussite va justement être de ne jamais tomber dans une approche manichéenne qui aurait été par trop réductrice. Au contraire, elle dresse un tableau très nuancé de tous ces habitants, ordinaires, qui poursuivent comme ils le peuvent leur vie. Elle montre bien combien les positions de chacun peuvent fluctuer et dépendre des circonstances ou du statut social, mais aussi combien il est difficile d'analyser une situation comme celle de l'occupation dans l'immédiateté, sans avoir le moindre recul, alors que l'on est pris dans toutes ces difficultés - alimentation, couvre-feu, ligne de démarcation - qui entravent désormais le quotidien.
Qu'ils fassent avant tout preuve de pragmatisme, qu'ils suivent de réelles convictions politiques ou nationalistes, ou qu'ils soient simplement entraînés par les circonstances, les personnages sont amenés à faire des choix. Au fil des saisons, une radicalisation s'opère. Il est frappant de constater combien les motifs qui provoquent les glissements vers une résistance ou une collaboration actives sont très différents. Si initialement, chaque protagoniste apparaît comme un stéréotype représentatif d'une situation, à mesure que la série avance, les personnages gagnent en épaisseur. Les motivations et les failles de chacun apparaissent au grand jour. Ils s'affirment, se radicalisent, leur psychologie se développe et se précise. Le téléspectateur en a alors une meilleure compréhension. Cette progression contribue ainsi à les humaniser, transformant la chronique rigoureuse mais un peu distante des débuts, en un récit dans lequel on s'implique de plus en plus émotionnellement.
Sur la forme, Un Village français est une série soignée. La réalisation est parfaitement maîtrisée, ni trop figée, ni trop nerveuse, mais restant toujours très posée et capable de s'adapter aux différentes scènes. La photographie permet une belle reconstitution historique. De plus, la série dispose d'un générique très bien pensé dont la teinte beige, semblable aux anciennes photos d'époque, donne l'impression d'inviter le téléspectateur à feuilleter les archives de cette petite ville provinciale.
Enfin, le casting se révèle homogène et solide, ce qui est déterminant dans le cadre d'une série chorale comme Un Village français. Si on peut ressentir plus ou moins d'affinités pour certains personnages, et si suivant les saisons, tous ne sont pas mis en valeur pareillement, les acteurs délivrent des interprétations globalement sans fautes. Parmi eux, on retrouve notamment Robin Renucci, Audrey Fleurot, Nicolas Gob, Thierry Godard, Nade Dieu, Emmanuelle Bach, Patrick Descamps, Fabrizio Rongione, Marie Kremer, Maxim Driesen, Max Renaudin, Lucie Bonzon, Nathalie Cerda, Constance Dollé, Samuel Theis ou encore Richard Sammel.
Bilan : Reconstitution historique soignée, abordant avec toute la nuance nécessaire cette période complexe qu'a été l'occupation allemande durant la Seconde Guerre Mondiale, Un Village français est une série qui grandit au fil des saisons. Son écriture s'affirme progressivement. Non seulement, elle va prendre pleinement conscience des possibilités offertes par son format, en embrassant un rythme feuilletonnant particulièrement efficace au cours de la saison 3. Mais elle va aussi peu à peu humaniser ses personnages, retranscrivant les conflits qui les agitent et permettant de mieux comprendre les choix qu'ils font ou feront. Une série donc intéressante à découvrir à plus d'un titre !
NOTE : 7,25/10
Une bande-annonce (saison 2) :
Le générique :
10:52 Publié dans (Séries françaises) | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : france, un village français, france 3, robin renucci, audrey fleurot, nicolas gob, thierry godard, nade dieu, emmanuelle bach, patrick descamps, fabrizio rongione, marie kremer, maxim driesen, max renaudin, lucie bonzon, nathalie cerda, constance dollé, samuel theis, richard sammel | Facebook |
21/01/2011
(FR) 1788... et demi : un essai de divertissement historique décalé non transformé
Parmi mes résolutions téléphagiques de 2011 figure celle de m'intéresser plus à la télévision française. Parce que c'est très paradoxal et surtout assez frustrant de constater qu'il me manque tellement de repères sur le sujet ; et qu'en réalité, je comprends mieux le fonctionnement de la télévision anglaise. A l'origine, ce désintérêt relatif est en fait une conséquence de mon mode de consommation des séries, qui ne passe plus depuis plusieurs années par les diffusions sur les chaînes de télévision. C'est déjà très compliqué de réussir à m'installer le jour J à heure H pour regarder un film, alors une série... même quand je l'apprécie beaucoup et qu'elle est diffusée sur seulement deux vendredi, comme Nicolas le Floch en décembre dernier, j'ai quand même réussi à oublier le second épisode. Si j'allume ma télévision, c'est pour regarder un DVD ; le reste relève de l'exceptionnel. Heureusement, la VOD existe.
Reste que j'ai vraiment envie de prendre le temps de me pencher sur cette production : 2011 sera, au moins en partie, française. Même si je n'ai (et n'aurai) toujours pas Canal +. Ainsi parmi mes bonnes initiatives de ce mois de janvier 2011, j'ai commencé le rattrapage d'Un Village français. J'achève la saison 1 et ai l'intention de poursuivre jusqu'à troisième, avant de vous proposer un bilan. En tout cas, pour le moment, ce visionnage se fait avec plaisir ! Toujours pleine de bonne volonté, j'ai regardé les premiers épisodes d'une nouvelle série, d'Olivier Guignard, diffusée sur France 3 samedi dernier, et dont les trois derniers épisodes seront proposés demain soir : 1788... et demi. Comme c'est utopique de m'imaginer devant ma télévision un samedi soir (pour toutes les raisons énoncées ci-dessus, plus le fait que cela corresponde au week-end), de bonnes âmes ont créé pluzz.fr pour des gens comme moi.
Avant même de parler du fond de la série, au-delà des débats que l'on peut avoir relatifs à la politique des fictions de France Télévision (faire ou ne pas faire de l'historique), il y a un point qui, j'ai l'impression, pose constamment problème : la diffusion elle-même. Les programmations en rafale d'inédits demeurent une spécialité bien déplaisante (par exemple, l'an dernier, La Commanderie était tombée au champ d'honneur de la programmation expéditive) qui condamne invariablement - et a priori - la plupart de leurs séries à ne pas trouver de public, indépendamment des questions de genre ou de qualité. C'est un reproche qui est récurrent, mais il faut malheureusement constater que, début 2011, France 3 reste encore trop souvent incapable de mettre en valeur certaines de ses productions. Et trois épisodes à la suite, cela relève juste du gaspillage, en tendant très fortement vers l'écoeurement. 1788... et demi a donc fait sans surprise naufrage au niveau des audiences samedi soir dernier.
Pourtant, si la thématique traitée n'innovait pas, la tonalité d'ensemble tranchait en revanche avec les classiques (d'aucuns capricieux diraient "poussiéreux") historiques de France Télévision. 1788... et demi se propose de relater avec une tonalité plutôt décalée le quotidien mouvementé d'une famille noble à la veille de la Révolution française. Le comte François de Saint-Azur élève en effet seul ses trois filles, Madame s'étant retirée au couvent. En dépit de difficultés financières chroniques, c'est en esprits libres et insouciants que les membres de cette famille croquent la vie à pleines dents, inconscients des frémissements annonçant les bouleversements qui balaieront privilèges et statut social. Si le père cache une âme d'inventeur derrière une passion pour les canons, ses filles correspondent chacune à un stéréotype bien défini, de la libertine au garçon manqué. S'ils sont naturellement enclins à profiter de la vie, la gestion de leur domaine, objet de bien des convoitises, n'est pas de tout repos. Ce sont toutes ces péripéties que nous allons suivre.
Dès le départ, l'objectif est clair : 1788... et demi entend donner un coup de jeune à la série historique, visant un public plus jeune que les habituelles fictions de ce genre. Son ambition est justement de surprendre par l'étonnante légèreté de ton qu'elle adopte. Nous embarquant aux côtés d'une famille ayant fait de l'insouciance une philosophie de vie, avec la fâcheuse tendance à ne pas prendre au sérieux grand chose, le téléspectateur s'invite dans un univers qui se veut hédoniste et sans tabous moraux - on s'y débarrasse ainsi sans sourciller de cadavre dans le lac. Les personnages suivent leurs envies du moment, tout en faisant preuve d'un froid pragmatisme dès lors qu'un obstacle se met en travers de leur route. Le terme "provocateur" serait sans doute excessif, mais la série cultive assurément un parfum de douce insolence. La tonalité est volontairement décalée, souvent enjouée à l'excès, poussant jusqu'au bout la logique du divertissement.
Devant ce tableau rafraîchissant, on comprend aisément ce que 1788... et demi essaye de faire : une série douceureusement impertinente et irrévérencieuse qui balaierait le carcan habituel du genre historique. Malheureusement, en dépit de cette bonne volonté manifeste, l'essai de style louable tourne rapidement à vide. Ce qu'il manque à 1788... et demi, c'est une réelle consistance du scénario. En fait, le soin apporté à son ambiance générale, comme tous ces détails travaillés jusque dans les variations de style au cours des dialogues, paraît avoir été réalisé au détriment de l'intrigue. A trop vouloir en faire sur l'emballage, le scénario a oublié le principal : il faut des enjeux concrets, qui ne relèvent pas seulement de l'anecdotique brodé. Le deuxième épisode permet certes d'introduire quelques éléments narratifs un peu plus consistants, mais il reste cantonné dans ce registre un peu frustrant du divertissement auto-contemplatif.
A partir de son concept, 1788... et demi aurait pu être une vraie comédie historique. Il ne s'agissait pas de se rapprocher des tons des short-com type Kaamelott, comme j'ai pu le lire ailleurs, mais il aurait fallu au contraire assumer son format et jouer sur un décalage plus subtil. Dans ce registre, je pense ici, par exemple, à l'atmosphère assez savoureuse que l'on retrouve dans certains romans de Frédéric Lenormand, tels La jeune fille et le philosophe ou encore Les princesses vagabondes (vu qu'on se situe au XVIIIe siècle, je trouve la comparaison opportune). C'était au final plutôt ce que j'attendais de la série au vu des premières images et des ambitions affichées. J'en ressors donc un peu frustrée, face à un résultat qui reste au stade de la déclaration d'intention.
Pour autant, l'initiative même non aboutie reste à saluer. Car si elle ne prend pas la mesure de ce qu'elle aurait pu être, 1788... et demi a montré des choses très intéressantes jusque dans sa forme. La réalisation n'innove pas, se rapprochant des autres fictions historiques de la chaîne, avec une image agréable à l'oeil et surtout très claire, mais ce qui va surtout marquer le téléspectateur, c'est assurément la bande-son étonnante que la série propose. On retrouve en effet omniprésente une musique dont les accents épiques surprennent, renvoyant a priori plutôt aux images de western et des grandes épopées. Cela donne quelque chose d'assez intéressant, en rupture avec le contenu assurément moins aventureux et grandiose que ne le laisserait penser ces chansons. 1788... et demi exploite sans doute un peu trop ce filon, risquant de lasser, mais au moins a-t-elle le mérite d'essayer.
Enfin, rien à redire du côté d'un casting qui s'attache avec application à retranscrire ces personnages hauts en couleurs. Sam Karmann se révèle convaincant et bien inspiré dans son rôle de comte un peu déconnecté, tandis qu'à ses côtés, ses filles sont incarnées par Julie Voisin, Lou de Laâge et Camille Claris qui proposent des interprétations très rafraîchissantes. On croise également notamment Philippe Duclos ou encore Natacha Lindinger.
Bilan : Avec sa tonalité insouciante aux accents vaguement impertinents, 1788... et demi tente de donner un coup de jeune au divertissement historique, en le drapant dans les habits d'une comédie qui s'efforce de jouer sur les codes narratifs du genre pour mieux les détourner. Expérimentation louable, elle repose malheureusement trop sur cette ambiance particulière, oubliant que comédie ne rime pas avec scénario inconsistant. L'atmosphère plus comique n'a pas à être développée au détriment du fond ; les deux doivent se soutenir et se compléter. Mais il faut apprendre de ses erreurs, et 1788... et demi a le mérite de briser la routine du petit écran français. C'est déjà à souligner. Les trois derniers épisodes diffusés demain soir corrigeront peut-être certains défauts, lui permettant de s'affirmer plus fermement. Il faut persévérer !
NOTE : 4,5/10
La bande-annonce de la série :
19:47 Publié dans (Séries françaises) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : france, 1788... et demi, france 3, sam karmann, julie voisin, lou de laâge, camille claris, philippe duclos, natacha lindinger | Facebook |