Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

21/08/2013

(J-Drama) Double tone : deux rêves en parallèle, deux vies entrecroisées

doubletone0_zpsba599735.jpg

En ce mercredi asiatique, je vous propose de poursuivre notre exploration de la saison estivale japonaise. Plus précisément, il s'agit de faire le bilan d'un drama diffusé les samedi soirs, de fin juin à début août 2013, sur NHK BS Premium : Double tone. Comportant 6 épisodes, d'une demi-heure environ, il s'agit de l'adaptation d'un roman de Shinji Kajio publiée en 2012. Le scénario a été confié à Akari Yamamoto, et la réalisation à Koichiro Miki. L'intérêt de Double tone tient au fait qu'il s'agisse d'une série tendant vers le registre fantastique en raison d'un concept de départ pour le moins intriguant. Elle va cependant explorer son mystère suivant une approche avant tout dramatique. Sans parvenir à exploiter tout le potentiel que son sujet laissait entrevoir, ce drama n'en reste pas moins une fiction correcte.

doubletonec_zps0294b38f.jpg

Double tone propose aux téléspectateurs d'assister aux destins croisés de deux femmes qui n'ont a priori rien en commun, si ce n'est leur prénom. En effet, Tamura Yumi est une mère de famille qui divise tout son temps entre son travail à mi-temps et la gestion du foyer familial à s'occuper d'un mari et d'une petite fille qui n'ont pas toujours conscience des efforts qu'elle fait pour eux. A l'opposé, Nakano Yumi est une jeune femme célibataire, qui se consacre entièrement à sa carrière dans une petite agence de publicité, n'envisageant pas de se marier, ni de fonder une famille.

Un jour, chacune commence à rêver de l'existence de l'autre, découvrant dans son sommeil le quotidien de l'autre. Le mystère constitué par ces étranges rêves récurrents ne fait que commencer. En effet, Nakano Yumi rencontre alors, dans le cadre du travail, une amie de Tamara Yumi, Arinuma Ikuko, qu'elle a vue dans ses rêves, prouvant donc la réalité de ses "visions" : sont-elles prémonitoires ? s'interroge-t-elle. Les choses se compliquent un peu plus lorsque Ikuko présente Nakano Yumi à un homme qu'elle sait être le mari de Tamara Yumi...

doubletoneg_zps821aa780.jpg

Double tone repose tout entier sur un mystère : l'idée que deux femmes partagent en rêve leur existence, sans savoir comment, ni pour quelles raisons une telle chose est possible. En dépit de son emprunt à une thématique clairement fantastique, il ne faut cependant pas s'y tromper, il s'agit avant tout d'un drama familial. Son objet est de mettre en parallèle les vies de ces deux femmes et les choix qu'elles ont faits, éclairant leurs attentes et satisfactions, mais aussi leurs regrets. En partant de l'idée des rêves partagés, la fiction entremêle différents genres, tendant tour à tour vers l'enquête, la tragédie ou tout simplement une histoire relationnelle. C'est cette richesse qui fait son attrait : si elle suit des sentiers extrêmement balisés, voire convenus, dans son évolution générale, son twist particulier de départ lui permet malgré tout de se démarquer. Elle sait bel et bien retenir l'attention du téléspectateur grâce à une construction de son intrigue plutôt maîtrisée, au cours de laquelle il semble que chaque réponse soit destinée à densifier l'énigme posée plutôt qu'à commencer à la résoudre.

Sans conteste, Double tone intrigue donc : il est bien difficile de ne pas se prendre au jeu, trop de questions appelant des réponses. Cependant, le drama souffre d'un défaut structurel qui devient de plus en plus handicapant à mesure qu'il progresse : son écriture, figée, lui fait adopter une sorte de faux rythme, avec des lenteurs, qui a la fâcheuse conséquence de saper toute tension. La série se révèle incapable de générer un véritable suspense, alors même qu'elle aurait toutes les cartes en main en théorie pour le faire. Si dans la première partie, ce problème reste anecdotique, il devient de plus en plus visible à mesure que l'on approche de la fin. Alors que les révélations finales sont censées marquer, elles se glissent ici dans la narration sans véritable souffle dramatique. Il manque une étincelle, une intensité à cet ensemble exécuté de façon presque trop mécanique. De plus, le refus de s'aventurer sur un terrain plus mythologique pour essayer d'expliquer les liens unissant les deux femmes en dehors d'un croisement du destin laisse une impression un peu frustrante d'inachevé. C'est en somme une fiction high concept qui fonctionne honnêtement dans sa progression, mais dont la chute n'est pas au niveau de l'attente ainsi construite.

doubletonef_zpsaea7cd55.jpg

Il faut cependant reconnaître que, si une partie du problème de rythme de Double tone est imputable à son écriture, la mise en scène n'est pas exempte de responsabilité. Tout comme la narration, la réalisation est trop plate. Elle est incapable d'impulser de réelles dynamiques à l'écran. Un peu trop transparente par moment, téléguidée et prévisible, elle exacerbe, plus qu'elle ne compense, les limites de fond de la série.

Enfin, Double tone rassemble un casting qui n'est pas forcément à son avantage, avec des prestations sans doute perfectibles. Les deux héroïnes sont interprétées respectivement par Nakagoshi Noriko (Keishicho Sosa Ikka 9 Gakari), en trentenaire carriériste, et Kurotani Tomoka (Honcho Azumi), en mère de famille consacrée à son foyer : elles s'en sortent à peu près, mais manquent parfois de présence à l'écran dans les moments où il aurait fallu voir leurs personnages vraiment s'imposer. Dans les rôles secondaires, si Yoshizawa Yu (Jin, Bloody Monday) s'en sort honorablement, Tomochika (Loss:Time:Life) est moins convaincante, avec une interprétation qui sonne très artificielle et plombe en conséquence certains des derniers développements du récit. Quant à Moro Morooka et Shimada Kyusaku, leurs rôles restent anecdotiques.

doubletonea_zpsddc7ab8d.jpg

Bilan : Bénéficiant d'un concept intriguant auquel il sait donner les développements qu'il convient pour aiguiser la curiosité du téléspectateur et retenir son attention, Double tone est intéressant par sa façon d'aborder un mystère fantastique en empruntant à différents genres (fiction d'enquête, drame ou bien encore fiction familiale). Le résultat auquel aboutissent ces six épisodes est très honnête, mais il manque cependant une vraie ambition derrière cette écriture trop académique et figée. La fin est à l'image des limites manifestes de la série, avec une chute qui laisse un peu frustré. Au final, il reste une série pas déplaisante à suivre, mais anecdotique.


NOTE : 6/10

29/05/2013

(J-Drama / Pilote) Haitatsu Saretai Watashitachi : les lettres d'un espoir

haitatsusaretaiwatashitachi0_zps6117b33a.jpg

En ce mercredi asiatique, restons au Japon. Certes, la saison printanière n'y est pas très enthousiasmante, mais heureusement, on peut toujours compter sur la chaîne câblée WOWOW pour venir rompre la morosité ambiante. A condition que ces dramas parviennent jusqu'à nous, car hélas, pour l'instant, pas de trace de sous-titres pour Sodom no Ringo ou Lady Joker - ce dernier drama m'intéresse d'autant plus qu'il se situe dans le même univers que Marks no Yama, série datant de 2010 : il s'agit de l'adaptation d'un autre roman de Takamura Kaoru, et Kamikawa Takaya y reprend son rôle de détective. Tout en continuant d'espérer pour ces fictions, l'absence de sous-titres ne se rencontrera heureusement pas pour le dernier WOWOW sorti ce mois-ci.

Diffusé depuis le 12 mai 2013, Haitatsu Saretai Watashitachi comptera 5 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun environ. Il a la particularité d'être (librement) basé sur une histoire vraie, celle de Isshiki Nobuyuki, à qui a été confié l'écriture du scénario. Si l'histoire traite de thèmes sombres, puisqu'elle évoque dépression et projet de suicide, comme l'affiche colorée le suggérait, il ne s'agit pas de verser dans un registre trop larmoyant. L'idée directrice est de tenter de repartir de l'avant, et les premiers épisodes sont prometteurs. Habituellement, j'attends d'avoir tout vu avant de rédiger un billet sur les dramas de WOWOW du fait de leur durée courte, mais comme je préfère passer du temps à écrire sur des séries que j'ai appréciées plutôt que l'inverse, aujourd'hui sera une exception ! Rien ne m'interdit d'y revenir ultérieurement dessus ensuite.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des deux premiers épisodes.]

haitatsusaretaiwatashitachim_zps183990c8.jpg

Haitatsu Saretai Watashitachi est l'histoire de Sawano. Marié, père d'un petit garçon de 6 ans, ce trentenaire semble a priori tout avoir pour être épanoui. Mais, depuis 2 ans, il s'est comme éteint. Il a perdu goût à la vie, se détachant de toute émotion et d'un quotidien qui semble se poursuivre en l'oubliant sur le bas-côté. Sans travail, sous traitement médical, il ne fait rien de ses journées, sinon traîner son mal-être. Cette situation étant devenue pour lui intenable, il décide un jour d'en finir, choisissant de se suicider dans un cinéma abandonné. Il échoue dans son projet, mais découvre dans la salle une vieille sacoche de courriers qui contient encore 7 lettres intactes.

Sawano se fixe alors pour mission de délivrer à leurs destinataires ces enveloppes : 7 courriers à apporter qui vont constituer pour lui un nouveau décompte avant de mettre, cette fois-ci sans contre-temps, fin à ses jours. La première personne qu'il rencontre par cet intermédiaire est une coiffeuse, Yu, qui vient de perdre son père. La jeune femme trouve dans cette lettre qui a mis tant d'années à lui parvenir un réconfort inattendu. Reconnaissante et intriguée par cet étrange facteur, elle décide de tenter de lui redonner goût à la vie, tout en l'aidant à délivrer les lettres restantes.

haitatsusaretaiwatashitachic_zpsd0d9db41.jpg

Haitatsu Saretai Watashitachi s'ouvre sur une première scène marquante : une jeune coiffeuse, isolée dans son salon, contemple un rasoir qu'elle a posé contre sa jugulaire. Plus tard dans l'épisode, nous sera également relatée l'échec de la tentative de suicide par pendaison de Sawano qui l'a conduit à la découverte des lettres égarées. Le ton est donc donné : ce drama aborde un sujet difficile. Pour autant, il va éviter sans difficulté l'écueil du pathos excessif. Certes, il met en scène un personnage désabusé et cynique qui n'aimerait rien tant que s'enfermer dans sa détresse personnelle et mener de manière détachée son nouveau compte-à-rebours pour en finir. Mais la remise de ces vieilles lettres qu'il a entreprise vient perturber de façon inattendue ses projets. Pour Yu, à qui il remet le premier courrier alors qu'elle tenait un rasoir contre sa gorge, l'écrit reçu est un électrochoc. Il lui apporte ce dont elle avait besoin dans ces circonstances de deuil qu'elle traverse. Se sentant redevable, la jeune femme se montre entreprenante : Sawano a peut-être baissé les bras, mais Yu se donne pour mission de changer cela, afin de lui rendre la pareille.

Par son étrange office de facteur retardataire, Sawano enclenche ce qui va être le véritable fil rouge du drama : une quête pour reprendre goût à la vie. En remettant leurs lettres à ces sept personnes laissées pour compte des services postaux, c'est sur lui-même que Sawano va agir, sans l'avoir anticipé. En effet, ces courriers apportent quelque chose de précieux à leurs destinataires : une information qui jette un nouvel éclairage sur certains évènements, un souvenir cher, ou bien encore une raison de repartir de l'avant après un temps d'égarement. L'écrit conserve de plus une force particulière à l'ère de la dématérialisation d'internet. Il est chargé d'émotions, et ce sont ces dernières qui, par ricochet, vont tenter d'atteindre ce messager récalcitrant qu'est Sawano. Ces lettres ne sont donc pas là pour réduire la série à une succession d'histoires individuelles poignantes : tout en conférant une dimension humaine au récit, ce qui importe est la manière dont elles peuvent toucher celui qui les remet... Sans le savoir, malgré lui, il s'est ouvert une possible voie vers un retour à la vie. Pour le moment, il y reste insensible. Rien ne dit qu'il saisira cette opportunité. Mais l'ouverture est là, et cela suffit pour impliquer le téléspectateur.

Tout en utilisant assez habilement son concept de départ, Haitatsu Saretai Watashitachi a aussi pour lui une justesse d'écriture très engageante. Les dialogues sonnent sincères et authentiques, avec une tonalité changeante bien dosée. Plus d'une fois, les scènes prennent à rebours les attentes dramatiques : qu'il s'agisse d'insuffler de brefs passages plus légers, voire décalés, ou bien de mettre en scène des confrontations explosives pour essayer de sortir Sawano de la léthargie dans laquelle il se laisse enfermé. L'ensemble apparaît donc solide. Par ailleurs, l'autre atout du drama est la manière dont il va mettre en mots la dépression dont souffre son héros, choisissant une approche directe appréciable : Sawano partage sans artifice, avec le téléspectateur, ses ressentis et essaie de retranscrire ce vide pesant qui s'est abattu sur lui. Cela donne des passages très poignants et forts - le vécu du scénariste joue sans doute ici un rôle important : c'est par exemple le cas du monologue de fin du premier épisode, où Yu découvre le mail de suicide inachevé de Sawano. Ces propos touchent en plein coeur, faisant preuve d'une sensibilité rare. Ils font office de déclic final pour parachever un pilote convaincant.

haitatsusaretaiwatashitachil_zpse3567df9.jpg

Sur la forme, Haitatsu Saretai Watashitachi bénéficie d'une réalisation correcte. C'est par son ambiance musicale que le drama se démarque particulièrement. Je l'aurais probablement qualifiée d'envahissante si j'avais croisé cette bande-son dans toute autre série. Mais dans celle-ci, il y a une adéquation entre la tonalité du propos et les choix musicaux qui permet à l'ensemble de fonctionner, voire même d'insuffler une vitalité ou une dimension supplémentaire à certaines scènes, qu'il s'agisse des instrumentaux déchirants ou des morceaux plus légers et dynamiques. Le drama marche sur une fine ligne, mais semble ici tenir un cap intéressant. De plus, c'est une chanson très sympathique qui clôture les épisodes (Niji wo tsukamu hito, par Sano Motoharu), de façon à laisser le téléspectateur éteindre sa télévision sur une bonne note.

Côté casting, c'est à Tsukamoto Takashi (Manhattan Love Story, Tempest) qu'est confié le rôle de Sawano : interpréter une figure déprimée et sans émotion n'est pas un rôle qui sollicite beaucoup l'expressivité d'un acteur, il se glisse dans ce personnage sans difficulté. Ma satisfaction de ces deux premiers épisodes vient surtout de mes retrouvailles avec celle qui va jouer les trouble-fêtes dans le compte-à-rebours de Sawano, apportant une énergie qui vaut pour deux, à savoir Kuriyama Chiaki : c'est une actrice pour qui j'ai beaucoup d'affection depuis Hagetaka et Atami no Sousakan. Hasegawa Kyoko (M no Higeki, Yae no Sakura) joue quant à elle l'épouse de Sawano. Au cours du périple de ce dernier, il va être amené à croiser toute une galerie de personnages, interprétés par des acteurs pour beaucoup familiers du petit écran japonais, parmi lesquels on retrouve notamment Ishiguro Ken, Sato Jiro, Horibe Keisuke, Emoto Tasuku, Nishioka Tokuma, Kurotani Tomoka, Kaito Ken, Nakao Akiyoshi, Tabata Tomoko ou encore Kondo Yoshimasa.

haitatsusaretaiwatashitachij_zps295e6471.jpg
haitatsusaretaiwatashitachin_zps6435ec2c.jpg

Bilan : Haitatsu Saretai Watashitachi signe des débuts réussis, en parvenant à exploiter avec habileté cette thématique lourde et difficile qu'est celle de la dépression et du suicide. Mettant en avant une dimension humaine appréciable et pouvant s'appuyer sur une écriture qui démontre beaucoup de justesse et de sobriété, ce drama apparaît comme une quête pour retrouver goût à la vie. Si Sawano ne veut pas être sauvé, ses remises de lettres égarées vont influer sur le destin de leurs destinataires, lui ouvrant indirectement de nouvelles perspectives. On retrouve ainsi dans Haitatsu Saretai Watashitachi une vitalité inattendue, en dépit de la détresse manifeste de son personnage principal. Du fait de l'arc narratif suivi, c'est une série dont la pleine portée s'appréciera au terme de ses cinq épisodes, mais ses débuts sont indéniablement riches et prometteurs. A suivre !


NOTE : 7,75/10