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11/09/2013

(J-Drama / Première partie) Hanzawa Naoki : les combats et l'ascension d'un banquier peu conventionnel


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En ce mercredi asiatique, penchons-nous sur LE grand succès de cette saison estivale au Japon : Hanzawa Naoki. C'est un peu le phénomène du moment : ses audiences n'ont cessé de grimper sans discontinuité depuis le 1er épisode proposé le 7 juillet 2013, franchissant début septembre la barre symbolique des 30% de part de marché. Le drama ne semble pas devoir s'arrêter en si bon chemin, puisque le dernier épisode diffusé ce dimanche 8 septembre (le 8ème) a encore enregistré un nouveau record, avec un pic d'audience à 37,5% de pdm ! Pour vous donner un ordre d'idée, il faut rappeler que le dernier drama japonais à avoir dépassé ces 30% date de presque deux ans, c'était Kaseifu no Mita à l'automne 2011. TBS tient donc là un beau succès public pour sa case de prime-time du dimanche soir. La barre des 40% est peut-être même atteignable.

Il est d'autant plus intéressant de s'arrêter sur Hanzawa Naoki que, sur le papier, le sujet peut paraître plus aride que fédérateur : la série propose en effet une immersion dans le milieu bancaire. La télévision japonaise est loin d'en être à son coup d'essai de banquiers propulsés en héros de fiction. Cela se rattache plus généralement à une thématique qui reste prisée, celle de la mise en scène des coulisses d'une entreprise. De telles approches du monde de la finance peuvent donner de grands dramas, j'en veux pour preuve le magnifique Hagetaka qui m'a durablement marqué il y a quelques années. J'étais donc curieuse de tester Hanzawa Naoki. L'article qui suit s'interroge sur les raisons de son succès.

[Cette review a été rédigée après le visionnage des 5 premiers épisodes (sur 10 annoncés au total).]

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Ce drama nous introduit dans le milieu bancaire japonais, après l'éclatement de la bulle financière dans les années 90 et la restructuration du secteur, marquée par la fusion d'importantes banques. Hanzawa Naoki est un employé qui occupe un poste à responsabilité au sein du département en charge des prêts dans une filiale d'Osaka. C'est un homme ambitieux et déterminé qui a ses propres comptes à régler avec l'institution bancaire. Sa carrière est cependant mise en danger le jour où son supérieur, Asano Tadasu, lui ordonne d'accorder dans la précipitation un prêt de 500 millions de yens, sans prendre les garanties nécessaires, à une grande entreprise en apparence solide, Nishi Osaka Steel. Naoki exécute les ordres avec beaucoup de réticence.

Mais quelques mois plus tard, la réalité de la situation financière de Nishi Osaka Steel apparaît au grand jour : elle est extrêmement endettée. Les comptes soumis à la banque avaient en fait été maquillés. Plus problématique encore, son dirigeant a profité de la situation pour s'enrichir personnellement et prendre la fuite. Confronté à une perte sèche de 500 millions pour sa banque, Asano voit en Naoki le bouc-émissaire tout désigné sur qui faire retomber la faute d'un prêt trop légèrement accordé. Cependant son subordonné est décidé à se battre : il obtient un délai en assurant à sa hiérarchie qu'il va récupérer la somme perdue de l'entrepreneur en fuite. Se sentant menacé, son supérieur direct ne l'entend pas ainsi et s'active pour le faire rapidement muter.

Débute alors une course contre-la-montre pour Naoki afin de sauver sa carrière : en plus de rechercher les avoirs cachés de son ex-client, il lui faut naviguer au sein des ambitions et des luttes internes qui rythment le quotidien du personnel.

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Hanzawa Naoki se déroule au sein d'une banque, mais son cadre aurait pu être une entreprise, voire un univers professionnel quelconque. Ayant opté pour le milieu de la finance, le drama fait logiquement siens quelques-uns des thèmes attendus, en pointant la déshumanisation auquel conduit ce système, son exploitation des plus fragiles et le tapis rouge déroulé aux puissants. Mais il ne s'attarde pas sur ces éléments. Car il ne faut pas s'y tromper, l'enjeu est ailleurs. Hanzawa Naoki met en scène un affrontement, une lutte de personnes, d'ambitions, mais aussi de conceptions et de principes. C'est aussi une histoire de revanche, celle de quelqu'un qui a payé un lourd tribut dans sa jeunesse à cause de la décision d'un banquier et qui veut s'élever dans la hiérarchie de l'institution-même ayant bouleversé sa vie. La série suit une idée directrice que Naoki répète à l'envie au cours des épisodes : il s'agit de faire payer deux fois, dix fois, ce qu'il a enduré.

Pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixé, Naoki va devoir surmonter les épreuves et les adversités. Dès le pilote, le drama s'assure que le téléspectateur prenne fait et cause pour le banquier, faisant s'abattre sur lui nombre d'injustices dont il n'est aucunement responsable. C'est à l'avènement d'un champion que l'on assiste. Pour cela, l'écriture ne fait guère dans la nuance, assumant pleinement un manichéisme sur lequel elle joue pour mieux impliquer le public. Les méchants sont clairement identifiés, sans chercher à tempérer leur caractérisation. La fiction vire même au quasi-cartoonesque à l'occasion, notamment dans son portrait de l'administration fiscale avec un dirigeant qui tombe dans tous les excès. Face à ces obstacles placés sur sa route, l'objet du drama est de raconter comment Naoki va s'en sortir. C'est ainsi en réalité une déclinaison particulière de 'David contre Goliath' qui est proposée, mais avec dans le rôle de David quelqu'un de tout aussi machiavélique que ses adversaires.

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L'image implacable que renvoie Naoki est sans doute la seconde raison pour laquelle les téléspectateurs se retrouvent happés devant leur petit écran. Non seulement la fiction leur présente une figure à supporter contre tous, mais il s'agit en plus d'un personnage parfaitement apte à se défendre. Certes, pour ne pas l'identifier complètement à ceux qu'il combat, la série prend soin de le démarquer sur le plan des relations humaines : Naoki sait en effet inspirer une loyauté (méritée) à ses collaborateurs, qui tranche avec les rapports de défiance et de concurrence généralisés au sein de la banque. Cependant il n'en est pas moins un adversaire redoutable, déterminé, et même provocateur. Il avance ses pions avec un aplomb jamais pris en défaut. La série ne s'embarrasse pas de demi-mesures pour relater la partie d'échecs sur laquelle il joue sa carrière : l'écriture ne fait jamais dans la subtilité, elle emploie un théâtralisme qui sonne artificiel... Qu'importe : le téléspectateur se prend au jeu d'un récit vif, parcouru par une énergie communicative.

Les cinq premiers épisodes développent l'arc narratif posé dans le pilote : il s'agit pour Naoki de récupérer les 500 millions de yens tout en sauvant sa place au sein de la banque. Ses opposants sont dépeints de la plus négative des façons : l'industriel fraudeur s'est ainsi enfui avec des millions, trompant tout le monde, y compris sa propre entreprise et ses partenaires, pour s'enrichir. La course-poursuite qui s'engage vise à le retrouver, mais aussi à mettre la main sur l'argent qu'il a détourné. Pour compliquer un peu plus les choses, Naoki se heurte à la concurrence de l'administration fiscale, tout aussi agressive, voire guignolesque. Le récit est conduit suivant un rythme enlevé. Il est semblable aux montagnes russes, riche en multiples rebondissements, entre trahisons et révélations qui viennent pimenter les affrontements. Naoki subit nombre de coups bas et d'humiliations, mais il a aussi ses moments de gloire qui laissent au téléspectateur un arrière-goût de jubilation, aussi excessive que soit la mise en scène. Cette affaire trouve sa conclusion au terme du cinquième épisode, lequel rebondit sur de nouveaux objectifs : Naoki prend cette fois la direction de Tokyo et ses projets de vengeance se rapprochent.

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Sur la forme, Hanzawa Naoki se situe dans la moyenne du petit écran japonais : une réalisation passe-partout à peu près correcte, accompagnée d'une bande-son plus interventionniste qui sur-joue les passages de tension et souligne à l'excès les scènes où le suspense est à son comble. On retrouve aussi un thème musical récurrent très rythmé qui donne bien le ton (et se révèle vite entêtant pour le téléspectateur). Un peu à l'image de la narration et des limites que j'y ai soulignées, on se retrouve donc face à une série directe et dynamique à défaut d'être subtile.

Enfin, côté casting, l'approche suivie par le drama se répercute dans les interprétations. Le sur-jeu y est généralisé et assumé. S'il aurait sans doute sa place dans une comédie, il déroute plutôt dans une fiction bancaire. C'est ici plus leur direction que les acteurs eux-mêmes qui est en cause. C'est sans doute le point le plus critiquable du drama. Naoki est incarné par Sakai Masato (JOKER : Yurusarezaru Sousakan, Tsukahara Bokuden), un acteur avec lequel j'ai en plus des relations compliquées tant certaines de ses mimiques figées récurrentes peuvent avoir tendance à m'agacer. Il est ici dans son registre habituel, et au diapason du reste du casting. Ueto Aya (Attention Please, Zettai Reido) interprète son épouse, femme au foyer supportrice (enterrez tout espoir de voir bouger les choses sur la condition féminine dans ce drama masculin, ce n'est clairement pas son objet). On retrouve également Oikawa Mitsuhiro, Kataoka Ainosuke, Kitaoji Kinya, Kagawa Teruyuki, Ishimaru Kanji ou encore Ukaji Takashi. Tous se prêtent au sur-jeu, à des degrés divers suivant les scènes. Le téléspectateur finit par s'habituer à ce choix, à défaut de s'y rallier, tout en se disant que certains excès restent très dispensables...

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Bilan : Hanzawa Naoki est une histoire d'affrontements et de revanche, le tout sur fond d'ascension vers les sommets hiérarchiques et de manœuvres en coulisses au sein d'un milieu ultra-concurrentiel. Théâtrale, excessive, voire cartoonesque, la série propose un récit sans nuances, mais très rythmé et capable de multiplier les twists. Frustrante à l'occasion par sa tendance à trop en faire, avec un casting trop versé dans le sur-jeu, elle n'en fait pas moins preuve d'une redoutable efficacité pour prendre dans sa toile de suspense le téléspectateur. Ce dernier s'implique en effet rapidement aux côtés de ce héros, champion tout désigné, aussi implacable que déterminé, qui va relever challenges impossibles et autres retournements de situation.

En résumé, il ne faut pas aborder Hanzawa Naoki en attendant un drama bancaire rigoureux, ni espérer y trouver un propos travaillé sur les banques (si vous cherchez cela, tournez-vous vers Hagetaka, c'est une perle sur ce sujet). Mais dans ce registre de divertissement à suspense qu'elle investit, voilà une série qui décline une recette bien huilée.


NOTE : 6,75/10

21/08/2013

(J-Drama) Double tone : deux rêves en parallèle, deux vies entrecroisées

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En ce mercredi asiatique, je vous propose de poursuivre notre exploration de la saison estivale japonaise. Plus précisément, il s'agit de faire le bilan d'un drama diffusé les samedi soirs, de fin juin à début août 2013, sur NHK BS Premium : Double tone. Comportant 6 épisodes, d'une demi-heure environ, il s'agit de l'adaptation d'un roman de Shinji Kajio publiée en 2012. Le scénario a été confié à Akari Yamamoto, et la réalisation à Koichiro Miki. L'intérêt de Double tone tient au fait qu'il s'agisse d'une série tendant vers le registre fantastique en raison d'un concept de départ pour le moins intriguant. Elle va cependant explorer son mystère suivant une approche avant tout dramatique. Sans parvenir à exploiter tout le potentiel que son sujet laissait entrevoir, ce drama n'en reste pas moins une fiction correcte.

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Double tone propose aux téléspectateurs d'assister aux destins croisés de deux femmes qui n'ont a priori rien en commun, si ce n'est leur prénom. En effet, Tamura Yumi est une mère de famille qui divise tout son temps entre son travail à mi-temps et la gestion du foyer familial à s'occuper d'un mari et d'une petite fille qui n'ont pas toujours conscience des efforts qu'elle fait pour eux. A l'opposé, Nakano Yumi est une jeune femme célibataire, qui se consacre entièrement à sa carrière dans une petite agence de publicité, n'envisageant pas de se marier, ni de fonder une famille.

Un jour, chacune commence à rêver de l'existence de l'autre, découvrant dans son sommeil le quotidien de l'autre. Le mystère constitué par ces étranges rêves récurrents ne fait que commencer. En effet, Nakano Yumi rencontre alors, dans le cadre du travail, une amie de Tamara Yumi, Arinuma Ikuko, qu'elle a vue dans ses rêves, prouvant donc la réalité de ses "visions" : sont-elles prémonitoires ? s'interroge-t-elle. Les choses se compliquent un peu plus lorsque Ikuko présente Nakano Yumi à un homme qu'elle sait être le mari de Tamara Yumi...

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Double tone repose tout entier sur un mystère : l'idée que deux femmes partagent en rêve leur existence, sans savoir comment, ni pour quelles raisons une telle chose est possible. En dépit de son emprunt à une thématique clairement fantastique, il ne faut cependant pas s'y tromper, il s'agit avant tout d'un drama familial. Son objet est de mettre en parallèle les vies de ces deux femmes et les choix qu'elles ont faits, éclairant leurs attentes et satisfactions, mais aussi leurs regrets. En partant de l'idée des rêves partagés, la fiction entremêle différents genres, tendant tour à tour vers l'enquête, la tragédie ou tout simplement une histoire relationnelle. C'est cette richesse qui fait son attrait : si elle suit des sentiers extrêmement balisés, voire convenus, dans son évolution générale, son twist particulier de départ lui permet malgré tout de se démarquer. Elle sait bel et bien retenir l'attention du téléspectateur grâce à une construction de son intrigue plutôt maîtrisée, au cours de laquelle il semble que chaque réponse soit destinée à densifier l'énigme posée plutôt qu'à commencer à la résoudre.

Sans conteste, Double tone intrigue donc : il est bien difficile de ne pas se prendre au jeu, trop de questions appelant des réponses. Cependant, le drama souffre d'un défaut structurel qui devient de plus en plus handicapant à mesure qu'il progresse : son écriture, figée, lui fait adopter une sorte de faux rythme, avec des lenteurs, qui a la fâcheuse conséquence de saper toute tension. La série se révèle incapable de générer un véritable suspense, alors même qu'elle aurait toutes les cartes en main en théorie pour le faire. Si dans la première partie, ce problème reste anecdotique, il devient de plus en plus visible à mesure que l'on approche de la fin. Alors que les révélations finales sont censées marquer, elles se glissent ici dans la narration sans véritable souffle dramatique. Il manque une étincelle, une intensité à cet ensemble exécuté de façon presque trop mécanique. De plus, le refus de s'aventurer sur un terrain plus mythologique pour essayer d'expliquer les liens unissant les deux femmes en dehors d'un croisement du destin laisse une impression un peu frustrante d'inachevé. C'est en somme une fiction high concept qui fonctionne honnêtement dans sa progression, mais dont la chute n'est pas au niveau de l'attente ainsi construite.

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Il faut cependant reconnaître que, si une partie du problème de rythme de Double tone est imputable à son écriture, la mise en scène n'est pas exempte de responsabilité. Tout comme la narration, la réalisation est trop plate. Elle est incapable d'impulser de réelles dynamiques à l'écran. Un peu trop transparente par moment, téléguidée et prévisible, elle exacerbe, plus qu'elle ne compense, les limites de fond de la série.

Enfin, Double tone rassemble un casting qui n'est pas forcément à son avantage, avec des prestations sans doute perfectibles. Les deux héroïnes sont interprétées respectivement par Nakagoshi Noriko (Keishicho Sosa Ikka 9 Gakari), en trentenaire carriériste, et Kurotani Tomoka (Honcho Azumi), en mère de famille consacrée à son foyer : elles s'en sortent à peu près, mais manquent parfois de présence à l'écran dans les moments où il aurait fallu voir leurs personnages vraiment s'imposer. Dans les rôles secondaires, si Yoshizawa Yu (Jin, Bloody Monday) s'en sort honorablement, Tomochika (Loss:Time:Life) est moins convaincante, avec une interprétation qui sonne très artificielle et plombe en conséquence certains des derniers développements du récit. Quant à Moro Morooka et Shimada Kyusaku, leurs rôles restent anecdotiques.

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Bilan : Bénéficiant d'un concept intriguant auquel il sait donner les développements qu'il convient pour aiguiser la curiosité du téléspectateur et retenir son attention, Double tone est intéressant par sa façon d'aborder un mystère fantastique en empruntant à différents genres (fiction d'enquête, drame ou bien encore fiction familiale). Le résultat auquel aboutissent ces six épisodes est très honnête, mais il manque cependant une vraie ambition derrière cette écriture trop académique et figée. La fin est à l'image des limites manifestes de la série, avec une chute qui laisse un peu frustré. Au final, il reste une série pas déplaisante à suivre, mais anecdotique.


NOTE : 6/10

10/11/2010

(J-Drama / Pilote) Guilty Akuma to Keiyakushita Onna : jusqu'où le désir de vengeance peut-il conduire ?


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Devant l'embarras de choix téléphagiques en ce dernier trimestre 2010, j'ai l'impression d'avoir des problèmes de riche pour remplir mon mercredi asiatique. Ce qui, pour un téléphage, ne peut jamais être objectivement qualifié de "problème". Tant de nouveautés aux synopsis aguicheurs, aux genres complètement différents, aux castings retenant mille et une attentions... Sur quels critères objectifs (ou non) donner la priorité à telle ou telle série ? Avant un retour probable en Corée du Sud, où les nouvelles séries m'appellent, ce week-end, après de nombreuses tergiversations, j'ai finalement jeté mon dévolu sur un drama, diffusé depuis le 12 octobre 2010 au Japon, Guilty Akuma to Keiyakushita Onna.

Parce que les histoires de vengeance exercent toujours une certaine fascination chez moi. Parce que même si je n'imagine pas Fuji tv porter à l'écran une série aussi sombre que ce dont je pourrais rêver à partir de la seule lecture du résumé, j'avais bon espoir que la mise en scène d'un flou moral troublant, dépassant tout caractère manichéen, soit plus réussie que l'un des principaux ratés de mes expériences estivales, JOKER Yurusarezaru Sosakan. Finalement, Guilty Akuma to Keiyakushita Onna ne s'est pas révélé exempte de défauts, et il serait excessif d'en faire un coup de coeur automnal. Pour autant, la série a su si bien accrocher mon intérêt que j'ai visionné les trois premiers épisodes d'affilée, tout en conservant le secret espoir que le drama saura grandir et mûrir au fil de la saison. Ainsi, même si elle est loin d'être parfaite, la série n'en demeure pas moins digne d'attention.

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Guilty Akuma to Keiyakushita Onna, c'est une histoire de revanche implacable, mais pas seulement. Au cours des deux premiers épisodes, s'esquisse également une rencontre, de deux êtres à une intersection de leur vie, à un croisement incertain où les dérives et choix qui s'offrent à eux vont rapprocher ces deux adultes qui n'auraient jamais rien dû avoir en commun.

En apparence, Nogami Meiko incarne la jeune femme sans histoire, menant une existence paisible en occupant un emploi dans un salon dédié aux animaux domestiques. Appliquée et enthousiaste dans son travail, personne ne pourrait se douter que lorsque les regards se détournent, le sourire qui illumine habituellement son visage se fige et disparaît. Car Meiko cache des blessures plus profondes. A l'âge de 19 ans, elle a été accusée et condamnée pour les meurtres par empoisonnement de son beau-frère et son beau-fils, cette tragédie aboutissant au suicide de sa soeur. Elle a toujours clamé son innocence, mais en vain. Désormais libérée, elle utilise son emploi du temps flexible et ses sorties pour organiser un autre plan autrement plus sombre : orchestrer une vengeance implacable contre les personnes, dont les actions ont, des années plus tôt, brisé sa vie. Si le téléspectateur ignore quel secret unit toutes les cibles de Meiko, il assiste à l'inarrêtable progression des plans de la jeune femme. Si pour le moment, elle est toujours parvenue, à la suite de chantage impliquant des êtres qu'elles aiment, à pousser ses victimes au suicide, jusqu'où peut-elle aller dans cette spirale de vengeance ? Pourra-t-elle vraiment, si la situation l'y oblige, prendre une vie de sang-froid ?

Sa perspective va peut-être changer en raison d'une rencontre fortuite pour son travail, se liant avec l'ami d'un client ayant laissé son chien : Mashima Takuro. Les états d'âme de Meiko semble se refléter comme dans un miroir chez cet homme dont elle ne connaît quasiment rien. C'est du point de vue de ce dernier que l'histoire nous est contée. Car Takuro, ayant ses propres préoccupations et problèmes, va lui cacher sa qualité de policier. Depuis une erreur de jugement qui a coûté la vie à la recrue qu'il avait sous ses ordres, Takuro n'est que l'ombre de lui-même. En plus d'un lourd poids sur la conscience qui lui fait trouver refuge dans l'alcool, il doit supporter les brimades continuelles de ses collègues pour poursuivre sur les ruines d'une carrière policière qui aurait pu être brillante. S'ajoute à tous ces soucis déstabilisants la disparition récente de son ancien mentor, accusé de corruption. Si tout le monde a vite fait de classer ce cas en suicide, Takuro découvre que c'est sur une affaire glissante que le vieil homme s'est lancé : l'affaire d'empoisonnement qui vit condamner Meiko. Rapidement, Takuro établit un lien entre d'étranges suicides qui ont lieu depuis plusieurs semaines et la jeune femme... Alors que le meurtrier de son ancien partenaire échappe à la condamnation pour insanité, Takuro poursuit ses visites auprès de Meiko, sans rien reporter de ses soupçons à des supérieurs qui préfèrent tant l'ignorer. Jusqu'où le conduira cette fréquentation ?

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Guilty Akuma to Keiyakushita Onna laisse une première impression ambiguë, qui apparaît finalement comme un reflet fidèle au flou ambiant que réserve la tonalité de la série. Appliquée, la série flirte avec une ambivalence morale jamais complètement assumée, mais où pointe une volonté scénaristique évidente de dépasser tout cadre manichéen, afin de remettre en cause la dichotomie traditionnelle du bien et du mal. C'est dans le personnage de Meiko que s'incarnent toutes les nuances de gris composant l'univers de ce drama : son projet de vengeance fait distinctement transparaître les deux faces dissociées d'une même personne, sans que le téléspectateur puisse deviner quelle est la réelle personnalité qui se cache sous ces masques. Est-ce cette face enjouée et ouverte aux autres ? Ou bien est-ce celle qui se referme et laisse entrevoir une détermination ayant banni toute émotion humaine ? Si la non-culpabilité de Meiko, pour l'empoisonnement à l'origine de tout, ne semble faire aucun doute de la perspective du téléspectateur (avec le peu d'éléments dont il dispose), en revanche, l'image qu'elle renvoie à l'occasion, d'une froideur déconnectée de toute contingence morale apparaît presque en accord avec le portrait terrifiant que sa mère en dresse.

Pourtant, si Guilty Akuma to Keiyakushita Onna entretient une volontaire ambivalence quasi-schizophrénique construite autour de son personnage central, la série ne franchit jamais un certain seuil, comme prisonnière d'un restant d'inhibitions. Ainsi, lorsque Meiko menacera de lâcher le bébé du haut du toit d'un immeuble, on découvrira a posteriori qu'il ne s'agissait que d'une poupée... Invariablement, elle utilise toujours le bluff pour fonder son chantage fatal, et n'a pour le moment jamais eu à mettre à exécution ses menaces. Certes, elle apparaît implacable à l'encontre de ses cibles, n'hésitant pas à détruire leur famille par leur mort ; mais si elle se ré-invente des codes moraux, elle ne s'en affranchit jamais complètement. S'attachant à ne pas dépasser ce point de non-retour virtuel, pour le moment, la série semble ménager à Meiko une porte de sortie. Pour autant, cette prudence permet aussi à Guilty Akuma to Keiyakushita Onna de laisser subsister un certain non-dit, autrement plus inquiétant, puisque résonne en arrière-plan une question lancinante : jusqu'où Meiko peut-elle se laisser emporter dans cette spirale de vengeance ?

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A ce stade de l'histoire, deux possibilités s'offrent à ce drama pour son évolution future. Ou bien peut-il nous décrire un progressif glissement hors de contrôle de personnages emportés par un désir de justice personnelle, réglant alors de manière privée et implacable leurs comptes en achevant de détruire leur rattachement à un certain idéal. Ou bien peut-il rester prudemment sur le sentier balisé de ces premiers épisodes, exploitant pleinement l'ambiguïté de la mise en scène, mais sans jamais concrétiser ce risque, se contentant de laisser en suspens la possibilité d'une telle dérive. Tout le paradoxe de Guilty Akuma to Keiyakushita Onna est finalement de parvenir à faire d'une de ses limites, a priori les plus contraignantes par rapport à son concept, une forme de point fort, en ce sens que la série ne se ferme aucune porte et sait jouer sur la suggestion pour envisager toute éventualité.

Le personnage de Takuro suit un schéma similaire ; le cumul de sa faillite personnelle et de la faillite du système judiciaire qui relâche le meurtrier de son partenaire achève de détruire ses dernières certitudes qui sont emportées par la disparition de son mentor. Sa rencontre, puis la relation qui s'esquisse entre lui et Meiko, interpellent immédiatement le téléspectateur. Non seulement par cet effet de miroir que l'on perçoit entre les deux dans leurs échanges, pareillement tiraillés, mais aussi en raison du fait que le policier sait ce que représente la jeune femme, sans que cela l'empêche de ressentir une étrange fascination pour elle. Or, consciemment ou non, le rapprochement qu'il encourage avec Meiko, et le silence dans lequel il s'enferme vis-à-vis de ses supérieures, apparaît un premier pas vers un glissement plus sombre, qui anéantirait ses derniers repères.

Outre l'attraction qu'exercent ces figures troublées, si la série bénéficie pleinement de la force des thèmes abordés, un des reproches principaux qui peut être adressé à son écriture, est sans doute son relatif manque de subtilité, auquel s'ajoutent quelques problèmes de crédibilité - le personnage du journaliste excentrique à l'excès, aux motivations floues, et vaguement omnipotent, représentant l'incarnation de certaines caractéristiques des fictions japonaises auxquelles je ne me suis jamais habituée.  Pourtant, que ce soit dans les rapports qu'entretiennent les personnages, ou bien dans la façon dont l'histoire progresse, le drama sait maintenir une tension constante dans la narration qui ne prend jamais l 'intérêt du téléspectateur en défaut. Il offre une consistance d'ensemble apportant une solide homogénéité dans la narration, qui vient ainsi compenser certains de ses travers récurrents.

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Presque logiquement pourrait-on dire, la forme s'inscrit dans une certaine continuité par rapport au fond de la série. En effet, d'apparence classique et sans valeur ajoutée particulière dans ses premières scènes, c'est finalement par une frustrante intermittence que la série laisse entrevoir un réel potentiel esthétique et une certaine maîtrise des tonalités colorées qui mérite d'être soulignée. Elle adopte ainsi à l'occasion une photographie plus soignée et recherchée, s'attachant avec beaucoup de réussite, et une certaine poésie de la mise en scène - consacrée par le générique de fin -, à refléter l'ambiance trouble du passage concerné. L'exercice est appréciable à l'écran ; mais ne nous donne que plus de regret sur l'identité visuelle que Guilty Akuma to Keiyakushita Onna aurait pu se construire si elle en avait eu l'ambition.

Pour supporter cette difficile histoire, le casting se révèle à la hauteur. Je confesse cependant que ma mémoire m'a (encore une fois) fait défaut. Il aura fallu attendre que je me plonge dans la filmographie du casting en rédigeant cette review, pour me rendre compte que cette série marque en fait un retour aux sources, par des retrouvailles avec un des premiers acteurs de séries asiatiques croisé au cours de mes débuts téléphagiques sur ce continent : Tamaki Hiroshi. Puisque Nodame Cantabile fut, avec Nobuta wo Produce, mon premier drama asiatique (il est plus récemment apparu dans Love Shuffle). Cette parenthèse de nostalgie téléphagique refermée, il convient de saluer Kanno Miho (Ai no Uta, Magerarenai Onna ou encore Niji wo Kakeru Ouhi), qui n'a sans doute pas un rôle facile en raison des hésitations des scénaristes, mais qui s'en sort de façon convaincante. Par ailleurs, retrouver Kichise Michiko (Mousou Shimai, BOSS) suffit à m'offrir quelques petits instants de bonheur à l'écran. Enfin, on croise également dans  la série des têtes familières du petit écran japonais, comme Mikami Kensei (GOLD, Tsuki no Koibito), Yoshida Kotaro, Karasawa Toshiaki (Fumo Chitai), Rikiya, Moro Morooka, Takizawa Saori (Jotei), Yokoyama Megumi ou encore Iwamoto Masuyo.

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Bilan : A l'image de ses personnages, Guilty Akuma to Keiyakushita Onna est un drama sombre qui flirte avec ses propres inhibitions narratives, à la croisée des chemins, et auquel il manque peut-être une construction scénaristique plus subtile et rigoureuse pour pleinement exploiter son potentiel. C'est ce que ses deux personnages principaux feront de leur rencontre et jusqu'où les conduiront leurs réflexions et états d'âme qui déterminera la valeur et la portée de cette série. Pour autant, au terme de ces premiers épisodes, on ne peut que constater la capacité étonnante de cette fiction à savoir se jouer de ses limites pour cultiver une ambiguïté au sein de son univers qui interpelle, transcendant toute classification. En dépit de certaines réserves, et sans adhérer à tout, il se révèle très difficile de décrocher de cette intrigante histoire, une fois que l'on est immergé dans ces mystères. Téléphages amateurs d'histoire de vengeance, laissez-vous tenter sans hésiter.   


NOTE : 6,5/10


Le générique très sombre et esthétique :