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16/06/2010

(J-Drama) Gaiji Keisatsu : jeux de dupes, jeux d'espions, au sein de l'antiterrorisme japonais


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Aujourd'hui, pas de test de pilote, mais le bilan d'une série entière. Mon coup de coeur asiatique de la semaine est une découverte inattendue en provenance du Japon, une immersion dans les services de lutte antiterroriste de la police de ce pays : Gaiji Keisatsu. En bien des points, je serais tentée de dire qu'il s'agit d'un drama juste parfait pour mettre l'été à profit afin d'élargir son horizon téléphagique et découvrir (enfin) une série asiatique. Pourquoi ? Pour vous situer son genre, essayons-nous à l'exercice des parallèles : sobre et magistralement menée, Gaiji Keisatsu traite de menaces sur la sécurité intérieure avec la paranoïa et la maîtrise d'un Spooks (MI-5) des grands jours. De plus, autre atout pour achever de convaincre les derniers récalcitrants : c'est une série courte. Son format lui permet de ne pas s'étaler inutilement et de maintenir constante la tension qui y règne, car elle ne compte en effet que six épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun.

Adaptation d'un roman éponyme d'Aso Iku, diffusée par NHK du 24 novembre au 19 décembre 2009, Gaiji Keisatsu (6 x 50') s'est donc révélée être l'excellente surprise de ce mois de juin dans mes programmations sériephiles. En résumé, c'est un peu ce qu'un drama comme IRIS aurait pu être, si ses scénaristes avaient mieux maîtrisé leur sujet.

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Gaiji Keisatsu nous plonge au coeur d'une branche à part des forces de police japonaise, celle qui s'occupe des Affaires étrangères, surveillant notamment les allées-venues sur le territoire national. En charge de la sécurité publique du pays, elle est celle qui lutte contre toutes les menaces internationales, tel que l'espionnage ou le terrorisme. Elle agit généralement de concert avec le bureau de la CIA basé à l'ambassade américaine, qui a historiquement été longtemps le donneur d'ordres de ce service. L'agence de renseignements américaine leur fournit d'ailleurs toujours des renseignements. Elle informe ainsi le directeur, Ariga Shotaro, d'une menace terroriste potentielle qui pèserait sur eux. Un mystérieux mercenaire très dangereux, connu sous le pseudonyme de "Fish", aurait infiltré le pays. L'enjeu est d'autant plus important que le Japon doit accueillir une cible de choix : une importante conférence internationale liée à l'antiterrorisme va prochainement s'y tenir.

Mais l'air n'est pas au tout sécuritaire, notamment au sein du gouvernement qui voit d'un mauvais oeil tous les crédits engloutis chaque année dans la division des Affaires étrangères. Le Japon n'a pas de tradition dans les services de renseignements. Mais, de toute façon, existe-t-il encore des menaces extérieures concrètes pour lui ? L'ambitieuse ministre aspire surtout à réduire le budget, quitte à privatiser une partie des forces de sécurité. Elle ne croit pas une seule seconde que le Japon puisse être une cible terroriste potentielle. Ne disposant pas d'éléments suffisants, le directeur Agira Shotaro n'insiste pas, mais il décide de poursuivre les investigations en cours afin d'identifier ce mystérieux "Fish" et savoir ce qu'il prépare. Pour cela, il a confié cette mission à l'unité dirigée par Sumimoto Kenji, un vétéran qui s'est longtemps occupé de démasquer les espions russes, avec des méthodes pas toujours très orthodoxes, mais généralement efficaces.

Parallèlement, Matsuzawa Hina est une jeune officier de police. Après un premier contact mouvementé avec l'unité de Sumimoto, alors qu'elle souhaitait interroger un étranger dans une affaire de viol, elle est transférée dans cette unité. Elle va rapidement découvrir que cette division agit à un niveau très différent des autres départements de police. Quand l'intérêt public est en jeu, l'intérêt des particuliers est facilement sacrifié ; d'autant plus que son supérieur hiérarchique, maître manipulateur, ne semble reculer devant rien pour mener à bien leur mission.

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Gaiji Keisatsu se révèle être un thriller de haut standing, admirablement maîtrisé sur la forme comme sur le fond. En nous plongeant dans une intrigue de lutte contre le terrorisme, la série se réapproprie dans le même temps les codes scénaristiques des fictions d'espionnage. On y retrouve, particulièrement bien exploités, tous les ingrédients classiques du genre : de l'organisation secrète tirant les ficelles et obéissant à des objectifs plus lointains, aux trahisons et défections dans les deux camps, en passant par des double-jeux quotidiens et la gestion des "collaborateurs", informateurs au statut particulier de la police japonaise. Tout cela se déroule avec en toile de fond des menaces contre la sécurité du pays. Même l'omniprésente CIA vient se mêler à la bataille, pour des passages au fort accent anglophone. Au final, cela donne un cocktail explosif mis en scène de façon très convaincante.
 
Évoluant dans une ambiance très sombre, Gaiji Keisatsu va prendre plaisir à déstabiliser le téléspectateur par son imprévisibilité. Le drama glisse peu à peu dans une sourde paranoïa de circonstances qu'il va entretenir au fil des épisodes. Rapidement, c'est un tableau d'une complexité fascinante qui se dessine sous nos yeux. Riche en ambivalences et en contradictions, la situation se complique chaque jour davantage, à mesure que les enjeux réels se dévoilent. Car, si l'enquête visant la menace terroriste progresse lentement, dans ce terrain trouble sur lequel se déroule la série, le danger provient tout autant de l'extérieur que de l'intérieur même du service. C'est d'autant plus vrai que les frontières entre les camps ne sont pas figées, les loyautés fluctuant dangereusement au gré des opportunités.

Même la trahison semble y être une notion toute relative. Nous nous retrouvons dans un milieu où la fin justifie les moyens. Le sort personnel des individus impliqués s'efface, victimes collatérales de la raison d'État, pions sacrifiables dans cette vaste partie d'échec où ce sont les enjeux nationaux et les ambitions des plus hauts responsables qui dictent les règles du jeu. L'intérêt public prétendu semble souvent bien insaisissable. Dans un cadre où tout n'est que faux-semblants, il faut intégrer ce mode de fonctionnement ou risquer d'être broyé. La manipulation y est élevée au rang d'art, si bien qu'elle en devient une technique de management utilisée au sein même de l'unité d'investigation. Matsuzawa Hina devra rapidement rayer le mot "confiance" de son vocabulaire : jusqu'où ira-t-elle sur la voie impitoyable où elle s'est engagée sans s'y perdre elle-même ?
 
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En plus de parvenir à créer une atmosphère des plus intrigantes, Gaiji Keisatsu dispose d'un scénario très solide. A chaque épisode viennent se greffer de nouvelles complications et de nouvelles pièces du puzzle sont révélées, troublant la compréhension globale du téléspectateur qui ne conservera qu'un temps seulement Hina comme point d'ancrage sur lequel se reposer. La série se révèle admirable de maîtrise, construisant une tension sourde qui prend à peu le pas sur tout le reste. Chaque action indépendante finit par s'emboîter dans le complexe puzzle de l'intrigue principale, dévoilant un magistral "toutélié" qui retient toute l'attention du téléspectateur.
 
Ce drama forme un tout, avec un fil rouge qui s'étend tout au long des six épisodes : il s'agit de déjouer les projets du mystérieux "Fish" et surtout de découvrir ses commanditaires. C'est dans ce cadre que chaque épisode va marquer une avancée, ou un développement particulier pour accomplir cette mission. Mais les premières réponses obtenues paraissent presque vaines ; car à mesure que la série prend peu à peu toute son ampleur, elle révèle une complexité aussi déstabilisante que passionnante.
 
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Pour autant, aussi attrayant que soit le suspense principal, un des atouts de Gaiji Keisatsu est de ne pas négliger de développer sa dimension humaine. C'est aussi à travers les blessures intérieures de ses personnages que la série acquiert une véritable épaisseur. Ici, le thriller se conjugue avec la mise en scène de drames humains. C'est parfois dur, voire même poignant. Les scénaristes prennent le temps de s'interroger sur les motivations de chacun, explorant ses personnages avec beaucoup de soin. Tout cela permet au téléspectateur de s'investir émotionnellement dans ce drama.
 
De manière générale, les protagonistes de Gaiji Keisatsu s'inscrivent la droite lignée du scénario global, reflétant cette absence déconcertante de manichéisme et défiant toute classification trop rapide. Ils évoluent au fil de la série, gagnant en nuances et montrant d'autres facettes de leur personnalité. Si Hina fait au début figure d'innocente plongée dans un monde dont elle n'a pas encore les clés, repère solide du téléspectateur, elle intègre peu à peu les exigences de son nouveau travail. Encore versatile, en quête de certitudes, l'élève dépassera-t-elle le maître ? C'est ce dernier, Sumimoto Kenji, qui constitue le véritable personnage phare de la série. Froid et calculateur aux premiers abords, il pourrait paraître antipathique s'il n'était pas immédiatement aussi fascinant. Et le trouble le concernant va grandissant au fur et à mesure que la série progresse. De plus en plus ambivalent, le téléspectateur apprend à le connaître. A travers ses failles, on découvre un autre pan du personnage, plus émotionnel que l'image qu'il aime renvoyer.
 
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Sur la forme, Gaiji Keisatsu est au diapason de la tonalité de son contenu. La réalisation est volontairement nerveuse. Elle change souvent de styles, allant jusqu'à utiliser des plans pris caméra à l'épaule qui contribuent à dynamiser l'ensemble. Cependant, on reste à l'écran dans une sobriété toute japonaise. L'image est assez sombre (parfois même, peut-être un peu trop), allant du pastel au noir et évitant toute couleur chatoyante. La musique est utilisée avec beaucoup de retenue, uniquement lors de certains passages la justifiant. Il n'y a aucune chanson. Seulement des morceaux musicaux qui viennent souligner les moments de tension.
 
Enfin, le casting se révèle quant à lui très convaincant. D'une sobriété prenante, sans aucun sur-jeu, le téléspectateur n'en ressentira pas moins l'intensité émotionnelle de certains passages. Watabe Atsuro délivre une performance absolument magistral pour incarner le si troublant Sumimoto Kenji. Ono Machiko joue la jeune policière catapultée dans ce milieu si déstabilisant de l'antiterrorisme. A leurs côtés, on retrouve également Ishida Yuriko, Endo Kenichi, Yo Kimiko ou encore Ishibashi Ryo.

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Bilan : Gaiji Keisatsu est un petit bijou d'espionnage. Un thriller au scénario admirablement bien maîtrisé. La série nous plonge dans un univers de faux-semblants, sans aucun manichéisme, où les vrais enjeux demeurent longtemps cachés danss l'ombre. Tout est ambivalent dans cet univers trop sombre et impitoyable, où chacun manipule l'autre, suivant son propre agenda. La réussite de ce drama est aussi de ne pas se contenter seulement du suspense qu'il génère, mais d'investir une dimension humaine qui ajoute à la richesse, mais aussi aux ambivalences, de l'histoire. Gaiji Keisatsu est une série dense qui joue ainsi sur plusieurs tableaux. 

En somme, voici un drama à découvrir de toute urgence !


NOTE : 8,75/10


Un extrait vidéo des cinq premières minutes du premier épisode :

Commentaires

Tu m'as vendu la série quand tu m'as dit que c'était mieux qu'Iris.
On dirait un Bloody Monday moins excentrique et plus adulte.
Merci beaucoup pour cette découverte !!!

Écrit par : Eclair | 16/06/2010

Ca, je ne vais pas rater.
Merci pour la future découverte.

Tiens, dans le genre du thriller conspirationniste, il y a Rubicon qui va démarrer sur AMC (le pilote a déjà été diffusé en preview). Prévois-tu de le regarder?

Écrit par : Fred | 16/06/2010

Elle a été sous-titrée très tard, non ? Je me rappelle avoir tenté de la voir l'an dernier, et n'avoir rien trouvé. Les rares extraits que j'avais vus ne m'avaient pas spécialement intéressée, mais maintenant que je sais qu'il y a des sous-titres, je vais y jeter un nouvel œil. Merci !

Écrit par : ladyteruki | 16/06/2010

@ Eclair : Tu as sans doute raison pour la comparaison avec un Bloody Sunday plus posé.
Dans sa présentation du drama, la team Withs2 (qui verse généralement dans un prosélytisme qu'on qualifiera d'"engagé" pour tout ce qui concerne les jdramas) décrit Gaiji Keisatsu ainsi : "the real gem of 2009 is 外事警察 (Gaiji Keisatsu), a relentlessly dark and ridiculously badass antidote to asinine “quasi-24″ abominations like ブラッディ・マンデイ (Bloody Monday), but also a pretty classy production which shows NHK can truly make a mark when it wants to".


@ Fred : Bonne future découverte alors ! :)
Pour ce qui est de Rubicon, je compte effectivement regarder. Je suis très très friande de tout ce qui est thriller conspirationniste, peu importe la nationalité.
Le pilote de Rubicon a été diffusé à la suite de Breaking Bad ce dimanche. Mais, pour le moment, j'hésite à le voir immédiatement car la série ne sera diffusée qu'en août. Dans ces fictions où il y a un fort "toutélié", je ne suis pas certaine que ce soit une bonne chose de visionner le pilote si tôt auparavant (surtout avec ma mémoire de poisson rouge).
Soit je le regarderai ce week-end, et j'en ferai une review "test du pilote", soit j'attendrai patiemment le mois d'août. Mais en tout état de cause, Rubicon est dans ma liste des "must see" de l'été !


@ Ladyteruki : En effet, la team Withs2 vient au cours des dernières semaines de se charger des sous-titres (un "special project" pour une team plutôt axée kdrama). Elle a tout juste fini le dernier épisode ce lundi en fait, donc c'est encore tout chaud. :-)
Je n'avais pas d'attente spécifique, mais ça a vraiment été une bien belle suprise. J'espère que tu apprécieras également.

Écrit par : Livia | 16/06/2010

Bon, je ne veux pas polluer ce fil avec des considérations sur Rubicon, mais j'ai regardé le pilote et pour moi qui, contrairement à toi, ne suis pas un fan du genre, j'ai trouvé ça assez accrocheur.
Mais... on en reparle plus tard dans un espace qui y sera consacré.

Écrit par : Fred | 16/06/2010

Après cette critique, j'ai hâte de les visionner.
Sauf que les sous titre proposé sont en anglais par la team Winth2.
Il n'y a pas de sous titres français?

Écrit par : walt | 16/06/2010

@ Fred : Ton impression confirme les échos que j'ai pu croiser sur le net. Ma curiosité est éveillée. ;-)


@ Walt : A ce jour, je ne crois pas qu'il existe en effet de sous-titres français pour Gaiji Keisatsu. Les ST anglais sont sortis tout récemment, or il est probable que si jamais une team fr veut reprendre le projet, elle le fera sans doute à partir de ces derniers, donc il va falloir patienter encore.
Le problème est que Gaiji Keisatsu n'est pas particulièrement connue ; je ne sais pas si un projet de vostf est à ce jour envisagé. J'espère en tout cas, pour permettre au plus grand nombre de la découvrir !

Écrit par : Livia | 17/06/2010

Je ne connaissais pas du tout cette série mais après avoir lu ton article, ça m'intéresse beaucoup!
De plus, je n'ai jamais vu de séries sur ce sujet, sauf peut-être Time between dog&wolf, mais c'est loin..
Je crois avoir déjà vu l'acteur principal ailleurs, je ne me souviens pas...je ferai des recherches...
Bref, merci pour cette découverte, j'espère qu'il y aura une vostfr parce que je l'ajoute à ma liste, pour l'instant j'ai pas mal de dramas prévus mais bon, il ne fait que 6 épisodes, alors si il n'y que la vosta, je le regarderais comme ça...

Écrit par : Ageha | 20/06/2010

Je viens de terminer la série.
Merci encore pour la découverte.
J'ai apprécié le voyage, même si je ne partage pas totalement ton enthousiasme, notamment à cause d'un épisode final que j'ai trouvé assez décevant (inutilement chargé en tarabiscotages).

Écrit par : Fred | 07/01/2011

@ Fred : La conclusion était sans doute effectivement un brin alambiquée, j'en conviens. Mais pas suffisamment pour que j'en retire quelque chose de négatif qui viendrait modérer l'enthousiasme général. Les scénaristes ont peut-être voulu franchir un ultime niveau qui a été un peu moins bien négocié que l'ensemble. Mais Gaiji Keisatsu m'a fasciné. :)

Quand même contente que tu n'aies pas regretté le voyage ;)

Écrit par : Livia | 12/01/2011

Les commentaires sont fermés.