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27/04/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 4 : The Time of Angels (1)


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Avec The Time of Angels, Steven Moffat renoue avec ses apports majeurs des saisons précédentes, issues de l'ère de R. T. Davies. La première partie de ce double épisode marque en effet le retour d'une des créatures les plus marquantes de ces dernières saisons, auxquelles demeure associé l'ordre qui résonne encore dans la tête du téléspectateur lorsqu'il éteint sa télévision, "Do not blink" : je veux bien entendu parler des Weeping Angels. Mais c'est également l'occasion de vivre une nouvelle aventure dans la vie (très) mouvementée de River Song, pour une première rencontre avec Eleven qui tient toutes ses promesses, tant l'alchimie entre Alex Kingston et Matt Smith est flagrante. En résumé, c'est du grand Doctor Who qui nous est proposé au cours de la première partie de ce double épisode.

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Construit sur un schéma similaire au précédent double épisode mettant en scène l'introduction de River Song dans l'univers Whonesque (Silence in the librairy/Forest of the Dead), se déroulant toujours dans ce fameux LIe siècle si cher à l'imagination fertile des scénaristes, le Docteur répond une nouvelle fois à l'appel pressant d'une River Song aux nerfs d'acier qui exploite les paradoxes temporels et sa connaissance du Time Lord avec une maîtrise et un sang froid impressionnants. Après une introduction aux accents cinéphiles, dans un style James Bond revendiqué, c'est en effet par le biais de la "boîte noire" d'un vaisseau, exposé dans un musée visité par le Docteur 12.000 ans plus tard, que River transmet avec assurance un message de vie ou de mort à ce dernier, avant de s'auto-air-locker de l'appareil dans lequel elle se trouvait en infraction.

La première rencontre entre Eleven et River va se révéler à la hauteur des attentes du téléspectateur. Le caractère et la personnalité entreprenante de River font merveille aux côtés d'un Docteur qui ne maîtrise pas encore l'ensemble de son univers, suite à sa regénération. Ainsi River prend-elle en main la poursuite du vaisseau qu'elle vient de quitter, s'installant avec aplomb aux commandes du Tardis. Si elle fait perdre au vol le caractère pittoresque et atypique que le Docteur entretient, l'efficacité est en revanche maximale. Mais rien que pour provoquer l'imitation du bruitage du Tardis par Eleven, son incontournable associé à l'attérissage, la scène vaut son pesant de cacahouètes.

Si le personnage de River gagne à chaque rencontre en complexité, découvrant également une part de zones d'ombres, les scénaristes poursuivent, avec une certaine maline, la narration de sa relation avec le Docteur à travers le tourbillon chaotique de leurs timelines respectives qui s'entrecroisent, sans respecter la plus basique des chronologies. Témoin privilégié d'une histoire vécue suivant le point de vue du Docteur, le téléspectateur observe cela avec un mélange de fascination pour la solidité de liens forgés dans de telles conditions - même s'il nous manque une bonne partie de l'histoire fondatrice - et de curiosité face à ce personnage fort, mais également mystérieux, qu'incarne River. En gardant ses secrets et, présentement, en ne révèlant pas toute la vérité sur la mission dans laquelle elle entraîne le Docteur, elle cultive un côté toujours plus intriguant. La confiance aveugle qui lui est accordée naturellement se mêle d'ambiguïté, une ambivalence du personnage qui lui confère une dimension supplémentaire. N'est-ce pas aussi cela qui fait d'elle quelqu'un de très "spécial", ne la réduisant pas à son seul lien avec notre Time Lord ?

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Outre River Song, l'épisode s'annonçait assurément mémorable en raison du retour d'une des créatures mythologiques les plus fascinantes de l'univers Whonesque, les Weeping Angels. Ils sont restés dans l'imaginaire du téléspectateur ces êtres inquiétants qui délivrèrent un des plus glaçants, et réussis, épisode de la série depuis son retour en 2005, Blink. Steven Moffat avait alors démontré avec quelle maestria il pouvait s'arroger le droit de jouer avec les peurs et les instincts du téléspectateur, sans pour autant jamais franchir la frontière du divertissement familial. Avec une aisance déconcertante, le scénariste poursuit donc sa juste exploitation des irrationnelles craintes qui se dissimulent dans les recoins de l'esprit humain. Il parvient à faire prendre forme à des concepts, dont la simplicité, étonnamment authentique, se révèle plus marquante que bien des débauches d'effets spéciaux : "Do not blink". Le vrai pouvoir de ces storylines réside dans l'ambiance et la suggestion qu'elles sont capables de générer. The Time of Angels embrasse cet héritage.

Conduite avec efficacité, la réintroduction des Angels s'opère pourtant avec relativement peu d'explications. Du moins, pour le moment. Si River embarque le Docteur dans cette mission sans sourciller, s'assurant pragmatiquement du seul renfort qui peut compter face à de tels êtres - l'enthousiasme encore naïf d'Amy achevant les dernières résistances du Time Lord -, la fière aventurière du LIe siècle cache ses propres secrets. Il manque au téléspectateur certaines pièces du puzzle sans doute déterminantes pour comprendre ce qui est en jeu. Conduisant une expédition d'ecclésiastiques-soldats, la jeune femme semble avoir conclu, avec ces derniers, un accord duquel ne nous sont données que quelques bribes d'indices, parcellaires et distillées au compte-goutte. Insuffisant pour pleinement cerner tous les tenants et aboutissants, mais parfait pour intriguer et aiguiser la curiosité du téléspectateur, ce qui est bien là l'essentiel.

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Le téléspectateur se retrouve immédiatement plongé dans une aventure très prenante, dont il faut saluer la construction narrative. Après avoir sauvé River, sur l'impulsion de cette dernière, le Docteur suit le vaisseau d'où elle s'est éjectée, jusqu'à la fin de ce dernier... assistant à son crash dans les vestiges archéologiques en ruine d'une planète autrefois occupée par une ancienne civilisation, mais désormais colonisée par la race humaine. Or, à son bord, expliquant d'ailleurs la présence de River, se trouvait une créature "de légende" : un Weeping Angel. Dans un état pseudo-dormant depuis sa découverte il y a quelques temps déjà, statue de pierre à l'apparence imperturbable. Cependant, le crash et l'énergie générée rompent logiquement cette fragile trêve. A partir de là, ce ne sont que difficultés sur difficultés qui ne vont cesser de surgir pour le Docteur et ses compagnons. La situation empire au fur et à mesure que sa complexité réelle se fait jour. Une seule chose est certaine : cela va être l'occasion d'en apprendre bien plus sur les Anges.

Ce qui est très intéressant dans la façon dont The Time of Angels se déroule, c'est que, même s'il ne s'agit que d'une première partie, l'épisode ne perd pas son temps en longues expositions inutiles. Au contraire, il s'apprécie par lui-même, la tension allant crescendo. A ce titre, il est particulièrement opportun que le premier face-à-face avec cette angoisse qu'incarnent et reflètent les Weeping Angels est lieu par le biais d'une confrontation avec une simple représentation qui prend corps sous le regard effrayé d'Amy. En plus de replacer la jeune femme sur le devant d'une storyline d'où elle a été éclipsée par la forte présence de River, c'est une première petite mise en bouche des plus piquantes, qui plonge instantanément le téléspectateur dans la tension ambiante. *Do not blink*

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Aventure divertissante, où l'humour n'hésite pas à poindre en dépit de l'urgence d'une situation qui tourne finalement au drame, il convient de préciser que l'épisode s'inscrit dans une tonalité très différente de celle, plutôt atypique, qui avait contribué à la spécificité de Blink. Loin de l'ambiance presque effrayante qui régnait alors, nous sommes ici dans un registre d'action, résolument divertissant et dynamique. Au-delà des piques de tension engendrées par le maniement d'une si fascinante et inquiétante créature, les réparties échangées entre River et le Docteur assurent des moments plus légers. Moins crispant que Blink, The Time of Angels apparaît, dans cette première partie, comme une évolution logique : la continuation légitime de l'exploitation de des Anges au sein de l'univers Whonesque, offrant du divertissement de grand spectacle.

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Bilan : The Time of Angels représente le coktail parfait, entre suspense, aventure, humour et drame, que l'on peut légitimement attendre d'un épisode de Doctor Who. Nous plongeant dans une aventure prenante et rythmée, l'épisode est une réussite sur un plan humain (la relation entre le Docteur et River devient à chaque ligne plus intriguante), mais aussi dans ce registre tant apprécié du vrai divertissement, maniant habilement les ruptures et changements de tons. Du Doctor Who comme on l'aime en somme. En dépit du fait qu'il s'agisse de la première partie d'un arc plus long, l'épisode s'apprécie par lui-même, très plaisant à suivre, et se terminant, comme il se doit, sur un cliffhanger à vous faire regretter de ne pas avoir sous la main votre propre Tardis pour être déjà samedi prochain !

NOTE : 9/10


La bande-annonce du prochain épisode, Flesh and Stone (la seconde partie) :


24/04/2010

(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 3

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Ce troisième épisode confirme la tonalité prise par cette nouvelle saison de Ashes to Ashes. Au-delà de la volonté de nous apporter des réponses en résolvant la partie mythologique de la série, les scénaristes semblent vouloir prendre le temps d'explorer chacun des protagonistes qui ont fait la franchise. De façon très similaire à l'épisode précédent consacré à Shaz, celui-ci plonge Ray au coeur d'une crise qui va lui permettre de révéler une partie de lui-même encore inconnue du téléspectateur. Si l'exposé de cette nouvelle introspection pèche, par moment, par excès de maladresses, elle a le mérite de faire prendre de l'épaisseur à un entourage qui était resté pendant deux saisons quelque peu en retrait, derrière le duo central composé par Alex et Gene.

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C'est une intrigue policière encore une fois particulièrement classique, ne comportant aucune surprise, qui va servir de fondation pour renouveler et explorer sous un jour nouveau la personnalité de Ray. Après le serial killer de la semaine précédente, l'équipe se retrouve cette fois confrontée à un "serial arsonist" (un incendiaire), avec, à gérer en toile de fond, la pression particulière générée par une période électorale potentiellement explosive, qui va voir la confirmation de Margaret Thatcher au poste de premier ministre britannique. Il convient d'ailleurs de souligner l'effort de reconstitution du contexte politique de l'époque réalisé dans cet épisode. Les scénaristes choisissent de l'exploiter en l'intégrant directement à l'intrigue du jour, en se permettant un parallèle plutôt habile et très opportun. La mise en scène du traumatisme d'un soldat vétéran de la guerre des Malouines trouve en effet logiquement un écho particulier dans ces images d'archives de la ré-élection de la Dame de Fer, qui bénéficia de ce conflit pour restaurer son image et gagner les élections législatives de 1983.

La pression mise par la hiérarchie policière est une nouvelle fois symbolisée par l'omni-présence du DCI Keats, qui continue de mettre en exergue les doutes de chaque membre de l'équipe, dans le but avoué de les placer en porte-à-faux par rapport à Hunt, cherchant à rompre ce lien de loyauté particulièrement intense qui lie tous les subordonnés à leur chef. Il s'intéresse aux investigations d'Alex, qui, après avoir contacté Manchester, continue de s'interroger sur la mort de Sam Tyler. Il recrute Chris pour se plonger dans les vieux dossiers incomplets d'anciennes affaires résolues de façon un peu bancale. Mais, c'est sur Ray qu'il va focaliser son attention au cours de cet épisode.

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Le dernier incendie en date aurait pu trouver une issue fatale si Ray n'avait pas eu le courage de pénétrer dans le bâtiment en flammes d'où des cris s'élevaient... mais aussi si les pompiers n'étaient pas ensuite intervenus pour assurer le sauvetage du policier un peu trop téméraire et de la victime. Et plus précisément, c'est un pompier qui se détache pour embrasser une stature de héros, Andy Smith. Jeune homme a priori sans histoire, ne nourrissant pas d'ambition particulière de sortir ainsi du lot, mais manifestant un professionalisme et une compétence à saluer. Ray se prend instantanément d'amitié pour lui. Plus qu'une sincère reconnaissance, le policier expresse une véritable admiration pour le pompier et la mission qu'il remplit chaque jour. Seulement, au fil de l'enquête qui progresse peu à peu sur l'auteur des incendies, à la suite d'un témoignage, les soupçons de Gene et d'Alex se tournent vers cet opportun sauveur.

Il est difficile de ne pas ressentir quelque frustration à voir Ashes to Ashes opter invariablement pour une facilité qui finit, parfois, par être un peu ennuyeuse, dans la construction de ces intrigues policières. Un serial arsonist avec un passé militaire est du pain béni pour tout psychologue. Cela offre ainsi l'occasion à Alex d'enfoncer aisément un certain nombre de portes ouvertes sur l'état mental du jeune homme, tous les voyants clignotant pour indiquer "post traumatic disorder". Si l'affaire en elle-même a une portée somme toute très anecdotique, elle mérite cependant d'être saluée en raison de la scène qui va la conclure, d'une intensité et d'une force impressionnantes.

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L'affaire Andy Smith va prendre un tour plus tragique et personnel en raison de l'infidélité de son épouse. En dépit du fait que, dans la droite ligne du reste de l'intrigue, cet élément saute trop rapidement aux yeux du téléspectateur, en revanche, il va permettre une confrontation entre la police et un Andy devenu suicidaire, souhaitant s'immoler avec sa femme. Mais plutôt qu'une intervention clinique d'Alex, ou une charge de Gene, c'est un échange, d'où perce un désespoir existentiel ne pouvant laisser le  téléspectateur indifférent, qui s'initie avec Ray. De la part d'un policier qui nous avait plutôt habitué à des réflexions pas très fines sur le sens de la vie, il délivre ici un exposé d'une rare authenticité, basé sur sa propre expérience. C'est une autre facette du personnage, à laquelle le téléspectateur n'avait jamais été confronté. Si ce cri de détresse est volontairement mis en exergue pour mettre en confiance Andy et empêcher l'irréparable, on sent bien que Ray parle d'une frustration qui lui est familière et d'une insatisfaction chronique sur le sens de sa vie qu'il analyse avec beaucoup de lucidité.

C'est donc une parenthèse intéressante ainsi offerte au personnage, qui s'affirme et s'émancipe de la tutelle de Gene. Au-delà de sa volonté de créer des divisions au sein de l'équipe afin d'isoler Gene, Keats semble chercher à mettre chaque membre face aux doutes qu'il a enfouis, les forçant à se confronter à ce qu'ils sont vraiment. Car cette storyline, comme la semaine précédente avec Shaz, permet à Ray de faire la paix avec une partie de lui-même. L'émanicipation voulue par Keats n'est pas passée par une opposition directe à Gene, ni par un éclatement de l'équipe, mais elle a permis au personnage de Ray de se réaliser pleinement. N'est-ce pas le sens du thème de Life on Mars que l'on entend en fin d'épisode lorsque la caméra se concentre sur lui ?

Si la finalité de l'épisode est appréciable, la téléspectatrice que je suis gardera cependant une impression un peu mitigée de l'épisode. On peut en effet reprocher le manque de subtilité de cette quête introspective. Les scénaristes usent de ficelles relativement grosses pour relater leur histoire : des suggestions de Keats jusqu'au traitement de l'intrigue en elle-même, tout apparaît si évident au téléspectateur, trop explicitement mis en avant pour ne laisser de place à aucune nuance possible. Dans ces moments-là, Ashes to Ashes m'évoque justement ces séries des années 80, au scénario divertissant, mais calibrées à l'excès. Je ne sais pas à quel point cet effet est recherché par les scénaristes ; mais, aux yeux ascérés du téléspectateur moderne, cette tendance est parfois un peu trop exacerbée.

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Bilan : Un épisode introspectif consacré à un autre membre de l'équipe : après Shaz, voici une storyline destinée à mettre en lumière le personnage de Ray. L'intention est louable, la conclusion est intense et marquante, mais l'intrigue souffre d'un excès de classicisme, se situant sur des sentiers scénaristiques trop souvent empruntés par les fictions. A noter cependant un effort de reconstitution du contexte politique de l'épisode, avec une mise en parallèle intéressante sur les conséquences de la guerre des Malouines : d'une part un vétéran dont la vie est brisée, d'autre part une femme politique à qui le conflit profitera pour rempoter les élections nationales. 


NOTE : 6,75/10

20/04/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 3 : Victory of the Daleks


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Déjà la troisième aventure pour Doctor Who ! En attendant des retours assurément marquants pour la semaine prochaine (au vu de la bande-annonce), l'épisode de samedi dernier, embrassant pleinement l'héritage des saisons précédentes, reprenait des ingrédients figurant parmi les plus grands classiques de la série : des ennemis du Docteur jusqu'au cadre d'un Londres en pleine Seconde Guerre Mondiale. Au-delà d'une aventure qui déroule sans réelle surprise, c'était surtout l'occasion de poser des jalons pour le futur de la série, regénérant l'ombre menaçante des Daleks en arrière-plan, tandis que l'univers n'en finit plus de se craqueler.

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Victory of the Daleks est un épisode qui présente une construction narrative très similaire à celui de la semaine précédente. Le cadre demeure l'Angleterre - version "terrestre" cette fois -, dans un environnement a priori non hostile au Docteur. Ce dernier répond à l'appel d'une vieille connaissance, figure historique incontournable du XXe siècle britannique, Winston Churchill. Cela les conduit logiquement dans une époque déjà bien explorée, mais dont la symbolique semble ne jamais être épuisée auprès des scénaristes, le blitz de Londres, durant la Seconde Guerre Mondiale. Epreuve dans l'adversité fondatrice, symbole d'une résistance qui plie, mais ne rompt pas. Quoiqu'en disait Steven Moffat dans le Confidential du premier épisode, Doctor Who n'aura donc pas tardé à retrouver la Tamise et la silhouette familière de Big Ben ; et, en un sens, le téléspectateur s'en réjouit, car il est vrai que l'identité du Docteur s'attache désormais à cette ville par bien des aspects. Un pèlerinage régulier apparaît donc logique.

Dans le même ordre d'idées, en transposition d'une figure britannique célèbre, Winston Churchill et son cigare n'auront pas dépareillé dans cet épisode. D'ailleurs, ses intéractions avec le Docteur ont instantanément placé l'histoire sur de bons rails, constituant un plus indéniable, les piques échangées apportant un dynamisme plaisant. En effet, loin de tout formalisme rigide, leurs rapports naviguent entre la complicité de vieilles connaissances et les contraintes d'un fort caractère qui les poussent à être tentés de réorganiser leurs priorités en s'orientant vers des intérêts divergents (la clé du Tardis pour Churchill ; les Daleks pour le Docteur). Les échanges restent courtois et se font dans la bonne humeur. Si cela semble un peu comme une reproduction du schéma du second épisode : un officiel britannique connaissant le Docteur (ou du moins son existence), Doctor Who n'a pas toujours tranposé de la plus convaincante des façons des icônes historiques. Ici, le pari est réussi.

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L'épisode marque le retour d'un ennemi majeur du Docteur, indissociable de son univers : les Daleks. Par la plus étrange des ironies, les voilà, comme narguant le Docteur avec ce petit drapeau britannique dont leur front est affublé, crapahutant dans le QG de guerre de Churchill, arme secrète, soi-disant concoctée dans le secret d'un laboratoire, sensée permettre la victoire contre les Nazis. S'ils se prétendent serviables, invention humaine supposée docile, il est évident que le Docteur voit instantanément rouge. Il ne fait guère de doute au téléspectateur, comme au Docteur, qu'un stratagème se cache derrière cette apparence trompeuse et qu'un piège se refermera tôt ou tard sur ces humains bien crédules. Churchill s'accroche à cette arme qui leur confère une supériorité technologique impressionnante, refusant de sacrifier des vies humaines qu'il pense pouvoir sauver, en dépit du discours enflammé d'un Docteur rapidement intenable.

Il faut dire que c'est une situation somme toute assez inhabituelle pour ce dernier, d'être si proche des Daleks, sans hostilité ouverte en apparence. Il y a comme un voile d'irréel qui flotte sur ces scènes assez étonnantes. Logiquement, arrive le moment attendu où les masques tombent, où le plan se révèle... encore une fois de la plus ironique des façons. Les quelques Daleks survivants ont réussi à retrouver une capsule contenant de l'ADN pure de leur race : de quoi regénérer leur civilisation. Mais, les mille et une épreuves qu'ils ont eu à traverser font que leur propre technologie ne les reconnaît plus. Pour activer ce processus de résurrection salvateur, ils mettent au point une stratégie de contournement. Quoi de mieux que la reconnaissance formelle de leur véritable nature par le plus grand ennemi des Daleks ? C'est là que l'infiltration du côté de chez ce cher Winston prend tout son sens : pour s'assurer de la visite rapide du Docteur, il fallait prendre ses quartiers en Angleterre, si possible chez une connaissance de ce dernier.

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En dépit de tous ces éléments potentiellement explosifs sur fond de conflit humain mondial, l'affrontement réel auquel on peut légitimement s'attendre ne va pas avoir lieu. En effet, l'épisode s'inscrit dans une portée plus lointaine, prenant rendez-vous avec le futur, et ne s'attachant donc pas à offrir une véritable fin. Dans la guerre que se livrent le Docteur et les Daleks, ceci est une simple bataille. Une pseudo "escarmouche" qui tourne à l'avantage des Daleks, qui parviennent à mettre en oeuvre leur plan d'origine : se regénérer en proposant comme nouvel adversaire au Docteur, une génération de Daleks non affectée par les batailles précédentes. L'occasion d'un léger redesign pour ces robots à l'apparence immuables, liés à la série depuis ses origines : les "salières sur roulettes" seront désormais colorées !

Le fait que l'épisode soit plutôt tourné vers la suite fait passer un peu en retrait les quelques enjeux immédiats réglés au cours de l'épisode, avec notamment cet androïde humanoïde, création des Daleks, qui embrassera l'humanité et ses émotions - métaphore classique dans l'univers de Doctor Who -, permettant à la Terre d'éviter de justesse une fin imprévue. Si l'ensemble reste plaisant à suivre, le téléspectateur sent que les enjeux sont ailleurs et qu'on lui délivre plus un apéritif et des promesses pour l'avenir, qu'une aventure pleine et entière pour l'épisode. Ce dernier est pourtant mené tambour-battant à un rythme entraînant. Il s'attache opportunément à démontrer la complémentarité entre Eleven et Amy, la jeune femme intervenant encore une fois au dernier moment pour sauver la situation. Cependant, au-delà de l'efficacité collective qui n'est plus à démontrer, les scénaristes pourront peut-être prochainement prendre le temps de s'attarder sur le relationnel existant au sein du duo. Qu'il s'agisse d'une complicité ou d'une réelle amitié, il serait bon de les voir plus intéragir côte à côte ; même si la confrontation avec un ennemi aussi emblématique que les Daleks requérait probablement un face-à-face seul avec le Docteur.

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Si les Daleks ne sont pas mes ennemis récurrents favoris dans l'univers, il y a cependant un aspect que j'apprécie tout particulièrement lorsqu'ils sont présents : c'est d'être témoin des réactions du Docteur face à eux. Ce sont les seuls à le toucher aussi viscéralement et cet épisode nous permettait d'inaugurer la première rencontre avec Eleven. C'est sans doute le point qui m'a le plus satisfait dans l'épisode, ce jeu d'émotions constituant sans doute l'aspect le plus ambivalent d'un récit relativement bien balisé et manichéen. Initialement, en découvrant leur présence, le Time Lord réagit instinctivement et de manière particulièrement intense. Immédiatement, c'est une révulsion profonde et passionnelle qui se manifeste. Le Docteur semble mal contenir ses émotions face à des Daleks dont l'indifférence accroît sa frustration. Si la confrontation réelle a ensuite lieu. Empruntant une voie très classique, elle tient toutes ses promesses, même si elle se cantonne avant tout à un dialogue explicatif pour le téléspectateur. Mais parce qu'il n'y a que le Docteur pour prétendre qu'un biscuit est un détonateur déclenchant l'autodestruction de son vaisseau, cela reste des scènes à part.

Enfin, ma préférée demeure celle à la fin de l'épisode. Le Time Lord est confronté à un choix qui n'en est pas un, où les Daleks lui imposent l'alternative suivante : soit saisir sa seule chance d'anéantir "à jamais" ses ennemis les plus intimes, soit sauver la planète Terre, en empêchant l'explosion d'une bombe. Le Docteur choisit-il la vie en général ou les humains en particulier lorsqu'il décide d'abandonner le vaisseau Daleks pour regagner Londres en catastrophe ? Reste qu'une fois le pire évité, sa réaction lorsqu'il apprend que les Daleks se sont déjà enfuis de l'orbite spatiale, avant qu'il puisse y retourner, laisse songeur le téléspectateur. Le Docteur reste en effet un instant comme interdit : anéanti par l'idée de cette opportunité qu'il n'a pas su saisir ou par la pensée de Daleks regénérés qui vont reconstruire leur force ? Peut-être un peu des deux. Il lui faudra quelques secondes et l'insistance d'Amy pour digérer cela, et, enfin, d'esquisser un sourire devant cette relative happy end immédiate - ou du moins, temporaire. Mais cette courte période où il se fige complètement restera une des scènes les plus fortes de l'épisode. Une occasion supplémentaire d'adopter définitivement Matt Smith.

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Bilan : Si l'épisode marque une étape nécessaire dans le développement d'Eleven, avec sa première confrontation avec les Daleks, il prend surtout des rendez-vous pour l'avenir, tout en délivrant une aventure très plaisante à suivre, même si c'est vers la suite que le téléspectateur se tourne à la fin. Car si les Daleks sont de nouveau une menace bien réelle, une autre devient de plus en plus concrète. Les failles sur la surface de la réalité, cela donne surtout un esthétique troublant. Mais des souvenirs d'évènements "fixés dans le temps" qui s'évaporent, avec Amy qui ne sait rien des Daleks en dépit de leurs attaques très visibles à son époque, cela commence à être inquiétant.


NOTE : 8/10


Le prochain épisode, c'est a priori un condensé du passé de Doctor Who à la sauce Moffat. Can't wait !


11/04/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 2 : The Beast Below

In bed above, we're deep asleep
While greater love lies further deep
This dream must end
This world must know

We all depend on the beast below.

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Mine de rien, une fois passée l'introduction effectuée lors du premier épisode, voici le téléspectateur presque aussi impatient que nos deux héros pour embarquer dans la première "vraie" aventure officielle d'Amy et Eleven. Conservant une tonalité assez innocente, en dépit d'un flirt avec la part la plus sombre de la nature de chacun, l'épisode s'attache avant tout - avec beaucoup d'entrain - à installer une dynamique au sein du nouveau duo qui se forme sous nos yeux : une présentation qui s'opère tant à destination du téléspectateur que pour chacun des deux personnages.

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Se baladant de façon insouciante dans les étoiles en profitant du cadre somptueux offert par le paysage, qui est toujours traité d'une façon restant très proche du merveilleux et du féérique - la vision présentée au téléspectateur semblant filtrée à travers les yeux d'Amy - , nos deux héros croisent la route du Starship UK. Qui n'est rien moins que la nation britannique en promenade dans l'espace ; ou plutôt en exil forcé de survie après que le soleil ait consummé la surface terrestre, la laissant inhabitable. La Grande-Bretagne a donc construit un gigantesque vaisseau, sorte de ville géante, pour survivre et partir en quête d'un nouveau foyer. Vue des étoiles, cette agglomération grise sur la coque de laquelle trône fièrement un drapeau britannique, a fière allure. Cependant, évidemment, les voyages à simple portée touristique n'existent pas dans l'univers du Docteur, le Tardis les conduisant invariablement dans des lieux où sa présence serait plus que la bienvenue.

C'est également le cas à bord du Starship UK. Sur quel mystère, quel non-dit, repose cette civilisation survivante ? Un secret se trouve en son coeur, fondation inavouable qui menace de l'étouffer et de détruire son âme-même. L'épisode progresse rapidement, fonctionnant sur des ficelles assez grosses qui pointent d'emblée vers l'étrange atmosphère qui règne à bord. De cette ambiance assez inquiétante, mais qui repose uniquement sur des suggestions, il en ressort surtout l'impression qu'il s'agit d'une intrigue de mise en route pour un Docteur désormais opérationnel. On prend le temps de découvrir comment le Time Lord raisonne, quels indices l'interpellent : c'est l'occasion pour Amy d'entrevoir la manière de fonctionner de son compagnon. Ce dernier reste toujours aussi dynamique, virevoltant et survolté, personnage entraînant aux côtés duquel la jeune écossaise impose progressivement un style et un caractère des plus affirmés.

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Là où l'épisode peut peut-être un peu décevoir, c'est dans l'ambition toute relative qui sous-tend son scénario. Il souhaite simplement proposer une aventure sans réelle conséquence, ayant principalement pour but de présenter la dynamique à venir entre ses deux personnages principaux. Une portée somme toute assez réduite qui correspond finalement à un début de nouvel ère, à un deuxième épisode d'une saison marquant un profond renouvellement...

L'intrigue de l'épisode donne l'impression de dérouler sans forcer, avec une certaine aisance qui s'apparente à un doux ronronnement pourtant conduit à un rythme élevé, mais sans véritablement marquer. Il s'agit d'une histoire aux ressorts très classiques. s'inscrivant dans la plus pure tradition de la série. Les thématiques abordées sont particulièrement connues, avec, en arrière-plan, le désir de revendiquer un héritage Who-esque qui est pleinement assumé. En toile de fond, l'enjeu demeure bien évidemment la survie de l'humanité, avec la problématique de ses rapports avec des extraterrestres, ou plutôt un alien en particulier. Mais ici, point d'invasion ou de victimes humaines, nous nous situons sur cet autre versant, plus redouté, celui du pan le plus sombre de la race humaine, également classique dans Doctor Who, dans lequel la fin est perçue comme justifiant les moyens : au coeur de cette histoire se trouve une interrogation sur les sacrifices moraux que l'humanité est prête à accomplir pour parvenir à survivre.

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Cependant la résolution du choix impossible posé au Docteur, finalement d'une simplicité presque trop déconcertante, amoindrit la portée d'un épisode à l'écriture innocente ou naîve, suivant la perspective du  téléspectateur. Si le but d'installation des personnages est atteint, le happy end, qui vient conclure cet épisode très (trop ?) calibré, pèche par son format : une succession d'évidences, énoncées à voix haute sans subtilité, venant précipiter, sans qu'on ait vraiment perçu initialement ce tournant, la consécration d'une compréhension mutuelle entre Amy et Eleven. En soudant ainsi les liens qui vont unir ce duo, cette histoire n'est pas aussi anecdotique que le désamorcement de crise accéléré qu'elle propose pourrait le faire penser, mais la conclusion garde un arrière-goût artificiel, qu'elle aurait pu s'éviter si l'écriture avait été plus fine.

En somme, cet épisode consacre la création d'une véritable équipe, complémentaire et où chacun est placé sur un pied d'égalité. Si cela s'opère d'une façon manquant singulièrement de naturel, au final, il délivre un récit plaisant, sans véritable autre conséquence : c'est une jolie histoire qui cadre bien avec l'idée d'un début de voyage où l'euphorie, portée par une forme d'inconscience, peut encore régner.

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Pour transposer à l'écran cette histoire, la force de l'épisode doit beaucoup à sa guest-star principale, qui impose une présence  particulièrement marquante à l'écran, Sophie Okonedo (Criminal Justice). Elle délivre en effet une performance très convaincante dans son rôle d'Altesse Royale, Elizabeth X, parvenant d'ailleurs en quelques brèves scènes à insuffler une force et une ambivalence à son personnage qui font leur effet sur le téléspectateur, ne pouvant rester indifférent au dilemme moral ainsi mis en exergue.

Du côté du casting principal, Matt Smith avait déjà assuré son intronisation en Docteur au cours du season premiere : de façon déjà presque routinière, il continue sur sa lancée, toujours prompt au théâtralisme, et dévoilant un personnage peut-être plus porté à se révéler, n'hésitant pas à se montrer sous un jour très tranchant et un brin plus sombre que sa précédente regénération. Le traitement un peu maladroit de l'intrigue ne permet pas d'apporter des réponses définitives sur Eleven, mais on perçoit, chevillé au coeur, tant l'existence de failles et de zones d'ombre que cette profonde affection pour le genre humain, constante immuable. Ayant surtout cultivé jusqu'à présent une certaine ambiguïté, j'attends de voir comment Matt Smith sera en mesure d'exposer les aspects les plus sombres du Docteur.

Karen Gillan doit, pour sa part, mener à bien sa première "vraie" aventure complète. Elle le fait avec beaucoup d'aplomb ; mais son personnage nous laisse encore un peu dans l'expectative, notamment en raison de ses hésitations, tel le secret qu'elle maintient autour de son mariage. Au fond, cet épisode constitue son intronisation à elle, s'affirmant vis-à-vis du Docteur. Cependant, elle semble n'avoir pas encore pleinement choisi sa façon d'être : entre sarcasme et émerveillement, entre impulsivité irréfléchie et pragmatisme très terre-à-terre (le choix qu'elle fait d'oublier pour ne pas imposer ce dilemme impossible au Docteur), elle navigue finalement à vue entre Amelia et Amy, entre la petite fille qui rêvait des étoiles et la jeune femme endurcie. Cela laisse place à l'interrogation ; nous verrons comment Karen Gillan saura jouer sur cette ambivalence dans laquelle elle investit pour le moment beaucoup d'énergie.

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Si l'épisode regorge de petits détails, plus ou moins utiles à l'intrigue, mais qui font aussi la différence et touchent le téléspectateur, les références anecdotiques marquantes dont l'épisode pullule ne sont pas des auto-références à l'univers Who-esque, mais plutôt un flirt continuel avec une trilogie cinématographique fondatrice de la science-fiction. En effet, le téléspectateur fronce les sourcils dès la première phrase tout droit extraite du recueil des citations cultes, au cours d'une scène où une jeune femme, qui se révèle être de sang royal, déclare au docteur : "Help us, Doctor. You're our only hope". Un attérissage dans la bouche d'un gigantesque extraterreste - d'où le Docteur parvient à les faire expulser - plus tard, le tout pour se conclure sur un final devant une baie vitrée offrant un spectacle étoilé grandiose, accompagnée de la transition en balayage d'une scène à l'autre dans la réalisation : il n'y a plus aucun doute sur l'oeuvre de SF que le scénariste avait à l'esprit lorsqu'il a écrit l'épisode : Star Wars.

Mais au fond, n'est-ce pas un hommage en parfaite adéquation avec la tonalité et la portée recherchée par cet épisode de Doctor Who : quelle oeuvre symbolise mieux que Star Wars l'exploitation de thèmes simples et fédérateurs, portée par un enthousiasme assez innocent ?

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Bilan : Ce deuxième épisode entend sceller l'installation du duo Eleven/Amy. Utilisant des thématiques très classiques de Doctor Who, s'en s'économiser une brève réflexion sur ce que l'humanité est prête à faire pour assurer sa survie, il présente une histoire assez simple où perce encore l'euphorie de l'ambiance des débuts de voyage. Laissant une impression au final un peu anecdotique, sa portée est amoindrie par une écriture d'une naîveté qui confine peut-être à la maladresse par moment. Cependant, l'aventure demeure plaisante et constitue une mise à bouche des plus entraînantes.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du prochain épisode (de l'immuable !) :


10/04/2010

(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 2

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Après un épisode introductif des plus efficaces, permettant de poser les enjeux de la saison, ce deuxième épisode retrouve la construction narrative classique de Ashes to Ashes : une réflexion sur les personnages occasionnée par une enquête policière, dont l'intérêt n'est pas dans une originalité quelconque, mais plutôt dans ce qu'elle insuffle à la dynamique de groupe, le tout saupoudré d'un soupçon de mythologie, qui reste pour le moment en arrière-plan - nous n'en sommes qu'au début de la saison.

La thématique globale de l'épisode propose une réflexion sur l'idée d'appartenance à une équipe, déclinant cette idée à plusieurs niveaux : à travers l'intrigue du jour, plutôt de transition, qui se saisit de l'opportunité de faire prendre un peu de relief au personnage de Shaz ; mais aussi par le biais de l'attitude d'Alex, qui s'intéresse trop au passé, en se concentrant sur la destinée de Sam Tyler.

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L'enquête policière du jour transpose dans les années 80 une intrigue très appréciée des scénaristes des cop shows modernes,traitant du cas d'un serial killer. Une affaire qui commence de façon un peu artificielle et qui ne se départit jamais de l'impression qu'elle est un prétexte pour occuper, mais surtout faire réagir, les différents personnages. Car, si Ashes to Ashes délaisse un peu le caractère irréel et assez déconnecté qui avait prévalu au cours du premier épisode, ce deuxième se concentrant, à partir de bases plus rationnelles, sur l'intrigue du moment, elle rappelle constamment que les enjeux majeurs sont ailleurs, avec l'omniprésence du DCI Keats, en arrière-plan, qui, de manière insidieuse, s'efforce de miner la solidité et la loyauté des différents membres composant l'équipe constituée autour de Gene Hunt.

L'attente du téléspectateur étant focalisée sur des détails ou des références plus cryptiques, à connotation mythologique, il est logique que l'intrigue policière paraisse doucement ronronner. Pourtant, je confesse prendre toujours beaucoup de plaisir à observer toutes ces personnalités dissemblables et hautes en couleurs intéragir. Ashes to Ashes est parvenue à créer une ambiance atypique, profitant de son cadre temporel particulier, qui lui est très personnelle et donne la part belle aux personnages sur l'intrigue en elle-même. Marquant un fort contraste avec les fictions policières déshumanisées aux scenarii cliniques qui ont fleuri dans le paysage sériephile au cours de la dernière décennie, il se dégage de cette dynamique propre à la série quelque chose de chaleureux, qui lui permet de compenser des enquêtes aux ressorts par trop anecdotiques. Encore une fois, l'affaire du jour ne fera exception à cette règle.

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Une main coupée du cadavre d'une jeune femme est envoyée à la police. Loin de tergiverser, Alex active instinctivement ses réflexes de psychologue pour s'improviser apprentie profiler, et surtout orienter l'enquête vers l'idée qu'il n'y aurait pas une seule victime, mais qu'il convient de rechercher si le tueur n'a pas déjà sévi. A partir d'éléments forts réduits, l'enquête progresse de façon finalement très rapide, en grande partie en raison des circonstances - le meurtrier accélère ses rituels macabres - et de la vivacité d'esprit d'Alex (qui n'est pourtant pas infaillible, ce que l'épisode rappelle opportunément). Cette progression accélérée, par paliers, est aussi le symptôme d'une construction somme toute très bâteau, qui ne recule pas devant le recours à certaines facilités scénaristiques. Non que l'on en tiendra rigueur à l'ensemble : en dépit de son cadre et la fibre nostalgique sur laquelle elle aime jouer, Ashes to Ashes n'est pas une série policière.

Cette affaire va surtout être l'occasion pour Shaz de s'illustrer. Douce Shaz, toujours en retrait, personnage féminin et effacé dans ce monde machiste et misogyne que constitue leur équipe. Elle n'a pas le caractère ou l'assurance d'Alex, qui bénéficie du fait qu'elle s'est forgée deux décennies plus tard, mais elle est une digne représentante de son époque. Pour une fois qu'elle se retrouve sur le devant de la scène, c'est évidemment que quelque chose vient enrayer cette apparence lisse que Shaz présente généralement. Elle doute de sa place au sein des forces de police, cherchant sa voie. Finalement, le cas du jour va prendre des connotations quasi-initiatiques, consacrant et consolidant la jeune femme dans l'équipe. Alors qu'elle veut démissionner, c'est elle qu'il va falloir envoyer sur le terrain pour coincer le tueur. Non seulement prend-elle des risques, mais elle est également contrainte de jouer les "femmes d'action". Se substituant symboliquement à Alex qui, depuis son arrivée, avait toujours endossé ce rôle en rupture avec les moeurs traditionnelles de l'époque, Shaz se démarque ainsi de l'ombre de celle qu'elle considère presque comme un mentor. Si le happy end paraît peut-être un peu trop beau à l'écran, avec une Shaz qui fait la paix avec elle-même, c'est aussi parce que l'enjeu de cette réflexion identitaire se situait surtout à un autre niveau : en coulisses, c'est la pérennité et l'unité de l'équipe, sur laquelle Gene Hunt exerce son influence, qui sont remises en question.

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Car dans un épisode où la mythologie s'inscrit en retrait par rapport au premier, Keats semble s'exercer à un étrange jeu. Tout en agissant en parfait "policier des polices", s'intéressant aux cas au cours desquels l'unité aurait dérapés, oubliant la loi pour un prétexte ou un autre, son objectif premier paraît d'être une source de division. Les soupçons qu'il a, sans avoir eu l'air d'y toucher, introduits chez Alex ne sont qu'un premier pas. Lorsqu'il croise une Shaz en plein doute, un soir, seule encore à travailler au commissariat, il l'encourage à partir sans en prononcer formellement les mots. Cela souligne bien sa volonté de dissoudre toute cette équipe très - trop ? - soudée autour d'un leader charismatique auquel elle est entièrement dévouée. L'évolution de la storyline de Shaz est particulièrement révélatrice du fait que tout cela n'est que lutte d'influence entre Keats et Hunt. Après toutes les émotions provoquées par son face-à-face avec le serial killer, c'est dans les bras de Gene Hunt que, instinctivement, Shaz vient se réfugier lorsque ses collègues la rejoignent. C'est encore une fois Gene qui l'a fait changer d'avis et revenir sur sa démission. L'épisode, tout en se concentrant sur le personnage de Shaz, ne fait ainsi que consacrer, indirectement, le rôle central et déterminant de Gene.

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La même dynamique se retrouve dans les réflexions d'Alex, qui se concentre aussi indirectement sur son patron en s'interrogeant sur la mort de Sam. Cette dernière, se posant peu à peu en fil rouge dont la résolution bouclerait tous les mystères de l'univers de la franchise, ramène inexorablement l'équipe à Manchester, à un passé qu'Alex ne connaît qu'à travers les propres dires de Sam lors de son retour dans le présent. L'ambivalence de Gene, le refus d'évoquer à nouveau cette mort... les scénaristes passent l'épisode à forcir le trait d'un mystère qui peu à peu s'épaissit, sans que la moindre progression concrète n'ait lieu. Les recherches d'Alex ne sont pas secrètes. Il est bien difficile pour le téléspectateur de cerner et de se positionner par rapport à cet intrigant jeu du chat et de la souris auquel elle joue avec Gene Hunt. Pour le moment, la série pose ses pièces une à une, sans se presser, se contentant de maintenir l'attention du téléspectateur sur une histoire qui aura forcément une portée déterminante.

D'ailleurs, sur un plan purement mythologique, si l'épisode fonctionne dans un cadre plus rationnel que le précédent, il ne se départit cependant pas de quelques hallucinations ou rappels que nous ne sommes pas dans une série policière au sens classique du terme. La série distille des indices, propose des énigmes pour le moment insolubles... Elle pique la curiosité de façon presque anecdotique, sans que nous ayons la possibilité de progresser dans ce puzzle qui se dresse devant nos yeux. L'aspect que je préfère dans ce teasing au long cours, c'est la façon dont est utilisée la bande-son de Ashes to Ashes : aucune chanson n'est choisie au hasard, elles cadrent toutes avec les enjeux et chacune renvoie un message particulier. Et quand le téléspectateur entend retentir un bref extrait de Life on Mars en croisant le regard de Shaz à la fin de l'épisode, il ne peut s'empêcher de tendre l'oreille et d'observer l'écran de façon plus intense, cherchant pour le moment vainement des réponses aux questions qui se bousculent dans sa tête.

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Bilan : Episode plus classique que le précédent, l'enquête policière n'en est qu'un cadre prétexte. L'enjeu réside dans le développement d'une thématique forte, celle de l'appartenance à un groupe : idée autour de laquelle tout semble tourner et qui s'impose avec beaucoup de force, se révélant face aux agissements du personnage trouble de Keats, mais sur laquelle pèse également l'ombre de la mort de Sam Tyler. Ashes to Ashes distille ses éléments mythologiques au compte-goutte, elle a toute une saison pour apporter des réponses aux interrogations qu'elle prend plaisir à susciter chez un téléspectateur qui n'ose plus garder de certitudes sur cet univers. Nous ne sommes pas pressés, il faut savourer cette dernière ligne droite.


NOTE : 7,5/10