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30/12/2012

(Bilan) Les tops et flops (éclectiques) de mon année sériephile 2012

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Qui dit fin d'année, dit bilan en tout genre. Best-of, tops et flops variés fleurissent dans les médias et la blogosphère. Comme c'est devenu une tradition depuis plusieurs années, je me prête également au jeu de la rétrospective avec le billet du jour : un article excessivement éclectique dans lequel j'essaie de dresser un rapide état des lieux de mon paysage sériephile en 2012, avec tout ce qui m'a marqué, en bien comme en mal. Pour cela, j'ai repris le même modèle que l'an passé (avec quelques catégories ajoutées).

Cette rapide synthèse, qui offre l'avantage de survoler avec un peu de recul l'année écoulée, est l'occasion de constater que ce fut (encore) une année extrêmement riche, très diverse en découvertes en tout genre (comme toujours). Dans mes programmes, elle a été constituée par beaucoup de rattrapages, notamment parce que ma résolution de l'année était de partir explorer plus sérieusement la télévision Européenne. Je me suis appliquée à remplir cette mission, au détriment parfois de certaines nouveautés que j'ai laissées filer sans moi. Ce sont les éternels arbitrages crève-coeur auxquels doit s'astreindre le sériephile. Je ne le regrette pas étant donné toutes les belles fictions que j'ai pu apprécier. Mais j'ai donc aussi beaucoup de fictions en retard, auxquelles j'ai même consacré un top des priorités à rattraper (n'hésitez pas à en suggérer d'autres).

En résumé, voici donc mon année sériephile 2012. Un billet qui ne prétend à aucune exhaustivité (réalisé dans la limite de mes visionnages) et qui se contente d'évoquer les séries qui ont fait mon année 2012. Le concept demeure inchangé par rapport aux années précédentes : vous trouverez plusieurs rubriques, et un seul élu par nationalité (choix discrétionnaires). Embarquez pour un (rapide) petit tour du monde en séries !

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LES TOPS des séries visionnées en 2012

S'il ne devait en rester qu'une :
Angleterre : The Hour, saison 2
Corée du Sud : Reply 1997 (Answer Me 1997)
Etats-Unis : Justified, saison 3
Japon : Shokuzai
Reste du monde : Redfern Now, saison 1 (Australie)

Les (bonnes) surprises du chef :
Angleterre : Call the Midwife, saison 1
Corée du Sud : History of the Salaryman
Etats-Unis : Elementary, saison 1 (autant qu'un cop show de CBS puisse me plaire)
Japon : Going My Home
Reste du monde : Äkta Människor (Real Humans), saison 1 (Suède)

Le top des confirmations :
Angleterre : Sherlock, saison 2
Corée du Sud : -
Etats-Unis : Game of Thrones, saison 2
Japon : Kodoku no gurume, saison 2

Reste du monde : Un Village Français, saison 4 (France)

Le top des séries en "costumes" (aka "se déroulant dans le passé et non citées dans les précédents tops") :
Angleterre : The Bletchley Circle (Mini)
Corée du Sud : God of War
Etats-Unis : Boardwalk Empire, saison 3

Japon : Unmei no Hito
Reste du Monde : Puberty Blues (Australie)
Hors catégorie : The Hollow Crown (Angleterre). Parce que Shakespeare...

Le top des comédies que j'ai aimées (parce que oui, cela arrive !) :
Angleterre : Bad Education, saison 1
Corée du Sud : Can we get married ?
Etats-Unis : Veep, saison 1
Japon : Yuusha Yoshihiko to Akuryou no Kagi (saison 2)
Reste du monde : A Moody Christmas (Australie)

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LES FLOPS des séries diffusées en 2012

Les nouveautés au concept intéressant qui n'ont pas tenu leurs promesses :
Angleterre : White Heat (Mini) / Hunted, saison 1
Corée du Sud : Hero (OCN)

Etats-Unis : Last Resort
Japon : Magma
Reste du monde : Les hommes de l'ombre (France)

Les déceptions dont j'attendais plus :
Angleterre : Good Cop
Corée du Sud : King 2 Hearts

Etats-Unis : Polical Animals (Mini)
Japon :
Kaeru no Oujo-sama
Reste du monde : Bikie Wars (Australie)

Les essais à oublier :
Angleterre : Eternal Law
Corée du Sud : Dr Jin
Etats-Unis : 1600 Penn
Japon :
Kazoku no Uta
Reste du monde : Le Transporteur (France)

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LE TOP spécial en retard (des séries rattrapées en 2012)

Elles n'ont pas été diffusées cette année dans leur pays d'origine, mais je les ai regardées en 2012... Et vu leur qualité, elles méritaient un top !

1. The Sandbaggers, saisons 1 à 3 (Angleterre)
2. Heimsendir (World's End) (Islande)
3. Bron/Broen (The Bridge), saison 1 (Danemark-Suède)
4. Klass : Elu Parast (La Classe) (Estonie)
5. Hatufim (Prisoners of War), saison 1 (Israël)
6. Overspel, saison 1 (Pays-Bas)
6. Koselig Med Peis (Esprit Norvégien) (Norvège)
7. Cidade dos Homens (La Cité des Hommes) (Brésil)
8. Forestillinger (Performances) (Danemark)
9. East West 101, saison 1 (Australie)
10. Suzuki Sensei (Japon)
11. Reporters, saisons 1 et 2 (France)
12. The Quiz Show (Japon)

13. Dagvaktin (saison 2 de Naeturkvatkin (The Night Shift)) (Islande)
14. Pressa, saison 2 (Islande)

15."10" (Suisse)
16. Il Capo dei Capi (Corleone) (Italie)

17. Callan (Angleterre)
18. Ningen no Shoumei (Japon)
19. Srugim (Israël)
20. Polseres Vermelles (Les bracelets rouges), saison 1

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LES TOPS du futur

(Parce que tout sériephile a déjà les yeux tournés vers 2013.)

Le top des séries en retard, que je n'ai pas regardées, mais pour lesquelles je vous fais confiance (mes priorités de rattrapage des prochains mois...) :

Angleterre : Wallander, saisons 1 à 3
Corée du Sud : Queen In Hyun's Man
Etats-Unis : Treme, saison 3
Japon : Double face
Amérique : Apparences (Canada)
Europe :
Les Revenants (France) / Pressa, saison 3 (Islande)
Océanie : East West 101, saisons 2 et 3


Le top des séries de 2013 que j'attends avec le plus d'impatience actuellement
(avec plein d'espions dedans !) :
Angleterre : The Spies of Warsaw
Corée du Sud : Level 7 Civil Servant/Secret Couple
Etats-Unis : The Americans (sur FX, à partir du 30 janvier)
Japon : -
Europe : Odysseus (France)
Océanie :  Serangoon Road (Australie)

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Avoir choisi la diversité a eu pour conséquence une moindre spécialisation. J'avais déjà sacrifié une partie des productions des Etats-Unis les années précédentes, en 2012, c'est l'Angleterre qui a vu sa place décroître un peu. Que dire, si ce n'est que la sériephilie est faite de choix : la première étape est sans doute d'admettre son impossibilité à suivre tout ce que l'on voudrait. L'essentiel est de trouver un équilibre, avec des fictions qui nous parlent, des oeuvres de qualité qui donnent un sens à cette passion pas toujours raisonnable pour le petit écran. Quand je vois le contenu de mon "top spécial en retard", je me dis que ça valait le coup.

En résumé, qu'espérer de plus pour 2013, si ce n'est une année aussi riche que 2012 ? Au fond, peut-être plus de temps libre à consacrer aux séries, tout simplement...


Et vous, chers lecteurs, quelles ont été vos expériences sériephiles de 2012 ? Que retenez-vous de l'année qui s'achève ? En garderez-vous de bons souvenirs ou des impressions plus mitigées ?

28/10/2012

(FR) Un Village français, saison 4 : une chronique ordinaire dense et marquante de la France de 1942

 
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Un de mes plus intéressants rattrapages de séries françaises effectué cette année aura sans conteste été la découverte de Un Village français. Une oeuvre au sujet fort, ambitieux, qui gagne en maîtrise, en intensité et en qualité tout au long des trois premières saisons sur lesquelles j'avais eu l'occasion de revenir dans un bilan rédigé en début d'année. Depuis, la quatrième saison 4 a été diffusée au printemps 2012. J'ai investi dans le coffret DVD les yeux fermés. Avec raison.

Elle confirme en effet la place de la série parmi ces fictions qui démontrent que, oui, la France est capable de faire de bonnes, voire très bonnes, séries, exploitant pleinement le format télé et sachant les faire mûrir au fil des épisodes. En attendant la cinquième saison, annoncée pour février 2013 sur France 3 (au tournage de laquelle un nouveau magazine français sur les séries, sorti cette semaine, Preview, consacre d'ailleurs un reportage), j'ai achevé mon visionnage de la quatrième. Il est donc temps de vous expliquer pourquoi Un Village français mérite, cette année encore plus particulièrement, votre attention.

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La saison 4 d'Un Village français continue de nous faire progresser dans la chronologie de la Seconde Guerre Mondiale, durant la période de l'Occupation, abordant cette fois l'année 1942. Se voulant représentative de tous les enjeux d'alors, la saison se découpe en deux parties, séparées par plusieurs mois, mais se déroulant sur des courtes périodes de quelques jours seulement.

La première permet d'évoquer le sort des juifs : Villeneuve accueillant en transit un convoi de juifs étrangers déplacés par les Allemands, elle devient le théâtre d'arrestations pour satisfaire aux demandes de l'occupant, tandis que l'école doit faire face à l'hébergement provisoire de ces détenus dans des conditions difficiles. A la mi-saison, ils partent finalement pour le camp de Drancy, sans savoir ce qui les attend. Ensuite, la série se recentre sur la question des réseaux de résistance à l'intérieur du pays, mais aussi en coordination avec la France libre dont le parachutage d'un radio venu de Londres rappelle l'existence. L'enjeu devient alors celui d'un rapprochement entre les différents mouvements issus de toutes les tendances politiques, des communistes aux gaullistes, tandis que la police française et les autorités allemandes redoublent d'effort pour les exposer. 

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Cette saison 4 s'inscrit dans la droite ligne de l'équilibre trouvé au fil des précédentes saisons. Tout en n'occultant jamais un arrière-plan historique où les grands évènements nous parviennent par quelques mots échangés à la préfecture, mais aussi par l'intermédiaire de Radio Londres, Un Village français reste centrée sur le sort de ses figures locales devenues familières. Les stéréotypes des débuts ont depuis longtemps été dépassés, les psychologies se sont affinées, révelant des complexités, voire des ambivalences, qui ont humanisé des personnages ayant gagné en épaisseur. On sait chacun caractérisé par une ambition, une prudence, un engagement ou un humanisme particulier. Désormais, partant de cette base, la série nous relate leurs réactions face aux nouveaux développements et tournants pris par l'occupation : comment, en cohérence avec eux-mêmes, mais aussi avec les limites de leurs caractères ou de leurs convictions, vont-ils faire face aux évènements ? C'est sur ce plan que le parti pris de la série est très intéressant. Car c'est sans le moindre recul, ni toujours réelle compréhension des enjeux, que chacun est amené à se positionner.

Faire de Villeneuve un lieu de transit provisoire pour des détenus juifs est ainsi l'occasion de se replacer du point de vue de 1942. Au-delà de l'antisémitisme ambiant, à ce moment-là, ni les juifs, ni les habitants de la ville ne peuvent imaginer ou mesurer ce vers quoi ils se dirigent. Or l'ignorance des protagonistes contraste avec la connaissance du téléspectateur. La gorge se noue imperceptiblement en voyant Daniel Larcher s'agiter pour mettre à disposition un local communal afin de tenter de soigner le quotidien immédiat des juifs, devenant sans le comprendre un maillon parmi tant d'autres qui facilitent par-là même le bon déroulement de la déportation en cours. Pareillement, les échanges à l'intérieur de l'école et les efforts faits par chacun pour comprendre et rationaliser ce qu'il se passe n'en sont que plus marquants. Il faut ici saluer la qualité de l'écriture qui conserve toujours, dans ces moments-là, une sobriété bien dosée, même face à des scènes où le drame et le déchirement pointent.

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Si les personnages d'Un Village français sonnent souvent authentiques et réels, c'est justement grâce à leurs paradoxes et à leurs failles. Ils évoluent, pour la plupart, dans une zone grise, et seul l'avenir permettra de juger les décisions qu'ils ont prises, sur un plan aussi bien moral que légal ou politique. La saison offre à un certain nombre d'intéressants développements, fidèles à eux-mêmes, mais jamais figés non plus dans leurs positions. Parmi les différentes storylines, la seule sur laquelle je garde des réserves est celle de la relation entre Marchetti et Rita, une histoire d'amour impossible que je n'ai jamais réussie à trouver crédible. Toujours est-il que la série a conservé une dimension chorale qui fait sa force, avec une caractérisation cohérente des personnages particulièrement bien mise en valeur au cours des passages de crise les plus déterminants. Les conditions de la chute du réseau gaulliste, avec ce piège qui se referme sur la ferme de rendez-vous, illustrent cette qualité.

Par ailleurs, la saison 4 aura été celle de la confirmation pour ce qui est de la maîtrise du rythme narratif. Le passage à du vrai feuilletonnant en saison 3 avait constitué un déclic pour la série, soudain capable de susciter une attente chez un téléspectateur impatient de découvrir la suite. Le même savoir-faire se retrouve : le récit est dense, sans temps mort, avec une narration homogène. Les chutes de fin en forme de cliffhanger permettent un enchaînement naturel des épisodes. La maturité de la fiction se perçoit également dans sa gestion de ses grandes trames. Par exemple, on assiste au cours de la première partie relative aux juifs à un glissement inexorable, impeccablement géré, allant crescendo dans une tonalité de plus en plus glaçante. Tout d'abord, la déportation est assimilée à une simple tâche administrative et policière. Puis surgissent rapidement la réalité d'enjeux humanitaires pressants. Mais c'est l'ordre de séparation des enfants, et enfin l'arrivée des SS, qui achèvent le basculement dans l'horreur, confirmée par l'annonce finale de la destination du groupe : Drancy. Une escalade que la série sait bien construire.

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Enfin, outre sa solidité d'écriture et l'ambition de son sujet, Un Village français bénéficie également d'un casting dans l'ensemble très bon et convaincant, dont les interprétations permettent de donner une force supplémentaire aux intrigues portées à l'écran. Cette saison 4 rassemble des acteurs principaux fidèles à eux-mêmes et maîtrisant parfaitement leurs personnages, même si, les storylines variant, tous n'ont pas la même exposition que par le passé (Thierry Godard, par exemple, est plus en retrait). Quant à ceux qui arrivent au cours de cette saison, ou sont seulement de passage, ils trouvent aussi très vite le ton juste. En dépit d'une histoire un peu artificielle, Axelle Maricq apporte une belle fraîcheur à l'écran dans son rôle de Rita. Philippe Résimont rend instantanément détestable personnage de Chasagne, un des rares à être présenté sans la moindre ambivalence. Nathalie Bienaimé se sera affirmée en se rapprochant d'un Raymond Schwartz moins présent. Et puis, en radio parachuté de Londres, je ne dis jamais non à quelques épisodes comprenant Jérôme Robart

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Bilan : Avec un récit dense et un rythme de narration très bien maîtrisé, la saison 4 de Un Village français marque une nouvelle étape dans la maturation d'une série qui semble désormais prendre pleinement la mesure de la force et de l'ambition de son sujet. Capable de susciter une vraie implication émotionnelle grâce à l'humanité de ses personnages, la série conserve dans le même temps l'approche pleine de sobriété et de retenue qui fait sa force, lui permettant de traiter avec beaucoup de justesse de thèmes difficiles. Cette saison 4 aura été une saison pleine et solide, confirmant la progression constante d'une oeuvre parvenue à maturité.

En conclusion, si cela n'est pas déjà fait, un rattrapage s'impose avant février prochain.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la saison :

29/01/2012

(FR) Un village français, saisons 1 à 3 : chronique du quotidien ordinaire sous l'Occupation

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Après avoir tant voyagé à travers le globe, j'ai reposé mes valises en France en ce mois de janvier. Mercredi soir, je me suis installée devant Les Hommes de l'Ombre sur France 2. Une fiction pas inintéressante, mais dont l'inégalité chronique est symptomatique de bien des maux qui pèsent sur la télévision française. Pour un passage réussi, combien de flottements téléphonés ?

Je le reconnais, les séries françaises et moi, c'est une longue histoire de désamour. Il fut un temps où j'en testais, parfois avec réussite : j'ai encore le souvenir de Police District qui avait su considérablement me marquer. Mais trop d'insatisfactions ont fini par me lasser. Je suis donc partie en voyage. Ca m'a permis de découvrir qu'il existait des horizons sériephiles inexplorés au-delà des Etats-Unis ; que l'on pouvait trouver des perles dans les petits écrans de pays dont j'ignorais tout. Ce n'est pas une simple quête pour se dépayser. Ca a été (et c'est toujours) une voie d'apprentissage sériephile pour mieux comprendre ce que le petit écran a à offrir.

Avec le recul, je me rends compte que je fonctionne beaucoup par cycles. Tout en diversifiant les nationalités de mes programmes, il y a toujours eu des périodes consacrées à l'exploration plus avancée de tel ou tel pays. En France, hormis quelques exceptions, il faut avouer que j'ai très peu regardé la télévision ces 5 dernières années. Cependant quand, dans le même temps, je vois le dynamisme global que connaissent les productions à travers le monde, j'ai envie de revenir donner une chance à celles à venir ou que j'ai pu rater. J'ai donc pris des résolutions pour 2012 : jeter un oeil aux séries de Canal + (j'ai donc investi dans les DVD de Reporters et d'Engrenages). Et puis, prendre le temps de rattraper une série qui m'intriguait depuis ses débuts : Un Village français sur France 3. 

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Un Village français a été créée par Frédéric Krivine, Philippe Triboit et Emmanuel Daucé. Elle a débuté sur France 3 le 4 juin 2009. Si elle compte déjà trois saisons, une quatrième sera diffusée ce printemps 2012. Il faut préciser que j'ai visionné les deux premières saisons, de six épisodes chacune, l'année dernière. Puis, en ce mois de janvier, je me suis lancée dans la troisième, me surprenant à la regarder à un rythme beaucoup plus soutenu tant le récit était devenu vraiment prenant. On peut donc dire que cette série constitue ma première expérience concluante de ce cycle "séries françaises".

Un Village français entreprend de nous plonger dans la Seconde Guerre Mondiale, et plus précisément durant l'occupation allemande, en s'intéressant au quotidien d'une petite ville de province, sous-préfecture fictive du Jura, Villeneuve, qui se situe non loin de la ligne de démarcation. La série débute en juin 1940 et devrait donc nous raconter les cinq années qui vont suivre jusqu'à la libération et la fin de la guerre. C'est aux côtés de la population civile que nous allons vivre ces années difficiles. Que ses personnages soient entrepreneur, agriculteur, maire, policier ou institutrice, c'est à la survie de citoyens ordinaires dans des circonstances extraordinaires qu'est consacrée la série. Elle va nous relater leurs doutes, leurs choix, les prises de positions, mais aussi les sacrifices que les circonstances précipiteront.

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En premier lieu, il est impossible de rédiger une critique d'Un Village français sans souligner l'affirmation progressive que la série connaît. En effet, elle bénéficie d'une amélioration constante à chacune de ses saisons, comme si les scénaristes gagnaient en assurance et maîtrisaient de mieux en mieux leur thème, leurs objectifs, mais aussi le format télévisuel choisi. Initialement, pour s'imposer comme une chronique humaine et chorale s'intéressant au quotidien d'une galerie de personnages, la fiction fait le choix de s'intéresser à des journées-clés, souvent espacées, dont les évènements sont représentatifs de tout ce qui est en train de se passer dans le pays. Hormis quelques accélérations dramatiques opportunes, comme pour le 11 novembre 1940, chaque épisode apparaît comme une forme d'instantané semi-indépendant. Or, au cours de la saison 3, la perspective change : le feuilletonnant devient dominant, et les scénaristes prennent alors la pleine mesure du format.

Si elle compte 12 épisodes, et non plus 6 comme les deux premières, la saison 3 est plus ramassée, se déroulant sur une période plus brève. Le récit est dense, porté par une tension dramatique croissante, et rythmé par d'efficaces cliffhangers. Un Village français devient alors véritablement captivant : désormais le téléspectateur est naturellement porté à enchaîner les épisodes, au vu de tout ce qui est laissé en suspens. On assiste clairement à la construction de grands arcs narratifs, la saison formant une sorte de boucle, les derniers épisodes concluant et tirant les conséquences des évènements tout en redistribuant les cartes et en laissant incertain le destin de plusieurs protagonistes pour la saison suivante. Si le nombre d'épisodes conduit à peut-être étirer un peu trop certaines storylines qui perdent alors une part de leur intensité (la préparation de l'attentat par les communistes notamment), dans l'ensemble, ce changement d'approche est maîtrisé et surtout vraiment perceptible pour le téléspectateur.

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Outre cette prise de conscience des possibilités offertes par le format, à laquelle il est vraiment intéressant d'assister, Un Village français mérite également le détour en raison de son sujet et de la manière dont il est traité. C'est ici dans le registre de la reconstitution historique que la série s'impose. En faisant le choix de traiter de cette zone grise que représente l'occupation, sa première réussite va justement être de ne jamais tomber dans une approche manichéenne qui aurait été par trop réductrice. Au contraire, elle dresse un tableau très nuancé de tous ces habitants, ordinaires, qui poursuivent comme ils le peuvent leur vie. Elle montre bien combien les positions de chacun peuvent fluctuer et dépendre des circonstances ou du statut social, mais aussi combien il est difficile d'analyser une situation comme celle de l'occupation dans l'immédiateté, sans avoir le moindre recul, alors que l'on est pris dans toutes ces difficultés - alimentation, couvre-feu, ligne de démarcation - qui entravent désormais le quotidien.

Qu'ils fassent avant tout preuve de pragmatisme, qu'ils suivent de réelles convictions politiques ou nationalistes, ou qu'ils soient simplement entraînés par les circonstances, les personnages sont amenés à faire des choix. Au fil des saisons, une radicalisation s'opère. Il est frappant de constater combien les motifs qui provoquent les glissements vers une résistance ou une collaboration actives sont très différents. Si initialement, chaque protagoniste apparaît comme un stéréotype représentatif d'une situation, à mesure que la série avance, les personnages gagnent en épaisseur. Les motivations et les failles de chacun apparaissent au grand jour. Ils s'affirment, se radicalisent, leur psychologie se développe et se précise. Le téléspectateur en a alors une meilleure compréhension. Cette progression contribue ainsi à les humaniser, transformant la chronique rigoureuse mais un peu distante des débuts, en un récit dans lequel on s'implique de plus en plus émotionnellement.

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Sur la forme, Un Village français est une série soignée. La réalisation est parfaitement maîtrisée, ni trop figée, ni trop nerveuse, mais restant toujours très posée et capable de s'adapter aux différentes scènes. La photographie permet une belle reconstitution historique. De plus, la série dispose d'un générique très bien pensé dont la teinte beige, semblable aux anciennes photos d'époque, donne l'impression d'inviter le téléspectateur à feuilleter les archives de cette petite ville provinciale.

Enfin, le casting se révèle homogène et solide, ce qui est déterminant dans le cadre d'une série chorale comme Un Village français. Si on peut ressentir plus ou moins d'affinités pour certains personnages, et si suivant les saisons, tous ne sont pas mis en valeur pareillement, les acteurs délivrent des interprétations globalement sans fautes. Parmi eux, on retrouve notamment Robin Renucci, Audrey Fleurot, Nicolas Gob, Thierry Godard, Nade Dieu, Emmanuelle Bach, Patrick Descamps, Fabrizio Rongione, Marie Kremer, Maxim Driesen, Max Renaudin, Lucie Bonzon, Nathalie Cerda, Constance Dollé, Samuel Theis ou encore Richard Sammel.

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Bilan : Reconstitution historique soignée, abordant avec toute la nuance nécessaire cette période complexe qu'a été l'occupation allemande durant la Seconde Guerre Mondiale, Un Village français est une série qui grandit au fil des saisons. Son écriture s'affirme progressivement. Non seulement, elle va prendre pleinement conscience des possibilités offertes par son format, en embrassant un rythme feuilletonnant particulièrement efficace au cours de la saison 3. Mais elle va aussi peu à peu humaniser ses personnages, retranscrivant les conflits qui les agitent et permettant de mieux comprendre les choix qu'ils font ou feront. Une série donc intéressante à découvrir à plus d'un titre !


NOTE : 7,25/10


Une bande-annonce (saison 2) :

Le générique :

14/01/2012

(FR) Nicolas Le Floch, saison 4, épisode 1 : Le Dîner de Gueux

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La soirée d'hier était exceptionnelle : j'ai allumé ma télévision pour regarder une chaîne française ! Ce vendredi 13 janvier, c'était en effet un peu le rituel annuel grâce auquel je renoue avec le petit écran de mon pays. Ce moment où je culpabilise aussi devant toutes mes belles résolutions non tenues le reste de l'année, me promettant une énième fois d'essayer de plus souvent donner leur chance aux séries françaises (tiens, pourquoi pas Les hommes de l'ombre à la fin du mois ?). Et ce, même si, en 2011, je suis satisfaite d'avoir rattrapé - et aimé - Un Village français, à défaut d'avoir trouvé mon bonheur parmi les autres fictions testées.

La série dont je vais vous parler aujourd'hui (et dont je vous ai de toute façon déjà parlé à plusieurs reprises par le passé) est un cas à part dans ma sériephilie : elle demeure une des rares fictions françaises à laquelle je suis profondément attachée et fidèle à travers les années - même si, en effet, au rythme de deux épisodes par saison, il y a peu de risque de voir la lassitude poindre ! C'est une série dont je guette chaque année le retour avec une impatience mêlée d'excitation. Car il émane de Nicolas Le Floch un parfum inimitable et savoureux, celui d'un plongeon aventurier et policier au XVIIIe siècle.

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Depuis la saison 3, Nicolas Le Floch s'est affranchi des romans de Jean-François Parot dont la série se contente de librement s'inspirer, Hugues Pagan écrivant désormais des aventures inédites du commissaire au Châtelet (avec une plume toujours aussi inspirée).

Le Dîner de Gueux débute de façon mouvementée. La jeune Clémence de Villerbois et son père échappent de justesse à des brigands grâce à l'intervention d'un noble étranger, le charmeur Giacomo Petracci, bien aidé par l'arrivée opportune de Nicolas Le Floch et de ses hommes, présents grâce aux renseignements fournis par la Paulet. Mais c'est l'ombre d'un célèbre bandit qui plane sur cette affaire : celle de La Griffe, brigand insaisissable dont la réputation n'est plus à faire dans tout le royaume. Dirigeait-il l'attaque que Nicolas a fait échouer comme un premier témoignage semble l'indiquer ? Mais pourquoi l'instinct rarement pris en défaut du commissaire lui dit-il de se méfier de ce seigneur si galant qu'est Petracci ?

Parallèlement à cette gestion quotidienne d'actes de brigandage, Nicolas Le Floch est également sollicité à Versailles pour des enjeux autrement plus importants qui touchent directement la couronne et ses finances alors dans un état épouvantable. En effet, si les jeux d'argent sont officiellement interdits par le roi, Louis XV s'adonne cependant, sans trop de restrictions, dans l'intimité de la cour, à des paris sur des duels opposant les plus fines lames d'Europe. Un combat est d'ailleurs prochainement programmé, or tant d'argent rassemblé à la cour ne peut qu'attiser toutes les convoitises... notamment d'un homme tel que La Griffe.

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Fidèle à l'atmosphère particulière qui règne dans la série, Le Dîner de Gueux est un pur divertissement historique de cape et d'épée, enthousiasmant et dynamique. Dans cet épisode, c'est dans une aventure foisonnante qu'il nous entraîne, avec une intrigue à plusieurs entrées où toutes les ramifications de l'histoire finissent par se rejoindre autour d'un enjeu principal : la confrontation avec La Griffe. Comme souvent, le téléspectateur se laisse facilement grisé par le soin apporté à l'ambiance, ne s'arrêtant pas sur les détails de l'enquête. Ce qui retient l'attention, ce sont ces savoureux échanges aux tournures de phrases délicieusement ampoulées qui maintiennent un savant équilibre dans les tonalités, entre effronterie, légèreté et sérieux. Ce sont aussi ces morceaux de panache et de bravoure, ce sens du théâtralisme assumé qui tend vers la grandiloquence, ces flirts jubilatoires avec un libertinage de folklore. Tous ces ingrédients sont ici réunis dans un épisode où l'on retrouve toute la saveur de Nicolas Le Floch.

Cependant, la réussite du Dîner de Gueux est double, car c'est grâce aux personnages mis en scène qu'il va se démarquer. Parce que Nicolas Le Floch n'est jamais autant attachant que lorsqu'est éclairée cette ambivalence qui le caractérise, à la fois esprit légal rigoriste et enquêteur hors pair, mais aussi impulsif charmeur et bon vivant aimant se faire plaisir. Or il se retrouve face à un adversaire à sa hauteur, qui n'est pas si dissemblable. Descendant direct d'un Mandrin, La Griffe respire le même sens du panache que Nicolas. La bonne idée de départ est de les avoir faits se rencontrer dans ces circonstances mouvementées au cours desquelles Nicolas sauve La Griffe dont il ignore alors la réelle identité. A partir de là, l'épisode peut construire leur confrontation sur des bases solides : la proximité des styles permet la naissance d'une certaine estime entre les deux hommes, même si chacun a bien conscience d'être dans des camps opposés. L'intervention finale de la chanoinesse permettra cependant à l'épisode de conserver la part d'insouciance que Nicolas, comme La Griffe, auront encouragé tout au long de l'aventure.

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Si Nicolas Le Floch s'offre donc un retour convaincant dans le registre assez léger du divertissement enthousiaste de cape et d'épée qui se savoure sans modération, un bémol vient pourtant ternir quelque peu ce tableau positif. Tout en prouvant que la série a désormais trouvé ses marques pour pleinement s'épanouir, en entamant (déjà) sa quatrième saison, avec son (seulement) septième épisode, Le Dîner de Gueux signe cependant l'abandon du feuilletonnant : il ne donne aucune nouvelle de la Satin, quittée enceinte il y a plus d'an lors de la fin de la saison 3 (Hugues Pagan ne voulant apparemment pas de bébé venant enrayer la dynamique de sa série). Or si Nicolas Le Floch s'est construit une identité propre dans le petit écran français, il est dommage d'oublier que l'avantage du format télévisé est justement de permettre de voir grandir et mûrir une oeuvre, mais aussi des personnages. C'est récompenser la fidélité et l'investissement du téléspectateur que de ne pas jeter aux oubliettes la continuité narrative.

Pour terminer sur une note positive cette critique, il me faut m'arrêter un instant sur les performance d'un casting excellent. Il faut tout particulièrement saluer Jérôme Robart capable de parfaitement retranscrire toutes les nuances de ce personnage fascinant qu'est devenu Nicolas Le Floch. A ses côtés, tous les acteurs sont très solides et pleinement dans leur rôle. Les comparses de Nicolas sont des alliés précieux, du docteur Scemacgus (Vincent Winterhalter) à qui est donné l'occasion de démontrer de nouveaux talents, au toujours fidèle inspecteur Bourdeau (Mathias Mlekuz). Sartine (François Caron), ses perruques et son ordre des priorités, fournissent encore un élément comique très appréciable. Enfin, il faut également citer, pour cet épisode, un Grégori Dérangère en grande forme, qui campe un adversaire digne de Nicolas, les deux rivalisant de charisme pour le plus grand bonheur du téléspectateur.

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Bilan : Avec Le Dîner de Gueux, Nicolas Le Floch nous entraîne dans une aventure enthousiasmante et virevoltante, pleine de panache et de flamboyance, qui se suit avec beaucoup de plaisir. La saveur des dialogues admirablement ciselés n'a d'égal que le charme des personnages mis en scène. Toujours très attachante, s'inscrivant pour son retour dans un registre volontairement plus léger - même si elle perd pour l'occasion sa dimension feuilletonnante -, Nicolas Le Floch confirme qu'elle reste une série à part (que j'aime très fort).


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de l'épisode :


Le générique de la série :

15/10/2011

(Pilote FR) Borgia : faut-il avoir foi en Tom Fontana ?

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Cette année, j'ai l'impression de passer mon temps à assister à l'élection de papes. Prenez le dernier film que je suis allée voir au cinéma, Habemus Papam... A des lieues de la vision contemporaine de Nanni Moretti, il y a un autre versant, historique et autrement plus sombre, s'offre au sériephile : suivre les destinées d'une famille à la légende noire abondante, propre à nourrir tous les fantasmes des scénaristes, les Borgia. Ils auront été un peu la Guerre des boutons du sériephile en cette année 2011, avec une version proposée par Showtime au printemps, une autre qui a débuté en fanfare cette semaine en France, sur Canal +.

Il faut dire que la chaîne cryptée française avait mis les petits plats dans les grands et affichait une attrayante image internationale, allant jusqu'à enrôler la plume d'un grand du petit écran américain, Tom Fontana. J'ai suivi la saison 1 de The Borgias avec intérêt - même si la série n'est pas exempte de tout reproche (Pour rappel, ma critique de fin de saison). J'attendais avec autant d'impatience cette autre monture. Car l'intérêt de Borgia, c'est aussi de voir comment avec une autre approche, un autre savoir-faire, un même sujet peut être transposé à l'écran. The Borgias portait la marque de Showtime en poursuivant clairement le créneau ouvert par The Tudors, qu'allait-il en être de Borgia ?

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Rome, 1492. Dans la péninsule italienne fragmentée, les Etats pontificaux doivent faire face à des menaces aussi bien extérieures qu'intérieures qui les fragilisent. Coincés entre les ambitions des grandes puissances militaires temporelles de cette Europe de la fin du Moyen-Âge, le Saint-Siège est aussi déchiré de l'intérieur, marqué par les rivalités entre les grandes familles romaines aux relations empoisonnées par des querelles intestines et des égos surdimensionnés. Le pape Innocent VIII est vieux, malade, ce qui attise un peu plus les ambitions de chacun en ces temps d'instabilité.

Rodrigo Borgia, neveu du Pape Callixte III, occupe le poste de vice-chancellier auprès du pape actuel. Issu d'une famille originaire d'Espagne, ce cardinal ne manque pas d'ambition : il distingue, par-delà le siège de Saint Pierre, le trône d'Espagne qu'il rêve pour sa descendance. Fin stratège politique, il organise méticuleusement, dans cette optique, la vie de ses divers enfants, illégitimes. Il répartit ainsi les fonctions entre ses fils adultes, suivant les compétences et mérites qu'il leur attribue : à l'aîné, Juan, le titre temporel de duc et les honneurs militaires ; à Cesare, le titre d'évêque et une vie d'homme d'Eglise que le jeune homme ne veut pas. Quant à sa seule fille, Lucrezia, elle arrive en âge d'être mariée ; à Rodrigo de trouver le meilleur parti qui servira ses intérêts.

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Série historique ambitionnant de dépasser l'image figée qui peut être associée aux fictions en costumes, Borgia donne immédiatement le ton dès son introduction. Elle n'entend pas subir son cadre : ce sont des codes narratifs modernes qu'elle va utiliser pour s'approprier cet univers passé. Il en résulte un traitement des problématiques volontairement contemporain, avec une terminologie connotée (mafia, vendetta), destinée à mettre en lumière et à exacerber le caractère intemporel des jeux de pouvoirs relatés. Déchirant la toile spirituelle d'apparât, la série s'intéresse avant tout à la nature humaine. Laïcisant son sujet, elle met à jour les ressorts les plus intimes des protagonistes, s'intéressant aux passions et aux intérêts, tellement terrestres, qui meuvent leurs ambitions. Rome est présenté comme un lieu de pouvoir temporel ; le spirituel est un decorum remisé au second plan.

Introduction rapide, les débuts de Borgia manquent parfois de fluidité mais ne souffrent d'aucun temps mort. La série nous précipite dans un tourbillon de turbulences géopolitiques, au risque de donner l'impression d'être parfois trop riche : elle ne parvient en effet pas toujours à maîtriser la cohérence et la cohésion de sa narration. Parallèlement, sont posées de manière claire les bases des dynamiques au sein de la famille Borgia : un patriarche ambitieux, mais surtout très calculateur, des enfants logiquement instrumentalisés pour atteindre ses desseins. Le tableau présenté est globalement sombre : la série ne cherche pas à générer une empathie particulière, cultivant là son pessimisme ambiant. Comme dans The Borgias, c'est le personnage de Cesare qui démontre le plus intéressant potentiel, figure multidimensionnelle entièrement construite sur ses déchirures et ses paradoxes, il est sans doute aussi le plus travaillé.

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Pour comprendre les ambitions affichées par Borgia, la comparaison avec The Borgias de Showtime est très instructive. Leurs différences manifestes de parti pris expliquent d'ailleurs que les séries ne s'adressent pas forcément au même public. Moins glamour que sa consoeur américaine, loin de son théâtralisme si soigné et huilé, Borgia fait le choix d'une forme d'authenticité plus abrasive. Optant pour une approche moins édulcorée, elle est plus brute, se laissant volontiers emporter par des excès de violence et par une mise en scène qui n'hésite pas à indisposer à l'occasion le téléspectateur. Alors que The Borgias propose un divertissement historique, lissant ses personnages et ses sujets de façon à nourrir et à encourager la vision romancée et folklorique que préconçoit le téléspectateur, Canal + veut au contraire rompre avec cet imaginaire.

Non sans maladresses, Borgia semble en effet rechercher une forme de légitimité, historique, qui explique aussi l'impression d'académisme émanant de ces premiers épisodes. Cela donne une vision beaucoup plus sombre, moins consensuelle probablement, voire plus dérangeante, avec un rapport logiquement plus ambigu avec la série. Sans objectivement tendre vers une plus grande rigueur historique d'ensemble, Borgia joue en fait sur le ressenti du téléspectateur : elle veut que ce dernier ait l'impression de dépasser ses préconceptions pour s'immerger dans cette retranscription supposément expurgée de toute romance, mais aussi de son cadre théologique. C'est notamment ce qui explique le soin apporté à certains points de détails, dans le but de marquer et de conférer une impression d'authenticité : par exemple, dans ces deux premiers épisodes, plus que les explosions intermittentes de violence, ce sont les remèdes de la médecine qui servent cet objectif. Tout cela explique pourquoi Borgia apparaît bel et bien comme une fiction intemporelle sur le pouvoir, mais on y trouve aussi sans doute la limite du potentiel séducteur du concept.

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Sur la forme, Borgia semble cultiver la même ambivalence qui la traverse sur le fond. C'est une série à la réalisation soignée et solide. La caméra a le sens des détails, et la photographie, à dominante plutôt sombre, reflète parfaitement la tonalité ambiante. Par rapport à The Borgias, la différence est ici aussi très parlante : s'attachant à une certaine forme de réalisme, Borgia ne donne pas l'impression de véritablement recréer sous nos yeux des toiles de peinture de la Renaissance. La bande-son s'inscrit dans la même approche ; avec, à noter, la présence d'un générique, ce qui fait toujours très plaisir.

Enfin, Borgia bénéficie d'un casting international sur lequel je vais avoir du mal à me prononcer, car j'ai vu les deux premiers épisodes en version française ; or je n'ai plus vraiment l'habitude de regarder des fictions doublées. Rodrigo Borgia est interprété avec sobriété et une évidente roublardise par John Doman. Les trois enfants, devenus adultes et dont il préside aux destinées, sont incarnés par Stanley Weber (Juan), Mark Ryder (Cesare) et Isolda Dychauk (Lucrezia). A leurs côtés, on retrouve notamment Art Malik, Diarmuid Noyes, Marta Gastini, Assumpta Serna, Andrea Sawatzki, Victor Schefé, Nicolas Belmonte, Dejan Cukic, Christian McKay, Miroslav Taborsky, John Bradley ou encore Karel Dobry

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Bilan : Entièrement consacrée à ces jeux de pouvoirs qui, parce qu'ils sont avant tout temporels, demeurent donc intemporels, Borgia est une série historique et politique à l'approche narrative résolument moderne, dépouillée de tout folklore. Le revers de la médaille est un certain excès d'abrasivité : il est assez paradoxal pour une fiction qui met à jour l'obscurité de la nature humaine de manquer à ce point d'humanité. La narration saccadée doit également mûrir pour gagner en cohésion et en homogénéité. Mais malgré ces reproches, les bases posées par ces deux premiers épisodes sont suffisamment solides et intéressantes pour mériter de laisser une chance à la série de se développer sur ces fondations.

Une chose est en revanche certaine, Borgia investit un registre qui lui est propre et ne marche certainement pas sur les plate-bandes de The Borgias


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :