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31/12/2010

(Téléphagie) Bilan 2010 : une sériephilie sans frontières et des certitudes retrouvées

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La fin d'une année, ce n'est pas seulement l'heure des tops divers et variés de toutes les productions du petit écran, c'est aussi l'heure de faire son bilan personnel de ses propres programmations. Après 2009 et une téléphagie quelque peu moribonde ou "en crise", je termine 2010 avec plus de certitudes. Ces derniers mois auront été à la fois l'occasion d'une renaissance grisante, riche en nouvelles découvertes, et une confirmation que certains cycles se sont bel et bien achevés et sont désormais derrière moi. 

La téléphagie est ainsi faite avec ses passades, ses coups de coeur, ses illusions et ses déceptions... Pour ce 31 décembre, voici donc une réflexion plus personnelle et introspective, dans la lignée des précédents billets du genre, de la crise de foi téléphagique de fin 2009 à la question existentielle une crise, quelle crise ? de la mi-saison 2010. Dans cette optique, les captures d'écran du générique d'Episodes m'ont semblé on ne peut plus appropriées. Sauf que mon esprit de contradiction aidant, elles vont logiquement défiler à l'envers (et on va passer par l'océan Pacifique !).

Les balades téléphagiques de l'année 2010 : entre rupture, surprise et confirmation

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La rupture : La téléphagie, c'est un peu une nouvelle frontière permanente...

En fait, je crois que la vraie rupture de 2010, cela aura été le fait que, contrairement aux deux années précédentes, j'ai cessé de m'entêter dans mes schémas traditionnels à écumer vainement les productions d'outre-Atlantique. J'ai préféré consacrer mon temps à d'autres petits écrans. J'ai bien tenté d'identifier les causes de ce désamour, mais aucun argument ne me paraît vraiment convaincant : les problèmes qualitatifs, les thématiques traitées, le format marathon interminable... Certes, il y a sans doute une part de lassitude dans tout cela. La conséquence d'une téléphagie compulsive depuis plus d'une décennie se perçoit lorsque le carcan d'une seule culture télévisuelle devient étouffant, où la reproduction des mêmes recettes, des mêmes schémas, finit par perdre tout charme pour adopter un parfum mécanique. Mais les raisons de cette fin de cycle sont à mon avis ailleurs.

Non, la télévision américaine n'a pas perdu en quelques années tout son attrait. Certes la rentrée de septembre n'a pas tenu ses promesses. Les grilles des grands networks US peuvent nourrir certaines insatisfactions. Mais le problème, ce n'est pas ce serpent de mer de la supposée fin de "l'âge d'or des séries US". Ce qui a changé, ce n'est pas le petit écran américain, c'est tout simplement moi. J'ai continué de grandir et mes goûts d'évoluer.

Non, je n'ai pas découvert de Graal téléphagique ailleurs. Je n'ai même pas effectué le tri qualitatif tant espéré au sein de mes séries dans une passion toujours trop chronophage. Je n'ai pas trouvé de télévision plus intéressante dans l'absolu. Ce n'est pas non plus une simple question de curiosité désintéressée qui me conduirait à vouloir multiplier les expériences sériephiles à travers le monde. Soyons franc, la curiosité internationale, c'est un moteur qui joue seulement à la marge dans mes programmes. Elle offre une mise en perspective salvatrice et rafraîchissante, mais elle n'est jamais une fin en soi. Elle intervient quand j'entrouvre les frontières de la Nouvelle-Zélande, de Hong Kong ou de Taïwan. Elle est aussi instigatrice : c'est sans doute elle qui m'a conduite un jour en Corée du Sud, ou qui m'a permis d'avoir des coups de coeur pour les pilotes de séries 30 ans après leur diffusion d'origine.

Seulement, je reste aussi une passionnée naturellement casanière, qui aime savoir et comprendre l'univers téléphagique dont je pousse la porte. Le tout est de trouver le bon équilibre. Ma téléphagie en 2010 est à l'image de la ligne éditoriale de ce blog. Les instruments et ressorts pour vivre cette passion sont toujours là, mais l'équation d'ensemble a considérablement évolué. Aujourd'hui, j'ai d'autres attentes. Je recherche quelque chose de différent par rapport à la manière dont j'ai pu nourrir cette passion au cours de la décennie précédente. Ne réduisez pas cela à un simple "besoin d'exotisme". Il y a quelque chose de plus structurel derrière, un désir de grille de lecture différente, de constructions narratives qui ne vont pas engendrer les mêmes ressentis, les mêmes saveurs. Ca n'a pas de sens de les placer en confrontation tout simplement parce que derrière ces termes génériques de "séries" ou de "divertissement", ce sont des codes différents qui sont à l'oeuvre. Les grilles de lecture de chacune de ces productions ne peuvent se superposer.

2010 aura donc été internationale, pleine de voyages téléphagiques. Pour autant, la téléphage casanière que je suis aura trouvé plus particulièrement ses marques dans deux pays. Sur ce point, s'il y a du classique prévisible, j'avoue que mes goûts conservent encore une bonne part de mystère. Même pour moi.

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La surprise : La téléphagie, ça évolue quand même sur des voies bien impénétrables...

Si on peut admettre facilement le désintérêt relatif pour la production américaine, ou encore le renforcement logique d'une anglophilie qui n'a fait que croître depuis 2002 (date de mon dernier été anglais), en revanche, il reste une bien étrange énigme : comment ai-je fait pour atterrir en Corée du Sud ? Quels atomes crochus pouvais-je avoir avec cette production particulière ?

Honnêtement, a priori, nous n'étions pas faits pour nous rencontrer. Parmi mes récurrentes allergies téléphagiques déclarées, on trouve tout d'abord une détestation traditionnelle toute particulière des histoires d'amour. Je n'aime pas non plus vraiment les comédies. Et le mélange des deux genres me fait normalement fuir le petit comme le grand écran. De plus, je raffole de dialogues écrits à 100 à l'heure et de pitch minutieusement finalisés. Bref, des affinités qui seraient plutôt à l'opposé des principales caractéristiques des k-dramas. Je dis toujours pour caricaturer que ces derniers m'ont permis de découvrir que j'avais un coeur, et même des instincts "fleur bleue" qu'aucune série américaine n'avait jamais réveillés. Ce n'est pas si éloigné de la réalité. Les séries sud-coréennes que je chéris touchent en moi une sensibilité qui n'avait jamais jusqu'à présent été sollicitée.

Pour tout vous dire, la première fois que j'ai découvert la télévision sud-coréenne, c'était lors de mon cycle japonais. Un été, il y a quelques années. Le premier k-drama que j'ai lancé, je m'en souviens comme si c'était hier, il venait de sortir, il s'agissait de A love to kill. Et vous savez quoi ? J'ai détesté. Comme rarement. Je ne vous parle pas seulement de la qualité de la vidéo très médiocre des épisodes sur lesquels j'avais mis la main. Il y avait la langue aux sonorités beaucoup plus confuses pour mes oreilles que le japonais, conséquence de quoi le courant ne passait pas vraiment avec les acteurs... Mais surtout, il y eut le coeur du problème : le scénario et sa construction complètement illogique pour mon cerveau de téléphage occidentale. Avec le recul, ça me fait sourire, mais c'est bien simple, je n'ai absolument rien compris aux trois premiers épisodes que j'ai eu la patience de regarder. Le synopsis que j'avais sous les yeux était le seul élément tangible me permettant d'appréhender l'histoire. Et honnêtement, on aurait pu me raconter n'importe quoi, le rapport entre le résumé et le premier épisode semblait relever d'une dimension ésotérique. Un jour, il faudra sans doute que j'y rejette un oeil, juste pour voir comment ma perception a évolué. Je crois qu'on y trouvait pourtant un certain nombre d'élément narratifs classiques : cette habitude de commencer par une navigation entre flashforward et/ou flashback, l'amour impossible, le drame, une façon particulièrement alambiquée de poser les enjeux, etc.

Il n'y eut donc pas ce vertige de la nouveauté face à un nouvel horizon téléphagique. Si je m'offris quelques incursions dans la péninsule du Matin Calme dans les années qui suivirent, si je savais que les k-dramas existaient à portée de clic, cela ne dépassa jamais le stade de la découverte "le temps d'une parenthèse". Et puis... Peut-être ai-je moi-même changé au fil des années. Est arrivée la fin de l'année 2009, et ce blog a été le témoin privilégié de cet étrange bouleversement. Objectivement, j'attribue la responsabilité de tout cela à The Legend et Story of a Man. A un degré moindre, peut-être aussi IRIS et Beethoven Virus. Reste que j'ai alors mis le doigt sur un engrenage inattendu. Cela aurait pu être une lubie passagère, c'est devenu une sorte de coup de foudre à retardement pour une télévision qui semble désormais naturellement installé dans mes moeurs télévisuelles.

Comme tout dans la téléphagie, cela obéit à un cycle. Mais le simple fait que cette année, j'ai suivi naturellement des k-dramas que je jugeais objectivement juste moyens, alors que dans le même temps, je n'éprouvais aucune envie d'attaquer la saison 3 des Sons of Anarchy ou la dernière de Friday Night Lights résume à mon sens parfaitement l'inversion qui s'est opéré dans mon ordre des priorités. 

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La confirmation : Les voyages, c'est bien. Les voisins, aussi.

Certes, j'ai passé du temps en Corée du Sud. J'ai exploré plus avant le Japon avec des découvertes qui m'ont vraiment très très enthousiasmé (Hagetaka reste pour moi LA révélation de l'année). Je me suis baladée en Asie, en Océanie. Mais le pays où j'ai le plus naturellement pris mes quartiers n'est pas à l'autre bout du monde. Il n'est même pas sur un autre continent. Car si son cousin américain m'a lassé, le petit écran anglais continue, lui, d'exercer sur moi une fascination non démentie. En ayant de mettre en retrait les séries venues d'Outre-Atlantique, 2010 aura été une année de consécration pour la télévision britannique : j'ai enfin pu la placer tout en haut de mes priorités, après avoir passé les 5/6 dernières années à tergiverser.

Et elle aura été à la hauteur. Pensez que c'est une télévision qui vous propose des nouveautés brillantes comme Downton Abbey et Sherlock, une dose de science-fiction avec Doctor Who, du fantastique prenant et diversifié avec Going Postal ou Misfits, des comédies sympatiques comme Rev ou Whites, des polars stylés comme Luther, des legal dramas historiques comme Garrow's Law, des fictions chaleureuses et inclassables comme The Indian Doctor, le tout saupoudré de mini-séries plus ou moins abouties, mais qui réservent parfois de plaisantes surprises et dans lesquelles on s'investit facilement pour une poignée d'épisodes... Et bien, voilà bien le petit écran occidental que j'ai envie de suivre !

Les séries britanniques ont un style qui leur est propre. Je ne saurais trop précisément le caractériser. Il est difficile de généraliser, mais on y croise souvent une écriture plus directe, un style plus brut. L'exercice de comparaison que permet le simple visionnage de la bande-annonce du remake de Shameless, qui débute dans quelques jours sur Showtime, est suffisamment représentatif : il y a quelque chose de moins alambiqué, moins consensuel, de plus vrai et déglingué dans l'original. Au final, c'est sur une impression diffuse de proximité mêlée d'authenticité que nous laisse cette télévision.

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Ainsi, après avoir un peu déserté mon petit écran - notamment un semestre de 2009 de quasi-sevrage -, j'ai retrouvé cette année un équilibre téléphagique. J'ai non seulement de longues listes de programmes que j'ai envie de découvrir, mais j'ai aussi désormais la certitude que je n'ai plus "besoin" des Etats-Unis pour continuer à vivre ma sériephilie pleinement... Par sa dimension internationale, par sa diversité, mais aussi par les rencontres et les échanges qu'elle aura permis au sein de cette vaste et si diversifiée communauté de passionnés sériephiles, c'est plus de perspective et de recul face au petit écran que 2010 m'aura apporté.

En résumé, je termine l'année sur une note d'optimisme... En espérant que 2011 poursuive sur cette voie !

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10/10/2010

L'heure du premier bilan et du constat des tendances de la rentrée téléphagique


 Divorce américain, coups de coeur anglais & flirts sud-coréens

Le mois d'octobre est déjà bien entamé. Septembre et l'euphorie de rentrée sont derrière nous. Déjà, il est possible de faire un premier bilan de saison, de tirer quelques orientations pour la saison 2010-2011... Or, une fois n'est pas coutume, je vais vous épargner mes états d'âme et autre pseudo-crise, car je passe actuellement de bonnes semaines téléphagiques. A défaut d'une qualité constante, le potentiel est là et m'assure d'agréables moments devant la télévision. La sériephile qui est en moi est donc satisfaite de ce début de saison 2010-2011.

Pourtant, soyons franc, si on se penche un peu plus près dans mes visionnages des dernières semaines, c'est sans doute une vue plus nuancée qui va prévaloir...

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Bilan américain... +1 ?

La "rentrée de septembre" renvoie logiquement aux Etats-Unis, puisque ce sont les grands networks qui provoquent une orgie pour pilotovore insomniaque, lançant officiellement la saison téléphagique. En ce qui me concerne, j'ai vécu une rentrée américaine assez paradoxale. J'ai picoré à droite, à gauche, dans les nouveautés, sans réel agenda, me retrouvant parfois à regarder un pilote plus par le fait du hasard, ou d'une impulsion soudaine. Au fond, j'ai fait de la téléphagie en dilettante, si bien que je n'ai parfois même pas eu le temps de m'installer devant le pilote de telle série dans laquelle j'aurais bien voulu m'investir, que cette dernière était déjà annulée ou maintenue sous diffusion artificielle. De cette rentrée des plus désorganisées, qu'ai-je donc retenu ?

J'ai bien eu le temps de visionner le pilote de Lone Star avant que le drame Fox-ien, prévisible et annoncé, n'ait lieu. La "meilleure nouveauté de la rentrée" ? Faire de Lone Star le bijou téléphagique érigé en martyr sacrificiel du méchant network qui n'a pas compris quelle série il avait commandée avant qu'il ne soit trop tard (quel "Dallas" ?) est probablement trop caricatural. Son pilote laissait entrevoir un potentiel dont on ne saura jamais s'il aurait pu se concrétiser. Le héros arnaqueur avait son charme, tout semblait bien calibré dans le décor texan de carte postale qui avait été planté... Scindé entre relents de soap non digéré et échos actuels sur les difficultés économiques, le pilote n'indiquait pas quelle voie définitive la série pourrait prendre. Lone Star aurait pu... mais n'a eu le temps que de proposer des esquisses. C'est tout. Les réactions à son annulation furent disproportionnées au vu de ce que la série avait pu construire. Restera-t-il un regret ? Certainement. Mais qui ne fait que rejoindre des dizaines d'autres que seule la mémoire téléphagique conserve avec soin...

Pour le reste, la rentrée aura été une sorte d'énième répétition des rentrées américaines précédentes avec plus de lassitude et moins de patience de mon côté. The Event ? Sérieusement, avec tout le passif que les networks américains ont en la matière, au cours de ces dernières saisons, il y en a encore une pour se lancer dans du mystéro-conspirationnisme clinquant ? Et, en plus, elle s'imagine que je serais prête à m'investir, sachant qu'au mieux, cela accouchera d'une souris, au pire, ce sera exécuté sur l'autel de l'audience avant même d'avoir eu le temps de nous mettre de la poudre aux yeux ? Non merci, je passe mon tour. Du judiciaire ? L'excessivement pompeux Outlaw m'a juste donné temps de sentir mon coeur se serrer en me souvenant de Jimmy Smits dans La loi de Los Angeles, et j'ai bien vite oublié. The Defenders ? Je ne guérirais jamais de mon crush d'adolescence pour Jerry O'Connell, certes, mais je ne peux regarder une série sur ce seul argument (même si je veux bien reconnaître au pilote un certain potentiel). Le policier serait-il plus convaincant ? Michael Imperioli n'a pas réussi à ce jour à me motiver pour tester Detroit 1-8-7. En revanche, les cinq dernières minutes du pilote de Blue Bloods m'auraient presque convaincue de laisser une chance à l'épisode suivant. Presque. Parce que l'arrière-goût de déjà-vu lancinant qui l'a accompagnée tout le long de ses quarante minutes a été trop lourd à digérer pour que j'ose y remettre les pieds. Je me soupçonne d'avoir développé une certaine allergie au genre policier qui se soignera en prenant un peu de distance. Et un classique spy game, genre que j'apprécie tellement ? Par charité, je vais tâcher d'oublier que Undercovers a jamais été créé. Et du côté des comédies, me direz-vous ? Comme vous le savez, je ne regarde pas de comédie. Ou du moins, j'entretiens une relation compliquée avec elles. Dans mon cahier des charges, j'en suis encore à essayer de me motiver pour lancer la première saison de Community ou de Modern family, alors pour ce qui est des toutes dernières comédies... On a bien le temps. Enfin, un peu à part, My Generation était annulée avant que je puisse trouver le temps de m'y mettre.

Le bilan comptable de ce mois de septembre aux Etats-Unis est donc à +1 série dans mes programmes (Boardwalk Empire). Une rentrée nulle qui, j'espère, se corrigera avec le temps et les échos d'autres téléphages. L'an dernier, j'avais bien raté le démarrage (corrigé depuis) de The Good Wife.

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Un divorce consommé avec les grands networks US...

Si mes grilles américaines sont à ce point sinistrées, comment puis-je me déclarer satisfaite de ma rentrée téléphagique ? Ceci s'explique sans doute par ce fameux processus dont je vous parle depuis des mois et qui s'est probablement parachevé en septembre : désormais, les Etats-Unis occupent un peu le rôle du pays du fond de la classe téléphagique, que l'on va chercher en guise d'appoint, pour compléter les trous. Pensez que ma consommation de séries américaines est tombée en dessous de ma consommation de séries... japonaises ! Qui l'eut cru... Certainement pas moi lorsque j'ai commencé ce blog il y a presque un an.

De manière assez paradoxale, ce qui m'a le plus dérangée, voire énervée, en cette rentrée 2010, ce fut de suivre la destinée des séries liée aux chiffres d'audience tombant tel un couperêt le lendemain de leur diffusion. J'ai découvert que je n'avais plus envie de m'investir dans des fictions ayant une épée de Damoclès au-dessus de la tête, pouvant ainsi disparaître au bout de 2 épisodes. Me lancer dans telle ou telle série des grands networks US revenait à me donner la désagréable impression de jouer à la roulette russe... Vous allez m'objecter à juste titre que ce fonctionnement a toujours existé. Sauf qu'à présent, j'ai goûté à un autre traitement du téléspectateur sous d'autres latitudes. A qualité égale, pour suivre "en direct du pays original de diffusion" une série, je choisirais toujours celle dont je sais que sa saison - ou la série en elle-même - ira jusqu'à son terme. Pas de déprogrammation intempestive. Pas d'angoisse inutile à attendre les derniers chiffres tomber. Un contrat clair pré-établi, avec un minimum de certitudes : voilà ce dont j'ai besoin pour être prête à m'investir. Et si les séries des grands networks n'étaient désormais visionnables qu'en rattrapage a posteriori sur support DVD ?

Entre leurs saisons interminables, devenues trop longues à mon goût, et leur démarrage au futur trop incertain, auquel s'ajoute la faible qualité globale, il semble que le divorce soit donc consommé entre les grands networks US et moi. Cependant, je crois en la vertu des cycles téléphagiques. Même s'il est hors de question que, sous un prétexte de "culture sériephile" (parce que, oui, ma conscience râle et me titille un peu quand même), je me force à regarder (j'aurais trop peur de m'écoeurer), je continue donc de suivre normalement l'actualité, lire les opinions des uns et des autres... A mon avis, ce dont j'ai surtout besoin, c'est d'une bonne dés-overdose. Un vrai sevrage. Prendre un peu de recul pour ne plus avoir la désagréable impression de voir défiler le cahier des charges de la chaîne quand je regarde telle ou telle série des grands networks. Le charme et la magie opèreront à nouveau dans deux ou trois ans. Qui sait, d'ici là, peut-être que les scénaristes auront retrouvé une créativité.

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Mais un horizon téléphagique au beau fixe...

Si mon horizon téléphagique me paraît pourtant dégagé, c'est que dans les trois pays dont je suis également les productions et qui précédent désormais les Etats-Unis, en revanche, tout est beau fixe.

Tout d'abord, il y a les sirènes anglaises qui n'ont jamais aussi bien fonctionné. En nouveauté, Downton Abbey m'éblouit et me ravit, son seul défaut étant le sentiment de frustration qu'elle me laisse à la fin de ses trop brefs épisodes. Whites a un certain charme, me sert de caution humoristique ("oui, je suis une comédie actuellement"), et remplit un peu la case que Rev. occupa cet été dans mes programmes. Par ailleurs, les mini-séries se succèdent. Bouquet of Barbed Wire a joué efficacement sur un sentiment diffus de fascination/répulsion, sa brève durée lui permettant de maintenir jusqu'au bout cette ambivalence. Et pour ce qui est du programme à venir, il est alléchant : ce soir débutent Single Father sur BBC1 et Thorne sur Sky One... Et demain, c'est le retour attendu de Whitechapel sur ITV1 ! Bref, aucune disette à craindre en ce qui concerne l'Angleterre, puisque parallèlement, des valeurs sûres démarrent doucement. Je suis donc une téléphage anglophile heureuse !

De plus, ces dernières semaines ont été une période propice aux passages de relais en Corée du Sud. Il y a des nouveautés que j'attendais et dont les débuts sont un peu hésitants ou mitigés : Fugitive : Plan B est entre deux eaux, à la croisée des genres, mais je vais quand même poursuivre un peu pour en surveiller l'évolution, le cliffhanger et trailer de fin du pilote ayant éveillé mon intérêt. De manière plus marquante, il y a aussi les imprévus qui font plaisir : et si Doctor Champ était une des agréables surprises de cet automne ? Il faut dire que ce drama m'a prise un peu au dépourvu à me faire passer un moment si sympathique devant ma télévision, alors que je regardais son pilote plus par acquis de conscience. A défaut de faire dans l'originalité, il propose un mélange entre accomplissement personnel/professionnel, amour et sport, chargé de vitalité, qui s'avère rafraîchissant. Il y a du potentiel pour y bâtir de belles relations compliquées mais attendrissantes, pour obtenir un drama agréable à suivre. Ajoutons à cela que mercredi dernier a débuté un drama que j'attends avec beaucoup de curiosité, Daemul, car il se propose de nous conduire à la Maison Bleue - et vous connaissez mon attrait pour tout ce qui touche de près ou de loin à la politique. Et puis, God's Quiz a débuté ce vendredi soir sur OCN ; et chaque semaine à suivre comprendra sa petite nouveauté qui viendra essayer de se faire une place dans mes programmes. En somme, tout va également bien en Corée du Sud !

Enfin, ce mois d'octobre est celui du début du quatrième trimestre téléphagique japonais. De nombreuses nouveautés à l'horizon... A la différence du monde anglophone, évidemment, tout dépendra des sous-titres disponibles. Mais j'ai déjà quelques projets que j'espère avoir l'occasion de tester (Face Maker). Et puis, vous connaissez ma manie de cultiver un certain décalage avec le Japon. C'est ainsi que j'ai savouré Atami no Sousakan en septembre, et que j'entreprends toujours des découvertes dans les dramas de l'été (Mioka), ou suis en attente de sous-titres (Gold). De plus, comme je demeure une novice en la matière, j'essaye de me construire peu à peu une culture téléphagique dorama-esque, en regardant des séries un peu plus "anciennes". C'est ainsi qu'actuellement sont en cours de visionnage Karei Naru Ichizoku, Ashita no kita Yosho et Chase. Bref, le Japon ne s'est jamais aussi bien porté.

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Et voilà comment on se constitue des grilles de programmes sur-chargées et de qualité... en regardant de manière hebdomadaire seulement 2 ou 3 séries américaines (Rubicon me fait plaisir) ! Est-ce que ce désamour, qui reflète désormais une tendance de fond récurrente, remet en question l'essence même de ma téléphagie ? Honnêtement, je me suis un instant posée la question, cette semaine, après qu'une connaissance, à qui je tentais un peu naïvement d'exposer ma vision actuelle des séries, me l'affirme comme un reproche. Pourtant, ce n'est pas un avis que je partage. Certes, peut-être que le centre de ma sphère culturelle dérive un peu des tendances les plus communément rencontrées dans la communauté sériephile. Mais je ne pense pas renier mon sacerdoce de téléphage en faisant les choix que je fais.

En résumé, ce début d'automne est une période téléphagique riche et très agréable à suivre. La sériephile qui est en moi se déclare donc satisfaite : aucune crise à l'horizon, c'est bien ça le plus important !


Et vous, bonne rentrée (où qu'elle ait eu lieu) ou bilan un peu plus mitigé ?

06/09/2010

(Téléphagie) Les séries et la musique : le savoir-faire sud-coréen (part. 2)


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Choisir des pistes musicales plaisantes, c'est une chose. Parvenir à les utiliser à propos, c'en est une autre. Or, à mes yeux, s'il est un pays qui manie à merveille cet art d'allier séries et musique, c'est la Corée du Sud. En fait, il existe généralement une forme d'osmose entre ces deux aspects qui engendre une réciprocité généralement bien maîtrisée, leur permettant de se mettre mutuellement en valeur. Le téléspectateur finit par associer et mêler les échos positifs de part et d'autre. C'est bien simple, depuis le début de l'année 2010, j'ai dû avoir autant de coups de coeur pour des OST de k-dramas qu'en une décennie entière de téléphagie occidentale. (J'avoue qu'il m'est même arrivée d'aimer la musique, sans apprécier le drama ; le dernier exemple que j'ai en tête est Road Number One.)

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Un filon d'exploitation florissant

Ne cachons pas la dimension marketing liée à cette production : l'industrie sud-coréenne de l'entertainement maîtrise parfaitement toutes les ficelles. Pour bien comprendre les enjeux, il suffit de jeter un oeil sur les divers classements des singles les plus vendus/téléchargés sur les plate-formes légales chaque semaine. Par exemple, prenons la dernière synthèse des 5 grands sites de musiques du pays (Melon, Bugs, Mnet, Soribada, Dosirak)
qu'assure KPopNet4 de façon hebdomadaire, proposée pour la dernière semaine du mois d'août au pays du Matin Calme.

Dans le top 30 des singles, on retrouve rien moins que 7 singles issus d'OST de dramas. Le savoir-faire marketing est encore plus flagrant lorsque l'on analyse de près ces sorties, puisque ces 7 morceaux couvrent en réalité "seulement" 3 séries différentes. Tout d'abord, il y a les singles tirés du grand succès d'audience actuel en Corée du Sud, Baker King, encore représenté dans ce top 30 par 2 singles (alors même qu'ils sont présents depuis quelques temps déjà, une longévité à souligner). A ses côtés, le drama actuellement à son apogée musicale est incontestablement My Girlfriend is a Gumiho, lancé le 11 août dernier sur SBS, dont on retrouve rien mois que les 4 singles différents de l'OST dans le top 30. Les dates de sorties de ces derniers sont d'ailleurs significatives : les chansons ont été disponibles, respectivement, les 4 août, 11 août, 20 août et 25 août pour la dernière... Parlez-moi d'une campagne parfaitement orchestrée ! Mieux encore, le morceau d'OST le plus haut dans le classement (n°4) est rien moins qu'une entrée, pour le moins fracassante, relevant d'un drama dont la diffusion est prévue... pour le mois de novembre prochain. Il s'agit en effet du premier extrait de l'OST d'Athena : Goddess of War (le spin-off d'IRIS) dont SBS a lancé la campagne de promotion fin d'août.

Ces exemples illustrent parfaitement la réciprocité installée entre ces deux volets de l'entertainement sud-coréen et cette forme de complémentarité, mais aussi de dépendance qui existe, chacun pouvant être instrumentalisé pour promouvoir l'autre. Dans le cadre de My Girlfriend is a Gumiho, la série sert de tremplin de promotion pour les chansons (l'acteur principal est d'ailleurs l'interprète de la chanson du premier single - ainsi, la boucle est bouclée) ; dans le cadre d'Athena, c'est la chanson qui sert de mise en bouche.

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La composition des OST : une recette bien huilée

Si les soundtracks des dramas font recette et que tout le monde y trouve finalement son compte dans la distribution qui s'opére, c'est aussi parce qu'elles n'ont généralement pas leur pareil pour séduire le public.

 A quoi ressemble l'OST "type" d'un drama ?

Une OST se compose généralement d'une partie de chansons et d'une partie de simples instrumentaux. Il est fréquent d'ailleurs de rencontrer dans l'OST plusieurs versions, instrumentale et chantée, du même morceau. Parmi les chansons, on trouve quelques reprises (l'import de "classiques" étrangers n'est pas rare, avec une certaine tendance anglo-saxonne), mais aussi des inédits conçus spécialement pour la série. La plupart des musiques d'une OST auront chacune un interprète différent, ce qui va donc multiplier les influences et les interventions sur une même soundtrack. On y croise généralement au moins un acteur (ou une actrice) de la série. Les carrières acteur/chanteur ne sont pas cloisonnées en Corée du Sud ; et même si ladite personne n'a jamais envisagé son futur dans la chanson, elle saura généralement pousser la chansonnette sans trop de difficulté. Par ailleurs, participent également des chanteurs et/ou groupes extérieurs, sans aucun lien avec le drama ; ils peuvent être déjà connus, prêtant ainsi une part de leur notoriété à la série, ou bien, moins présent sur la scène médiatique, ils vont se servir de la série comme tremplin personnel. Il y a une forme de donnant-donnant constat entre les deux sphères de l'industrie du divertissement.

 Quant aux chansons, la diversité de leurs styles ne doit pas cacher qu'à quelques variantes près, leur contenu reste fidèle à un grand classique : la thématique de l'amour impossible/la rupture/l'adieu demeure la grande source d'inspiration première de la plupart d'entre elles. Pour peu qu'on se penche un peu sur  les paroles, ces dernières sont généralement assez édifiantes. L'amour est au fond un thème qui transcende tous les genres et les styles de dramas. Cependant, il faut bien insister sur le fait que tous les genres musicaux sont représentés et explorés, de façon à s'adapter au mieux à la tonalité de la série. On y trouve ainsi beaucoup de balades mélancoliques appréciées dans le cadre des sempiternels mélodramas, mais aussi des morceaux très dynamiques, plus orientés variétés, destinés à mettre en valeur l'atmosphère légère des comédies. Il y aura également des chansons aux accents franchement épiques pour accompagner les séries historiques.

En règle générale, le morceau musical s'appréciera pleinement si l'on a vu le drama ; et ce, même si certaines chansons peuvent s'imposer de manière indépendante. Reste que l'association d'une mélodie au souvenir d'un moment téléphagique agréable demeure le plus sûr moyen de diffusion de ces OST, mais aussi une façon d'assurer leur pérennité. L'assimilation du morceau par le téléspectateur est de plus facilitée par sa récurrence au cours des épisodes : la simple répétition de l'écoute familiarisera toute oreille récalcitrante qui n'aura pas eu un coup de foudre instantané.

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Aperçu de soundtracks : éclectisme et multiplicité

Examinons maintenant quels morceaux ont pu marquer mon parcours téléphagique au pays du Matin Calme.

L'instrument de prédilection des OST de kdramas est le piano. Rien de tel que son utilisation pour proposer des thèmes profondément touchants et mélancoliques, qui vous donneraient presque instantanément envie de fondre en larmes lorsque les premières notes retentissent. L'OST de Bicheonmu est à mes yeux une des plus abouties sur ce point (pas seulement parce que cette série est celle qui m'a sans doute tiré le plus de larmes). Comment ne pas frissonner et rester insensible devant la beauté mélancolique de cette superbe composition ? 

(Nocturne, par Park Ji Yoon)
OST du drama Bicheonmu

Autre exemple de piano doux déchirant : A song of sorrow, par Kim Bum Soo, issue du drama Damo. Cette approche chargée d'une extrême douceur n'est pas le seul registre musical permettant d'éclairer et de faire vibrer la fibre tragique d'un drama. Les sud-coréens maîtrisent toutes les nuances de ce genre, pouvant également proposer des chansons qui déboucheront sur un résultat tout aussi poignant, mais où le fond musical sera plus riche en instruments de musique diversifiés et où le rythme sera un peu plus tranchant. Toujours dans Damo, nous y trouvons le parfait exemple illustrant ces subtiles variations dans l'émotionnel :

(A song of devotion, par Page)
OST du drama Damo


Si le piano demeure un instrument apprécié, il faut préciser que son utilisation ne renvoie pas automatiquement à des morceaux mélancoliques ou tristes. En effet, couramment employé pour souligner et servir toutes sortes de tonalités, il peut également, par exemple, constituer le support de chansons entraînantes à souhait, en offrant en guise de refrain mélodieux, une petite ritournelle agréable à l'oreille :

(Blood tears, par Lisa)
OST du drama Gumiho : The Tale of the Fox's Child

 
Au-delà de ces questions instrumentales, plus généralement, il est facile d'affirmer que la Corée du Sud est le pays des ballades. On y croise toutes les variantes du genre, déclinées avec toutes les nuances possibles et imaginables. Il est rare qu'une OST de kdrama n'en contienne pas au moins une. Il est fréquent d'en croiser plusieurs. Pour les interpréter, les possibilités ne manquent pas. On n'hésite pas à mettre à contribution les acteurs de la série, mais on est aussi prêt à se tourner vers d'autres chanteurs, plus ou moins confirmés, ou à faire appel aux multiples groupes et autres boys bands qui sévissent dans l'entertainment coréen.
Exemple du degré d'imbrication entre l'industrie de la musique et celle de la télévision, dernièrement, Baker King a ainsi pu confier la conception d'une de ses chansons phares à Lee Sung Chul, un des chanteurs coréens les plus productifs en terme de ballades.

Dans ce style musical, l'approche la plus épurée - et peut-être une des plus agréable - demeure une valeur sûre : la ballade intimiste, où la sobriété est maître mot et où le fond musical se contente d'accompagner tout en douceur, une voix simple qui ne force pas. I am Legend a proposé, dans ce registre, une belle version mélancolique le mois dernier, avec une chanson interprétée par Kim Jung Eun. Mais une des premières à m'avoir marqué dans ce style est issue du drama On Air. On pourra remarquer que, sans doute à dessein, dans chacun de ces exemples, le morceau est interprété par l'actrice principale de la série : un choix pas si innocent et plutôt judicieux.


(Shadow, par Song Yoon Ah)

OST du drama On Air


Si l'identité musicale du drama se forge naturellement dans le cadre d'une ballade personnelle comme citée ci-dessus, c'est un peu moins vrai pour les ballades plus classiques. Elles ne
s'apprécieront sans doute vraiment que si l'on a visionné la série - car certaines donnent parfois le sentiment d'être un peu interchangeables -, associant ainsi des souvenirs à cette mélodie. Cependant, on croise aussi dans ce genre quelques petites perles assez marquantes qui vont sortir du lot. Parmi mes préférés, figure une belle ballade langoureuse à souhait, qui vint rythmer un drama un peu plus ancien, All in :

(Just like the first day, par Park Yong Ha)
OST du drama All in


Comme je l'ai dit, les kdramas ne se contentent pas d'exploiter les doubles compétences de leurs acteurs, ils recourent également à des artistes populaires, déjà installés. S'opèrera alors la jonction entre deux sphères a priori réellement indépendantes, l'industrie musicale et l'industrie télévisée. Cette collaboration permet de mêler le style musical de l'artiste sollicité avec la tonalité particulière du drama à mettre en valeur. Pour une comédie romantique assez légère et explosive, comme Coffee House, cela donnera un morceau de kpop entraînant et dynamique à souhait, penchant vers la variété :



(Page One, par SG Wannabe & Ock Ju Hyun)
OST du drama Coffee House


Toujours dans ce cadre, certaines des plus belles OST de kdramas sont nées de cette collaboration : le recours à ces chanteurs peut en effet aussi déboucher sur de superbes ballades musicalement abouties et qui sauront vous transporter. Un drama comme The Legend, qui propose dans son ensemble une des plus belles OST qu'il m'ait été donné d'écouter (ecléctique, particulièrement riche et très réussie), exploitera ainsi à merveille cette voie, avec une chanson où pointe une dose de merveilleux, teinté d'épique, qui sied parfaitement à cette série :


(Love song for a thousand years, par TVXQ (DBSQ))

OST du drama The Legend


Par ailleurs, on ne soulignera jamais assez à quel point tous les genres musicaux sont représentés. Certains dramas contiendront des petits morceaux très légers, tel Go Go Chan, dans Coffee Prince. D'autres morceaux investiront des styles un peu moins présents à l'écran, tel du r'n'b, dans City Hall :

(I'll believe in myself, par Jung In ft. Bizzy)
OST du drama City Hall


Les OST s'adaptent donc à la tonalité des séries, mais elles vont également se positionner par rapport aux époques relatées. Il y aura alors deux approches possibles : soit la musique va s'inscrire dans le prolongement de la période mise en scène, permettant ainsi d'accentuer le dépaysement, soit il y aura une rupture volontaire qui sera orchestrée, de façon à distiller une certaine ambivalence dans l'atmosphère de la série.

Pour ce qui est de la première hypothèse, un des meilleures illustrations se trouve dans l'OST de Capital Scandal. En écho au contexte des années 30, pour un drama se déroulant durant l'occupation japonaise, elle nous plonge dans un morceau swinguant à souhait :

(Kyung Sung Scandal, par Eru)
OST du drama Capital Scandal


Dans le registre des sageuk - les kdramas historiques -, on retrouve les deux grandes écoles au sein des productions. Soit il va s'agir d'exalter cette fibre épique contenue dans le drama, à la manière par exemple, de Jumong. Ou bien, certaines OST vont prendre le téléspectateur à contre-pied en optant pour des styles musicaux où pointe un flagrant anachronisme qui peut quelque peu déstabiliser dans un premier temps : parmi cette seconde tendance, on peut citer Damo et ses morceaux de krock endiablés, ou, plus récemment, Chuno (Slave Hunters).

Relevant de la première voie, voici un exemple d'envolée épique :

(Sesang-i nareul ora hane, par Insooni)
OST du drama Jumong

Relevant de la seconde voie, certains k-dramas vous prouveront avec beaucoup d'aplomb qu'une introduction type "chants grégoriens" qui enchaîne sur du rock endiablé en plein XVIIe siècle, et bien si, c'est possible...

(Change, par Gloomy 30's)
OST du drama Chuno (Slave Hunters)

De la même manière, toujours dans ce décalage anachronique, du rock électrique :

(Fate, par Kim Sang Min)
OST du drama Damo


Enfin, les dramas eux-mêmes parachèvent parfois la confusion des deux sphères musique et série, en intégrant l'univers musical directement dans les storyline. La série mettra alors en scène un chanteur ou bien un groupe fictif. Gloria, You're Beautiful, ou encore dernièrement I am Legend, rentrent tous dans cette catégorie. Et, une fois encore, cela ouvre un horizon particulièrement éclectique : il y en a pour tous les publics, et pour tous les goûts.

I am Legend propose des morceaux plutôt dynamiques, de la pop tendant vers  le rock, à l'image d'un de mes récents coups de coeur :

(Millions roses, par Come back Madonna)
OST du drama I am Legend


En mode Idols (boys bans), A.N.Jell aura été un groupe "fictif" particulièrement marquant et rentable, surfant sur le buzz et le "phènomène" You're Beautiful en fin d'année 2009 :

(I will promise you, par A.N.Jell)
OST du drama You're Beautiful

 

Pour conclure, en guise de dernière illustration de cette extraordinaire diversité des OST de k-drama, voici mon dernier gros coup de coeur du moment, issu de la soundtrack de My Girlfriend is a Gumiho, un morceau étrangement féérique d'où s'échappe comme une pointe de magie :

(Fox Rain (Sun Shower), par Lee Sun Hee)
OST du drama My Girlfriend is a Gumiho



En conclusion, j'ai envie d'insister sur le fait que la Corée du Sud n'est pas seulement un des pays qui propose les OST originales les plus abouties, avec des morceaux qui constituent et apportent une réelle valeur ajoutée à ses séries, soutenant ainsi leur contenu. Elle est aussi un des plus pragmatiques, faisant partie de ceux qui ont le mieux perçu tous les avantages à imbriquer ces deux volets, poussant la réciprocité entre musiques et séries à son maximum. Là où les Etats-Unis balbutient un Glee plus ou moins digeste, la Corée du Sud fait preuve d'une maîtrise globalement bien supérieure dans ce domaine.

Toutes les OST ne sont pas aussi marquantes que celles que j'ai pu évoquer ici, mais, dans l'ensemble, j'espère que cet article aura pu vous présenter un aperçu synthétique de la richesse de l'univers musical des kdramas, expliquant pourquoi il est à mes yeux le plus soigné parmi les nationalités dont le petit écran m'est familier.


Et vous, comment percevez-vous et ressentez-vous cet univers téléphagique musical du pays du Matin Calme ? Vous avez déjà poussé l'écoute des OST hors visionnage de la série ? Quelles sont les k-dramas qui ont pu vous marquer dans cette perspective ?

 

En complément, je vous conseille d'aller lire l'article d'Eclair sur Les OST de séries et de films coréens, ce dernier dispose en effet sans doute d'une vision d'ensemble plus complète, en raison d'un meilleur recul et d'une plus grande expérience sur tout ce qui touche à la Corée.

05/09/2010

(Téléphagie) Les séries et la musique : l'univers musical des séries (occidentales) (Part. 1)

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Ayant toujours souffert d'un déficit chronique en terme de culture musicale et écoutant peu la radio, les séries ont souvent été pour moi un vecteur majeur de découvertes. Combien d'artistes devenus mes coups de coeur de la semaine, au détour d'une scène de telle ou telle fiction ? Pourtant, corrigeons quelques idées reçues. Contrairement à ce que croit Shonda Rhimes, les séries ne sont pas juste un moyen d'essayer de remplir l'ipod du téléspectateur, en lui offrant une rafale de titres pop interchangeables dans chaque épisode, au point d'en frôler l'indigestion. La musique n'a pas plus pour finalité d'assurer des transitions semblables à des clips bas de gamme et clinquants entre les scènes d'un épisode. Elle n'a pas non plus vocation à masquer et couvrir la faiblesse des dialogues ou à rectifier des scènes mal écrites.

Non, le pendant musical des séries se situe dans un registre bien plus vaste, et surtout bien plus ambitieux, où la téléphagie se décline véritablement dans un univers dérivé qui reste profondément lié à elle. Une bande-son réussie, ce sera celle qui parviendra à ne faire qu'une avec la production qu'elle est sensée accompagner (et juste "accompagner"). Ce sera celle qui saura mettre en valeur, se confondre et fusionner avec son contenu, apportant une valeur ajoutée, avant même de pouvoir être envisagée de manière indépendante. 

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La première forme d'exploitation musicale des séries passe par le biais des compositions originales, avec des morceaux spécialement conçus pour capter et retranscrire l'ambiance propre à la fiction qu'ils vont mettre en valeur. Pour se faire, la réalisation de la bande-son va être confiée à un compositeur, lequel proposera des morceaux instrumentaux (mais pas seulement) qui construiront l'identité musicale de la série. Parmi les valeurs sûres de cette industrie, quelques noms se détachent du lot. Ces dernières années, parmi les incontournables, on peut citer Bear McCreary (Battlestar Galactica, Terminator : The Sarah Connor Chronicles) ou encore Michael Giacchino (ma profonde allergie à toutes les productions de J. J. Abrams me faisant malheureusement rater pas mal de ces créations), en ce qui concerne les Etats-Unis. Toujours outre-Atlantique, il faut aussi compter avec des "classiques" valeurs sûres, comme W. G. Snuffy Walden (dernièrement dans Friday Night Lights). En Angleterre, le grand compositeur qui régale actuellement nos oreilles de téléphages, par le biais de la série Doctor Who, est Murray Gold. Ses musiques somptueuses marquent plus d'un épisode, finissant même parfois par symboliser certaines scènes ou des personnages.

En ce qui me concerne, Murray Gold et Bear McCreary occupent une place à part, autant pour leurs créations musicales que pour les séries auxquelles elles demeurent associées. Cependant, une des plus belles compositions originales jamais produites reste, pour moi, celle qui accompagna Earth Final Conflict (Invasion Planète Terre). Un bijou d'une beauté inégalée, qui reste une des premières OST de compositions originales dans laquelle j'ai investie.

Track 1, OST Earth Final Conflict
Composition : Micky Erbe et Maribeth Solomon


Si je loue le travail de Murray Gold dans la série Doctor Who, je savoure avec une certaine fascination les représentations live de ces morceaux, qui sont à la hauteur de l'oeuvre créée et dont les concerts font prendre une dimension encore supplémentaire à cette musique. 

Doctor Who, series 3 : This is Gallifrey, Our Home

Enfin, toujours dans les compositions originales, il m'était impossible de ne pas proposer un extrait de l'OST de Battlestar Galactica.

A distance sadness, Battlestar Galactica OST (season 3)


Outre les compositions originales, l'autre grande voie d'exploration musicale est le recours direct à des chansons d'artistes plus ou moins confirmés, qu'il s'agisse de grands classiques déjà populaires (il existe un catalogue d'indémodables : quelqu'un pour se dévouer à recenser le nombre de fois où Hallelujah de Jeff Buckley a retenti dans votre petit écran ?) ou de nouveautés plus underground pour lesquelles la série pourra servir de tremplin. Si intégrer ce type de musiques dans les épisodes est souvent un réflexe et semble s'imposer comme une évidence autant qu'une nécessité, il s'agit d'un outil à manier avec précaution et retenue. Combien de productions noyées sous une bande-son omniprésente, dans laquelle la faiblesse de son contenu achève de se diluer dès les premières notes d'un épisode transformé en long clip de 40 minutes ? Il faut garder à l'esprit qu'on n'en fait jamais trop peu, mais il est très facile de tomber dans l'excès opposé.

Un premier type d'utilisation de chansons, dans ce cadre, va être celui qui permet de souligner un passage particulier d'un épisode. La musique sera alors le moyen d'atteindre un degré d'intensité émotionel supplémentaire, marquant de façon encore plus profonde le ressenti d'un téléspectateur qui se laisse transporter par la force de la scène. Combien de moments téléphagiques à jamais associer à la musique qui retentit derrière ? Ainsi, les premières notes d'Only Time, par Enya, semblent destinées à toujours me transporter dans ce souvenir poignant et lacrymal que constitua la mort de Bobby, dans New York 911 (Third Watch). 

Autre mort ayant été magnifiée par l'utilisation d'une musique en arrière-plan, celle de Mark Green, dans Urgences, dont le visionnage provoque toujours chez moi un pincement de coeur :

Somewhere over the rainbow, par Israel Kamakawiwo'ole.
Urgences, 8.21


Autre façon de marquer musicalement et téléphagiquement les esprits, ce sera par le biais d'une conclusion musicale réussie. C'est-à-dire lorsque la chanson, dans ses propos comme dans son style, parvient ne faire qu'un, avec cette dernière scène pour véritablement la sublimer. Dans cette optique, une des utilisations les plus inspirées de ces dernières années se trouve à la fin de la mini-série Generation Kill. Cette fiction avait fait le choix narratif, pour coller à l'interdiction de lecteurs mp3 au sein des marines, de ne pas inclure d'éléments musicaux au cours de la série. Seule exception, retentissant de façon encore plus tranchante, la scène finale qui se clôture sur l'air de The Man comes around, de Johnny Cash, tandis que les soldats visionnent le montage amateur d'un film sur leur campagne militaire réalisé par l'un d'entre eux. Rarement choix musical aura sonné aussi juste.

The Man comes around, par Johnny Cash
Generation Kill finale

L'autre exemple de final musical qui me vient à l'esprit est un grand classique : celui de Six Feet Under, dont les scènes de vie future (et de morts) qui défilent le long de la route empruntée par Claire atteignent un niveau supplémentaire grâce au fond musical qui les accompagne. Quand musique et série ne font qu'un.

Breath me, par Sia
Six Feet Under
finale


Les séries peuvent donc intégrer dans leur bande-son des chansons en guise d'accompagnement, mais elles peuvent également franchir l'ultime barrière et se décider à faire directement chanter ses personnages. Cela peut prendre la forme d'un évènement exceptionnel, en bousculant la narration traditionnelle et en faisant adopter le format d'une comédie musicale lors d'un épisode spécial, tel qu'avait pu le faire Buffy par exemple. Ou bien, les scénaristes peuvent aussi décider d'une rupture au sein même du récit d'un épisode classique, qui comportera une chanson à forte portée symbolique. Ce fut le cas plus récemment dans un épisode de Terminator : The Sarah Connor Chronicles, où deux personnages reprennent une vieille ritournelle écossaise, tandis que parallèlement, d'importants évènements se déroulent pour les protagonistes principaux. Cette scène est une belle illustration d'une initiative décalée originale et réussie.

Donald, where's your trousers ?
Terminator : The Sarah Connor Chronicles, 2.21


Toujours dans l'optique de faire chanter ses personnages - sans aller jusqu'à embrasser complètement le modèle comédie musicale à la manière de Glee l'an passé -, l'attirance vers les shows musicaux de David E. Kelley n'a jamais été un secret téléphagique bien gardé. La série qui lui a permis de pleinement mettre en scène ces élans musicaux est Ally McBeal, où la loufoquerie générale de l'univers créé (avec la contamination générale des téléspectateurs par les rythmes de Barry White) et le bar qui offrait un lieu de réunion propice aux performances musicales publiques ont grandement contribué à enrichir les soundtracks de ce legal drama qui s'est amusé de bien des conventions.

Qui se souvient encore de la chorégraphie ?

You're the first, the last, my everything, par Barry White
Ally McBeal

Ally McBeal nous a en plus offert quelques duos inédits, ayant une classe folle (et voilà d'où vient mon amour pour Robert Downey Jr.) :

Robert Downey Jr & Sting, Every breath you take (Ally McBeal)

 

Tous ces exemples n'ont rien d'exhaustif et sont très subjectifs, mais voilà brièvement présentée la manière dont j'aborderai le volet musical des séries si j'avais à faire cet exposé. Je retiendrais tout particulièrement la diversité des façons par le biais desquelles les séries peuvent se décliner dans un univers musical qui leur est propre. L'important reste de ne jamais rompre ce lien devant se créer entre la série et sa bande-son, qu'il s'agisse de compositions originales ou de chansons d'artistes confirmés. Le choix des genres musicaux, comme des thématiques mêmes des chansons, est particulièrement important.

On oublie encore trop souvent que construire et façonner une identité musicale pour une série, ce n'est pas seulement superposer une chanson sympathique aux images vidéos qui défilent... Mais, au milieu des ratés a-créatifs toujours trop présents chaque saison et que l'on oubliera sitôt l'épisode fini d'être visionné, il existe également de petites perles musicales et des associations séries/musiques qui vont contribuer à marquer grandement l'histoire téléphagique de chacun d'entre nous. Ce billet a été conçu comme un hommage à ces instants magiques où ces deux sphères culturelles se rejoignent pour ne faire plus qu'une.

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Et vous, comment vivez-vous le volet musical des séries ? Est-ce pour vous un aspect important, ou plutôt anecdotique ? Quels sont les passages où cette alliance musique+série a pu marquer votre passion ?


[Ce billet était consacré uniquement aux séries occidentales, et plus précisément américaines, avec une pointe d'anglicisme. La seconde partie de cet article sur "Les séries et la musique" arrivera dans les jours qui viennent et portera sur un pays où la maîtrise de l'univers musical de ses productions télévisées est sans doute la plus aboutie : la Corée du Sud. Elle méritait pour cela un article à part.]

30/08/2010

(Téléphagie) Des séries, des livres : le téléphage est-il un lecteur ?


Ce qui définit et fait le téléphage, c'est en grande partie sa curiosité. Une soif de découverte des recoins du petit écran, mais pas seulement. Car la téléphagie s'épanouit certes dans le cadre de la télévision, mais il serait très réducteur d'y limiter l'univers du sériephile. Il existe en réalité toute une sphère culturelle, bien plus vaste que ce que l'on pourrait imaginer a priori, qui orbite autour de la thématique des séries. Et je ne vous parle pas des objets collector et autres effigies, mais bien des productions culturelles initiées, ou simplement liées, par les séries. 

Armé de ses préjugés, un observateur extérieur aura souvent tendance à dépeindre le téléphage comme celui qui, rivé à sa télécommande, saura appuyer sur le bouton "on" de sa télévision. Quelle caricature on ne peut plus erronnée. Si les passerelles culturelles plus indirectes sont moins mises en lumière en dehors du cercle des passionés, elles existent pourtant bel et bien, et occupent une place importante dans la vie du sériephile.

C'est bien sûr un point de vue très personnel, mais, pour moi, la téléphagie a toujours consisté à embrasser pleinement l'ensemble de ce qui peut graviter autour de sa passion. Cela dépasse largement le seul cadre du petit écran, ouvrant par ce biais des horizons musicaux et littéraires inexplorés et entièrement nouveaux. Je reviendrai sur l'aspect musical ultérieurement, mais aujourd'hui, je vais donc vous parler livres.

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En fait, jeudi dernier, dans une boutique de mangas, comme je parcourais du regard les rayonnages, fascinée d'y découvrir nombre de titres connus, découverts par des adaptations animées ou live, un nom m'a accroché plus que les autres : Jin. J'avoue que je suis très loin d'avoir pris le réflexe de vérifier si les mangas d'origine, dont les doramas que je visionne sont les adaptations, existent en France ;  sans doute en partie parce que je lis peu de mangas. Reste que tomber sur Jin a éveillé cette curiosité téléphagique, cette petite voix qui se demande : et alors, comment était l'original ? Après quelques tergiversations, je suis ressortie de la boutique avec les deux premiers tomes. Ce qui tombait plutôt bien puisque depuis que j'avais acheté les deux premiers volumes de The Walking Dead deux jours auparavant, le charmant vendeur m'avait délivré une carte de fidélité qui ne demandait qu'à se remplir.

Cette anecdote pour introduire un autre pan de la sériephilie : son versant littéraire. Il faut savoir qu'a priori, mon rapport aux livres, de manière générale, se situe quelque part dans l'ordre de l'achat compulsif, le tout agrémenté d'heures passées à explorer les recoins mal éclairés des bouquineries du centre-ville. Parmi les multiples tours de Pise littéraires qui jalonnent le par-terre de mon appartement, figure une pile que l'on pourrait libellér "séries". Je laisse volontairement de côté tout ce qui concerne les "guides officiels" et autres ouvrages à destination d'un public de fans, pour me concentrer plutôt sur l'aspect central de cette problématique livres/séries, à savoir : dans quelle mesure le téléphage sera-t-il sensible à la perspective de retrouver sur papier les émotions suscitées par la transposition à l'écran ?

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Très concrètement, le versant littéraire de la téléphagie est tellement diversifié que le plus petit dénominateur commun unissant ces oeuvres, les séries, apparaît parfois bien insuffisant à rassembler toutes ces lectures sous une même bannière. Cela s'explique en partie par la multiplicité des rapports existant entre séries et livres, en amont ou en aval de la production, mais à terme, finalement toujours complémentaire.

Tout d'abord, il existe toute une production littéraire que je qualifierai de "dérivé" au sens large, qui s'inscrit donc en aval de la série télévisée. On a tous pu croiser dans une librairie, des romans, titrant fièrement sur le nom d'une  fiction et proposant une aventure inédite de nos héros téléphagiques. Il faut distinguer ici différents volets d'exploitation de ce concept : cela peut être une façon de permettre la poursuite d'une série après son annulation, via des comics notamment (tels Buffy, Farscape), ou, plus simplement, cela peut correspondre à des sortes de fanfictions sans en avoir le nom (mais au prix un brin rédibitoire), proposant de nouvelles histoires parallèlement à la diffusion de la série. La première option présente incontestablement un intérêt pour le téléphage, venant approfondir et faire perdurer la création télévisée. Si tant est qu'un certain soin y soit apporté, voilà un investissement qui s'impose de lui-même. Le second cas, celui des "romans/fanfictions" est plus discutable, la qualité et, surtout, la fidélité au canon d'origine se révélant particulièrement fluctuante. Dans ce domaine, mis à part quelques investissements "expérimentaux", je n'ai jamais trop cherché à explorer ce filon.

Car, ne nous leurrons pas, il s'agit bien d'un filon commercial potentiellement juteux. D'ailleurs, pour étirer le concept à son maximum, certaines séries "banckables" proposent des ouvrages fictifs, sensés capturer - avec plus ou moins de succès - la personnalité hors norme de tel ou tel personnage emblématique qui en serait l'auteur (par exemple, la série des Modern Policing, par Gene Hunt, pour Life on Mars ; le Bro Code, par Barney, pour How I met your mother). Pour ceux-là, si parfois ma curiosité a pu prendre le pas sur la raison, j'ai quand même la désagréable impression que le seul objectif est plus notre porte-monnaie qu'une réelle valeur ajoutée à l'oeuvre télévisée : le public visé se restreint aux fans ultimes.

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Si les séries initient donc parfois une production littéraire d'intérêt, elles peuvent également se situer en aval et donc naître d'une oeuvre littéraire, qu'il s'agisse d'une adaptation rigoureuse ou d'une inspiration libre. On aurait trop vite tendance à sous-estimer ces passerelles entre livres et télévision, tant la diversité de ce fonds culturel se révèle particulièrement riche. Qu'il s'agisse de grands classiques (de Arthur Conan Doyle à Jane Austen , en passant par Dickens), de sagas interminables de bit-lit (La communauté du Sud de Charlaine Harris (True Blood), Journal d'un vampire, de L. J. Smith (Vampire Diaries)), de comics (The Middleman, The Walking Dead), de mangas (la liste serait trop longue à entreprendre, puisqu'au Japon, la triple déclinaison manga/anime/live se fait quasi naturellement), mais aussi des biographies et autres travaux historiques (John Adams par David McCullough,  Band of Brothers par Stephen E. Ambrose - ici l'intérêt historique se dispute à l'intérêt téléphagique, je l'avoue). On y trouve de tout. Pour tous les goûts. Ces quelques exemples cités, absolument pas exhaustifs, prouvent bien que le vivier littéraire de la téléphagie est d'une densité et d'un éclectisme fascinants.

La plupart de mes achats téléphagiques littéraires s'inscrivent dans cette catégorie des "livres originaux". Si je n'ai jamais eu besoin de prétexte pour dévorer des livres depuis mon enfance, les séries se sont donc imposées comme un vecteur supplémentaire, motivant directement de nouvelles découvertes littéraires. Elles m'ont d'ailleurs permis d'élargir considérablement mon horizon, notamment à des formats jusqu'alors très marginaux (tout ce qui rapprochait de la bande-dessinée, mangas comme comics, que je n'avais jamais vraiment lus auparavant). Je dois aussi à la curiosité suscitée par le visionnage des period dramas de la BBC, une grande partie des classiques britanniques que j'ai pu découvrir.

Renouer avec l'histoire originale en format papier, cela correspond à une opportunité, pour le téléphage, de remonter aux origines de la fiction télévisée. Le but n'est pas d'apprécier la supposée fidélité (ou non) de la série, mais bien d'en approfondir l'univers, d'en capter l'esprit, de mettre à jour certains détails, certaines subtilités qu'une version littéraire pourra offrir plus précisément. Cela permet de voir quelle était la dynamique d'origine, de révéler les outils narratifs par le biais desquels l'histoire a été tranposée à l'écran, quelle a été la valeur ajoutée de ce changement de format, etc... Et puis, j'avoue que j'aime plus que tout ressentir cette impression de retour aux sources.

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Le seul réel dilemme insoluble auquel je fais face devant toute cette production littéraire est le suivant : faut-il lire l'histoire originale avant de visionner la série, ou la découvrir seulement a posteriori ? Comme le téléphage reste un amoureux des séries, c'est tout l'enjeu de la meilleure façon d'apprécier cette dernière qui se pose derrière ce questionnement. Personnellement, mes expériences ont été très diverses, voire parfois complètement opposées. Par exemple, la simplification de l'oeuvre de Ken Follett ne m'a pas gâché le plaisir de suivre l'adaptation de Starz des Piliers de la Terre, cet été. En revanche, il y a quelques étés de cela, j'avais rencontré vraiment beaucoup de difficultés à apprécier la mini-série The Company, en partie parce que je n'ai pu me détacher du roman de Robert Littell que j'avais adoré.

Séries vs. livres, il n'y a pas une réponse unique au choix chronologique à faire. Je suppose que cela dépend vraiment des oeuvres. Et, malheureusement, c'est souvent a posteriori que l'on découvrira si notre choix était bon... Reste, au-delà de la théorie, mon problème du moment : dois-je attendre avant d'attaquer mes comics de The Walking Dead ?


Et vous, quelle est votre rapport aux livres ? Votre univers téléphagique s'étend-il aussi aux productions littéraires ? Et quels choix chronologiques faites-vous, dans ce cas ?