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12/11/2011

(Pilote US) Hell on wheels : à la conquête ferroviaire de l'Ouest

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Comme j'ai déjà eu l'occasion de vous l'expliquer en ressortant mes indémodables épisodes d'Au nom de la loi, le western est un des rares genres gravés dans mon patrimoine génétique culturel. Il m'est très difficile d'y résister, même s'il s'agit d'un divertissement inégal dans la bush australienne comme peut l'être Wild Boys depuis cet été. C'était donc logiquement avec une certaine attente (tempérée par les échos mitigés glanés dans la presse américaine) et beaucoup de curiosité que j'attendais les débuts de Hell on Wheels.

Cette nouveauté a été lancée dimanche dernier, 6 novembre 2011, sur AMC. Sa première saison comportera sept épisodes. En investissant le genre classique du western, la chaîne américaine poursuit sa volonté de diversifier son offre de séries, l'étoffant désormais du fantastique au policier et renouant donc ici avec de l'historique. Le pilote de Hell on Wheels ne permet pas encore de déterminer si la série s'inscrira parmi les valeurs sûres ou les approximations de la chaîne. Mais s'il n'est pas exempt de défauts, il a cependant piqué ma curiosité.

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Hell on Wheels s'ouvre en 1865 sur des Etats-Unis toujours marqués par une guerre de Sécession qui a laissé des traces. Pour relancer le développement, notamment économique du pays, et dépasser le clivage entre le Nord et le Sud, c'est vers l'Ouest que l'on se tourne. L'idée de relier, par le chemin de fer, les Etats de l'Est aux terres de l'Ouest attise les convoitises d'hommes d'affaires, comme Thomas Durant, qui y voient le moyen d'y bâtir leur fortune, mais attire également tous ceux qui ont besoin de reconstruire une vie balayée par la guerre et partent vers de nouveaux horizons.

C'est notamment le cas de Cullen Bohannon, un ancien soldat confédéré. Son épouse est décédée suite à des exactions perpétrées par des soldats de l'union. Depuis, il traque sans relâche et implacablement le petit groupe responsable. Cette quête de vengeance le conduit sur ce projet ferroviaire ambitieux en cours de réalisation. Il trouve du travail comme contre-maître au sein du village mobile qui suit l'avancée des travaux. On croise dans ce lieu nombre d'individus en quête d'une vie nouvelle : d'anciens esclaves désormais libres ou encore des jeunes gens répondant à l'appel de l'ouest et espérant faire fortune.

Mais dans ces régions avancées, sans lois, situées entre les deux côtes et où les tribus indiennes protèrent encore leurs terres, la progression du chemin de fer reste une entreprise risquée, où les gains demeurent très aléatoires.  

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Avec pour cadre le contexte historique mouvant et passionnant de l'après Guerre de Sécession, Hell on Wheels bénéficie d'un potentiel indéniable que son pilote effleure sans en prendre pleinement la mesure. Afin d'impliquer le téléspectateur dans son récit, l'épisode fait le choix de mettre prioritairement en avant les projets de vengeance du personnage principal. Tout en créant ainsi un lien avec ce dernier, cela permet d'explorer plus avant les motivations et les ambivalences d'une figure intrigante qui s'impose, entre ombre et lumière, comme notre clé d'entrée dans l'univers. Pour autant, en dépit de l'ultime révélation de fin d'épisode, ce premier fil rouge apparaît avant tout comme l'accroche narrative parfaite pour faire découvrir, aux côtés de Bohannon, la toile de fond autrement plus vaste et ambitieuse qui va servir de décor à la série.

En effet, accordant un soin tout particulier à la reconstitution historique, le pilote de Hell on Wheels nous plonge dans un pays en pleine mutation qui peine à cicatriser de sa guerre fratricide, pansant encore ses douloureuses plaies. Se contentant de séquences d'exposition minimalistes pour tous ses autres protagonistes, le pilote papillonne d'un thème à l'autre entre des personnages pour le moment très secondaires. Son mérite est de parvenir à capturer une atmosphère riche et tourmentée qui porte le parfum caractéristique de cette époque. En effet, la conquête ferroviaire vers l'Ouest est une opportunité pour bâtir ou reconstruire des vies sans futures sur la côte. C'est aussi l'occasion de réunir symboliquement chacun, avec et en dépit de son passé, vers un but commun. La métaphore géographique du début, sur l'union de l'Est et l'Ouest, en réponse à la scission du Nord et du Sud, résonne dans la perception que l'on peut avoir de tous ces enjeux et de l'univers qui est peu à peu posé.

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Forte de la richesse inhérente à son concept, Hell on Wheels dispose d'un important potentiel. Pour autant, si ce pilote retient l'attention et sait piquer la curiosité du téléspectateur, il laisse aussi un arrière-goût d'inachevé. Attachée à capter une ambiance, la série opte pour une exposition chorale qui reste trop en surface, sans doute pressée par la durée trop brève d'un épisode au cours duquel il y aurait tant à raconter. Il s'agit donc d'aller à l'essentiel et de définir chacun en un minimum de scènes. Ainsi, à l'exception du protagoniste principal, repère du téléspectateur, mais aussi figure la plus creusée de l'épisode, tout ce qui gravite autour de lui souffre d'une présentation excessivement sommaire. La série ne recule devant aucun cliché pour définir immédiatement des protagonistes pour le moment très unidimensionnels, qui peinent donc à retenir l'attention du téléspectateur.

Pour autant, ces problèmes ne semblent pas insurmontables. En effet, ce déséquilibre important entre le personnage principal et les autres résulte du choix d'avoir fait de Bohannon la clé d'entrée dans la série. Par conséquent, c'est une inégalité qui devrait se corriger au fil des épisodes, la seule thématique de la vengeance ayant déjà montré ses limites. De manière générale, Hell on Wheels devra apprendre à nuancer son propos, afin de gagner aussi bien en épaisseur qu'en consistance. Il faut cependant reconnaître à la série le confort et la solidité de son approche classique, mêlant au sujet particulier de la conquête ferroviaire des thèmes traditionnels du western : le téléspectateur est en terrain connu et ne demande qu'à se laisser convaincre.

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Sur la forme, Hell on Wheels dispose d'une très belle réalisation. Un soin particulier a été apporté à la photographie, le choix des différentes teintes renvoyant parfaitement à l'imaginaire de l'Ouest. Si les images peuvent paraître parfois un peu froides, manquant quelque peu de naturel, elles demeurent dans l'ensemble d'une esthétique vraiment très belle à regarder. Quant à la bande-son, elle s'insère sans difficulté dans le récit, outil d'ambiance peu envahissant.

Enfin, le casting n'a pas encore eu pleinement l'occasion de s'affirmer au cours de ce presque trop bref pilote, à l'exception d'Anson Mount (Conviction), qui interprète cette figure très classique du vétéran sudiste au monde bouleversé par la guerre. Il propose une prestation équilibrée, entre sobriété et intensité lorsque les passages touchent à des sujets plus intimes, qui convainc le téléspectateur. A ses côtés, les sériephiles reconnaîtront avec plaisir Colm Menaey (Star Trek : Deep Space Nince), en homme d'affaire sans scrupules. On retrouve également Common, Dominique McElligott (Raw), Ben Esler, Phil Burke, ou encore Eddie Spears (Into the West).

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Bilan : Bénéficiant d'une toile de fond historique extrêmement intéressante et tourmentée, le pilote de Hell on Wheels propose une introduction efficace qui se réapproprie des recettes traditionnelles du genre ne laissant pas insensible. Cependant l'épisode ne prend pas pleinement la mesure de cette richesse, avec une exposition inaboutie qui reste trop en surface. Cédant à la facilité et à la rapidité d'une introduction où le classique confine parfois au cliché, la série devra nuancer son écriture et gagner en subtilité pour s'assurer de la fidélité durable du téléspectateur. Cependant, ce sont les fondations d'un honnête - à défaut d'original - western qui sont posées. A surveiller.

NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :

10/04/2011

(Pilote US) The Killing : who killed Rosie Larsen ?

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Dimanche dernier, AMC lançait son remake de la série danoise Forbrydelsen : The Killing. Partant sur des bases scénaristiques similaires, la saison 1 de cette déclinaison américaine ne comportera cependant que 13 épisodes, contre 20 dans la version d'origine, ce qui laisse sous-entendre que la série de AMC saura aussi prendre ses distances avec les chemins tortueux et les successions de fausses pistes de sa source d'inspiration. Les critiques américaines lui ont fait bon accueil, pourquoi donc ne pas lui laisser sa chance ? Vous le savez, j'ai d'habitude une règle plutôt stricte vis-à-vis des remakes : je les écarte arbitrairement si je connais (et surtout apprécie) la première version. Par exemple, en janvier, Shameless US n'a jamais eu sa chance avec moi pour cette raison.

Sauf que, exceptionnellement, je me suis engagée à regarder au moins le pilote de la petite dernière de AMC. Ce que j'ai fait consciencieusement. Et au terme de ces deux premiers épisodes, une seule chose est certaine : ma politique de visionnage des remakes n'est pas prête d'évoluer. Est-ce qu'il est possible d'apprécier à sa juste valeur le pilote de The Killing après avoir vécu si intensément Forbrydelsen ? Je n'en suis pas certaine. Aujourd'hui, revenons sur ce premier épisode de la série américaine avec une review où je ne vais pas prétendre oublier la version danoise pour analyser l'américaine. Mais, vous savez quoi, l'exercice, même comparatif parfois, s'est avéré peut-être encore plus instructif !

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The Killing s'est choisi pour cadre la ville de Seattle, une région qu'elle va tout particulièrement savoir mettre en valeur à mesure qu'elle se construit une ambiance qui lui est propre. Toute sa première saison va former un grand arc narratif composé de 13 épisodes, qui vont chacun correspondre à un journée d'enquête dans cette affaire qui s'ouvre dans ce premier épisode et qui va bouleverser plus d'une vie.

La série débute sur le dernier jour de travail de la détective Sarah Linden, cette dernière s'apprêtant à déménager pour la Californie afin d'y rejoindre son fiancé, en dépit de l'hostilité de son adolescent de fils. Elle et son remplaçant, Stephen Holder, sont appelés sur les lieux de découverte d'un sac à main rose ensanglanté. Si Sarah est déjà toute entière tournée à son départ, elle se laisse cependant convaincre par son coéquipier du jour de suivre la piste d'une carte nominative trouvée sur place au nom de Stanley Larsen. Le pré dans lequel ces objets ont été retrouvés est trop bien connu pour être un lieu où les prostituées emmènent leur client pour que les policiers s'inquiètent vraimet.

Mais chez les Larsen, l'épouse leur assurant que toute sa famille était hors de la ville ce week-end, une autre explication, autrement plus effrayante, est soudain envisagée par Sarah lorsqu'elle découvre l'existence d'une fille aînée... laissée à Seattle pour fêter Halloween vendredi soir dernier, et dont ils n'ont pas eu de nouvelles depuis ce jour-là. Le parc au sac ensanglanté va malheureusement rapidement fournir la réponse redoutée : le cadavre de Rosie Larsen y est découvert dans le coffre d'une voiture noyée dans un étang. Or le véhicule fait partie du parc automobile de l'équipe d'un politicien local, candidat aux élections municipales qui se profilent : Darren Richmond. Quel est donc le lien entre la victime et un milieu politique au sein duquel les policiers ne peuvent se glisser qu'avec diplomatie ?

"Qui a tué Rosie Larsen ?", voici la question qui promet de retenir toute notre attention pour le reste de la saison 1.

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Le principal atout de The Killing réside incontestablement dans la façon dont elle se propose d'exploiter son intrigue policière. Sa construction narrative feuilletonnante à l'extrême va lui permettre non seulement d'exploiter pleinement son format de "série télévisée", mais aussi de la distinguer de ces procedural show dont les quarante minutes d'épisode imparties à chaque enquête suivent un schéma devenu trop invariable pour retenir l'attention de certains téléspectateurs lassés (je ne cache pas faire partie de ces derniers). Plus ambitieuse parce que disposant de plus de temps, The Killing nous glisse non seulement aux côtés des policiers, mais aussi de la famille de Rosie Larsen, et plus globalement de toutes les personnes affectées directement ou indirectement par les évènements. En bien des points, il s'agit d'une série chorale qui permet donc de multiplier les perspectives, offrant un portrait complexe et émietté de toutes ces réactions face à une tragédie bouleversante.

Cette richesse, The Killing sait parfaitement la mettre à profit dès son pilote. Elle s'approprie tous les ingrédients qui fondent un polar noir efficace. Au-delà du crime sordide qu'elle entreprend de relater, elle s'impose comme une série d'ambiance. C'est là que réside peut-être la réelle prise d'indépendance par rapport à sa consoeur danoise et  la valeur ajoutée la plus intéressante de ces débuts : sa capacité à se construire une identité qui lui est propre et qui exploite son concept avec les atouts de sa nationalité. The Killing n'a pas l'atmosphère glacée, ni le côté sobre et épuré à l'extrême de la série scandinave. La fiction d'AMC propose un polar américain, où l'empathie apparaît comme une constante plus naturelle. L'émotionnel y est plus assumé et recherché. De même, Seattle n'est pas Copenhague. D'ailleurs, la série exploite de manière convaincante le cadre d'une ville qu'elle présente comme souvent pluvieuse. L'eau constitue d'ailleurs un élément omniprésent dans ces lieux où la nature verdoyante côtoie le citadin grisâtre.

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Si elle est habile à se construire son univers pour nous immerger progressivement dans l'intrigue qui va être son coeur, The Killing m'a cependant laissée une impression un peu plus mitigée quant à la maîtrise de son récit. Certes ce dernier reste globalemet efficace, mais j'ai à plusieurs reprises été un peu gênée par une narration trop rapide. Hormis quelques plans destinés à marquer l'atmosphère, le pilote ne perd pas de temps en transitions anecdotiques et en passages plus contemplatifs : il va à l'essentiel. La densité du récit est incontestable ; les scènes s'enchaînent pour permettre à l'intrigue de s'installer sans temps mort. Si c'est efficace pour ne jamais prendre en défaut l'attention du téléspectateur, paradoxalement, on ressort aussi avec un sentiment ambivalent : alors que la série souhaite nous plonger dans un polar réaliste feuilletonant, qui ne se veut pas pris par le temps, elle n'hésite pas à prendre des raccourcis narratifs discutables. Est-ce le parallèle qui s'opère naturellement dans mon esprit avec Forbrydelsen qui biaise ainsi ma perception ?

En fait, le pilote de The Killing offre un récit très proche de la version danoise, se concluant, tout comme elle, sur la découverte nocturne du corps de Rosie Larsen dans la voiture qui est remontée de l'étang. L'histoire est identique dans ses grandes lignes, ce qui permet de faire une autre comparaison plus objective : le premier épisode de Forbrydelsen dure 55 minutes ; celui de The Killing, 45. Dix minutes de moins qui, malgré tout, se ressentent à l'écran. La série danoise cultivait l'art de savoir prendre son temps. L'exploitation de l'intrigue dans The Killing est plus fonctionnelle, au sens où l'anecdotique est plus aisément balayé, privilégiant le rythme à l'ambiance. Les deux choix ainsi faits ont chacun des arguments légitimes en leur faveur. Il ne s'agit pas de les hiérarchiser qualitativement, ils reflètent au fond un savoir-faire différent. Mais je dois être une téléspectatrice qui préfère prendre mon temps, plutôt que d'avoir l'impression d'assister à de brusques accélérations forcées ou à des avancées trop parachutées qui sonnnent un brin artificiel. Par exemple, dans l'épisode 2, la façon dont est amenée la découverte de "the cage" est une parfaite illustration du problème de la version américaine.

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Sur la forme, The Killing est une série soignée, où tout s'emploie à construire une atmosphère de polar très intéressantes. Les images sont travaillées, parfois très belles pour mettre en valeur le cadre offert par la région de Seattle avec quelques paysages superbes, mais sachant aussi verser dans un côté sombre qui se justifie également au nom de la tonalité de la fiction (l'omniprésence de la pluie notamment). C'est globalement bien fait, tout comme l'exploitation d'une bande-son qui emprunte à nouveau ses grandes lignes à la version originale, tout en posant sa propre identité. Cependant, j'ai parfois eu l'impression que la musique était un peu trop présente.

Par exemple, analysons pour illustrer mon propos la façon dont est montée la scène finale de découverte du cadavre de Rosie Larsen. Le récit est identique. Ce qui change, outre les acteurs, c'est l'exploitation faite du même morceau musical, un instrumental poignant. La version danoise privilégie la sobriété, ne faisant retentir qu'un seul passage lorsque la mère de Rosie s'effondre dans la cuisine : inutile de trop en faire pour proposer une scène d'une intensité déchirante. A l'opposé, la version américaine joue elle, non pas sur le silence, mais bien sur l'exploitation du morceau musical : ce dernier retentit dans notre écran beaucoup plus tôt, au moment où le corps noyé de Rosie Larsen apparaît lors de l'ouverture du coffre. Cette utilisation propre à chaque nationalité des mêmes ingrédients en dit beaucoup sur les conceptions et le savoir-faire particuliers à chacun de ces deux pays.

Pour un observateur qui s'intéresse à la construction respective de ces fictions, c'est un exercice intéressant que de mettre ces éléments en parallèle. Mais cela permet aussi de comprendre pourquoi le téléspectateur pourra être plus sensible à l'une ou à l'autre version.

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Enfin, pour porter à l'écran cette histoire ambitieuse, le casting comporte quelques valeurs sûres du petit écran américain. Mireille Enos (Big Love), avec ses larges pulls et ses cheveux attachés, tranche avec l'archétype de la figure policière. Si j'ai trouvé intéressant le contraste ainsi offert et si j'apprécie cette actrice, cette dernière a d'abord souffert de la comparaison instinctive faite avec sa consoeur danoise, me donnant l'impression de manquer tant en intensité qu'en présence. Cependant, vers la fin du second épisode, je commençais à m'habituer à son style. Donc, même si elle s'avère pour le moment moins convaincante, elle devrait parvenir à s'imposer à moyen terme.

En fait, c'est sans doute avec le casting dans son ensemble que j'ai eu le plus de difficultés pour m'adapter. J'ai eu du mal à me sentir impliquée à leurs côtés, peut-être est-ce dû en partie à une écriture qui a besoin d'un peu plus de temps. Si pour certains, comme Billy Campbell (Once & Again, Les 4400) qui ne dispose que d'une poignée de scènes dans cette ouverture, je ne m'inquiète pas pour la suite étant donné le passé de l'acteur, pour d'autres, je suis plus sur la réserve. Outre Joel Kinnaman, c'est surtout Brent Sexton (Deadwood, Life), en père de famille brisée, qui m'a semblé être le moins convaincant. A leurs côtés, on retrouve également Michelle Forbes (24, In treatment, True Blood), Kristin Lehman (Killer Instinct), Eric Ladin (Generation Kill), Brendan Sexton III ou encore Jamie Anne Allman (The Shield).

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Bilan : Polar d'ambiance soignée, à la narration feuilletonante ambitieuse dont l'arbitrage n'est pas toujours complètement maîtrisé, The Killing est une de ces séries dont l'histoire pourtant classique tranche dans le paysage téléphagique actuel américain et dans laquelle on a envie de s'investir. Souhaitant exploiter pleinement son format de série télévisée, avec une intrigue dont l'arc narratif couvrira ses 13 épisodes, elle entreprend rapidement d'immerger le téléspectateur dans son univers potentiellement addictif, en se concentrant sur une question qui devrait en passionner plus d'un au cours des prochaines semaines : qui a tué Rosie Larsen ?

Pour ceux qui connaissent Forbrydelsen, The Killing mérite-t-elle un visionnage ? C'est une fiction profondément américaine : la base du scénario est peut-être identique, mais nul doute que la série dispose d'une identité propre à sa nationalité. Vous y retrouverez des recettes familières qui, suivant vos goûts, peuvent vous séduire ou vous laisser indifférent.

Personnellement, je ne pense pas poursuivre plus avant ma découverte. Jeter un oeil à ce pilote a été instructif à plus d'un titre, mais je ne vois pas vraiment de raison justifiant de m'investir dans cette série.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :


01/11/2010

(Pilote US) The Walking Dead : série post-apocalyptique envahie de zombies

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Hier soir, en parfait écho à Halloween, débutait aux Etats-Unis une série qui aura concentré l'attention particulière des médias et du public depuis plusieurs mois. Non seulement en raison de la chaîne qui en est à l'origine, la câblée AMC, qui diffuse actuellement quelques-uns des grands succès critiques du moment outre-Atlantique, mais aussi en raison du créneau que The Walking Dead se proposait d'investir. Adaptation d'un comics à succès post-apocalyptique, c'est un genre peu prisé par le petit écran qu'elle envisageait de mettre en scène : les zombies.

De mémoire téléphagique, peu de séries se sont risquées dans ce registre. En guise de références sur le sujet, on citera sans doute la dernière production véritable du genre, diffusée par E4, en Angleterre, la semaine d'Halloween 2008 : Dead Set. Un concentré d'hémoglobine dont la brièveté et la construction narrative tiennent plus du film de série B que d'une série s'inscrivant dans le temps. Et puis, il y eut aussi les projets morts-nés, tel Babylon Fields et ses morts ramenés à la vie qui l'inscrivent à part dans cette catégorie. Ainsi, à la différence d'autres créatures fantastiques au potentiel narratif sur-exploité, les zombies restent un terrain à la fois très balisé, mais paradoxalement peu porté à la télévision.

Par ce seul fait, The Walking Dead était attendue au tournant. Bénéficiant du format télévisé, la série n'est pas pressée par le temps. Elle aura sa chance de grandir et de mûrir. C'est sans doute aussi pour cela que le pilote académique qu'elle propose suffit largement au téléspectateur.

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Avant même d'évoquer le fond de l'épisode, il convient de s'arrêter sur la scène d'ouverture de The Walking Dead. Un parfait modèle du genre qui donne immédiatement le ton et l'atmosphère dans lesquels ce pilote va plonger le téléspectateur. En cherchant de l'essence, dans un chaos indescriptible de véhicules laissés à l'abandon, Rick Grimes aperçoit une fillette errant entre les voitures, sa peluche abîmée à la main. Personnification même de l'innocence. La caméra la suit un temps, et Rick s'avance. La petite fille se retourne alors, découvrant son visage défiguré et ensanglanté. Réagissant comme toute zombie, elle se met à courir en direction de Rick. Le contraste entre la menace que sa nature représente et cette apparence trop frêle pour inquiéter un homme adulte est des plus troublant, captant instantanément l'attention d'un téléspectateur qui est conscient d'avoir pénétré dans un univers avec ses règles propres. L'enfant n'avait pas la moindre chance d'atteindre Rick ; sans sourciller, en se défendant autant qu'en témoignant d'une forme diffuse de compassion, il lui tire une balle dans la tête. La fillette s'écroule sur le parking, résumant à elle seule toute l'ambiguïté et l'état d'esprit qui vont présider à l'installation de The Walking Dead.

Une fois passée cette entrée en matière plus que réussie, l'épisode va suivre un sentier autrement plus classique, en utilisant des ressorts narratifs familiers du genre. Shérif adjoint, Rick est grièvement blessé par balle lors d'une fusillade. Plongé dans le coma, il émerge quelques temps plus tard dans un lit d'hôpital, réveillé par la soif et la faim, une barbe de plusieurs jours sur ses joues. C'est à travers son regard que vont se dévoiler au téléspectateur la nouvelle face du monde et tous les bouleversements qui ont eu lieu durant son coma. Dans cet hôpital qui porte encore les séquelles ensanglantées des combats qui s'y sont joués, Rick découvre des couloirs condamnés parce que s'y trouvent des "morts", et des dizaines, des centaines, de cadavres alignés dans la cour. C'est un spectacle de champ de bataille perdue qui s'offre à ses yeux lorsqu'il retrouve la lumière du jour. Encore affaibli, incapable d'analyser une situation qui n'a rationnellement pas de sens, il va peu à peu découvrir l'ampleur de cette apocalypse, sauvé par deux survivants, un père et son fils, qui vont le remettre sur pied et lui expliquer brièvement la nouvelle donne. Le quartier où Rick vivait avec sa famille s'est vidé de toute sa population. Laquelle s'est soit transformée en zombies errant encore sur place, soit a fui vers de supposés lieux sécurisés. Si bien que Rick ne rentre chez lui que pour y trouver une maison inhabitée. Sa femme et son fils ne sont plus là. Se pourrait-il qu'ils soient parvenus à s'enfuir ? Peut-être vers Atlanta, dont on parle comme d'un havre encore protégé par l'armée. Le policier va donc se mettre en route, avec l'espoir de les retrouver... vivants. 

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Le premier atout de The Walking Dead réside évidemment dans la force d'attraction inhérente à  son concept. Tout d'abord, elle a le mérite d'investir un genre particulier, peu exploité dans le petit écran. S'il n'est à aucun moment précisé quelle est l'origine du phénomène des zombies, nous laissant dans une prudente zone de flou sur ce point, la série s'empare pleinement de cette thématique, en s'appropriant tous les codes mythologiques classiquement attendus : de la contamination par morsure à la nécessaire destruction de la tête du zombie pour la tuer. Au-delà de ces règles énoncées dès le départ, ce qui assoit la légitimité et la crédibilité de cette fiction, c'est en particulier le soin esthétique apporté à la transposition de ce mythe à l'écran. Il faut saluer l'effort réalisé, en terme de maquillage ou de sobres effets spéciaux, pour obtenir des créatures vraiment bien faites. D'ailleurs une des plus marquantes restera sans doute cette première zombie que croise Rick, dont tout le bas du corps a été dévoré avant sa transformation, ne lui laissant que la possibilité de se traîner sur le sol de manière pitoyable.

Aussi appliquée que la série soit dans sa volonté de faire envahir de zombies notre petit écran, il serait pour autant hâtif de la réduire uniquement à cet aspect : The Walking Dead est bien plus qu'une simple "fiction de zombies". Car c'est dans son cadre post-apocalyptique que réside son plein potentiel. Il n'est pas uniquement question de raisonnement dans l'immédiat, mais il s'agit bien d'envisager une survie sur le long terme. L'opportunité de The Walking Dead va être de pouvoir exploiter un format télévisuel lui permettant d'inscrire sa construction narrative sur un plus long terme, et donc de développer des thématiques plus vastes et autrement plus audacieuses. Le coeur de la série est bel et bien d'envisager un récit post-apocalyptique dans la plus pure tradition du genre. Les zombies sont une donnée complexifiant l'équation pour la survie, comme ont pu être, dans d'autres fictions, une maladie ou autre fléau... Par cette approche, forcément très ambitieuse, The Walking Dead tient donc bien plus d'une série comme Jeremiah ou Survivors que de Dead Set.

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Le classicisme de ce pilote lui permet d'installer efficacement le décor particulier qui va être celui de la série, tout en laissant poindre le potentiel sous-jacent. En effet, prenant peu à peu la pleine mesure de l'histoire, au-delà du seul enjeu binaire, ce sont les ressorts et dynamiques inhérents à la nature humaine qui vont être un thème de prédilection pour The Walking Dead. L'introduction des personnages reste certes sommaire, puisque, attaché à nous décrire ce monde transformé et dévasté du point de vue de Rick, le pilote se concentre sur cette figure centrale. Tout juste découvre-t-on que les proches de Rick ont survécu. Cependant, parmi les indices que ce pilote distille et les jalons qu'il pose pour l'avenir, ce qui frappe déjà, c'est la manière dont s'est opérée un complet bouleversement des valeurs et des codes moraux traditionnels. Comme si certains raisonnements appartenaient désormais à un temps révolu, il y a eu une forme de substitution des priorités de chacun qui s'est opérée. Si bien que c'est une noirceur désillusionée, aussi sombre que pesante, qui semble s'être abattue sur le monde. Dans ce pessimisme ambiant, lié à l'identité même de The Walking Dead, le chapitre de l'insouciance apparaît définitivement refermé. La réussite de la série est de parvenir à caractériser ce désespoir latent, qui captive autant qu'il trouble le téléspectateur.

C'est particulièrement flagrant dans certains passages du pilote. Ne s'enfermant pas dans un froid registre pragmatique, l'épisode investit, avec empathie, une dimension émotionnelle à la force surprenante, qui est sans doute l'élément qui m'a le plus marquée. En effet, l'épisode entreprend de dépeindre, de manière aussi fascinante que bouleversante, l'ambivalence des rapports des humains survivants aux zombies. A plusieurs reprises, Rick achève des créatures, non pour se défendre, mais en témoignant d'une sourde compassion. C'est l'être humain qu'elles furent autrefois, celui dont il reste encore l'enveloppe vide derrière leur nature dégénérée, qui est ainsi souligné. Si la survie impose de ne pas tergiverser face à ces zombies, l'épisode choisit d'en invidualiser certaines, de façon à introduire une idée plus nuancée, celle qu'il s'agit également de victimes. La scène du montage en parallèle de l'homme envisageant d'abattre sa femme, désormais transformée, et de Rick partant à la recherche de la première zombie croisée, dont le corps à demi-dévoré l'a réduite à un état pathétique, est probablement une des plus réussies de l'épisode : elle atteint une intensité émotionnelle qui touche le téléspectateur, tout en sonnant particulièrement juste à l'écran. Ces passages où il est question de dignité, d'humanité, contribuent à renforcer l'atmosphère grise et sans repère du pilote.

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Si, sur le fond, The Walking Dead laisse entrevoir des choses très intéressantes, la série trouve une légitimité et une force supplémentaires dans les soins apportés à sa forme. J'ai déjà mentionné l'effort réalisé pour recréer cette population de zombies, mais c'est tout le décor post-apocalyptique de la série qui bénéficie du même savoir-faire. Si le final de l'entrée dans Atlanta est probablement le plus imposant en terme de reconstitution, il faut vraiment saluer le soin constant des détails, parfois à un niveau très modeste, dont la série fait preuve. De plus, la réalisation très appliquée dévoile une esthétique vraiment travaillée. La photographie est un peu éteinte, investissant des couleurs froides, reflet parfait de l'ambiance pessimiste mise en scène. Enfin, une utilisation réfléchie est faite de la musique. Donnant la priorité à une sobriété de circonstances, c'est un moyen de souligner d'autant plus la portée des scènes marquantes où une bande-son va retentir.

Pour supporter cette sombre chronique post-apocalyptique, la série affiche un casting avec plusieurs têtes connues des téléphages. Le rôle principal est dévolu à Andrew Lincoln, un acteur anglais pour qui j'ai toujours éprouvé une certaine affection qui remonte aux temps de This Life ou encore Teachers, mais qu'on a également pu voir plus récemment dans Afterlife ou encore, cette année au printemps, dans la série d'action Strike Back. C'est cependant son premier rôle dans une série américaine.  A ses côtés, les téléphages plus familiers du petit écran Etats-Unien reconnaîtront John Bernthal (Eastwick, The Class), Sarah Wayne Callies (Prison Break), Laurie Holden (croisée dans quelques épisodes de The Shield ou encore des Sept Mercenaires) ou encore Jeffrey DeMunn. Enfin, Steven Yeun et Chandler Riggs complètent le casting principal.

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Bilan : Se présentant sous une forme extrêmement classique, avec ses ressorts narratifs bien huilés, ce pilote très académique nous introduit efficacement dans les enjeux et le cadre post-apocalyptique de The Walking Dead. Apportant un soin particulier aux décors, s'attachant aux petits détails qui crédibilisent et contribuent à la force de cette reconstitution, il entreprend de créer une atmosphère désillusionnée et sombre, dont le désespoir ambigü latent perce à l'occasion le coeur du téléspectateur, soulignant d'autant plus le potentiel incontestable dont bénéficie la série. L'ensemble est donc convaincant. S'il est trop tôt pour couvrir ce seul épisode d'éloges dithyrambiques disproportionnés, The Walking Dead a rempli sa première promesse. Vivement la suite !  


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la série :


Le générique de la série :


20/06/2010

(Pilote US) Rubicon : invitation aux extrapolations conspirationnistes


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A la suite du season finale de Breaking Bad, AMC avait choisi de profiter du lead-in d'une de ses séries phares pour dévoiler à ses téléspectateurs la première heure du pilote d'une nouvelle de ses productions, très attendue, Rubicon. Une façon de proposer un petit aperçu intrigant afin de fixer un rendez-vous au coeur de l'été, la diffusion officielle de la série devant débuter au mois d'août.

J'avoue que la thématique conspirationniste mise en valeur, ainsi que les quelques échos critiques croisés ci et là sur le web, avaient retenu mon attention. Ma curiosité téléphagique aura finalement eu raison de mes hésitations à découvrir un "demi-pilote" quasiment deux mois avant que la série ne soit officiellement lancée (surtout si cette fiction repose sur une trame de fond complexe liant l'ensemble). Mais j'ai donc finalement regardé ce premier épisode de Rubicon. Et, si je dois reconnaître être très bon public, voire même friande de ce type d'histoire, mon verdict est enthousiaste : j'ai adoré cette première incursion dans l'univers de la série.

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Comme son titre ne l'indique pas, il n'est pas question d'Antiquité romaine dans cette série contemporaine se déroulant aux Etats-Unis, de nos jours. Rubicon se présente sous les traits aguicheurs d'un thriller conspirationniste dans la plus belle tradition du genre, prompt à aiguiser la paranoïa de son personnage principal, comme celle des téléspectateurs. En résumé, elle est présentée comme une invitation à nous plonger dans l'envers du décor, dans les coulisses d'un pouvoir réel derrière des dirigeants fantoches et les ressorts apparents aux yeux du public. En attendant de découvrir la réelle ampleur de ce qui se trame en arrière-plan, ce premier épisode de Rubicon sert avant tout d'exposition. Il introduit ses protagonistes et va être un catalyseur expliquant les évènements qui suivront.

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Will Travers travaille à l'American Policy Institute. Il analyse l'intelligence fournie par divers services de renseignements, notamment de sources gouvernementales. Son travail consiste donc à établir des liens entre des données sans rapport apparent entre elles, en les recoupant de façon à en faire apparaître, au fil des déductions, le tableau global des situations qui leur sont soumises. Ce quotidien est une routine un peu léthargique pour Will qui ne s'est jamais remis des décès de sa femme et de sa fille dans les attentats du 11 septembre contre le World Trade Center. Considéré comme un des éléments les plus brillants du service, il a conservé sa position en partie pour son supérieur hiérarchique direct qui était le père de son épouse.

Un jour, Will recoupe par hasard les grilles de mots croisés de divers journaux et y découvre d'étranges références. Intrigué, il en parle à son beau-père qui balaie d'un revers de main, sur le ton de la plaisanterie, ses interrogations. Pourtant, peu après, ce dernier lui remet, en guise de cadeau d'anniversaire, les clés d'une moto, sous forme d'invitation à partir se ressourcer ailleurs. Il ne tiendra jamais sa promesse de tout lui expliquer le lendemain : le train qu'il prend pour se rendre au travail subit en effet une terrible collision. Des non-dits, d'étranges détails qui n'ont aucun sens, conduisent Will à s'interroger sur la réalité de ce drame. Avec l'idée d'enquête flottant dans un coin de sa tête et après avoir longtemps hésité, l'analyste accepte finalement la promotion qui lui est offerte et succèder à son beau-père.

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Thriller conspirationniste soigné, Rubicon s'approprie avec classe tous les codes scénaristiques du genre. Les interrogations progressives de Will, au fil de l'épisode, à mesure que des détails étonnants retiennent son attention, constituent une première immersion efficace. Les enjeux de la série sont clairement posés, au-delà du mystère contenu dans les mots croisés, la mort du beau-père va constituer l'élément moteur des investigations du personnage principal. Le pilote pose donc des fondations solides pour pouvoir construire sur cette base toute la série. Il bénéficie également d'une atmosphère parfaitement en adéquation avec le récit : l'ambiance y est lourde et sombre peu à peu dans une paranoïa latente où le moindre inconnu croisé sur un quai de gare désert attirera sur lui une attention teintée d'inquiétude.

De manière astucieuse, les scénaristes, étant conscients que nous ne sommes qu'au début, et donc que, pour le téléspectateur, les choses sont encore plus floues que pour Will, distillent avec parcimonie juste assez d'indices permettant de bien suggérer qu'un tableau plus complexe existe en arrière-plan. A défaut d'avoir l'implication émotionnelle de Will pour se lancer dans cette quête, notre curiosité est donc savamment aiguisée par ces quelques passage un peu en aparté. La première scène de l'épisode, un suicide, donne d'ailleurs immédiatement un ton grave qui souligne la profondeur des ramifications à découvrir, tandis que la scène finale ne fait que confirmer cette information, attisant un peu plus l'intérêt d'un téléspectateur de toute façon déjà pleinement entré dans la série.

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Le téléspectateur se glisse donc sans difficulté dans l'ambiance de Rubicon, presque plus happé par ce qu'il pressent ou perçoit, que par ce dont il est véritablement témoin. Car ce pilote, en plus d'être doté d'un scénario solide et efficace, bénéficie d'une écriture assez ambitieuse, où les scénaristes ne pèchent jamais par excès d'informations. Tout n'est pas livré clef en main, même si la mise en scène soupçonneuse laisse peu de place à une ambivalence réellement subtile Le contenu est dense, les informations nombreuses ; et, finalement, on a l'impression que le téléspectateur est comme invité à entrebâiller, aux côtés du héros, la porte donnant sur des coulisses dissimulées, afin découvrir des connexions formant un toutélié déstabilisant.

Parallèlement à ce contenu des plus stimulants, la dimension humaine de la série n'est pas pour autant négligée. Le pilote insiste surtout sur le personnage principal de Will. Il sera le repère du téléspectateur. C'est un homme fatigué, quelque peu déconnecté par moment, qui est encore en deuil et fonctionne suivant un quotidien plus ritualisé qu'autre chose. Si la routine est brisée dans ce pilote, des mots croisés jusqu'à la mort de son beau-père, l'épisode s'attache à décrire avec beaucoup d'humanité les deux facettes du personnage, la lassitude comme l'excellence de ses facultés d'analyses, au cours desquels il s'anime. Aussi usé soit-il, Will a en effet une capacité étonnante pour établir des connexions entre des éléments d'informations a priori sans rapport. Il se coule donc sans problème dans l'atmosphère de la série, figure logique dans une telle thématique conspirationniste.

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Sur un plan formel, Rubicon ne prend pas de risque particulier. La réalisation se situe dans la moyenne haute ; sans proposer d'initiative particulière, la caméra nous offre quand même quelques plans soignés. Le style, comme les teintes des images, sont en harmonie avec la tonalité du récit.

Côté casting, les téléspectateurs américains retrouveront James Badge Dale, tout juste sorti de la mini-série printanière de HBO, The Pacific. A ses côtés, figurent également Jessica Collins (The Nine), Arliss Howard, Dallas Roberts (The L Word), Miranda Richardson, Christopher Evan Welch ou encore Peter Gerety.

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Bilan : Tout en se dévoilant peu, Rubicon intrigue, piquant la curiosité d'un téléspectateur ne pouvant rester insensible à cette ambiance chargée de mystères et de non-dits que ce pilote parvient immédiatement à instaurer. La série bénéficie d'une écriture ambitieuse, où rien n'est pré-mâché pour un téléspectateur invité à plonger dans un récit exploitant pleinement tous les ressorts d'une fiction conspirationniste. On se laisse donc prendre au piège des questions soulevées, des suggestions générées par certaines scènes, rapidement pris dans la toile d'araignée de ce vaste mystère dont nous ne pouvons que pressentir les ramifications, aux côtés d'un personnage principal pour lequel on éprouve rapidement une certaine affection.

Ce pilote d'exposition remplit donc efficacement sa mission, dévoilant un potentiel pour faire de Rubicon un thrilller passionnant. La curiosité aiguisée, il sera difficile au téléspectateur de ne pas prendre rendez-vous pour les semaines à venir. De mon côté, tout en reconnaissant mon penchant naturel pour de telles histoires, me voilà d'avance scotchée à ma télévision pour la suite !


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la série :