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07/09/2011

(K-Drama) Jungle Fish 2 : portraits doux amers de l'adolescence actuelle

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En cette semaine de rentrée scolaire, quoi de plus approprié que d'opter pour un mercredi asiatique consacré à un high school drama ? Même si je suis désormais assez éloignée du coeur de cible de ce type de fictions, White Christmas et les derniers dramas taiwanais que j'ai eu l'occasion de voir m'ont rappelé qu'à petites doses, je ne suis pas complètement réfractaire à toutes ces séries mettant en scène la période de l'adolescence. La condition principale pour que j'y adhère, c'est d'arriver à proposer quelque chose de suffisamment sombre et original. Une double exigence pas vraiment remplie par le drama dont je vais vous parler aujourd'hui, mais ce dernier mérite quand même que j'y consacre un article.

Diffusé du 4 novembre au 30 décembre 2010, Jungle Fish 2 fait suite à un premier volet, unitaire composé d'un seul épisode, datant de 2008. Cependant les deux peuvent se visionner de manière indépendante. Ce qui les rassemble, c'est leur approche de l'adolescence d'aujourd'hui, à travers une galerie de personnages représentatifs des différentes facettes de la jeunesse. Si Jungle Fish 2 ne comporte que 8 épisodes, le drama aurait sans doute gagné en consistance en étant un peu plus raccourci. Reste que cette brève durée demande un investissement chronophagique moindre, ce qui est toujours appréciable.

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Min Ho Soo vient d'obtenir le transfert qu'il souhaitait tant de son lycée d'élite vers un établissement de seconde zone où le rythme scolaire et le niveau sont moindres. Il laisse cependant derrière lui sa petite amie, Hyo An, qui s'est considérablement éloignée de lui dernièrement. Devenue renfermée et ne se confiant plus, elle est devenue une source d'incompréhension constante. Ho Soo n'étant pas non plus quelqu'un de très ouvert, la rupture apparaît inévitable. Un soir, il croise Hyo An sortant de la voiture de son professeur d'anglais, bouleversée. Les conclusions hâtives se bousculent dans la tête de Ho Soo. Mais ce sera la dernière fois qu'il lui adressera la parole : ce soir-là, l'adolescente saute du toit d'un immeuble.

Leur ancienne bande d'amis d'enfance se retrouve unie dans cette épreuve. Le coma, puis la mort de Hyo An, les marque profondément. Entraîné par Ho Soo, ils décident d'enquêter sur ce qui a pu se passer pour pousser l'adolescente dans ses derniers retranchement et à commettre l'irréparable. A partir de ce drame, avec cette investigation informelle et particulière, aux accents tragiques, la série va donc suivre chacun de ces jeunes gens dans le quotidien d'une période charnière de leur existence, où les doutes et les incertitudes sur leur futur et leur vie prédominent.

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A priori, il faut reconnaître que l'idée de départ de Jungle Fish 2 est plutôt bonne. En plus d'avoir un solide fil rouge à fort potentiel - l'investigation sur les raisons entourant le suicide de Hyo An -, la série adopte ce format semi-choral désormais classique dans les teen-show mettant en scène une bande d'amis. En effet, pour évoquer des tranches de vie diverses et variées d'adolescence, rien de tel que de s'intéresser plus particulièrement à un personnage par épisode. Sur ce point, la télévision asiatique a aussi bien compris cette recette que l'occidentale. La volonté du scénariste d'essayer de dresser un portrait de l'adolescence sud-coréenne actuelle, annoncée dès le message d'introduction du drama, est perceptible. Outre les invariables thématiques gravitant autour de l'amitié et de l'amour, en allant jusqu'à une grossesse indésirée, la série effleure également des questions plus sensibles, comme la pression et les rythmes intensifs et éreintants des établissements fabriquant les élites. De plus, les rapports avec le monde des adultes, et notamment à l'autorité, sont aussi régulièrement abordés.

Cependant, si le potentiel est bien là, Jungle Fish 2 ne va jamais parvenir à remplir les promesses ainsi entrevues. L'ensemble, trop calibré, souffre d'un frustrant manque d'audace. La série a en effet la fâcheuse tendance de ne pas aller au bout des problématiques qu'elle soulève. Par exemple, alors qu'elle aurait pu esquisser une réflexion sur ces lycées élitistes, sur les exigences qui pèsent sur les adolescents, elle préfère s'embarquer dans une histoire maladroite de corruption institutionnalisée et de connivences permettant de faire perdurer des discriminations sociales. L'enquête sur la mort de Hyo An finit d'ailleurs par se diluer dans des twists où l'enjeu anecdotique égare l'intérêt du téléspectateur. De manière générale, le drama joue beaucoup sur l'incompréhension entre les deux mondes, adulte et adolescent, sans toujours faire preuve de subtilité. Même s'il propose parfois quelques scènes assez bien inspirées, il alterne trop souvent entre le manichéen et une forme de semi-pédagogie qu'on aurait aimé plus nuancée.

Pour autant, en dépit de ses limites, on s'attache à cette bande de jeunes, amis d'enfance qui ont grandi, qui n'ont plus forcément grand chose en commun, mais qui restent liés par ces quelques attaches passées. Les histoires sont inégales, de même que l'intérêt suscité par les personnages. Mais il y a dans Jungle Fish 2 les fondations d'un teen-show très honnête qui, sans marquer, se laisse suivre sans déplaisir. 

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Si Jungle Fish 2 suscite des impressions mitigées sur le fond, je serais beaucoup plus positive sur la forme de la série. Elle bénéficie en effet d'une réalisation très soignée et appliquée, presque cinématographique dans certains de ses plans larges. Cela donne une belle photographie, colorée, à l'esthétique très agréable. Sa bande-son est également plaisante à écouter et plutôt bien fournie. Même si un recours parfois un peu excessif à l'accompagnement musical renvoie le sentiment d'être face à une OST très (trop?) calibrée qui verse dans des dérives "clipesques". Cependant certaines chansons ont fini par me toucher, comme la douce mélancolie de Feeling Sad (cf. la seconde vidéo en bas de ce billet).

Le casting, enfin, composé de jeunes acteurs, est correct. Le seul que je connaissais était celui qui incarne le personnage principal enquêtant sur les raisons du suicide de Hyo An, Hong Jong Hyun (il figurait à l'affiche d'un autre drama ayant pour cadre un lycée, mais qui était autrement plus ambitieux, White Christmas). Dans ce registre de l'impassibilité teintée de souffrance dans lequel Jungle Fish 2 l'entraîne, il s'en sort plutôt bien. A ses côtés, je retiendrais l'interprétation très énergique de Shin So Yool. Les autres s'en sortent très honorablement dans leurs rôles respectifs ; on croise notamment Lee Joon, Kim Bo Ra, Kim Dong Bum ou encore Han Ji Woo. Mon bémol principal sera sans doute à formuler à l'encontre de Park Ji Yeon : j'ai eu un peu de diffiulté avec son jeu limité à une mono-expression dépressive.

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Bilan : Disposant d'une base de départ plutôt attractive mêlant à un parfum d'enquête teintée de tragédie personnelle, des histoires d'adolescents troublés, Jungle Fish 2 restera trop timoré pour pleinement exploiter un potentiel que le drama va seulement laisser entre-apercevoir par intermittence. Le suicide de Hyo An ne parvient pas à construire un mystère suffisamment consistant pour occulter les développements trop prévisibles qui se greffent autour. Pour autant, sans parvenir à dépasser ce simple statut, ce drama reste un teen-show qui devrait satisfaire les amateurs du genre. En ce qui me concerne, je pense préfèrer l'approche plus authentique, à la fois beaucoup plus artisanale, mais aussi plus noire, des tw-dramas.


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la série :

 

Une chanson de l'OST :


Kim Yeo Hee - Feeling sad

04/09/2011

(Mini-série UK) The Field of Blood : une sordide affaire dans le Glasgow des années 80

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Cette semaine, j'ai regagné la maison familiale pour quelques jours avec un thème central : l'Ecosse. Ma soeur décollait pour Edimbourg hier. Par conséquent, en plus de m'être amusée à défier les lois de la physique en l'aidant à remplir stratégiquement sa valise, j'ai apporté ma contribution dans un domaine que je maîtrise, à savoir une présentation de l'Ecosse... à travers les séries. Parmi les plus récentes, j'ai donc ressorti Case Histories de mes cartons (ça se passe à Edimbourg, ça tombe bien), et puis nous sommes aussi allées à Glasgow pour Lip Service.

Pour couronner le tout, BBC1 a parfaitement joué le jeu puisqu'elle a proposé lundi dernier la première partie (la suite est programmée demain) d'une mini-série déjà diffusée sur BBC Scotland en mai dernier : The Field of Blood. Cette mini-série, comportant deux épisodes d'environ 55 minutes chacun, est une adaptation d'un roman de l'écrivaine écossaise, Denise Mina. The Field of Blood (Le champ du sang en VF) est ainsi la première aventure mettant en scène le personnage de Paddy (Patricia) Meehan, une aspirante journaliste.

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The Field of Flood débute à Glasgow en 1982. Paddy Meehan est une jeune femme, passionnée et ambitieuse, qui rêve de devenir journaliste. Pour le moment, elle n'est cependant qu'une simple "copy boy" (employé à tout faire) dans un quotidien local, le Daily News. Sa mère, tout particulièrement, voit d'un mauvais oeil les aspirations professionnelles de Paddy, tandis que son fiancé, amour d'enfance, rêve plutôt d'une épouse traditionnelle. Si Paddy s'efforce de concilier ces deux pans de sa vie, sa famille va devoir affronter une période très difficile.

La disparition d'un garçon de deux ans, Brian Wilcox, met la population en émoi. Mais quelques jours plus tard, son cadavre est retrouvé dans le canal. La police s'oriente rapidement vers un suspect d'une dizaine d'années, identifié par un témoin. Alors que Paddy participe, à force de persuasion, à sa première recherche de scoop pour le journal, elle déchante vite en découvrant la photographie de l'enfant arrêté : il s'agit de son jeune cousin. Persuadée qu'il n'a pu commettre un tel acte, voyant que la police ne semble guère prête à douter du scénario qu'elle a établi, elle décide alors d'enquêter de son côté, troublée par les étranges parallèles avec une précédente affaire aussi tragique.

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Polar sombre, démarrant sur le crime particulièrement sordide du meurtre d'un enfant et marqué par quelques scènes assez violentes, The Field of Blood n'est cependant pas une fiction d'enquête policière classique. En effet, ce ne sont pas des policiers qu'elle met en scène : elle va nous faire suivre l'investigation menée par une apprentie journaliste. Elle profite d'ailleurs opportunément de l'occasion pour nous glisser dans les coulisses abrasives et machistes du quotidien local, le Daily News. La limite de ce choix est sans doute de cantonner l'enquête officielle de la police à une simple toile de fond presque en arrière-plan, en passant parfois très vite sur certains détails et avancées, nous informant par des ouïe-dire et autres échanges entre les journalistes. C'est un peu lointain, mais l'ensemble n'en demeure pas moins efficace et prenant. Car pour maintenir une tension et un rythme sans temps mort tout au long de ces deux heures, la mini-série va mettre à profit l'empathie suscitée par la jeune héroïne, dont les dilemmes et l'obstination inébranlable sauront impliquer le téléspectateur ; puisque la mise en accusation de son cousin fait prendre une tournure beaucoup plus personnelle à l'affaire.

L'intrigue va suivre un développement linéaire qui a les qualités, mais aussi les limites, de ce style d'écriture académique. L'enquête est à la fois très bien huilée - on se laisse entraîner dans la tension et la noirceur ambiantes - mais aussi très prévisible, de telle façon que les recoupements et les soupçons se font naturellement, le téléspectateur prenant à l'occasion de l'avance sur les protagonistes de l'histoire. Cependant The Field of Blood est une de ces fictions qui retiennent l'attention, non seulement par le savoir-faire calibré des scénaristes, mais aussi - et peut-être surtout - par ce grisant parfum de polar un peu daté, qui est relaté du point de vue d'une héroïne qui tranche singulièrement dans le milieu journalistique cynique et désabusé où elle évolue. Ce sont d'ailleurs les rapports de Paddy avec ses différents collègues du Daily News qui vont insuffler une dimension supplémentaire à la mini-série : qu'il s'agisse de scènes de confrontation ou de passages où certains se comportent plutôt en mentor, ils humanisent considérablement et de manière très appréciable le récit (et certains sont vraiment bien écrits). C'est ainsi que The Field of Blood s'assure la fidélité du téléspectateur peut-être d'avantage par son ambiance que par l'intrigue en elle-même.

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Sur la forme, The Field of Blood dispose d'une réalisation appliquée qui va renforcer l'atmosphère de polar noir. On retrouve dans la photographie, plutôt sombre, comme une teinte d'époque, la caméra cherchant à nous faire remonter le temps en capturant ce parfum du Glasgow du début des années 80. La mini-série y parvient d'autant mieux qu'elle est soutenue par une bande-son très dynamique, rythmée par des morceaux de musique de cette période ; le casque du walkman de Paddy offrant un prétexte parfait pour insérer ces parenthèses musicales.

Enfin, The Field of Blood bénéficie d'un casting pour lequel on se prend rapidement d'affection. L'héroïne est incarnée avec beaucoup de naturel et de spontanéité par une actrice que je ne connaissais pas, Jayd Johnson (River City). Elle est bien épaulée par des seconds rôles très solides, parmi lesquels les plus notables sont Peter Capaldi (The Thick of It), journaliste désillusionné en fin de vie, qui délivrera notamment une scène d'une intensité bouleversante (cf. l'extrait vidéo ci-dessous), et David Morrissey (State of Play, Blackpool, Meadowlands), en patron caractériel plus compréhensif qu'il n'y paraît. On retrouve également à l'affiche Ford Kiernan ou encore Alana Hood.

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Bilan : Polar sombre et efficace, dans lequel le parfum des 80s' reste une garantie de dépaysement appréciable, The Field of Blood doit beaucoup au fait d'avoir choisi, pour bâtir son intrigue, de se placer du point de vue d'une jeune aspirante journaliste. En effet, le dynamisme de Paddy offre un contraste saisissant avec l'atmosphère plus pesante et tellement désabusée du milieu dans lequel elle évolue. Jouant ainsi sur le côté rafraîchissant et donc attachant de la jeune femme afin d'impliquer émotionnellement le téléspectateur, la mini-série saura développer une histoire globalement captivante en dépit des facilités auxquelles le scénario finira par céder ; la durée brève (2 heures) expliquant sans doute certains des raccourcis empruntés. A voir (c'est court) !


NOTE : 7,25/10


Un extrait marquant (Peter Capaldi, "And Death Shall Have no Dominion") :

01/09/2011

(Mini-série UK) Edge of Darkness : entre thriller nucléaire et fable écologique

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J'ai beau aimé vous narrer des voyages téléphagiques exotiques, je n'oublie pas que mon premier amour reste l'Angleterre. S'il s'agit sans doute du pays dont le petit écran m'est le plus familier, tant de séries non vues aiguisent encore ma curiosité ! Cet été 2011 m'aura surtout entraîné dans les années 80, insufflant du suspense à mes fins de soirée : Smiley's People, Edge of Darkness. C'est de cette dernière dont je vais vous parler aujourd'hui. Il faut dire que, d'aussi longtemps que je me souvienne depuis que je m'intéresse au petit écran d'outre-Manche, je l'ai toujours entendue présentée comme LA grande référence en terme de thriller anglais. Ce n'est donc pas sans pression que je l'ai lancée.

Composée de six épisodes d'une cinquante de minutes chacun, cette mini-série a été diffusée sur BBC2 fin 1985. Elle a rencontré un fort succès critique et demeure aujourd'hui considérée comme une des plus abouties oeuvres du petit écran britannique. Un classique dans le premier sens du terme. Comme State of Play, autre référence du genre plus récente, un remake cinématographique américain est d'ailleurs sorti en 2010 (Ne me demandez pas ce que j'en ai pensé, je ne l'ai pas vu). Toujours est-il que si Edge of Darkness a patienté plus d'une année dans ma DVDthèque avant que je ne trouve le temps de la regarder, ce visionnage ne m'aura vraiment pas déçu. C'est assez frappant de constater combien cette mini-série est à la fois marquée par son époque, mais trouve aussi un écho toujours très actuel. Entre le thriller politico-nucléaire et la fable écologique, c'est assurément une oeuvre qui mérite toujours aujourd'hui d'être rédécouverte.

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Ronald Craven est un officier de police, veuf, qui a élevé seul sa fille Emma. Devenue une scientifique engagée politiquement pour des causes environnementales, cette dernière demeure, pour son père, le centre du monde. Un soir pluvieux comme tant d'autres, alors qu'il était allé la chercher à une conférence qu'elle animait, un homme surgit brusquement devant leur maison, criant leur nom de famille. Armé d'un revolver, il abat Emma, qui s'est interposée, à bout portant. La jeune femme, mortellement touchée, décède dans les bras de son père. Sous le choc, ce dernier reçoit le soutien sans faille de ses collègues qui l'invitent à prendre du repos. Craven va cependant vite retrouver ses réflexes professionnels, le travail de deuil passant par l'arrestation de l'assassin.

L'enquête s'oriente tout d'abord vers une possible vengeance dont il était la réelle cible. Durant sa carrière, notamment en Irlande du Nord, il s'est fait un certain nombre d'ennemis mortels qui n'auraient pas hésité à appuyer sur la détente. Cependant Craven, réapprenant à connaître sa fille par les affaires qu'elle a laissé, découvre certains pans jusqu'alors inconnus de la vie d'Emma, notamment l'importance de son engagement pour la cause écologique. Peut-être n'était-elle pas cette innocente victime d'une revanche prise contre lui. Peut-être était-elle bien celle qui était visée. Ayant gagné Londres où le meurtrier quelqu'il soit doit s'être réfugié, Craven voit ses investigations le conduire dans les coulisses bien troublées du pouvoir, des services secrets et des lobbies militaro-industriels, avec un enjeu létal en arrière-plan : le nucléaire.

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Edge of Darkness est une de ces oeuvres particulièrement riches qui propose plusieurs niveaux lectures, investissant successivement différents genres. Elle est tout d'abord une tragédie personnelle, à laquelle se superpose une enquête policière des plus prenantes. C'est un travail de deuil, ou du moins d'acceptation, que nous fait vivre la mini-série, du choc initial à la volonté de se venger, de la réalisation de la perte à l'effondrement nerveux. Car le héros de l'histoire est un homme détruit. Avec beaucoup d'intensité et d'empathie, la mini-série s'impose dans un registre dramatique vraiment fort, nous faisant percevoir et, en un sens, partager la douleur de Craven. Constituant une trame à part entière dans le thriller, elle nous conduit à la frontière d'une folie causée par la détresse. Le policier a ainsi des discussions avec une projection ou un fantôme de sa fille : une apparition qui permet des échanges aussi naturels que surréalistes qui vont préciser les enjeux autant que dévoiler les ressorts les plus intimes de la psychologie des personnages. Cette mise en scène, troublante, se révèle particulièrement touchante.

Cependant, si Craven est un père qui souffre, il est aussi un policier qui veut comprendre, qui veut savoir quelle est sa part de responsabilité éventuelle dans la mort de sa fille. La première partie de la mini-série prend ainsi la forme d'une enquête classique des plus efficaces. Délaissant vite la piste policière d'une simple vengeance, Craven comprend qu'il y a bien plus derrière tout cela. C'est Emma qu'il redécouvre en apprenant plus précisément ses engagements. Mais la piste qu'il suit l'entraîne dans des coulisses à la jonction du politique et de l'industriel, où les rapports de force et jeux de pouvoir qui s'y déroulent lui échappent. La vérité sur la mort d'Emma intéresse beaucoup de monde : des agents secrets travaillant pour le Premier Ministre, des officiers de la CIA... et son enquête en inquiète d'autres, menaçant de le voir se heurter à la puissance tentaculaire et influente de l'industrie nucléaire. L'enjeu de la mini-série n'est cependant pas seulement de découvrir le meurtrier d'Emma : une fois les responsabilités dans ce qu'il s'est passé établies avec certitude par Craven, Edge of Darkness acquiert une autre dimension. Elle va dépasser le cadre de départ d'une enquête sur un crime, pour aborder de front une question plus dérangeante, celle du nucléaire et du danger représenté par les entreprises qui le contrôlent.

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Edge of Darkness est en effet un thriller écologique, par bien des aspects militant, à la fois marqué par son époque, mais abordant pourtant des problématiques qui parlent toujours au téléspectateur d'aujourd'hui. La mini-série a été diffusée en 1985 et peut être perçue comme une réaction au contexte politique d'alors : en Angleterre, c'est le gouvernement de Thatcher ; aux Etats-Unis, Reagan a lancé deux ans plus tôt sa Guerre des étoiles. A mesure que Craven prend conscience des réels enjeux qui se cachent dans l'ombre, à partir du moment où Emma apparaît bien comme la victime d'une autre guerre de l'ombre, celle du nucléaire, le discours de la mini-série se politise. Elle pointe les connivences entre les différents cercles du pouvoir ; elle expose cette obsession du secret qui entoure cette industrie pourtant si dangereuse et la dépendance qui se crée à son égard, puisque par le développement de cette énergie, qui est aussi une arme, ce conglomérat tient entre ses mains le sort de notre civilisation. La tonalité d'ensemble devient de plus en plus désabusée, à l'image du pragmatique mais si instable Jedburgh, dont on ne sait rapidement plus quoi attendre.

Ce qui fait de Edge of Darkness une oeuvre si marquante, c'est sans doute aussi le fait qu'elle n'est pas un simple thriller. En effet, de manière peut-être plus inattendue, elle est aussi une forme de fable écologique qui va manier une symbolique impliquant la nature, aboutissant à la lisière du mystique. Reprenant les hypothèses Gaïa (elle donne d'ailleurs ce nom à l'organisation à laquelle appartient Emma), formulées dans les années 70 par James Lovelock, elle développe notamment la thèse de l'autorégulation de la planète. Aboutissement logique du glissement idéologique progressif de la série, son dernier épisode parachève la prise de conscience de Craven. Il y a les hommes d'un côté, avec le danger du nucléaire et la société future présentée par le pdg de l'entreprise, et la planète de l'autre. Craven embrasse alors une cause environnementale qu'il commence seulement à comprendre grâce à sa fille, apparaissant comme une figure isolée face au cynisme et aux connivences de ses adversaires, mais aussi de ses alliés d'un temps ; puisque les deux camps se seront naturellement retrouvés. Les dernières scènes, entièrement construites en parallèles, usent au maximum de symboles forts.

Sans aller jusqu'à la fin initialement envisagée par le scénariste Troy Kennedy Martin (qui basculait définitivement dans le fantastique), Edge of Darkness se conclut de manière très amère. Son dernier plan, sur ces fleurs noires dont la légende nous a été expliquée par le fantôme d'Emma, est on ne peut plus parlant sur ce qui s'ouvre et est à l'oeuvre si l'homme poursuit la voie qu'il a choisie.

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Solide sur le fond, Edge of Darkness est également particulièrement soignée sur la forme. Si l'image, datant des années 80, a forcément vieilli aujourd'hui, la réalisation demeure très efficace. Cependant, ce qui marque toujours autant en visionnant la mini-série, c'est incontestablement sa bande-son. Composée par Eric Clapton et Michael Kamen, elle distille des morceaux tendant vers le rock, usant souvent de guitares électriques, qui vous font frissonner. Toujours utilisée à bon escient, cette musique fait vraiment partie de l'identité de la mini-série, contribuant à lui donner un ton à la fois fois tendu, mélancolique, voire déchirant, qui ne laisse pas le téléspectateur indifférent.

Enfin, Edge of Darkness bénéficie également d'un casting à la hauteur du scénario qu'il doit porter à l'écran. Bob Peck (Hard Times) propose une interprétation intense et marquante de ce père endeuillé, brisé, mais qui va en quelque sorte poursuivre l'oeuvre de sa fille. Joe Don Baker (Eischied) est très intrigant en agent de la CIA particulièrement versatile, entre désillusion et sens pratique des plus aiguisés. Joanne Whalley (The Borgias) joue une Emma aux apparitions souvent éclairantes, étonnamment complice et toujours très naturelle. A leurs côtés, on retrouve également Charles Kay (Fortunes of War), Ian McNeice - que je n'avais jamais croisé aussi jeune ! - (Dune, Rome, Doc Martin), Hugh Fraser (Agatha Christie's Poirot), John Woodvine ou encore Jack Watson.

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Bilan : A la fois tragédie personnelle intense et déchirante, thriller nucléaire captivant et fable écologique nécessaire, Edge of Darkness est une mini-série extrêmement prenante, dont la tension constante, sans le moindre temps mort, retient l'attention du téléspectateur du début à la fin. Bénéficiant d'une écriture inspirée, souvent habile, son histoire, particulièrement dense et solide, lui confère une richesse, tant dans la caractérisation des personnages qui dans les thématiques abordées, qui lui permet de traverser les décennies en s'appréciant toujours autant. Oeuvre politique marquée par son époque, sa dimension plus mystique lui apporte une aura supplémentaire qui m'a beaucoup fasciné et qui, je pense, ajoute à son intérêt.

En somme, Edge of Darkness est un classique qui n'a pas usurpé sa réputation. Un thriller qui mérite toujours d'être redécouvert et qui m'a passionné et interpellé. 


NOTE : 9/10


Le thème musical principal :


31/08/2011

(K-Drama / Pilote) Protect the Boss : une rom-com dynamique avec du caractère

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En ce dernier mercredi asiatique d'août, c'est l'occasion de vous parler d'un drama qui aura sans doute été ma bonne surprise du mois. Initialement, je n'étais pourtant même pas certaine de donner sa chance à Protect the Boss. Rien ne me prédisposait à tomber sous le charme de cette série : un synopsis en apparence déjà vu et revu, un casting avec des acteurs que je connaissais peu et d'autres que je n'appréciais pas. Mais la magie des rom-com sud-coréennes opère souvent en suivant des voies impénétrables... Après quatre épisodes visionnés, me voilà en effet sous le charme.

Protect the Boss a débuté sur SBS le 3 août 2011. Diffusée les mercredi et jeudi soirs, elle devrait comporter en tout 16 épisodes. Ayant succédé à City Hunter, on peut dire qu'elle a su suivre le chemin de son prédécesseur en se stabilisant autour d'une audience à deux chiffres plutôt bonne. Au fond, si je me suis si bien laissée embarquer par cette histoire, c'est que Protect the Boss a réussi là où peu de séries parviennent : elle a su me faire rire aux éclats dès son premier épisode. Avec un duo principal attachant et un sens du burlesque drôlement bien maîtrisé, je suis conquise.

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Protect the Boss, c'est l'histoire d'une association inattendue. No Eun Seol n'a jusqu'à présent guère eu de chance dans son parcours professionnel. Ne s'étant jamais pleinement consacrée à ses études, diplômée d'une université de seconde zone, la jeune et énergique femme ne manque certainement pas de qualités et d'un sens de la débrouillardise des plus développés, mais son CV suffit à effrayer tous les recruteurs potentiels. Elle échoue donc plus souvent dans des milieux douteux, où son caractère la place en porte-à-faux par rapport à des employeurs peu scrupuleux. Adepte des arts martiaux, elle n'hésite d'ailleurs pas à user de la force physique pour exposer ses vues. C'est dans le contexte d'une rixe qu'elle a provoquée qu'elle va ainsi croiser pour la première fois, de manière incidente, Cha Ji Heon.

Ce dernier est l'héritier d'une famille de chaebol. Aussi immature que caractériel, le jeune homme est très mal considéré au sein de l'entreprise de son père, dont il est pourtant le successeur présomptif, généralement catalogué comme étant un incompétent incapable de gérer la société. Il faut dire que son anxiété, qu'exacerbe tout contact avec une foule, le rend inopérent pour expliquer une simple présentation de projet en petit comité. Sans savoir qu'elle est la jeune femme qui a causé bien des problèmes à la compagnie du fait de la bataille rangée à laquelle elle a mêlé Ji Heon, Eun Sol est cependant embauchée comme secrétaire. Son profil atypique laisse espérer qu'elle réussira à supporter les caprices de Ji Heon et même peut-être à lui inculquer un peu de bon sens !

Les débuts de leur relation professionnelle sont aussi difficiles qu'explosifs. Cependant, à mesure qu'une forme de complémentarité et de compréhension se développent entre eux, d'autres problèmes les obligent à faire front, menaçant leur situation. En effet, tout le monde ne voit pas d'un bon oeil la volonté du patriarche de faire de Ji Heon son successeur, et derrière une apparence affable, le cousin de ce dernier, Cha Moo Won, nourrit des ambitions bien aiguisées par sa mère. Des prétentions que tous les défauts de Ji Heon paraissent presque légitimer...

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Si l'histoire ne présente a priori guère d'originalité, installant les bases et reprenant les confrontations que l'on croise classiquement dans une rom-com sud-coréenne, Protect the Boss dispose de plusieurs atouts qui vont retenir l'attention du téléspectateur. Bénéficiant d'une écriture très vive et d'un rythme de narration qui ne laisse aucun temps mort, elle s'impose tout d'abord avec brio dans le registre de la vraie comédie. Cultivant les réactions les plus inattendues de la part de personnages dont elle s'amuse à brouiller, voire à inverser, les rôles, soignant les chutes inattendues, cédant quand il le faut à un comique de situation allant jusqu'à verser dans un burlesque assumé, le dynamisme et la bonne humeur qui émanent de ce drama, même lorsque les protagonistes broient du noir, collent ainsi un grand sourire au téléspectateur.

Dès le premier épisode, la série démarre de la plus efficace des façons. On y retrouve cette dose d'ambivalence caractéristique et nécessaire à toute bonne rom-com : la tonalité est volontairement versatile, capable de passer naturellement du drôle absurbe à un émotionnel authentique en un clin d'oeil. Le récit se construit en jouant sur une dualité constante qui transcende toute l'histoire : tandis que certaines scènes, par leur caractère improbable où se mêlent un aplomb et une spontanéité rafraîchissante, font franchement rire aux éclats, d'autres dévoilent des facettes intimes des personnages, plus touchantes, qui font prendre un tournant plus pesant, voire doux amer, à ces scènes. Car Protect the Boss est aussi un drama empreint d'une sourde incompréhension : celle d'un père face à un fils, le seul qui lui reste encore en vie et qui semble si loin de ses attentes. Incompréhension toujours pour ce fils, Ji Heon, qui non seulement ne se comprend pas lui-même, frustré de ses réactions, mais qui laisse aussi ses mécanismes de défense se charger de faire le vide autour de lui, comme une forme de fuite en avant permanente. C'est en développant cette dimension humaine que l'attachement du téléspectateur pour cette série va se forger irrémédiablement.

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Au-delà d'une narration vive et efficace, qui cultive l'humour à bon escient, Protect the Boss charme en effet également grâce à ses personnages. C'est sur (et par) leurs ambiguïtés que l'histoire se bâtit de manière très intéressante. En effet, la série sait non seulement exploiter la recette classique découlant de la rencontre d'un jeune héritier chaebol arrogant et d'une employée spontanée venant bousculer l'ordonnancement de son monde, mais elle va aussi rapidement aller au-delà de cette trop simple caractérisation. No Eun Seol a beau ne pas être diplômée d'une université prestigieuse et ne pas avoir intégré tous les codes sociaux du milieu dans lequel son poste de secrétaire la propulse, elle conserve toujours une assurance inébranlable. A l'opposé, Cha Ji Heon a beau tout avoir sur le papier et être promis à un poste important, il a fini par se juger comme chacun le perçoit, un incapable paralysé par ses peurs et sa certitude d'échouer. Ses crises d'anxiété en public ne font qu'accentuer cette absence de confiance, mal dissimulée derrière des réflexes puérils d'un autre âge.

C'est dans l'association de ces deux êtres très différents que réside le coeur de la série. Confrontés aux exigences d'un quotidien professionnel avec sa dose d'adversité, les rapports de subordination et de dépendance s'inversent peu à peu. Si l'équilibre est tout d'abord très vacillant, un surprenant, presque hésitant, lien de confiance, mais aussi de compréhension, se noue entre Eun Seol, qui n'a jamais froid aux yeux, et Ji Heon, entravé par son naturel excessivement craintif. De plus, pour bien forcer les traits, à cette opposition de caractère, se sur-ajoute aussi un aspect tangible plus physique : tandis que Ji Heon blêmit dès qu'on lève simplement la main sur lui, Eun Sol pratique les arts martiaux et ne manque pas de répondant. La réussite de Protect the Boss va être ainsi de savoir insuffler une ambiguïté aussi bien dans ses personnages, à l'image de l'arrogance teintée de vulnérabilité de Ji Heon, que dans les situations auxquelles elle va les confronter.

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Sur la forme, Protect the Boss est une de ces comédies colorées qui s'épanouit avec une photographie agrémentée de couleurs chatoyantes. La réalisation épouse et accompagne le dynamisme d'ensemble qui parcourt ce drama, la caméra restant plutôt nerveuse, sans jamais en faire trop. Pour accentuer les décalages humoristiques, mais aussi les passages plus émotionnels, la série fait très bon usage de sa bande-son musicale. Plus que les chansons qui sont assez plaisantes, ce sont ses interludes extrêmement rythmées, uniquement instrumentales (utilisant notamment le violon) qui se détachent : elles concluent une scène ou soulignent l'importance d'une confrontation avec un sens de la narration vraiment bien maîtrisé.

Enfin, le casting était sans doute ma plus grande incertitude avant d'entamer le drama. Or il n'y a rien de plus agréable que d'avoir la surprise de tomber complètement sous le charme du duo principal. Ma révélation personnelle, c'est certainement Ji Sung. C'est la première fois que je le croise dans une série qui me plaît (il jouait bien dans Royal Family en début d'année, mais les deux premiers épisodes m'avaient trop peu intéressé pour que je poursuive le visionnage). Dans Protect the Boss, il investit le registre de la comédie avec beaucoup d'aplomb, tellement expressif dans sa façon d'être effrayé d'un rien qu'il vous fera rire spontanément dans les situations les plus improbables. A ses côtés, la sobriété très terre à terre de Choi Kang Hee offre vraiment le pendant parfait, l'actrice trouvant le juste équilibre entre une force intérieure inébranlable et un naturel plus doux. Pour compléter le quatuor principal, on retrouve deux autres acteurs à l'égard desquels je savais que je serais plus mitigée. L'an dernier (certes, en japonais), Hero Jaejoong n'avait pas été très convaincant dans Sunao ni Narenakute, même si l'écriture de son personnage n'y était pas pour rien. Dans Protect the Boss, il est toujours assez limité en terme de jeu d'acteur, manquant singulièrement d'expressivité. Mais la caractérisation de son personnage fait que cela n'est pas rédhibitoire. Quant à Wang Ji Hye (President), elle reste dans son registre habituel, devant pour le moment jouer un personnage qui fait plus office de faire-valoir assez unidimensionnel.

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Bilan : Toujours très dynamique, souvent franchement drôle, à l'occasion aussi désarmante qu'attachante, Protect the Boss est une de ces rom-coms qui fonctionne parfaitement en misant sur la dualité et les ambivalences de ses personnages et des situations auxquelles ils doivent faire face. Le téléspectateur se laisse ainsi charmer par un récit très vif et rythmé qui dispose d'un vrai sens de la comédie, tout en parvenant à rapidement nous impliquer sur le devenir de ses protagonistes. Pour les amateurs du genre.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

Le générique :


Une chanson de l'OST :

29/08/2011

(UK) Doctor Who, season 6, episode 8 : Let's Kill Hitler

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Le mois d'août touche à sa fin, tout comme l'ambiance estivale de vacances... à laquelle va succéder peu à peu un parfum caractéristique de presque-rentrée téléphagique. En Angleterre, un retour en particulier était attendu  ce samedi pour nous aider à clôturer l'été. Il faut dire que, mine de rien, il manque vraiment quelque chose à mes week-ends lorsque Doctor Who déserte sa case du samedi soir sur BBC1. Conséquence du hiatus forcé que le téléspectateur aura subi devant cette saison 6 coupée en deux, que l'on avait abandonnée au printemps, c'est avec un plaisir décuplé que j'ai savouré cette reprise.

Ce huitième épisode portait un titre pour le moins provoquant, "Let's kill Hitler", soulevant bien des interrogations sur la manière dont cette incursion dans l'Allemagne des années 30 pouvait être traitée. Mais c'est finalement un épisode fortement mythologique, emboîtant diverses pièces du puzzle mystérieux de l'univers de la série, qui nous est ici proposé. Écrit par Steven Moffat, le téléspectateur y retrouve non seulement une construction narrative riche en paradoxes temporels, mais aussi et surtout des réponses et beaucoup d'émotions autour du vrai sujet de l'épisode : la genèse de River Song.

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Plusieurs mois se sont écoulés depuis les déchirants évènements de l'épisode précédent qui avaient vu le Docteur impuissant à empêcher l'enlèvement de Melody Pond par ses ennemis les plus résolus. Ils souhaitaient transformer l'enfant, humaine mais ayant aussi des capacités de Time Lord, en arme contre le Docteur. L'ultime twist final, la révélation de l'identité future de Melody, n'avait apporté qu'un réconfort très limité aux parents qu'étaient devenus Amy et Rory. Melody Pond est River Song. Mais entre le bébé qu'ils ont tenu dans leurs bras et la femme adulte et provocatrice qu'ils connaissent, combien de temps, combien d'épreuves, a-t-elle traversé ?

Lassés d'attendre des nouvelles qui ne viennent pas, Amy et Rory appellent le Docteur en traçant son nom dans un champ de blé - ce qui nous offre une des plus hilarantes introduction de pré-générique qui soit. Si les recherches de ce dernier ont pour le moment été infructueuses, leurs retrouvailles sont interrompues par l'arrivée mouvementée d'une amie d'enfance du couple, Mels. Si l'obsession d'Amy pour le Docteur a également grandi chez elle, la jeune femme a des méthodes bien à elle : poursuivie par la police, elle sort un revolver et enjoint le trio à l'embarquer à bord du Tardis. "You've got a time machine, I've got a gun. What the hell - let's kill Hitler."

Le quatuor attérit en catastrophe à Berlin, en 1938... dans le bureau même de Hitler, où nos héros viennent perturber d'autres voyageurs temporels, miniaturisés dans une machine humanoïde investis, d'une mission de justiciers pour envoyer en enfer - au sens propre du terme - les pires criminels de guerre de l'histoire de l'humanité.

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Let's kill Hitler est un de ces épisodes proprement réjouissants où on retrouve l'ambiance dont la série a le secret. Il nous emporte dans un tourbillon de répliques marquantes et/ou cinglantes, nous renvoyant à tout un kaléidoscope d'émotions les plus diverses, passant de l'humour au drame en quelques secondes avec une fluidité et une habilité d'écriture souvent grisantes. S'il suscite cet enthousiasme caractéritisque des bons épisodes de Doctor Who, c'est aussi parce qu'il offre de quoi récompenser la fidélité du téléspectateur : des réponses sur un thème central de la série sous Steven Moffat : la mythologie autour du personnage de River Song. Car après nous avoir fait vivre la naissance à la vie de Melody, cette fois, c'est la réelle naissance de River Song qui nous est racontée. Comment est-elle passée de la jeune femme endoctrinée et entraînée pour assassiner le Docteur à l'aventurière qui nous est devenue familière ? Au coeur des lignes de temps qui s'entrecroisent pour nos héros, c'est sa première rencontre, de sa perspective, avec le Docteur que l'on va vivre.

Si les premières minutes entretiennent volontairement le suspense sur l'orientation de l'épisode, Hitler va rapidement être évacué, enfermé dans le placard, tandis que le véritable enjeu apparaît lorsque Mels, touchée par une balle perdue, se regénère en une figure que nous connaissons bien : River Song. Indirectement, Rory et Amy auront bien d'une certaine manière élevé leur fille... Investissant un registre à la tonalité étonnamment versatile, le premier échange entre la jeune femme et le Docteur, particulièrement brillant, est vraiment jouissif : les réparties fusent et, à la manière d'une partie d'échecs, chacun anticipe les actions de l'autre, River cherchant à accomplir la mission pour laquelle elle a été programmée, le Docteur se contentant de se défendre. C'est l'occasion de découvrir une autre facette de River : une attitude inconséquente, où sont exacerbées l'arrogance et les certitudes de la jeunesse, sans conscience, ni limites. Parce qu'elle le connaît parfaitement, elle va effectivement atteindre son but, empoisonnant le Time Lord, permettant ainsi à l'épisode de basculer dans une seconde partie où, au divertissement intense des débuts, succèdent des passages où l'émotionnel et le psychologique prédominent.

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Car ensuite, ce n'est pas tant pour lui-même que pour l'âme de River - en quelque sorte - que le Docteur mourrant utilise ses dernières forces. La présence des justiciers miniaturisés qui voient désormais en River leur nouvel objectif, surpassant Hitler dans l'ordre de leur priorité, prend ici tout son sens. De la manière la plus symbolique qui soit, ce sont les liens familiaux que le Docteur réactive pour ouvrir le chemin de la rédemption, grâce à Amy et Rory. Ils ne peuvent laisser leur enfant, peu importe ses crimes supposés, être soumis au châtiment que les justiciers temporels veulent lui réserver. Provoquant une réaction en chaîne pour libérer River, c'est eux-mêmes qu'ils mettent en danger, prisonniers au sein de la machine. C'est alors vers celle qui est non seulement leur fille, mais aussi issue et liée au Tardis, que le Docteur, désormais trop faible, se tourne : elle doit sauver ses parents. Ce double sauvetage réciproque éveille quelque chose en River. La construction de l'épisode est à saluer car elle se fait tout en parallèle : en écho inversé à leur première rencontre dans la librairie, le Docteur murmurera quelque chose de déterminant à l'oreille de River. En prenant la décision de le sauver grâce à sa nature de Time Lord, la jeune femme commet un sacrifice qui nous apporte une réponse intéressante : elle utilise toutes ses régénérations pour le ressusciter, c'est pourquoi nous ne la connaîtrons jamais que sous cette apparence. D'où la fameuse dernière scène de la librairie.  

Ainsi, Alex Kingston restera à jamais la seule River. Ce qui n'est pas pour nous déplaire : l'actrice est brillante dans cet épisode où elle investit un registre un peu différent de ce à quoi elle nous avait habitué. Son alchimie avec Matt Smith est parfaite, les deux acteurs nous offrant des confrontations jouissives, aussi bien dans une dynamique de comédie que plus dramatique. L'épisode aura d'ailleurs aussi grandement mis à contribution Matt Smith, avec des scènes poignantes d'agonie qui, même si le téléspectateur sait pertinemment qu'il va y survivre, n'en demeurent pas moins touchantes. Dans l'ensemble, il faut d'ailleurs saluer la première réussite de Let's kill Hitler : être parvenu à nous faire vibrer pour un épisode au dénouement forcément très prévisible, et qui se déroule globalement comme il était légitimement attendu. Le revirement de River peut paraître presque précipité, mais il faut composer avec d'autres impératifs de la série : l'intrigue doit aussi progresser. Il fallait donc emboîter toutes les pièces pour parvenir au résultat logique, recentrant tous les mystères autour du Silence pour la suite de la saison. Remplissant parfaitement cet objectif, ces quarante minutes fonctionnent et s'apprécient ainsi sans arrière-pensée.

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Bilan : Souvent jubilatoire, toujours très dynamique, bien pourvu en répliques sonnantes, ce huitième épisode de la saison est, en dépit d'un titre provocateur mais quelque peu trompeur, avant tout une avancée mythologique qui satisfait en bien des points la fidélité d'un téléspectateur conquis. La magie de Doctor Who reste de savoir nous faire rêver, sans exiger non plus une rigueur excessive dans l'entremêlement caractéristique de toutes les lignes temporelles avec lesquelles la série jongle. En nous offrant des réponses sur la genèse de ce personnage si fascinant qu'est River Song, l'épisode permet donc de faire avancer l'intrigue, tout en laissant ouvertes bien des questions sur la fin de la saison. Un retour qui se savoure !


NOTE : 8,75/10


Le prequel de l'épisode :


[A noter que, par manque de temps, je ne suis pas certaine de pouvoir reviewer toute la fin de saison épisode par épisode. Je verrais comment je m'organiserai au fur et à mesure.]