17/12/2011
(UK) Garrow's Law, saison 3 : un legal drama toujours aussi passionnant
Parmi les rendez-vous sériephiles auxquels je tiens tout particulièrement devant le petit écran anglais, pour accompagner les fins d'automne, Garrow's Law s'est peu à peu taillée une place de choix. Certes le mélange de legal et de period drama a trouvé en moi une téléspectatrice pré-conquise à ce cocktail des genres. Mais il faut également saluer le soin avec lequel les scénaristes ont entrepris d'exploiter ce récit romancé de la vie d'un juriste anglais de la fin du XVIIIe siècle. Par ailleurs, les saisons de Garrow's Law ont également pour elles d'être toujours très courtes : quatre épisodes, ce qui permet d'aller à l'essentiel et de ne jamais risquer de lasser le téléspectateur. Suivant le même schéma que les précédentes, BBC1 a donc diffusé les dimanche soirs, du 13 novembre au 4 décembre 2011, la troisième saison de cette toujours intéressante série.
La grande force de Garrow's Law, sa marque de fabrique, reste de savoir habilement mêler le drame judiciaire et des enjeux plus personnels. Le premier volet donne à la série l'occasion d'exploiter pleinement son cadre historique : les affaires traitées par William Garrow entendent toujours représenter une époque, avec ses moeurs et sa justice. Dans ce registre, la saison 3 s'inscrit dans la droite lignée des précédentes, abordant une nouvelle fois des sujets très diversifiés : certains sont lointains, comme les abus d'autorité et des dérives dans des lointaines colonies, d'autres touchent plus directement Londres et l'évolution du pays.
Je demeure toujours admirative devant la façon dont la série parvient à connecter ses cas d'espèce très particuliers à des problématiques plus générales du temps, offrant plusieurs niveaux de lecture. Ainsi, la tentative d'assassinat sur le roi sera une occasion de s'interroger sur la définition de l'irresponsabilité pénale en cas de trouble mental. De même, une presque banale affaire de meurtre permettra de nous plonger dans les coulisses létales de la politique, de ses oppositions, et la manière brutale dont les élections pouvaient être menées. Autant de thèmes très différents qui permettent d'affiner et de préciser ce tableau dense et riche, toujours passionnant, de l'Angleterrre de cette fin du XVIIIe siècle.
Parallèlement, Garrow's Law est aussi une série qui cherche à nous investir émotionnellement aux côtés de ses personnages. La saison 3 s'inscrit dans la continuité de la précédente, toujours centrée sur les rapports tumultueux de Lady Sarah et de son époux, alors même que la jeune femme s'est désormais officiellement installée chez William Garrow. Réussir à échapper à une condamnation infamante à des dommages et intérêts qui auraient été exorbitants n'a cependant pas apporté le bonheur au jeune couple : en effet, le fils de Sarah, Samuel, reste entre les mains de son mari.
Si la saison 2 avait déjà permis d'établir le déséquilibre des droits existant au sein d'un couple, cette fois-ci, c'est en adoptant le point de vue d'une mère dévastée par cette perte que la série explore un peu plus le droit de la famille de l'époque. Arthur Hill, toujours piqué dans son honneur, s'enferme dans cette caricature de vilain, trop manichéenne pour être pleinement crédible, que seul l'ultime twist final permettra de nuancer opportunément. Si la détresse de Sarah aura été bien traitée, il est à souhaiter que l'alliance concluant la saison aura définitivement scellée la fin de la vendetta obsessionnelle d'Arthur Hill. C'est une page qui aura peut-être mis un peu trop de temps à se tourner, mais qui doit désormais l'être (si saison 4 il y a).
Au-delà des combats de William Garrow, des épreuves de Lady Sarah, c'est une autre lutte, plus intime, qui aura marqué cette saison 3 : celle que va mener Southouse contre la maladie qui le condamne inexorablement. Plus que jamais, ce dernier se sera imposé auprès de ses jeunes amis comme la figure du mentor et du conseiller bienveillant, les soutenant autant qu'il pouvait dans leurs démarches, jusqu'à apporter à Sarah une aide financière importante.
L'épisode de sa mort, le troisième de la saison, est sans conteste le plus déchirant et triste proposé par la série depuis ses débuts. Southouse aura connu une fin à la hauteur de son personnage, avec une lente déchéance physique éprouvante qui aura fait souffrir le coeur du téléspectateur. Tout en saluant son rôle, cela permet dans le même temps à la série de faire évoluer la dynamique de travail de William Garrow. Privé de la figure tutélaire qui l'a guidé depuis ses débuts, c'est avec un nouvel associé qu'il aborde le dernier cas : le neveu de Southouse, un jeune homme certes très débrouillard mais qui n'a pas l'influence que pouvait avoir son oncle sur l'avocat.
Bilan : Toujours très plaisante à suivre, bénéficiant d'une richesse dans les thématiques abordées qui demeure inchangée, Garrow's Law aura proposé une troisième saison à la hauteur des attentes, conservant son équilibre aussi fragile que précieux entre legal et period drama. Pour autant, si une saison 4 devait voir le jour, il pourrait être opportun de voir la série évoluer, cette saison ayant d'ailleurs posé des bases intéressantes pour l'avenir, au-delà même de la perte de Southouse, en introduisant dans son quatrième épisode des enjeux politiques très concrets qui dépassent le seul cadre du tribunal... Pourquoi ne pas poursuivre ainsi la route du biopic de William Garrow au-delà de sa seule carrière de barrister ? A suivre donc (en croisant les doigts).
NOTE : 7,75/10
Le générique :
Une bande-annonce de la saison 3 :
08:23 Publié dans (Séries britanniques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : bbc, garrow's law, andrew buchan, rupert graves, alun armstrong, lyndsey marshal, aidan mcardle, michael culkin | Facebook |
15/12/2011
(Pilote US) Luck : une immersion ambitieuse dans les coulisses des courses hippiques
Comme un cadeau de Noël avant l'heure, HBO a proposé ce dimanche, à la suite du season finale de Boardwalk Empire, le pilote d'une de ses nouveautés très attendues de 2012, dont la diffusion débutera le 29 janvier prochain : Luck. Sur le papier, le pedigree de cette série sonne particulièrement impressionnant : créée par David Milch (Deadwood, John from Cincinnati), avec un premier épisode réalisé par Michael Mann, elle rassemble également un casting cinq étoiles emmené par Dustin Hoffman.
En fait, Luck, c'est la série que David Milch, passionné de courses hippiques, a toujours voulu porter à l'écran. C'est donc un univers particulièrement complexe qu'elle dévoile en ce premier épisode. Mes seules connaissances de ce milieu remontant à mes visionnages d'antan de L'Etalon Noir, les dialogues, surtout ceux liés aux enjeux d'argent, m'ont paru parfois très cryptiques. Seulement, il y a aussi quelque chose dans l'ambiance de ce pilote qui vous scotche devant votre écran, et vous donne vraiment envie d'apprendre à comprendre la série.
Luck nous plonge dans le milieu des courses de chevaux, en s'intéressant plus particulièrement aux vies de tous ceux qui gravitent autour des intérêts financiers que brasse cet univers. Qu'ils soient simples amateurs de courses en quête de sensations, entraîneurs, propriétaires, jockeys ou encore parieurs à temps plein, ce pilote prend son temps pour esquisser les premiers traits et installer une riche galerie de protagonistes, transposant à l'écran, dans toute sa diversité, la population bigarrée fréquentant les hippodromes. L'argent aiguise logiquement les appétits de chacun, et l'épisode ne cache pas la part d'ombre de ce milieu.
C'est sur la sortie de prison de "Ace" Bernstein que le pilote s'ouvre ; cela va être l'occasion de le voir renouer avec ses anciennes connaissances pour lesquelles il a accepté sans les trahir sa sentence. Son chauffeur a déjà organisé les bases de son retour, prenant une licence de propriétaire de chevaux à son propre nom ; il servira de couverture pour son patron. Tout en suivant les premiers jours à l'air libre de Ace, l'épisode éclaire également tout le quotidien d'un hippodrome, se concentrant sur tous les participants à ce milieu, et notamment sur un groupe de parieurs qui mise très gros en ce jour de course, visant rien moins que le prix de 2 millions de dollars.
Le pilote de Luck marque tout d'abord par sa faculté à retranscrire l'atmosphère très particulière qui entoure les courses hippiques. Tout en introduisant une galerie de personnages vite identifiables, qu'il restera ensuite à développer, sa grande réussite est de savoir parfaitement capturer la fièvre et toutes les tensions qui règnent au sein d'un hippodrome. Car le monde des turfistes se résume à deux centres d'intérêt qui fusionnent, grâce aux paris, lorsque la course est lancée : les chevaux et l'argent. Si ce milieu a des codes et un langage qui lui sont propres, le pilote n'en transmet pas moins au téléspectateur leur fébrilité caractéristique. Et c'est ainsi qu'à travers le regard des protagonistes, on se laisse gagner par l'excitation de la course, se surprenant à vibrer ou à frémir devant ces scènes qui rythment la vie d'un hippodrome.
En filigrane cependant, un glissement plus sombre s'opère : le dollar finit par éclipser les animaux, et c'est vers l'envers des jeux d'argent que nous conduit la série. Car les enjeux financiers assouplissent la moralité de bien des ambitieux. Au-delà du groupe de parieurs qui entend rafler le gros lot lors de la prochaine journée de courses, le pilote esquisse en arrière-plan une toile plus complexe d'intérêts contradictoires. Au plus près du terrain, la sincérité même de la compétition est questionnée dès lors que des personnes qui connaissent intimement les animaux font eux-mêmes des paris. A l'autre extrêmité, il faut aussi évoquer tous les commanditaires et organisateurs de ce business lucratif qui brasse tant d'argent. L'épisode reste pour le moment évasif sur ce plan, mais suivre le personnage de Ace permet aux premières pièces de ce tableau plus global de se mettre en place. Et la bande-annonce qui conclut l'épisode laisse entendre que c'est vers ces sujets aux thématiques presque mafieuses que s'orientera la suite de la saison.
Si la curiosité du téléspectateur est piquée, il faut cependant reconnaître le second trait de ce pilote est assurément sa complexité. Les dialogues y sont souvent assez cryptiques, et les tenants et aboutissants des intrigues un peu abstraits. Luck est une série devant laquelle le téléspectateur, étranger à l'univers dépeint, a le sentiment d'être réduit au statut frustrant de simple profane. Cependant, paradoxalement, cette approche singulière n'amoindrit pas l'intérêt que va susciter le milieu des courses. Elle confère au contraire au récit une impression d'authenticité et une forme de légitimité qui donnent au téléspectateur une envie supplémentaire de s'investir dans cette fiction. Car si le sujet est d'approche compliquée, sa richesse apparaît évidente.
Plus généralement, il faut se souvenir que l'opacité des débuts des oeuvres de David Milch reste une de leurs caractéristiques, c'est pourquoi l'introduction un peu abrasive de Luck ne doit pas rebuter : si l'écriture du scénariste fonctionne comme il se doit, ce sera au fil de la saison, à mesure que les épisodes vont passer, que tout se connectera et que le plein potentiel de l'histoire sera complètement dévoilé et exploité. Pour le moment, on l'entrevoit dans certaines scènes, et on le perçoit bien présent en arrière-plan. Une fois ce pilote terminé, le téléspectateur n'a au fond qu'un seul souhait : ouvrir en grand cette porte d'entrée que l'épisode se contente de seulement entrouvrir, afin d'apprécier pleinement la découverte, incontestablement ambitieuse, d'un milieu hippique très prenant.
Si Luck réussit si bien l'installation de son atmosphère, il le doit aussi beaucoup à sa forme. L'esthétique d'ensemble est à la hauteur de la réputation de Michael Mann. La réalisation est superbe, et la photographie très soignée. La caméra, nerveuse, nous fait véritablement prendre le pouls de ce milieu et percevoir les dynamiques qui le traversent. Le terme "immersion" acquiert tout son sens. Après, peut-être est-ce l'amatrice d'équitation qui parle ici, mais je dois avouer que les reconstitutions sur l'hippodrome m'ont vraiment coupé le souffle ; au-delà des courses, la seule scène d'entraînement dont nous sommes le témoin, de ce cheval qui peu à peu accélère, capture à merveille l'osmose du cavalier et de sa monture, pour un spectacle presque magique. J'en ai eu des frissons devant mon écran. De plus, Luck dispose également d'une bande-son travaillée qui contribue à construire l'ambiance, avec notamment un superbe générique dont la musique permet de démarrer la série dans les meilleures dispositions.
Enfin, Luck bénéficie d'un impressionnant casting, et ses acteurs ne demandent qu'à pouvoir pleinement s'exprimer à partir de toutes les thématiques à explorer dont recèle la série. Outre Dustin Huffman, passant pour l'occasion du grand au petit écran, on retrouve également Dennis Farina (New York Police Judiciaire), John Ortiz, Richard Kind (Spin City), Kevin Dunn (Samantha Who), Michael Gambon, Ian Hart (Dirt), Richie Coster, Jason Gedrick (Windfall), Kerry Condon, Gary Stevens, Tom Payne (Waterloo Road), Jill Hennessy et Nick Nolte. Luck étant une série chorale, cette solidité est un important atout ; à elle de savoir bien l'exploiter.
Bilan : Projet original ambitionnant de plonger le téléspectateur dans le milieu des courses hippiques, ce pilote d'exposition capture à merveille la fébrilité et l'atmosphère qui règnent aussi bien dans les coulisses que sur la piste d'un hippodrome. Cette réussite s'explique par une écriture dense, mais aussi par la superbe réalisation, parfaitement maîtrisée, qui l'accompagne. L'impression d'authenticité est renforcée par la complexité de l'univers dans lequel le téléspectateur est introduit sans transition, ni effort d'explication. C'est un parachutage qui peut un instant dérouter, mais la richesse qui transparaît éveille la curiosité, en dépit du manque d'accessibilité immédiate.
Par conséquent, le reproche qui pourra être formulé à l'encontre de Luck sera sans doute qu'elle démarre en réclamant de la patience au téléspectateur. Mais si tout fonctionne, l'investissement sur les moyen et long termes méritera assurément le détour. C'est une série qui s'inscrit dans la durée. A découvrir en connaissance de cause ; mais comptez-moi dans le lot des curieux !
NOTE : 8/10
La bande-annonce de la série :
Le générique :
18:13 Publié dans (Pilotes US) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : luck, hbo, david milch, dustin huffman, dennis farina, john ortiz, richard kind, kevin dunn, michael gambon, ian hart, richie coster, jason gedrick, kerry condon, gary stevens, tom payne, jill hennessy, nick nolte | Facebook |
14/12/2011
(K-Drama / Pilote) The Empress : la vengeance d'une femme
Si ce mercredi asiatique est l'occasion d'un retour en Corée du Sud, je vous avoue que j'ai un peu de mal à trouver, dans les k-dramas contemporains de ces derniers mois, la série qui saura véritablement me passionner. Mais si j'ai préféré en 2011 les rattrapages européens et japonais, je compte bien en 2012 essayer de me re-consacrer plus au petit écran coréen, mais antérieur (comme j'avais pu le faire fin 2009/début 2010), quitte à laisser filer le visionnage "en direct". Et la bonne nouvelle, c'est que cette résolution porte déjà ses fruits, puisque mon coup de coeur actuel est justement un de ces "k-drama classiques", dont je ferai prochainement un bilan d'ensemble.
En attendant, c'est d'une nouveauté du câble dont nous allons parler aujourd'hui : The Empress est diffusé sur la chaîne E-Channel, depuis le 1er octobre 2011, tous les samedi soir à 23 heures. La série comportera un total de 13 épisodes, et s'achèvera le 24 décembre prochain en Corée du Sud. Si l'histoire peut vous sembler familière, c'est qu'il s'agit d'une adaptation du manga de Ryo Kurashina, Jotei Kaoruko, qui avait lui-même déjà fait l'objet d'un version live au Japon. L'intérêt de cette série tient à sa thématique de vengeance, à laquelle s'ajoute un éclairage des coulisses d'un bar à hôtesses, et des liens sulfureux entre puissants et courtisanes.
Les premiers épisodes de The Empress nous narrent la progressive descente aux enfers d'une jeune étudiante, Seo In Hwa, qui va, par un enchaînement de circonstances tout perdre de sa vie bien rangée. Inscrite dans une université prestigieuse, elle y est victime de harcèlement sexuel de la part d'un de ses professeurs. Mais ses accusations sont balayées d'un revers de main par la police. Son petit ami d'alors, Park Hyung Il, héritier du groupe Chun Sung et aspirant procureur, préfère sa carrière plutôt que de témoigner en sa faveur. Rapidement, la réputation de In Hwa est détruite, et c'est finalement elle qui passe devant le conseil de discipline qui l'exclut purement et simplement. La jeune femme quitte alors Seoul pour partir se ressourcer chez sa mère, qui tient un petit bar à hôtesses en province.
Une fois sur place, In Hwa découvre cependant que d'autres ennuis guettent sa famille : le groupe Chung Sung entend récupérer les locaux où sont installés les petits commerçants, recrutant pour cela au sein de la pègre locale. Or sa mère mène la révolte contre ces tentatives d'intimidation. Le dernier affrontement tourne mal : prisonnière des flammes, sa mère est grièvement blessée, sauvée sur le moment par un des membres de gang embauché pour les effrayer, Jung Hyuk ; ce dernier étant tombé sous le charme de sa fille au premier regard. Mais In Hwa est contrainte de s'endetter pour payer une opération chirurgicale qui ne sauvera malheureusement pas sa mère, laquelle succombe à ses brûlures. Folle de rage, In Hwa va une dernière fois provoquer l'élite politico-industrielle qui a provoqué cette tragédie. Le père de Park Hyung Il ne lui pardonnera pas : pour rembourser sa dette, In Hwa est enlevée et contrainte de travailler pour un bar à hôtesses.
Dans ce milieu hostile, elle en découvre plus sur elle-même et sur ses origines pour finalement se fixer un objectif : devenir une des hôtesses les plus influentes et se venger de tous ces puissants qui ont détruit sa vie.
La lecture de ce rapide résumé des premiers épisodes suffit pour montrer que The Empress est une série de vengeance, aux thématiques classiques, qui n'hésite pas à en faire beaucoup pour nous sensibiliser à la destinée de In Hwa. Descendre le plus bas possible, à la situation la plus dégradante, pour entreprendre ensuite une remontée implacable, endurcie par les épreuves, c'est ce que va nous proposer ce drama. La série va parvenir à susciter une certaine empathie pour cette héroïne innocente, ne lésinant guère sur l'ampleur des épreuves tragiques qu'elle doit affronter. C'est d'ailleurs sur cet aspect que le drama mise principalement pour fidéliser le téléspectateur et l'investir émotionnellement : en effet, être témoin de la lente et nécessaire transformation de In Hwa, c'est partager avec elle son désir de revanche sur tous ceux qui ont causé sa perte.
The Empress suit une trajectoire bien connue, ces premiers épisodes mélodramatiques permettant de légitimer toutes les actions que le protagoniste principal prendra ensuite pour parvenir à ses fins. C'est généralement lorsque ces séries quittent le confort de l'univers manichéen initial qu'elles prennent leur réelle ampleur : une fois que l'héroïne n'est plus enfermée dans un rôle de victime devenu trop limité, mais qu'elle se place sur un pied d'égalité avec ses adversaires, souhaitant user des mêmes moyens qu'eux. Mais s'il est trop tôt pour être catégorique sur la qualité définitive de la série, la manière dont est gérée cette période préalable de victimisation et les maladresses qui l'accompagnent ne rassurent pas sur la maîtrise par les scénaristes de leur sujet.
En effet, The Empress peine à véritablement s'approprier le potentiel de son concept. Schématiquement, deux reproches principaux peuvent lui être adressés. Le premier, qui est sans doute l'aspect le plus perfectible, tient à ses personnages : ces derniers sont très binaires et unidimensionnels, reflet de stéréotypes dont les réactions, mécanisées, ne surprennent jamais au cours des premiers épisodes. La déchéance d'In Hwaa est certes logique, puisque sa renaissance doit offrir un parfait constraste. Mais les autres protagonistes sont pareillement enfermés dans un carcan frustrant, jouant une partition connue d'avance. La distribution des rôles s'opère dès le départ a minima, trop bien huilée pour être un enjeu narratif possible. Sans nuance, ni spontanéité, cette galerie de personnages manque singulièrement de relief, mais d'identité.
A cela s'ajoute un second problème plus général et structurel, qui est sans doute le premier des maux de ce drama : son écriture excessivement académique ne fait guère dans la subtilité et a trop souvent tendance à bannitr toute subtilité de l'histoire. N'hésitant pas à recourir à des ficelles narratives trop rebattues, la série donne l'impression d'une récitation mécanique du cahier des charges du genre, sans jamais s'approprier par elle-même les thèmes qu'elle met en scène. Si elle remplit un objectif de divertissement de manière honnête, The Empress manque de liant et, surtout, d'une réelle consistance, posant son sujet de manière trop superficielle pour dépasser le stade du drama vite vu, vite oublié.
Limitée sur le fond, The Empress ne compense pas ses défauts par une forme insuffisamment travailléee. La réalisation, surtout dans les deux premiers épisodes, propose une photographie trop claire, un peu saturée pour faire ressortir les couleurs, ne correspondant pas vraiment à l'ambiance que l'on pouvait attendre d'une série de vengeance. Il y a quelque chose de clinquant, mais d'inachevé dans ce drama qui se retrouve également dans la bande-son. Celle-ci est très (trop?) présente, mêlant tous les genres possibles sans réelle réflexion : on y croise aussi bien des morceaux de musique classique se lançant à tout propos, une petite mélodie pour souligner les passages les plus dramatiques ou quelques chansons pop très vite oubliées.
Enfin, ce n'est pas non plus le casting qui va vraiment parvenir à conférer cette dimension manquante à la série. Les acteurs sont dans leurs rôles, assumant les clichés qui les accompagnent et souffrant des limites du scénario. Si nul ne dépareille, nul ne s'impose non plus vraiment devant la caméra. Jang Shin Young (I am Legend) personnifie certes parfaitement l'innocence, mais elle a une palette d'expression assez réduite, et elle peine à dépasser cette première image renvoyée. A ses côtés, Kang Ji Sub (Women of the sun) fait ce pour quoi il a été embauché : prendre un air sombre et distant, et porter des tee-shirts moulants, aucune de ces deux tâches ne nécessitant un trop grand investissement. Pour compléter ce duo au sein duquel la tension naît dès le premier coup d'oeil, on retrouve également Jun Se Hong et Choi Phillip.
Bilan : Drama entièrement dédié à ce thème prisé de la vengeance, The Empress use de ficelles narratives classiques à l'excès pour installer son univers. Il parvient à impliquer émotionnellement un téléspectateur qui ne saurait rester indifférent au sort de l'héroïne, au vu de la déchéance qu'elle subit. Le milieu des hôtesses et des rapports avec les puissants auraient pu permettre d'introduire une problématique de courtisanes, apportant quelque chose en plus par rapport aux simples histoires de revanche personnelle. Cependant, faisant rarement dans la nuance ou la subtilité, le drama se cantonne dans ces premiers épisodes dans un récit beaucoup trop superficiel, proposant un univers unidimensionnel dans lequel les personnages ne dépassent pas leurs stéréotypes. Cela n'incite guère à l'optimisme pour la suite.
NOTE : 4,5/10
La bande-annonce de la série :
14:11 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : the empress, k-drama, e-channel, jang shin young, kang ji sub, jun se hong, choi phillip, myung kye nam, kim bu sun, hyun suk, lee ki yeol, jung kyung soon | Facebook |
10/12/2011
(Mini-série US) Neverland : une préquelle à Peter Pan manquant de magie
Invitation à se divertir, les fêtes de fin d'année arrivent toujours avec leur lot de programmations spéciales, des fictions qui tentent de réveiller l'âme d'enfant du téléspectateur et de lui insuffler un peu de magie en adéquation avec cette période. Aux Etats-Unis, SyFy tente régulièrement d'apporter sa contribution à ces grilles téléphagiques festives. Avec plus ou moins du succès, il faut l'avouer. La dernière mini-série du genre que j'ai appréciée remonte à The Lost Room. En 2006 donc...
Cette année, la chaîne américaine poursuit son adaptation libre de classiques prompts à l'émerveillement. Après Tin Man (en 2007), Alice (en 2009), Nick Willing s'est cette fois attaqué à un autre mythe ayant bercé notre jeunesse, Peter Pan. Diffusée les 4 et 5 décembre 2011, cette mini-série comporte deux parties d'environ 1 heure 30 chacune. Malheureusement, le résultat s'essoufle trop vite pour remplir les 3 heures de divertissement promises.
Neverland débute à Londres, en 1906. Peter est un orphelin qui dirige une bande de jeunes voleurs détroussant les privilégiés dans les rues. Ces gamins ont été recueilli par Jimmy, un homme tombé en disgrâce au sein de la bonne société et qui survit désormais en donnant des leçons d'escrime. Mais ce dernier n'a tourné le dos à son passé, et il espère toujours récupérer son ancien statut. Pour cela, il n'hésite donc pas à accepter la mystérieuse mission que lui confie un puissant individu : celle de voler un objet bien particulier dans un magasin d'Antiquités.
Souhaitant démontrer à son bienfaiteur les talents et la matûrité de leur groupe, Peter décide d'anticiper le vol, s'introduisant par la ruse, avec ses compagnons, dans le lieu protégé. Si Jimmy les y surprend, tout se passe bien jusqu'à ce qu'ils se saisissent de l'objet convoité : une boule de verre, lumineuse, qui fait disparaître une partie de la maison et ceux qui s'y trouvaient dans un grand éclair. Jimmy, Peter et ses amis, se retrouvent alors dans un autre monde, peuplé de pirates et d'indiens, infestés de crocodiles, et où, surtout, le temps ne s'écoule pas... Neverland.
L'idée de se plonger à la genèse du mythe de Peter Pan aiguisait logiquement la curiosité d'un téléspectateur familier de l'histoire d'origine, ou du moins d'une des multiples déclinaisons qui ont pu être proposées depuis la création du personnage au début du XXe siècle. La mini-série avait en effet une ambition principale : comment Peter Pan ou encore le Capitaine Crochet sont-ils devenus ce qu'ils sont, comment sont-ils arrivés à Neverland ?
Pour nous entraîner au pays imaginaire, Neverland emprunte à d'autres fictions du genre afin de partir sur les bases connues mais efficaces d'un récit d'aventure à dimension initiatique. La découverte de ce monde à travers les yeux des nouveaux arrivants, avec ses règles, ses enjeux et ses rencontres improbables s'opère certes sans surprise, mais le sujet parle au téléspectateur et suit un rythme de narration très soutenu - parfois presque trop au vu de l'utilisation abusive de certains raccourcis - qui permet de ne pas s'ennuyer. Cependant si la mini-série bénéficie d'abord de l'envie du téléspectateur de jouer le jeu pour chercher à entrer dans l'histoire, elle ne va faire illusion qu'un temps.
Nous sommes en effet loin d'une oeuvre sachant s'adresser à l'imaginaire du téléspectateur. Neverland épuise progressivement le crédit et l'attrait dont disposait a priori son concept de départ, échouant à recréer et à s'approprier l'univers de Peter Pan. Une partie du problème tient à l'exécution du scénario : non seulement la narration confond trop souvent vitesse de développement et précipitation, mais elle est surtout trop prévisible et trop calibrée. Les facilités de l'histoire se suivent dans un premier temps avec une part de second degré au vu des grosses ficelles utilisées, mais l'effort requis finit par lasser.
Si on pourrait objecter que Neverland s'attache à respecter les canons du genre au risque de tomber dans un excès d'académisme, malheureusement, la mini-série perd dans le même temps l'essentiel : elle y sacrifie cette pointe de magie inhérente et légitimement attendue d'une telle histoire. Au fond, elle tombe en réalité dans le travers principal que risque toute déconstruction d'un mythe, celui de proposer une vision trop terre à terre venant briser la fragile osmose d'origine. Le traitement même du personnage de Peter Pan est assez symptomatique : l'évolution qu'il connaît, du garçon souhaitant grandir et faire ses preuves à celui de la dernière scène qui correspond à l'image connue, n'est pas présentée de manière consistante et satisfaisante.
Sur la forme, si Neverland s'inscrit dans la lignée des mini-séries SyFy, avec les limites que cela implique, elle est cependant assez décevante. Si je ne lui tiens pas rigueur de ses effets spéciaux et plus particulièrement de ses tentatives d'incrustations/reconstitutions de décor, qui ont une origine plutôt budgétaire, la faiblesse des moyens n'interdit pas toute prise d'inititaive. Or la réalisation, timorée, se contente en effet trop souvent d'en faire le minimum, sans jamais tenter de recréer sur la forme cette magie dont le fond est déjà trop dépourvu.
Enfin, Neverland bénéficie d'un casting qui laisse une impression mitigée. J'ai plutôt bien apprécié les performances des enfants, à commencer par Charlie Rowe en Peter Pan. En revanche, les adultes m'ont moins convaincu, qu'il s'agisse de Rhys Ifans ou d'Anna Friel (Pushing Daisies) ; seul Charles Dance (Game of Thrones) a vraiment tenu son rang au cours des quelques scènes dans lesquelles il apparaît.
Bilan : Divertissement d'aventure fantastique de saison, Neverland est une mini-série qui doit se regarder avec une âme d'enfant. Le jeune public devrait d'ailleurs être plus facilement enclin à l'apprécier, d'autant plus que l'histoire bénéficie d'un rythme de narration soutenu qui permet de ne jamais s'ennuyer. Malheureusement d'importants défauts de conception plombent ce récit qui partait sur des bases honnêtes et finissent par l'emporter sur l'attrait du mythe d'origine. Les ficelles trop grosses du scénario, et sa façon de déconstruire le mythe, prive en effet Neverland d'une spontanéité et d'une magie vitales.
NOTE : 5/10
La bande-annonce de la mini-série :
14:22 Publié dans (Mini-séries US) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : neverland, syfy, charlie rowe, q'orianka kilcher, rhys ifans, anna friel, charles dance | Facebook |
07/12/2011
(J-Drama / SP) Hotaru no Haka (Le tombeau des lucioles) : une tragédie de guerre bouleversante
Hotaru no Haka, ou Le tombeau des lucioles en version française, est à l'origine un roman semi-autobiographique de l'écrivain japonais, Nosaka Akiyuki, qui a été publié en 1967. C'est la magistrale adaptation proposée par les studios Ghibli en 1988 qui l'a popularisé et fait connaître à travers le monde. Au XXIe siècle, ce sont des adaptations live qui ont, par la suite, été réalisées. Il y a eu un film sorti au cinéma en 2008, et puis, à la télévision, le tanpatsu dont je vais vous parler aujourd'hui. Cette version de Hotaru no Haka a été diffusée le 1er novembre 2005 sur la chaîne NTV, dans le cadre des commémorations pour les 60 ans de la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Elle dure 2h30.
Cela faisait longtemps que ce drama figurait dans mon dossier à voir. Le chef d'oeuvre qu'est le film d'animation m'a, comme tout un chacun, profondément marqué. Seulement aussi indispensable que soit son visionnage, c'est aussi une oeuvre dont on ne ressort pas indemne ; c'est le DVD qu'il faut avoir dans sa DVDthèque, mais que l'on osera regarder qu'une seule fois. Seulement, un samedi soir, la curiosité l'a finalement emporté. Je ne vous surprendrais donc pas en vous disant en préambule que Hotaru no Haka est sans conteste le drama le plus éprouvant qu'il m'ait été donné de voir. Se réappropriant pleinement l'histoire originelle, il y apporte en plus une perspective supplémentaire qui va constituer une vraie valeur ajoutée par rapport au film d'animation.
[Si la critique ci-dessous se concentre sur le tanpatsu, quelques parallèles sont faits avec le film d'animation.]
De nos jours, au Japon, une vieille dame retrouve en rangeant les affaires de sa mère une ancienne boîte rouge de bonbons, à moitié rouillée. Face à sa petite-fille qui la questionne, elle entrouvre pour la première fois ses douloureuses mémoires de la Seconde Guerre Mondiale, entreprenant de raconter comment elle et sa famille ont survécu... et l'histoire de cette petite boîte métalisée.
Hotaru no Haka nous replonge alors dans les dernières années de la guerre, débutant en 1943, dans la ville de Kobe. Enfants d'un colonel de la marine, Seita, jeune adolescent, et Setsuko, encore petite fille, ont jusqu'à présent peu souffert des restrictions de la guerre. Mais le Japon perd du terrain face aux Etats-Unis et les bombardements se font de plus en plus fréquents. Leur père parti en mer, Seita s'efforce d'assumer les responsabilités de chef de famille, prenant notamment soin de leur mère qui souffre du coeur. Cette dernière renoue par hasard avec une cousine, Sawano Hizako, déplacée de Tokyo, et dont le mari est lui-même parti pour l'armée. Les deux femmes se promettent de s'entraider, pour assurer l'avenir de leurs enfants respectifs, si quelque chose devait arriver.
Or durant le printemps 1945, Kobe subit d'importantes frappes des B-29 américains qui larguent sur la ville des bombes à incendie. Au cours d'un de ces raids, le quartier où vivaient Seita et sa famille est entièrement détruit par le feu. Leur mère est mortellement brûlée durant cette même attaque. Se retrouvant soudain sans endroit où aller, ni figure tutélaire vers laquelle se tourner, les deux enfants sont recueillis par leur tante Hizako, celle-ci respectant ainsi la promesse faite à leur mère. Mais à mesure que la situation du pays empire, la nourriture, rationnée, se fait de plus en plus rare... Bientôt la présence de Seita et de Setsuko devient indésirable.
Il est des récits dont le téléspectateur ne ressort pas indemne. Des récits qui vous hantent longtemps après avoir éteint votre téléviseur. Hotaru no Haka est assurément de ceux-là. C'est l'histoire d'une, ou plutôt de plusieurs, tragédies de guerre qui dévoilent un pan sombre de la nature humaine qu'il est toujours difficile de voir exposé au grand jour. Fidèle à l'esprit de l'histoire originelle, ce tanpatsu en restitue toute l'intensité dramatique, avec une force et une intensité auxquelles peu de fictions parviennent. La sobriété et la retenue admirables de la mise en scène font ressortir une émotion la plus brute qui soit. Disposant d'une écriture remarquable de nuances et de sobriété, le drama va ainsi prendre la pleine mesure de la tragédie poignante qu'il relate.
Car Hotaru no Haka, c'est tout d'abord l'histoire de deux enfants rattrapés puis isolés par la guerre, se retrouvant soudain face à un univers hostile où ils n'ont plus leur place. Trahis par la collectivité à laquelle ils sont censés appartenir, ils vont être livrés à eux-mêmes en des temps difficiles où seule la solidarité aurait pu leur permettre de s'en sortir. Perdus par les circonstances, les personnages de Seita et de Setsuko reflètent une double symbolique. Non seulement ils représentent la vulnérabilité des plus jeunes en ces périodes troublées, premières victimes de conflits dans lesquels ils n'ont aucune part, mais ils illustrent aussi combien se fragilise le lien social en des temps de repli instinctif sur soi.
S'il a pour fil rouge les destinées de Seita et de Setsuko, l'intérêt de Hotaru no Haka ne se limite pas à ce seul récit. Le drama dresse en effet un portrait soigné du Japon des dernières années - et mois - de la guerre, se concentrant tout particulièrement sur l'été 1945, du bombardement fatal sur Kobe de juin jusqu'au discours de reddition de l'Empereur en août. Nous racontant la guerre du point de vue des civils, ce tanpatsu explore toutes les facettes de son sujet de façon plus développée que le film d'animation, prenant le temps de s'arrêter sur l'environnement dans lequel évoluent ses personnages principaux. Est ainsi proposé un instantané très riche du Japon de cette époque.
Parfaitement maîtrisée, la narration de Hotaru no Haka lui permet de dire beaucoup de choses en peu de mots. Parmi les thèmes abordés, on retrouve logiquement des sujets qui sont communs aux fictions de guerre, comme les difficultés liées au rationnement, ou encore la peur constante de la lettre qui viendrait annoncer la mort au combat de l'être cher parti au-delà des mers. Mais il y a aussi des éléments propres au pays du Soleil Levant qui permettent d'en apprendre plus sur le Japon de cette époque, telle la question de la place de l'armée au sein de la société ou encore le statut de l'Empereur. Sans trop s'attarder, le drama donne cependant des clés de compréhension très intéressantes, qui confère au récit une solide consistance.
Cependant, la réelle valeur ajoutée de Hotaru no Haka, par rapport au film d'animation des studios Ghibli, réside dans l'ajout d'une perspective supplémentaire pour raconter l'histoire de Seita et de Setsuko : celle de la tante, et indirectement celle de sa fille, adolescente de l'âge de Seita à l'époque, et qui est la narratrice du drama. Cela permet au récit de dépasser le simple drame personnel des deux enfants, aussi déchirant qu'il soit, pour éclairer une autre problématique centrale : ce que l'on est prêt à faire pour survivre et des sacrifices parfois nécessaires pour y parvenir. Le tanpatsu montre ainsi de façon particulièrement glaciale à quel point la guerre et les circonstances peuvent endurcir progressivement quelqu'un.
Hisako est en effet une femme, initialement généreuse, qui se retrouve face à un choix impossible imposé par les circonstances. Elle n'a pas les moyens de nourrir deux bouches supplémentaires. Tenter d'accueillir plus longtemps Seita et Setsuko pourrait les perdre tous, à commencer par ses plus fragiles enfants. La réussite du drama tient ici dans le portrait nuancé qui est fait de la tante. On perçoit cette part d'humanité qu'elle abandonne progressivement, en conscience, en décidant de revoir l'ordre de ses priorités et de ses principes. La mort de son mari sera l'évènement déclencheur la décidant à tout mettre en oeuvre pour sauver le reste de sa famille. A ce titre, le fait que le récit soit rapporté du point de vue de sa fille, soixante ans après, donne à l'ensemble une dimension encore plus forte ; comme cette dernière le dit en fin de drama, cette boîte de bonbons qui contient les cendres de Setsuko - et que Hisako avait, elle-même, offerte en d'autres temps à la petite fille - représente le rappel - douloureux et nécessaire - du prix de la survie. Hisako l'avait conservée pour ne pas oublier.
Solide et aboutie sur le fond, c'est la forme qui va être le point le plus perfectible de Hotaru no Haka. Sa principale limite est d'ordre budgétaire : la reconstitution des bombardements, de Kobe incendié et des ruines laissées détonnent à plusieurs reprises dans l'ambiance générale (surtout une des premières scènes, où l'incrustation sur fond vert bloque un instant le téléspectateur). Cependant ces quelques éléments ne doivent pas occulter les efforts faits par une caméra qui sait habilement capturer les émotions et non-dits des situations dont elle est le témoin. Le drama va aussi particulièrement bien réussir à retranscrire cette ambiance si particulière conférée par les lucioles aux environs du lac. Par ailleurs, Hotaru no Haka dispose également d'une bande-son souvent émouvante, où le piano, instrument prédominant, respecte parfaitement la tonalité de l'histoire. La justesse d'utilisation de ces musiques se retrouve jusque dans l'utilisation des silences, passages où la sobriété l'emporte opportunément.
Enfin, Hotaru no Haka bénéficie d'un excellent casting. La jeune Sasaki Mao incarne une Setsuko admirable de fraîcheur et de spontanéité qui correspond parfaitement à son personnage ; elle n'en brisera que plus douloureusement le coeur du téléspectateur. Ishida Hoshi joue son frère, essayant désespérant d'agir en homme responsable, mais qui reste un adolescent trop fier ne connaissant encore rien à la vie. Leur tante est superbement jouée par Matsushima Nanako, actuellement à l'affiche du drama de cet automne 2011 au Japon, l'excellent Kaseifu no Mita. L'actrice retranscrit ici une perte d'humanité à la fois glaçante et poignante. A leurs côtés, on retrouve également une galerie de seconds rôles convaincants, tels Ihara Tsuyoshi, Inoue Mao, Kaname Jun, Fukuda Mayuko, Iihara Narumi, Horie Shota ou encore Namase Katsuhisa.
Bilan : Parfaitement maîtrisé sur le plan narratif, Hotaru no Haka est tanpatsu très riche, mais aussi très éprouvant, dont on ne ressort pas indemne. Drame bouleversant et intense qui marque émotionnellement le téléspectateur, c'est également un récit de guerre intéressant qui évoque la situation des civils et s'attarde plus particulièrement sur le prix - parfois si lourd - de la survie individuelle. Oeuvre pesante, teintée d'une amertume parfois difficilement soutenable, elle reste aussi un rappel important que les victimes des conflits ne sont pas seulement celles qui trouveront la mort au front. Admirable de sobriété et de retenue, ce drama réussit parfaitement à prendre la mesure de son sujet si difficile, les évidentes limites formelles ne venant pas remettre en cause l'appréciation globale.
En raison de sa qualité d'ensemble, Hotaru no Haka est incontestablement une adaptation à découvrir. Elle devrait logiquement plaire aux personnes ayant apprécié le film d'animation, puisqu'elle dispose d'une valeur ajoutée non négligeable. Cependant il s'agit d'un visionnage difficile, dont il faut avoir conscience avant de lancer le drama.
NOTE : 9/10
Un MV (avec la chanson de clôture et des images de l'ensemble du tanpatsu) :
17:02 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : j-drama, hotaru no haka, le tombeau des lucioles, ntv, matsushima nanako, ishida hoshi, sasaki mao, ihara tsuyoshi, inoue mao, kaname jun, fukuda mayuko, iihara narumi, horie shota, namase katsushisa | Facebook |