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29/05/2010

(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 8 (Series Finale)


I, I can remember
(I remember)
Standing by the wall
(By the wall)
And the guns, shot above our heads
(Over our heads)
And we kissed, as though nothing could fall
(Nothing could fall)

And the shame, was on the other side
Oh, we can beat them, forever and ever
Then we could be heroes just for one day

We can be heroes
We can be heroes
We can be heroes just for one day
We can be heroes


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Alors que la planète téléphagique entière a fait ses adieux à Lost en début de semaine et débat âprement depuis des tenants et aboutissants du series finale, je vais revenir sur mon deuil sériephile à moi : Ashes to Ashes s'est donc terminée vendredi dernier en Angleterre, clôturant avec son dernier épisode l'intégralité de l'arc ouvert, il y a cinq années de cela, par Life on Mars. Car ce finale fait bel et bien office de conclusion mythologique pour l'intégralité de la franchise, replaçant sous un jour nouveau Ashes to Ashes comme Life on Mars. Par bien des points, l'existence seule de cet épisode-là aura justifié que tout fan de Life on Mars suive son spin-off, peu importe les réticences initiales de la première saison.

En résumé, que retenir de cette fin ? Oui, on a eu toutes les réponses, délivrées avec cette dose d'innocence et d'émotionnel propre à la série. Oui, j'ai fini avec une pyramide de kleenex sur ma table de salon, construite au cours du visionnage des vingt dernières minutes. Et, au milieu de tout ce tourbillon d'émotions, oui, je pense être satisfaite de la manière dont tout cela s'est achevé.

Pour faire cette review, j'ai revu l'épisode, mais je ne suis pas allée lire d'articles sur le sujet. Par conséquent, c'est ma compréhension personnelle que je vous propose. Toute personne n'ayant pas encore vu l'épisode, ou bien songeant un jour à découvrir Life on Mars et/ou Ashes to Ashes est priée de ne pas s'aventurer plus loin. *SPOILERS*

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Plus que jamais les intrigues policières apparaissent anecdotiques dans cet épisode, un prétexte à occuper, tandis que les enjeux véritables se révèlent ailleurs. Suite à la désertion d'Alex dans l'épisode précédent, alors qu'elle et Gene semblaient sur le point de céder à leur attraction réciproque, la tension entre les deux policiers est à son comble. Trop de non-dits, trop de frustrations, pour pouvoir ne serait-ce que mener à bien leur quotidien professionnel habituel. Le triple meurtre et le trafic qui est mis à jour peinent d'ailleurs à retenir l'attention de l'équipe, comme du téléspectateur. A quoi bon retarder l'inévitable ? Shaz, Ray et Chris perçoivent tous trois que quelque chose est en train de se produire et qu'ils arrivent à une fin, sans comprendre, ni pouvoir expliquer, ce ressenti. Alex veut elle-aussi en finir avec ses doutes, mais, elle, sait où creuser. Et Keats, de plus en plus incontrôlable, voit son masque maniéré se fissurer peu à peu. C'est logiquement ce dernier qui va précipiter les évènements.

Alex décide finalement de se rendre à Farringfield Green, dans cette ferme isolée qui revient si souvent dans ses visions, derrière laquelle, dans le pré, un cadavre avait été découvert, le jour où elle a plongé dans le coma, dans le présent. Ce lieu est lié à la figure du policier décédé qui la hante. Elle retrouve ainsi, sur l'épouvantail qui trône au milieu du champ, le numéro de matricule qui l'obsède depuis des jours "6620". Mais qui est donc enterré là ? Averti par Keats qui est désormais décidé à briser les règles de l'univers dans lequel ils évoluent, Gene s'est précipité sur place. Sa confrontation avec une Alex qui veut, plus que tout, la vérité offre une décharge émotionnelle poignante, prélude à une cascade de prises de conscience qui ne pourront laisser le téléspectateur insensible.

C'est dans cette petite maison encore décorée de drapeaux britanniques que l'univers de Ashes to Ashes achève de basculer dans le fantastique. La carte d'identité du cadavre a donné toutes les réponses dont Alex avait besoin en indiquant le nom de la victime. Gene raconte l'histoire d'un jeune policier, un bleu non encore formé, lâché par son partenaire pour faire ses premières armes, et qui rencontrera son destin le jour du couronnement de la Reine, en 1953. Ce policier dont le cadavre fut enterré à la va-vite dans ce champ par son meurtrier, c'était Gene Hunt. Pourquoi ne pas l'avoir confié plus tôt à Alex, qui n'a cessé de lui tendre des perches et d'évoquer, en miroir, sa propre situation ? Comme tous ceux évoluant trop longtemps dans cette réalité, les souvenirs s'effacent progressivement ; à un moment donné, Gene s'est lui-même perdu dans cette re-création policière, oubliant les détails d'où il venait, mais pas la mission qui lui incombe.

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L'univers des 80s' apparaît alors progressivement mis entre parenthèses ; les protagonistes se détachent de ce qui n'est plus que fiction pour renouer avec ce qu'ils sont et leur passé. A la différence d'Alex - peut-être parce qu'elle était dans le coma -, Ray, Chris et Shaz se sont si bien intégrés dans cet univers recréé pour eux, qu'ils ont tout oublié. Keats va faire preuve d'une cruauté doublée d'un machiavélisme glaçant pour générer l'électrochoc qui leur ramènera tous leurs souvenirs. Sa mise en scène pour les forcer à revivre ce traumatisme est inqualifiable : il leur laisse des cassettes où chacun pourra assister à nouveau, en vidéo, à ses derniers instants. Car, pour eux, pas d'incertitude comme pour Alex, tous sont morts. Ray s'est suicidé, la culpabilité d'une bavure couverte aura été trop forte. Chris a été abattu au cours d'une fusillade, ayant suivi aveuglement les ordres de son supérieur. Shaz a été poignardée alors qu'elle interrompait un simple voleur. Si le choc silencieux enregistré par Ray et Chris est poignant, tout en correspondant parfaitement aux personnages, le cri de détresse de Shaz déchire le coeur du téléspectateur, la frustration, d'une vie terminée trop tôt - à 26 ans - et de tout ce potentiel qu'elle n'accomplira pas, la submergeant.

C'est alors que la vraie nature de Keats se fait jour, expliquant son acharnement depuis le début de la saison. Il voulait briser l'équipe, séparer chaque membre de l'aile protectrice de Gene. En pointant la fictivité de l'univers dans lequel ils évoluent, soulignant que ce quotidien ne peut exister que grâce à ce que Gene y apporte et à la cohérence et cohésion qu'il y impose, Keats veut retourner leur loyauté contre leur ancien chef. Son hystérie relative lorsqu'il orchestre la confrontation entre Gene et ses anciens subordonnés ne plaide guère en sa faveur. Mais il profite du choc causé par le retour de leurs souvenirs pour s'engouffrer dans la brèche créée par leurs doutes et leur désorientation. Il leur offre un transfert d'équipe symbolique : il s'agit de le rejoindre et d'en finir avec la frustration quotidienne de ce commissariat, pour poursuivre cette fiction suivant leurs souhaits.

Ce discours, chargé de "tentations" de Keats, pose de manière claire les différents camps en présence. Ce sera la transposition dans l'univers d'Ashes to Ashes du Malin. L'image des ascenseurs vers lesquels Keats entraîne les trois policiers complète parfaitement ce tableau : c'est une mise en scène symbolique qui rationalise, dans l'univers policier ainsi recréé, la lutte qui se déroule actuellement. Cette réalité n'est qu'un point de passage, entre la vie et la mort, entre les différentes destinations que l'au-delà offre. Le choix appartient à chacun : le Paradis ou l'Enfer, et dans cet entre-deux où se déroule la série, qu'y voir sinon une forme de "Purgatoire", un lieu permettant une introspection et de faire la paix avec soi-même ?

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Toutes les possibilités sont encore ouvertes à chacun. Décider de rompre avec l'artificialité de ce quotidien policier et embrasser la carrière fantasmée promise par Keats, ou faire le choix de la loyauté envers la figure centrale du guide que constitue Gene Hunt. A la différence de Shaz, Chris et Ray, Alex a choisi, au moins inconsciemment, son camp il y a longtemps. Ayant eu plus de temps pour réfléchir et prendre du recul, toutes les pièces du puzzle s'emboîtent sous ses yeux avec aisance. Elle voit Keats pour ce qu'il est et prend pleinement conscience de l'importance de Gene, sans que celui-ci n'ait besoin de formaliser par des explications trop longues son action. La force de l'épisode est d'ailleurs de savoir basculer dans l'implicite quand il le fait, avec une retenue chargée de non-dits tout aussi parlants lors de certains passages mythologiques cruciaux.

Si Alex a toujours pensé qu'elle avait un rôle à jouer dans cet univers, elle se découvre la mission la plus importante face à un Gene, devenu l'ombre de lui-même après les départs de ses trois subordonnés. A quoi bon poursuivre son action, continuer de prétendre, alors que l'objectif de celle-ci - guider des âmes égarées - paraît désormais hors d'atteinte. La futilité de l'intrigue policière en cours est trop criante pour s'y intéresser. Mais Alex n'a pas seulement choisi la fidélité, elle s'impose également comme un soutien, capable de remotiver Gene Hunt, de le persuader que la loyauté des autres l'emportera sur les tentations chimériques inaccessibles de Keats.

La force des liens créés au sein de l'équipe sera réactivée par un discours inspiré, délivré par Gene à la radio, d'une étonnante simplicité et d'une franchise émouvante. La certitude du quotidien, l'importance de cette confiance placée en leur chef qui ne leur a jamais fait faux-bond, l'emportera sur les mirages promis par Keats. Chacun reprendra sa place dans l'équipe au moment où cela sera nécessaire, pour mener à bien l'opération de police prévue. Ce retour de Shaz, Chris et Ray ne signifie pas que leur routine est destinée à perdurer ; il entérine seulement le choix qu'ils font. Le refus de suivre Keats et la décision de faire confiance à Gene. La "mort" du quatro rouge du Guv est à ce titre hautement symbolique, soulignant qu'une ère se referme, en conscience.

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Les scènes finales permettent de retrouver un lieu dont il a été fait plusieurs fois mentions, le "pub". Au fond, quoi de plus adéquat qu'un bar, dans cette déclinaison policière du "purgatoire", pour marquer le lieu où chacun se retrouve et incarner le passage ? Aucun lieu ne paraît plus symboliquement sacré que ce fameux pub, d'où retentit par la porte qui s'entre-ouvre les premières notes d'une mélodie que tout téléspectateur gardera sans doute à jamais associer à cette série : "Life on Mars". C'est là où Gene a accompagné Sam pour la dernière fois, comme il a essayé de l'expliquer à Alex sans qu'elle comprenne sur le moment toute la portée de cette affirmation. Lui et Annie y ont conclu leur périple, c'est désormais au tour des autres membres de l'équipe de les y rejoindre.

Seulement ils n'y pénètreront pas tous ensemble. Shaz, Chris et Ray sont désormais bel et bien prêts à franchir cette ultime étape de leur vie. Les différents épisodes de la saison leur ont permis justement de s'affirmer et de se réconcilier avec eux-mêmes, vis-à-vis de leurs propres travers et frustrations laissées en jachère par une vie trop courte. Voilà pourquoi les accords de la fameuse musique de David Bowie ont retenti à la fin de plusieurs enquêtes profondément introspectives, pour chacun d'entre eux. Ils franchiront ensemble cette dernière porte, confortés dans leur vécu par les évènements de cette réalité, de ce quotidien proposé par Gene.

Le téléspectateur ne peut alors que ressentir un pincement de coeur, mêlé d'une certaine de forme de fierté, à les voir ainsi pénétrer dans le bar, en paix avec eux-même et avec leur destin.

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Puis vient une autre discussion inévitable, peut-être encore plus douloureuse. Jusqu'à présent la conscience de sa propre situation, a permis à Alex de s'impliquer et d'aider Gene, tout en s'octroyant un statut d'observateur extérieur. Pour elle, tout est bien posé : elle est dans le coma et doit tout faire pour reprendre conscience, pour sa fille. Elle a si bien intériorisé cet objectif, que cette mission demeure son évidence et que toutes ces actions ont toujours été orientées vers ce but. Elle est dans cet entre-deux et doit repartir non pas vers le pub, mais dans le monde des vivants, en accomplissant pour cela un certain nombre d'actions symboliques.

Seulement il y a une donnée qu'Alex n'a pas prise en compte ; c'est que, peut-être, à la manière de chacun, elle s'est trouvée une place cohérente dans cette réalité - en prenant en compte son éventuel caractère fictif - et a occulté, oublié, certains éléments. Toute construction logique et rationnelle trouve forcément ses limites ici. Plus que Gene, c'est aussi le pressing de Keats qui lui fait prendre conscience d'un détail anecdotique pourtant déterminant : une heure qui revient toujours, comme si quelque chose s'était brisé à 9:06. Dans la chambre d'hôpital immuable de ses visions, il est toujours cette heure-là. Par rapport au monde des vivants, le temps n'a pas de réalité dans cet "entre-deux".

Tandis qu'Alex se débattait dans cet univers des années 80, cherchant une façon de s'en sortir, rationnalisant ce qui lui arrivait, ses visions de la réalité ne changeaient pas. Comme une ultime image, un dernier souvenir, elle gisait toujours dans une chambre d'hôpital, où l'heure ne changeait pas. Car toute la lutte acharnée d'Alex dans ce monde n'équivaut qu'à une fraction de seconde dans la réalité. Une fraction de seconde qui s'éternise, qui ne progressera, car elle est celle de la fin de sa vie, du propre passage d'Alex dans l'au-delà. Ses péripéties représentaient son propre parcours dans l'entre-deux, et non pas une intervention ponctuelle qui lui permettrait de repartir ensuite.

La scène où Alex réalise soudain cette vérité et comprend qu'elle est, elle-aussi, morte, est particulièrement touchante. Elle se décompose sous les yeux de Gene, qui n'a jamais été aussi compréhensif, faisant preuve d'une empathie également très touchante, à l'égard d'Alex. La jeune femme, à l'image de ses trois collègues, a également terminé son voyage dans cet entre-deux, réalisant ce qu'elle devait y accomplir. Ses adieux à Gene jouent sur la fibre émotionnel d'un téléspectateur qui a déjà depuis longtemps abandonné l'espoir de rester stoïque devant son petit écran. Un bref baiser échangé, comme un dernier parachèvement à tout ce qui a pu être initié dans cette réalité, et Alex pénètre à son tour dans le bar, laissant Gene seul dans la nuit. Sa mission auprès de ces quatre policiers s'est terminée... d'autres viendront.

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Ashes to Ashes et Life on Mars auront donc révélé tous leurs secrets, avec ce dernier épisode de la franchise qui consacre et explicite le rôle central de Gene Hunt, tout en offrant une résolution cohérente à l'ensemble. C'est au final sous un jour entièrement nouveau que les évènements peuvent être réinterprétés. Par ce nouvel éclairage, les scénaristes ont déconstruit les codes classiques de leur série pour les re-emboîter dans une perspective nouvelle. Les enjeux de Ashes to Ashes n'étaient pas cet éventuel retour au monde des vivants tant espéré par Alex, c'était le récit d'une préparation à un passage définitif dans l'au-delà.

Cette réalité des années 80 est une forme d'entre-deux, où Gene Hunt s'impose comme un guide. Tout s'emboîte de façon logique, expliquant jusqu'à la façon dont les enquêtes étaient traitées : les intrigues policières prétextes étaient un moyen de progression, de résolution, censées agir sur les policiers eux-mêmes. Le doux parfum nostalgique, avec ces poncifs des années 70 puis 80 qui paraissait si loin de toute reconstitution rigoureuse de la réalité de l'époque, s'expliquait car il s'agissait de la reconstitution fantasmée d'un jeune policier dont la vie a été fauchée trop tôt, sans avoir vécu ces décennies-là.

La réussite de cette conclusion a été de se placer dans une tonalité s'inscrivant dans la continuité parfaite de la série et du charme qu'elle a su exercer sur le téléspectateur, à travers sa dimension humaine et ses personnages attachants. Elle  opte pour la fibre émotionnelle inévitable pour marquer l'évènement, tout en délivrant une résolution cohérente, avec tous les non-dits inhérents à la thématique choisie. Pas de discours analysant cliniquement les enjeux et la situation. A aucun moment, la "lutte" qui se joue n'est conceptualisée par les mots clés que notre esprit déduit culturellement de ces mises en scène, à l'exception notable du mot "Enfer", lâché par Alex dans une phrase chargée de double-sens : entre la simple expression usuelle ("aller en enfer") et la référence directe à ce lieu.

Sam, comme Alex, ont été des missions pour Gene Hunt. La fin de l'épisode confirme également la légitimité de Ashes to Ashes en tant que spin-off. Elle n'aura pas "étiré" la franchise ; elle nous aura fait vivre une vraie suite et, par sa conclusion, elle s'impose comme le complément indispensable, liant les deux séries à jamais. Avoir suivi Alex se justifie d'autant plus qu'il y a un aspect cyclique à ce récit. Le commissariat est un lieu de passage. Les âmes "perdues" de policiers décédés (ou, pour certains, dans le coma) continueront de trouver leur chemin jusque là. En témoine l'arrivée peu discrète d'un jeune homme s'énervant en raison de la perte de son I-Phone... Et Gene demeure fidèle aux postes, prêt à les guider pour qu'un jour, ils soient suffisamment en paix avec eux-même pour qu'ils puissent faire le choix conscient de pénétrer dans ce fameux pub.

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Bilan : Ashes to Ashes - et pourrait-on dire, Life on Mars - aura réussi sa résolution mythologique, choisissant de délivrer une conclusion d'une forte intensité émotionnelle mais sans occulter la délivrance de réponses attendues. Si les thématiques abordées se révèlent finalement assez classiques, elles s'inscrivent dans une logique parfaite, déconstruisant a posteriori un certain nombre de ressorts scénaristiques et jetant une lumière nouvelle sur l'ensemble. C'est une vraie et belle fin qui est offerte à la franchise, tout en conservant sa tonalité propre et cette naïveté d'écriture qui lui confère une charme un peu désuet, atypique dans le paysage téléphagique actuel.

Finalement, au-delà du vide soudain créé par la fin de la série, on ressort de cette conclusion avec une envie majeure : revisionner la série depuis le départ, depuis Life on Mars, pour pouvoir interpréter tous ces évènements à la lumière de cette révélation finale, mais aussi pour retrouver cette ambiance indéfinissable qui parvient à toucher le téléspectateur comme rarement une série a su le faire.


NOTE : 9/10

 

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En conclusion, je sèche mes dernières larmes et salue bien bas cette série (les deux de la franchise). Elle n'aura pas été exempte de défauts, mais aura su me procurer des émotions téléphagiques rares.
Merci !

23/05/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 8 : The Hungry Earth (1)


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Il s'agit de la première partie d'une nouvelle aventure s'étalant sur deux épisodes. De façon plus marquée que dans le précédent double épisode, The Hungry Earth s'apparente à une vaste introduction, révélant progressivement les enjeux du jour, mais dont la portée réelle dépendra clairement de la réussite de la seconde partie. Se terminant sur un cliffhanger prévisible mais efficace, c'est peut-être plus le trailer de l'épisode suivant qui laisse le téléspectateur frustré et impatient. Pour ce qui est de The Hungry Earth, c'est aussi l'occasion de renouer avec des créatures de la mythologie de l'ancienne série de Doctor Who, que nous n'avions pas recroisées depuis 2005, les Silurians (Homo Reptilia), qui furent introduit pour la première fois dans cet univers en 1970.

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L'épisode s'ouvre sur un de ces inattendus dont le Docteur a le secret, les atterrissages non maîtrisés du Tardis dans des lieux ou des époques imprévus, alors qu'une plage ensoleillée et reposant était promise à nos héros. Ainsi, alors qu'ils devaient débarquer en plein carnaval de Rio de Janeiro, nos amis en sont pour leurs frais en se découvrant arrivés au fin fond de la campagne britannique, dans le cimetière d'un petit bourg perdu, en 2020. Le temps de s'auto-saluer avec leurs "futurs soi" en plein pèlerinage sur la colline opposée - petite anecdote futuriste d'une chose que j'imagine totalement Amy et Rory pouvoir faire dans quelques années - , et les voilà rapidement projetés dans une aventure aux accents de choc des civilisations, où l'étiquette "d'envahisseurs" est impossible à apposer, à la différence de tant de confrontations avec d'autres créatures non humaines.

C'est que, dans ce bout de campagne perdu, se trouve également une installation minière. Les responsables, des chercheurs, ont entrepris de creuser le plus profond possible, ayant découvert un minerais datant de plusieurs millions d'années. Or, s'il y a bien une règle primaire de survie que Doctor Who nous a enseignée au cours de ces dernières saisons, c'est que cette obsession très humaine, que Jules Verne traduisait déjà en mots il y a plus d'un siècle, est dangereuse. Le monde sous-terrain regorge généralement de secrets oubliés qu'il est plus prudent de laisser dormir en paix. Malheureusement, dans l'épisode du jour, il est trop tard pour sauvegarder cette tranquilité. Un trou de plusieurs dizaines de kilomètres de profondeur a déjà été percé ; et, la veille, la machine qui continue de creuser a réveillé quelque chose.

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Or, ce quelque chose, quel qu'il soit, a pour le moment un effet direct sur le sol de cette bourgade. Il ne s'agit pas seulement des cadavres des personnes enterrées dans le cimetière qui disparaissent mystérieusement, mais, surtout, d'étranges trous qui sont apparus autour de l'installation minière. L'homme responsable de la surveillance de nuit a disparu. Lorsque le Docteur et Amy pénètrent sur les lieux, la situation a déjà échappé à tout contrôle. Plutôt habilement, l'épisode maintient dans un premier temps le mystère, en n'identifiant pas immédiatement les adversaires du jour. Au contraire, il commence par donner comme vie à la Terre : un phénomène se produit, aspirant les gens sous la surface comme si un sol a priori inoffensif se changeait en sables mouvants vivants.

Une nouvelle fois, le Docteur et Amy vont se retrouver séparés par les évènements ; et Amy va partager le sort des victimes, disparaissant sous terre. Si le téléspectateur ne se fait pas excessivement de souci pour le sort de la jeune femme, j'ai été surprise par l'intensité et la force de cette scène où le Docteur finit par lâcher la main d'Amy qui est "avalée" sous ses yeux. Il se dégage de cette échange une émotion assez poignante qui m'a profondément touchée. Cela sonnait très juste, sans sur-jouer dans le dramatique.

Cette nouvelle séparation forcée entre Amy et le Docteur, au cours d'une aventure, ne désquilibre cependant pas notre équipe, en raison de la présence de Rory, qui continue de s'intégrer naturellement dans la dynamique globale. C'est sur lui qu'échoue donc le rôle de servir d'appoint au Docteur ; une mission dont il s'acquitte avec brio, confirmant également le fait qu'il forme un duo très sympathique à suivre associé au Docteur. C'est d'ailleurs une des forces de ce casting que de pouvoir actuellement aussi bien fonctionner en trio qu'en duo, chacun des trois protagonistes se révélant très complémentaire avec les deux autres.

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D'autant qu'en l'espèce, il n'y a pas de temps à perdre. Le sauvetage d'Amy viendra en son temps, tout d'abord il s'agit d'assurer l'accueil des créatures réveillées sous la Terre et qui s'apprêtent à surgir à la surface. Accompagné d'une poignée d'humains, c'est au Docteur de sauver la situation, en commençant par apprécier quels sont les enjeux. L'épisode bascule durant quelques scènes dans la "fiction de monstres" classique, en témoigne cette course-poursuite entre les tombes du cimetière. Une ambiance introductive des plus suggestives pour permettre ensuite la première rencontre directe avec un ennemi désormais identifié par le Docteur : il s'agit des Silurians. Ces derniers, qui appartiennent à la mythologie whonesque, sont des humanoïdes reptiliens, une autre branche de l'évolution. Ils sont donc eux-aussi des terriens. Ce qui permet quelques remarques décalées du Docteur, pointant qu'il ne s'agit pas d'une invasion, et que techniquement, les Silurians ne sont pas des extraterrestres.

Avec l'aide de Rory, le Time Lord réussit à capturer une des Silurians, confirmant que nous sommes dans un processus de prises d'otages réciproques et que, pour le moment, aucune victime n'est (encore) à déplorer dans les différents camps. La confrontation avec Alaya, la Silurian, est à la hauteur des attentes que cette progressive introduction avait pu susciter. Le personnage se révèle hostile, campant sur ses positions ; et le Docteur alterne entre enthousiasme de croiser à nouveau cette race et menaces claires, jouant plus que jamais sur la dualité de la personnalité d'Eleven.

De cet échange, il ressort surtout une menace de guerre, entre Silurians et êtres humains, tous deux proclamant leurs droits légitimes sur "leur" Terre. L'objectif du Docteur va donc être d'éviter cette escalade. Pour atténeur les tensions, il devient nécessaire de prendre contact directement avec les Silurians. Mais le Time Lord sous-estime considérablement la gravité de la situation... Car c'est une entière civilisation d'homo reptilia qui a perduré dans les sous-sols de ce petit bout perdu de la Grande-Bretagne, et qui a été dérangée.

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Si l'épisode est un peu lent à démarrer et ne se dégage jamais de l'impression qu'il fait simplement office de vaste introduction avant que les choses sérieuses ne commencent réellement dans la seconde partie, il introduit cependant plusieurs thématiques qui seront sans doute un peu plus développées ensuite.

Ce sont peut-être les parallèles évidents entre les humains et les Silurians qui sont les plus marquants, car il ne s'agit pas des bons côtés de chacune des deux races. Ils partagent en effet les mêmes réflexes de survie meurtriers. Ainsi, la mère humaine rassemble-t-elle des armes, prête à se battre, en suivant le même instinct "guerrier/territorial" que les Silurians eux-mêmes une fois qu'ils ont été agressés. De façon encore plus éclatante, l'épisode pointe les similitudes dans leur attitude vis-à-vis des prisonniers. La première suggestion faite par le responsable minier n'est-elle pas de disséquer la Silurian, afin d'identifier ses faiblesses et ainsi mieux connaître cette race ennemie ? Evidemment, le Docteur se charge de balayer cette idée, mais ce n'est pas un hasard si nous découvrons ensuite à la fin de l'épisode que les Silurians ont, de leur côté, fait la même chose à leurs otages.

On retrouve de part et d'autre des sentiments similaires : la défiance, la peur, de cette autre race ; une revendication territoriale de la planète, où l'autre n'est pas sensé avoir une place, assimilé à un envahisseur qu'il n'est pas ; et puis, cet instinct guerrier qui refait surface... Le discours du Docteur qui choisit de bien mettre les choses au point avant de ne partir en quête des Silurians est particulièrement révélateur. Il confie l'otage Silurian aux trois humains restants, mais est conscient qu'il ne peut pleinement faire confiance à leur nature primaire. Les humains sont bien plus proches des Silurians qu'aucune des deux races ne souhaiteraient le reconnaître ; préserver la paix est l'objectif d'un Time Lord, pas forcément d'êtres humains qui réagissent à une attaque. Heureusement, Rory reste également sur place. Cependant, les affirmations narquoises d'Alaya suffisent à bien pointer le risque de dérapage existant. L'otage doit rester vivante, mais ça n'ira pas forcément de soi. D'autant que cette dernière rêverait de se transformer en martyre pour déclencher des représailles sanglantes.

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Outre ce parallèle qui brouille le lisibilité des deux camps en présence, l'épisode offre une nouvelle fois au Docteur la possibilité de mettre en lumière toute l'ambivalence de son personnage. Je me repète, mais je suis chaque semaine fasciné par les contrastes d'attitudes et d'émotions qu'Eleven peut exprimer au cours d'une seule scène. The Hungry Planet propose encore plusieurs exemples soulignant cette ambiguïté. C'est ainsi le cas lors de sa discussion avec la Silurian, où il débute porté par l'excitation de cette nouvelle rencontre avec cette espèce, témoignant d'un enthousiasme sincère pour leur technologie, avant que les réponses d'Alaya à ses questions ne l'assombrissent. C'est en particulier le mensonge selon lequel elle serait la dernière de son espèce, d'autant plus cruel quand il est adressé au dernier des Time Lords, qui l'amène à se montrer plus menaçant. Matt Smith module à merveille son visage et le ton de sa voix suivant les circonstances. Une performance de haut vol.

Dans cette même lignée, je retiendrais également la scène où la mère rassemble des armes "pour se défendre", prouvant bien que la menace de rupture de la paix peut provenir des deux espèces. Le Docteur lui indique qu'il agit sans avoir recours à de tels procédés, l'invitant à oublier cette alternative sur un très ambigu "I'm asking nicely", où perce derrière un sourire poli, un ordre ne souffrant d'aucune discussion où l'on descellerait presque une menace tout juste voilée.

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Bilan : The Hungry Planet apparaît donc avant tout comme une introduction pour la seconde partie de l'aventure, qui promet beaucoup. Après un départ très calme, l'épisode accélère progressivement, construisant peu à peu une tension qui culmine avec l'arrivée à la surface des Silurians. La ré-introduction de cette créature rattachée à la mythologie globale de l'univers whonesque se révèle des plus efficaces. Au final, ces quarante minutes esquissent différentes thématiques, comme le parallèle dressé entre ces homo reptilia et les êtres humains peuplant la surface de la Terre. Et si le cliffhanger se termine de façon prévisible, mais le trailer achève d'aiguiser l'intérêt du téléspectateur pour une suite qui promet beaucoup !

Pour formuler un jugement sur l'aventure elle-même, il faudra par contre attendre la seconde partie, les deux étant trop dépendantes.


NOTE : Non noté, étant donné que cet épisode est surtout une introduction pour le suivant, une note globale sera attribuée à la fin de ce double épisode.


La bande-annonce du prochain épisode, la seconde partie de l'aventure, Cold Blood :

21/05/2010

(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 7

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Encore quelques heures, et nous y sommes. The end of an era.

Ce soir, une des mythologies téléphagiques les plus fascinantes de ces dernières années va arriver à sa conclusion et peut-être nous fournir des réponses tant attendues. BBC1 diffuse en effet le dernier épisode de Ashes to Ashes. Ce n'est pas seulement la fin de ce spin-off que nous allons vivre, c'est une résolution de l'énigme que constitue l'intégralité de cette franchise inaugurée il y a cinq années, avec Life on Mars, qui devrait nous être proposée. Comme tout series finale à dimension mythologique, pour le téléspectateur, l'impatience se dispute à l'appréhension : les réponses seront-elles à la hauteur ? Le dernier chapitre permettra-t-il à la série de terminer en beauté et de lui octroyer une place de choix dans la production télévisée d'outre-Manche ?

En attendant, vendredi dernier, le septième épisode, avant-dernier de la série, posait clairement les enjeux à venir ; du sort de Sam Tyler jusqu'à celui des membres de l'équipe de Gene Hunt, les questions se bousculaient à la fin de cette heure complexe et fascinante de télévision comme on l'aime.

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L'intrigue du jour nous replace pleinement dans le contexte des années 80, en évoquant la situation d'une Afrique du Sud déchirée par l'Apartheid, avec comme dilemme posé aux policiers le cas de l'ANC, qui, suivant leur perspective, est officiellement une organisation terroriste, mais qui mène un combat juste de revendication des droits. Entre préjugés où flottent un relens de racisme et la culpabilité libérale mise en exergue par Alex, les positions seront finalement bien plus nuancées que le premier portrait dressé, caricatural, ne le laisserait penser ; l'ambiance électrique s'explique en partie par le fait que l'affaire intervient alors que le traumatisme de la mort de Viv demeure comme une plaie béante et infectée, au sein du commissariat.

Un immigré sud-africain, policier infiltré au sein d'un groupe de l'ANC basé en Angleterre, est tué de plusieurs coups de couteau dans les locaux de l'organisation. Encore une fois, l'intérêt de l'histoire ne repose pas sur un éventuel suspense quant à la découverte du coupable, ou plutôt de la coupable, mais plutôt dans la façon dont l'intrigue va marquer nos héros, et plus précisément Chris. Car après les émancipations symboliques de Shaz et de Ray, la réelle interrogation est de savoir si Chris, toujours si effacé, se soumettant instinctivement au tempérament explosif de Gene Hunt, peut, comme ses deux collègues, gagner son indépendance et, d'une certaine manière, peut-être sa liberté. Prouver qu'il dispose de son libre-arbitre et qu'il peut prendre des décisions, en les assumant jusqu'à s'opposer frontalement à un Gene Hunt qui n'a jamais été aussi irascible que durant cet épisode.

Si la coupable semble rapidement toute désignée, ce n'est même pas elle qui va retenir l'attention des policiers. Gene souhaite décapiter la tête de cette cellule de l'ANC, persuadé qu'ils s'apprêtent à commettre des attentats sur le sol britannique, exportant ainsi leur conflit. Au final, ses efforts se révèleront doublement vains. L'attentat - manqué - aura lieu ; et le leader du groupe, refusant d'abandonner la jeune meutrière, se dénoncera à sa plac. Cet enchaînement qui s'apparente plus à un échec pour Gene va pourtant être propice à des prises de conscience, peut-être salvatrices.

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D'une part, Alex brise explicitement sa règle de ne jamais évoquer le futur devant ceux qui l'entourent, en annonçant au sud-africain désillusionné la libération prochaine de Nelson Mandela, puis son accession à la présidence. Le simple fait que l'homme interroge ensuite Chris sur Alex prouve que cette révélation "spoiler" l'a plus marqué qu'on ne pourrait le croire ; peut-être suffisamment pour le convaincre de poursuivre sa route, où que celle-ci soit ou le conduise. Car, d'autre part, l'homme s'impose comme un catalyseur pour le personnage de Chris. En partageant avec lui son expérience passée, il s'humanise aux yeux du jeune policier qui trouve dans ce récit une émulation lui permettant, pour la première fois, de se détacher de l'autoritarisme de Gene Hunt, afin d'imposer ses propres convictions.

Chris libèrera ainsi le combattant de l'ANC, allant à l'encontre des ordres de son chef. La dernière rencontre qui aura lieu entre les deux hommes, à l'extérieur, sera chargée de symbolique. Chris y confirme la maturation à laquelle il est parvenu au cours de l'épisode, tandis que le sud-africain laisse le téléspectateur songeur. Son passage au commissariat, sa discussion avec Alex, paraît l'avoir revigoré. Il paraît retrouver le sens de ses priorités et une raison de vivre, ou de poursuivre son chemin... Il disparaîtra dans la nuit, trop brusquement pour cela soit naturel. Qui était-il ? Un individu de passage dans cette réalité, comme Alex ? Quoiqu'il en soit, il aura autant servi de guide pour Chris, qu'il n'aura bénéficié du contact compréhensif de ce dernier et d'Alex.

En somme, l'émancipation de Chris est l'évolution majeure de l'épisode, car elle s'inscrit dans la mythologie globale de la série. Comme Shaz, comme Ray, plus tôt dans la saison, va retentir derrière lui, en fond sonore, au cours d'une scène au bar, le début de la musique de "Life on Mars". Il est le dernier membre à s'affirmer vis-à-vis de Gene, dans ce qui ressemble à une épreuve initiatique. Désormais, comme ses deux collègues, Chris se retrouve confronté à cette impression de fin du monde, à cette dilution de la réalité dans laquelle ils évoluent.

Mais quoiqu'il advienne, quoique cela signifie, Shaz, Ray et Chris seront ensemble. C'est sans doute le plus important.

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Globalement, c'est toute la mythologie de la série qui s'accélère, les intrigues du jour n'étant plus que prétextes anecdotiques pour façonner les réactions et évolutions de nos héros. Ainsi, en parallèle, Keats se montre de plus en plus pressant, de moins en moins diplomate, et son apparence de maîtrise de soi et de fausse sympathie se craquelle à vue d'oeil, laissant transparaître une agressivité qui souligne une évidente nervosité. Les évènements de l'épisode précédent ont logiquement laissé des traces dans la mémoire du téléspectateur qui le regarde sous un jour nouveau, mais également dans son attitude, plus distante. L'échéance approche. Quelqu'elle soit. Et avant la confrontation finale, il souhaite disposer de tous les atouts possibles, à commencer par ceux possédés par Alex.

Il presse donc la jeune femme afin qu'elle choisisse son camp, et lui fournisse les éléments à charge qu'elle a pu réunir contre Gene Hunt. Les rapports d'Alex avec son supérieur ont toujours été centraux dans Ashes to Ashes, formant une des fondations de la série. Alors que tout touche à son terme, logiquement, c'est dans cette relation que tout va se jouer. Dans cet épisode, mythologie et affections se mélangent en un tourbillon qui menace d'entraîner notre duo. Derrière les sentiments évidents, mis en scène de façon très touchante au cours de cette fin de soirée dans l'appartement d'Alex, il y a le point d'interrogation que constitue le sort de Sam, qui s'apparente à une épée de Damoclès sur leurs rapports, mais aussi, plus largement, sur l'ensemble de cette réalité, pouvant potentiellement tout bouleverser.

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Devant l'insistance d'Alex, parce qu'il est conscient, lui aussi, qu'il n'est plus possible de reculer, Gene lui propose une version de l'histoire au cours d'un dîner, quelque part entre le rendez-vous galant et le semi-interrogatoire. Sam ne serait en fait pas mort dans cet accident qui n'aurait servi qu'à couvrir son départ... vers où, vers quoi, Gene ne le sait pas. A supposer qu'il dise la vérité, on pourrait trouver ici un parallèle avec la volatilisation du sud-africain en fin d'épisode. Au fond, ce qui est demandé à Alex, c'est de croire sans avoir de preuve formelle. Il faut avoir la "foi", mot qui revient à plusieurs reprises depuis quelques épisodes. Référence religieuse qui nous renvoie à la mythologie générale de la série, où les parallèles symboliques ne manquent pas, ou simple qualificatif innocent, coïncidence juste troublante ? Je pense que nous en sommes arrivés à un stade où plus aucun élément n'intervient de façon innocente. Tout est connecté ; les pièces du puzzle sont devant nous, le téléspectateur ne sait simplement pas encore comment les agencer.

Si l'arrivée de Keats viendra rompre la magie du moment d'intimité que partagèrent Alex et Gene après qu'ils aient aplani toutes les tensions ayant empoisonné leur relation cette saison, elle ressemble plus à un ultime soubresaut désespéré, une dernière tentative de la part du policier d'amener Alex à douter, à rompre la confiance que Gene place en elle. Mais tout n'est-il pas déjà joué ? Depuis le début de la saison, Keats a mis tout en oeuvre pour briser le lien qui unit les deux policiers, Alex a enquêté, Gene a traversé de difficiles épreuves, mais ils se retrouvent pourtant cette soirée-là dans l'appartement d'Alex, comme si tous les efforts de Keats n'avaient servis à rien. Alex n'a-t-elle pas, inconsciemment, toujours choisi son camp, quelque soient les soupçons qu'elle ait pu nourrir à l'encontre de Gene ? A elle d'être honnête avec elle-même.

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Tout apparaît déjà presque écrit. Le téléspectateur a l'impression diffuse d'avoir déjà de nombreuses clés pour résoudre cette énigme posée par Ashes to Ashes. Les derniers épisodes ont été d'une richesse mythologique vertigineuse, fascinants et troublants ; et, au bout du compte, le sentiment qui domine est l'impression que la boucle est en train d'être bouclée. Nous sommes à la fin d'une ère, nous ignorons quelle est cette ère.

Les hallucinations auditives de Ray, Shaz et Chris ne sont qu'un indice encore flou. Mais cette réalité des années 80 renvoie de plus en plus l'image d'un simple lieu de passage, que symbolise cette vaste porte gothique s'ouvrant sur les étoiles, au seuil de laquelle se tiennent les trois policiers, en fin d'épisode. Où mène-t-elle ? Marque-t-elle une fin, ce néant ressenti par Ray ? "Où sont-ils", "où vont-ils", seront peut-être les deux questions les plus importantes pour la destinée de tous nos héros dans la dernière ligne droite qu'ils leur restent à parcourir.

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Bilan : Ce septième épisode de Ashes to Ashes continue d'abattre nos certitudes, faisant progresser un peu plus la série sur la voie du fantastique, complexifiant la mythologie et prenant un malin plaisir à prendre au dépourvu le téléspectateur. Les fondations de cette réalité des années 80 s'effondrent peu à peu, pas seulement au commissariat, mais des failles apparaissent également dans le décor de cet univers, Ray, Chris et Shaz en étant les témoins privilégiés. Dans le même temps, comme s'ils se situaient à un autre niveau, la confrontation entre Keats et Gene Hunt s'intensifie ; plaçant Alex dans l'obligation de faire un choix, un choix qui sera basé sur son coeur, car aucune certitude matérielle ne subsiste dans cette réalité.

La mythologie de Ashes to Ashes s'est révélée de plus en plus intrigante et prenante au fil de la saison, les scénaristes réussissant habilement à générer une attente de plus en plus grande ; le téléspectateur n'espère plus qu'une chose : une chute finale à la hauteur !


NOTE : 9/10

17/05/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 7 : Amy's Choice

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Amy's Choice est un épisode atypique, qui sort du schéma narratif habituel. Derrière ses premiers abords quasi-anecdotiques, ronronnant sans véritablement trouver son rythme de croisière, il bénéficie d'une chute finale qui éclaire sous un jour entièrement différent les évènements que l'on vient de vivre et change notre perspective, et presque notre jugement, sur ces 40 minutes. Son apport introspectif se révèle donc plus ambitieux que ce qui nous est présenté tout au long de l'épisode. En posant les enjeux à la toute fin, il serait presque opportun pour le téléspectateur de s'offrir un revisionnage dans la foulée.

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Amy's Choice s'ouvre sur un changement de cadre original, signe d'une aventure déjà commencée, déstabilisant à dessein les repères du téléspectateur. En effet, le Docteur débarque à bord de son Tardis dans la campagne anglaise. Cinq ans ont passé depuis qu'il a ramené Amy et Rory sur Terre. Ces deux derniers sont toujours ensemble. Seul signe du temps écoulé, Rory s'est "négligemment" laissé pousser les cheveux de façon à pouvoir les attacher ; un fashion attentat dont le téléspectateur met un instant à se remettre. Il faut dire que la deuxième information à digérer est plus énorme encore : Amy "have swallowed a planet", ou plutôt, est enceinte ! La visite du Docteur est imprévue, il s'est en réalité embrouillé dans les commandes du Tardis. Les retrouvailles passent par une promenade aux alentours. Tout paraît si calme dans ce village. Irréellement détaché de la civilisation. Les quelques remarques sur le sujet du Docteur sont d'ailleurs salvatrices : elles prêtent à sourire et leur piquant confère un peu de relief à la platitude caricaturale que ce cadre recrée.

Mais il ne s'agit que d'une réalité possible. Car nos trois héros s'endorment soudain sur le banc pour se réveiller... à bord d'un Tardis à la dérive. Dans leur "présent" apparent. Glacés. Ils dérivent et sont attirés par l'énergie d'une "étoile froide". Si imaginer Amy accepter de faire sa vie loin de tout dans un endroit aussi reculé de cette campagne anglaise, en y menant une vie aussi peu animée, semble peu coller au personnage ; l'hypothèse de l'étoile froide défie encore plus effrontément les lois de la science. C'est là que se révèle un nouveau protagoniste. Moqueur, perspicace, arrogant, faussement joueur, il se présente sous la qualité de "Dream Lord", en écho au "Time Lord" qu'est le Docteur. Il se pose en maître d'un jeu létal dans lequel il a entraîné nos trois héros. Il les met en effet au défi de choisir entre ces deux mondes où le sommeil les guide. Un est la réalité, l'autre un rêve. Les règles sont simples. S'ils meurent dans le rêve, ils seront libérés et réintègreront la réalité. En revanche, s'ils sont tués dans le monde réel, la mort sera définitive.

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Se réappropriant des schémas narratifs classiques de jeux entre plusieurs réalités/univers, l'épisode va au final assez peu développer ce matériau, préférant se concentrer sur ses personnages. Les deux mini-aventures mises en place, comportant chacune leurs dangers, reprennent des thématiques traditionnelles de la série, qu'il s'agisse d'une rencontre imprévue du Tardis avec un astre dangereux, ou des aliens réfugiés sur Terre, ayant infiltré le club du 3e Âge du coin. Il n'y a pas la moindre originalité proposée dans leurs développements, celle sur Terre offrant juste un peu plus d'animation. C'est sans doute à ce niveau-là que se situe la faiblesse principale de l'épisode. Le téléspectateur est bien conscient que l'enjeu est ailleurs, ces micro-intrigues peinent à trouver une réelle dimension. Elles demeurent cantonnées dans du cliché anecdotique, dans lequel il est difficile de s'investir. Heureusement, les dialogues - et plus particulièrement, les tirades du Docteur -, piques au second degré savoureux ou analyses détachées de la situation empreinte d'un sarcasme détaché, permettent par intermittence de rompre cette léthargie. Mais l'épisode ne trouve jamais vraiment l'équilibre entre ces histoires-prétextes et le réel enjeu poursuivi par le scénariste ; ce qui a une incidence sur son homogénéité, le cocktail peinant à prendre.

L'attention du scénariste est ailleurs, et ça se ressent donc. Car Amy's Choice est en fait un épisode destiné à prendre le temps de s'intéresser à la psychologie de chacun de ses personnages. Nous sommes (déjà!) à mi-saison ; nous commençons à les connaître, mais voici un épisode entier où les intrigues et autre fil rouge sont mis entre parenthèses pour explorer de plus près les motivations de chacun. Cette introspection est une initiative somme toute louable, permettant d'entériner la nature des différentes relations unissant les personnages, en commençant par définitivement refermer la parenthèse ouverte par le final du cinquième épisode, lorsque s'était posé un dilemne jusqu'alors sous-jacent : la position d'Amy par rapport à ses "deux docteurs", l'un qui a passé sa vie à essayer de ressembler à cet ami imaginaire idéal des rêves d'une petite fille, et l'autre qui est revenu après tant d'années pour enfin remplir sa promesse passée.

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Le titre de l'épisode, Amy's Choice, fait donc référence, tant à la décision d'Amy de sacrifier sa vie sur cette Terre futuriste où elle est enceinte, suite à la mort de Rory, qu'à sa réalisation finale que l'homme de sa vie n'est pas le héros avec lequel elle s'est enfuie la veille de son mariage, mais bien son fiancé. Être partie à bord du Tardis était sa dernière tentative pour ne pas grandir ; le parallèle avec les univers féériques, la mythologie de Peter Pan notamment, n'est pas une constante de ce début de saison pour rien. Le mariage symbolise l'entrée dans l'âge adulte, entrée à laquelle Amy n'était pas encore prête, en dépit de ses fiançailles. Elle n'avait pas fait le deuil de son enfance ; il existait encore en elle cette part de petite fille rêvant d'explorer des horizons lointains avec son ami imaginaire.

Les retrouvailles avec le Docteur avaient fragilisé sa relation avec Rory en apparence ; mais elles étaient finalement nécessaires pour définitivement tourner cette page ouverte durant son enfance, idéalisée depuis au-delà du raisonnable. Amy a fait la paix avec ses démons du passé et ses rêves non réalisés. Désormais, alors même qu'elle vit ce conte de fées de science-fiction, elle a enfin grandi. Au gré des quelques aventures qu'elle vient de vivre, elle s'est posée des questions sur sa vie ; elle a été amené à réfléchir sur ses priorités, confrontée à des dangers contre lesquels elle a manqué de tout perdre. Au final, c'est un personnage qui, en quelques épisodes, a gagné, non en confiance en elle ou en assurance, mais en maturité. Ajoutons à cela l'opportunité que lui a offerte le Docteur de voyager avec Rory afin de pouvoir partager l'intensité et l'euphorie qui accompagnent les voyages à bord du Tardis ; et, logiquement, les choix d'Amy au cours de cet épisode tombent sous le sens et nous découvrons à travers eux la vraie Amy, qui a réussi à se comprendre et savoir ce qu'elle recherche.

Avec Amy's Choice, elle cesse de chasser un rêve inaccessible pour enfin commencer vraiment à vivre et à grandir.

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Mais, et de façon peut-être plus marquante pour une téléspectatrice telle que moi qui est quand même assez encline à suivre en priorité le personnage du Docteur, l'épisode offre également de nouveaux éléments dévoilant un peu plus la complexe personnalité de ce dernier, toujours magistralement interprété par Matt Smith. L'acteur aura vraiment réussi à s'imposer avec une aisance et une présence à l'écran à saluer : je pourrais consacrer un entier paragraphe, dans chacune de mes reviews, à louer la richesse et l'ambivalence que son jeu apporte à Eleven, collant parfaitement à l'écriture des scénaristes. Amy's Choice est une étape importante dans cette caractérisation, car il met en lumière la facette la plus obscure du Docteur. Il le fait sans que le téléspectateur se doute, avant la chute finale, de la réelle nature du duel auquel il est en train d'assister entre le Time Lord et le Dream Lord. Il faut souligner que cette ignorance est à double tranchant : d'une part, cela renforce l'impact et le choc de la révélation finale, mais d'autre part, cela empêche de saisir immédiatement tous les enjeux d'un épisode dont l'importance se cache derrière cette apparence trompeusement trop banale.

Dans la chute finale, l'explication de ce double rêve hallucinatoire cède à une certaine facilité scénariste, mais est en revanche particulièrement bien trouvée l'idée selon laquelle le Dream Lord n'était en réalité qu'une émanation du Docteur lui-même, de cette part sombre qui sommeille en lui mais qui s'est logiquement développée au cours des neuf siècles d'expérience qui sont derrière lui. Et le téléspectateur prend conscience, a posteriori, que c'est un épisode qui mériterait d'être psychanalysé qui nous fut proposé. Toutes les "vérités", souvent blessantes, assénées par le Dream Lord sur la façon de vivre et d'opérer du Docteur, ses réflexions sur ses "amis" par exemple, prennent soudain une autre dimension. Tout comme cette affirmation, lâchée par un Docteur qui avait deviné plus tôt la nature de ce Dream Lord sans la partager avec Amy et Rory : "there's only one person in the universe who hates me as much as you do", avait-il dit... Cruelle et paradoxale réalisation. Est également très révélateur le silence et le brusque changement de sujet qui accueille la question d'Amy, en fin d'épisode, faisant écho aux préoccupations des téléspectateurs. La jeune femme est incapable de concilier les deux facettes du Docteur qu'elle a vue, l'enjouée et la cynique ; et, soudain, elle s'interroge : le Docteur tient-il pour vrais, consciemment ou dans une part de son subconscient, les jugements proférés par le Dream Lord ?

Le personnage d'Eleven continue de s'étoffer, devenant chaque épisode, plus intriguant, plus ambivalent, et toujours plus intéressant. Une caractérisation réussie !

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Amy's Choice s'avère donc être finalement un épisode paradoxal. Derrière une apparence de routine  assez anecdotique, peinant à se mettre en place, il propose une introspection profonde des personnages. La résolution finale change radicalement la perspective du téléspectateur, soudain presque tenté de se lancer dans un revisionnage immédiat pour bien appréhender la portée de l'épisode et ce qu'il signifie pour le Time Lord. Car même si l'évolution d'Amy est intéressante, cela reste un "à côté" par rapport à l'envergure du Docteur qui demeure l'aspect le plus accrocheur de la série. C'est un euphémisme que d'écrire que j'aime beaucoup l'exploitation de la part plus sombre du personnage qui est proposée avec Eleven. Le "Dream Lord" est un élément supplémentaire qui vient s'ajouter à la suite d'aperçus très tangibles du côté plus obscur du Docteur, que nous avons pu voir depuis le début de la saison. Son ambiguïté, très bien mise en valeur par Matt Smith, apporte une profondeur supplémentaire et surtout accentue la fascination qu'exerce le Time Lord.

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Bilan : Si le changement de perspective offert par la chute finale apporte à l'épisode une légitimité dans l'introspection qu'il a proposée, cela intervient peut-être un peu trop à retardement. L'aventure n'est pas déplaisante à suivre, mais elle se révèle trop bancale pour être pleinement satisfaisante. Cependant, la lumière nouvelle que jette la révélation finale sauve finalement l'épisode de la tentation de le classer comme une simple aventure anecdotique. Il offre un éclairage sur ses personnages et leurs rapports qui permet au téléspectateur de mieux les comprendre. Enfin, il confirme aussi la volonté d'exploiter cette saison une facette plus sombre du Docteur, ce qui nourrit l'ambivalence du personnage de la plus convaincante et intéressante des manières.


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce du prochain épisode :


15/05/2010

(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 6

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L'échéance se rapproche et les tensions construites tout au long de la saison s'exacerbent. Ce sixième épisode d'Ashes to Ashes, d'une richesse mythologique vertigineuse, brouille les cartes et nos certitudes, proposant un épisode inattendu en bien des points, chargé de symboliques de plus en plus omniprésentes. Le téléspectateur en ressort troublé comme rarement, l'esprit perdu dans des théories les plus abracadabrantesqes et des hypothèses qu'il retourne dans tous les sens... Etonnant épisode donc, perturbant et magistralement mené, qui va nous conduire à une issue tragique aussi originale que marquante.

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La construction de l'épisode rejoint le schéma narratif classique de la série, au sens où, l'évènement auquel nos héros sont confrontés sert de révélateur pour mettre en lumière la dynamique d'équipe et accentuer ses failles éventuelles. En l'espèce, ce sont des évasion et mutinerie à l'intérieur de la prison de la ville qui vont être les catalyseurs d'un engrenage létal. La thématique de la loyauté de chacun des policiers officiant dans l'équipe de Gene Hunt demeure centrale, déclinaison sans doute déterminante d'un affrontement fatal en cours dont le téléspectateur ne cerne pas encore tous les enjeux réels.

Cet épisode marque une nouvelle étape dans la confrontation entre Gene Hunt et Jim Keats, au cours duquel la faillite du premier place le second en position de force. En effet, Gene échoue à plusieurs niveaux. La scène de l'assaut de la prison, dont il assure le commandement, d'un surréalisme tout Ashes-ien, sur fond musical de Sunday Bloody Sunday, se clôture sur un échec des plus cinglants. La mutinerie se transforme en prise d'otages, Viv étant laissé sur place lors du replis des troupes policières. Ce personnage va d'ailleurs symboliser tout ce qui s'enraye et déraille au cours de cet épisode. Dans ses priorités, le lien familial a malheureusement primé sur le lien policier. Jamais il n'aura l'occasion de s'en expliquer, ni d'être absous. De la plus symbolique des manières, Gene échoue à son égard par trois fois au cours de l'épisode dans sa mission de responsable de ses hommes : tout d'abord, il ne peut l'empêcher de commettre l'irréparable, pour essayer de sauver son cousin ; il le laisse ensuite en arrière, aux mains des mutins, lorsque l'assaut tourne mal... et enfin, il ne peut le sauver à la fin, Viv payant de sa vie ces évènements.

Un personnage, même secondaire, qui décède constitue en soit un choc dans l'univers souvent policé d'Ashes to Ashes, où les interventions, dont la mise en scène est marquée d'une profonde nostalgie 80s', sont souvent chaotiques, mais où les membres appartenant à l'équipe de Gene ont toujours été assimilés à des piliers inaltérables. Ils peuvent vaciller, les tensions peuvent éclater, mais ils semblent toujours intégrer à ce cadre prédéfini qu'est cette réalité dans laquelle Alex a été parachuté. Dans cette perspective, ils ont toujours paru intouchables, ne pouvant, au bout du compte, être remis en cause. Or, avec la mort de Viv, un tournant s'opère dans la stabilité de cet univers : la série franchit une étape supplémentaire à un niveau avant tout mythologique. Et c'est un processus au cours duquel l'influence de Jim Keats est aussi inquiétante qu'incontournable.

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Si la fin tragique marque une rupture avec l'image d'univers préconstitué et immuabe, l'élément le plus important de l'épisode se rattache aux actions de Jim Keats. Tout n'est que conséquence de ses initiatives. Ce dernier, de façon bien plus directe que par le passé, manipule et orchestre les évènements de façon à conduire à cette conclusion, cherchant à saper toujours plus les fondations de l'unité de police officiant sous les ordres de Gene Hunt. Si Alex n'a pas encore une vision claire des camps et des enjeux en présence, les masques commencent cependant à tomber.

Le téléspectateur est le témoin privilégié du glissement qui est en train de se produire. En effet, le personnage de Keats a pu jusqu'à présent entretenir une certaine ambivalence, se construisant une aura de mystère autour de lui, tandis que nous observions, intrigués, sa croisade entreprise contre Gene Hunt. Or, avec ce sixième épisode, l'affrontement gagne un autre niveau. Viv n'est qu'un pion sacrifiable, dans une partie d'échecs que nous ne nous comprenons pas encore, mais qui concerne, sans nul doute, le coeur de l'énigme que renferme cet univers policier des 80s recréé sous nos yeux.

Toutes les actions de Keats, au cours de l'épisode, visent à obtenir une tragédie. Par sa présence faussement passive, il empêche Viv de se confier à Gene au début, il sème ensuite les graines du doute dans les esprits des membres de l'équipe à l'encontre de leur chef ; enfin, il appuie sur les blessures fraîches des échecs de ce dernier pour l'enfoncer... Mais, la scène où l'affrontement qui a lieu prend une toute autre dimension, c'est lors du dernier face-à-face avec un Viv mourant. Keats est le premier à arriver sur les lieux. Se penchant sur le blessé, il pose ses mains sur sa nuque. On pourrait croire, vu de loin, que c'est une forme de réconfort, mais l'impression laissée au téléspectateur est toute autre. Comment le décrire ? C'est comme si Keats faisait passer Viv dans l'au-delà, accélérant le processus ou aspirant sa vie. Keats l'éjecte de cette réalité. Lorsque Gene arrive, il est déjà trop tard. Viv est mort, ou, du moins, n'est plus de ce monde/cette réalité. D'une manière un peu similaire, Gene prendra la tête de Viv entre ses mains, pour essayer vainement de le réveiller. La question de Keats, "What are you trying to achieve ?", posée sur un ton presque narquois, laisse place à tant d'interprétations possibles, qui se bouscule dans la tête d'un téléspetateur interloqué. Gene aurait-il pu tenter d'inverser le processus ? Est-ce une simple question rhétorique ou, plus largement, une interrogation sur le pourquoi de continuer une lutte que Keats considère perdue d'avance pour Gene ?

Toujours est-il que le personnage de Keats prend une allure encore plus inquiétence que ses ambiguïtés passées. Ses interventions sont désormais de plus en plus directes. Le maintien des apparences est de plus en plus secondaire ; car une fin approche incontestablement. Mais la fin de quoi ? De qui ?

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Quelque soit cette issue, les choix d'Alex auront une influence sur celle-ci. Keats la presse de partager avec lui ses découvertes sur la mort de Sam et d'autres éléments troublants qu'elle a pu découvrir au cours de son investigation. Exploitant la moindre parcelle de doute de la jeune femme, Keats cherche à réveiller et à nourrir ses suspicions instinctives afin de lui faire changer de camp. Lui faire soupçonner suffisamment Gene pour qu'elle soit prête à abandonner toute loyauté et à se confier à Keats, renversant les rapports de force actuellement existants. Le projet semble d'autant plus envisageable que la relation existant entre Alex et Gene est devenue au mieux chaotique, au pire, assortie d'une méfiance réciproque. Nous sommes très loin des flirts des débuts de Ashes to Ashes, de cette tension sexuelle qui pouvait exister dans certaines scènes. Les deux personnages se sont éloignés, chacun poursuivant des objectifs différents qu'il n'a pas pu ou su partager avec l'autre. La complémentarité professionnelle existe toujours ; la complicité a cependant laissé place à un fossé qui se creuse chaque épisode un peu plus. On tend vers le moment où Alex ne pourra plus reculer et devra faire un choix : avoir foi en Gene et lui offrir sa confiance aveugle, ou rejoindre Keats et l'oeuvre destructrice qu'il est en train de réaliser.

Dans cet épisode, le regain de tension ne provient pas tant des erreurs de Gene dans sa gestion des évènements, que d'un nouvel intervenant qui vient brouiller un peu plus des cartes déjà très floues. Un détenu est parvenu à s'évader. Il s'agit d'un petit escroc, Thordy, qui a la particularité d'avoir été la dernière arrestation de Sam Tyler avant sa mort. Mais, surtout, ce dernier prétend être Sam lui-même. Un Sam mis hors-jeu pour avoir touché la vérité. Est-ce un mensonge pour semer le doute dans l'esprit d'Alex ? Est-il sincèrement convaincu de cela ? Ses affirmations peuvent-elles être vraies ? Il sème en tout cas le trouble chez Alex, en évoquant certains symptômes très caractéristiques de la situation de cette dernière. Mais le futur est trop dilué dans sa mémoire pour qu'il puisse y puiser des informations concrètes pour confirmer sa version. Il affirme cependant avoir résolu l'énigme de cette réalité, avoir compris sa nature ; et c'est cela, qui lui fut fatal. Considérant avec désinvolture et détachement tout ce qui appartient à cet univers, il propose à Alex un marché : la vérité contre sa liberté. Si l'indice finalement donné par Thordy n'apporte pas de réponse immédiate, cette offre permet de vérifier vers qui la jeune femme continue de se tourner en dernier ressort. Elle re-affirme (pour le moment du moins) sa loyauté envers Gene lorsque cela est important, puisque c'est en collaboration et en accord avec lui qu'elle libère Thordy.

Une fidélité aux fondations parfois tremblante cette saison, mais qui pour le moment n'a bel et bien pas été remise en cause au cours de la saison.

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Ainsi, l'épisode propose une réelle accélération dans l'exploration mythologique de la série. Sa richesse vertigineuse en symboliques des plus diverses, qu'il s'agisse de références dans les dialogues, les chansons ou bien encore simplement le simple cadre de certaines images, rend un revisionnage sans doute nécessaire pour pouvoir pleinement les recenser et les apprécier à leur juste valeur. Pour le moment, elles attisent surtout les questionnements d'un téléspectateur presque déstabilisé par une telle intensité. Le final approche, les réponses également. Mais ce qui marque pour le moment, c'est l'impression d'arriver au bout d'un cycle, à la fin d'une histoire.

L'enjeu n'est plus le sort d'Alex, il n'est plus un hypothétique retour dans un présent presque oublié, même si elle le mentionne parfois comme un simple réflexe. Désormais, ce qui est au coeur de tout, c'est le devenir de cet univers des années 80. Ses fondations semblent en effet se fissurer sous nos yeux. Ou, plus encore, cette réalité paraît se dissoudre sur place. Avec ce sixième épisode, nous ne sommes plus dans le domaine abstrait et incertain des visions. La mention des étoiles, qui continue d'être récurrente, demeure un indice, s'apparentant à des failles dans ce décor qui peine à se maintenir. Mais, maintenant, les joueurs qui paraissent "actifs" dans cette partie d'échecs dont nous ignorons encore la nature, à savoir Gene Hunt, mais aussi Jim Keats, agissent véritablement sur cet univers. La mort de Viv, sa "mise hors-jeu", ou peu importe le qualificatif auquel il faut recourir, marque la fin de l'impression d'immutabilité qui régnait autour de Gene. Elle met à jour une faille, prouvant que les choses sont passées à un autre niveau. A cela s'ajoute, l'utilisation de phrases toujours plus ambiguës, chargées en double sens, dont la portée mythologique reste encore à révéler, mais qui épaississent toujours plus le mystère.

Les thématiques de la vie et de la mort sont plus que jamais au coeur de tout. La fin de Viv confirme la fin de la stabilité de cette réalité des années 80, en exposant en plus au grand jour ce thème jusqu'à présent sous-entendu. L'univers de Ashes to Ashes va-t-il se dissoudre et s'ouvrir sur ces étoiles, porte sur le néant ? Quels sont les réels enjeux en cause ?

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Bilan : Avec ce sixième épisode, Ashes to Ashes capitalise pleinement sur le mystère qui constitue son coeur. Preuve de la maturité des scénaristes, l'épisode se révèle d'une richesse mythologique à la fois troublante et fascinante, déstabilisant volontairement le téléspectateur, tandis que toutes nos certitudes, tous les piliers que nous connaissions, disparaissent peu à peu, laissant entre-apercevoir une partie d'échecs mystérieuse dont nous ne connaissons ni la nature, ni les enjeux. Tout se dissout, l'ordre et le chaos ne paraissent plus l'apanage d'un seul camp. Ce tourbillon entraîne le téléspectateur avec beaucoup d'efficacité. Bluffant.


NOTE : 9/10