Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

12/10/2013

(SE) Upp till kamp (How soon is now ?) : la chronique authentique d'une jeunesse suédoise des années 60-70


upptillkamp0_zpsd60882b5.jpg

Poursuivons aujourd'hui l'exploration du petit écran scandinave. Après avoir découvert la Suède des années 80, confrontée au virus du sida dans Torka aldrig tårar utan handskar, puis à l'assassinat de son Premier Ministre Olof Palme dans En pilgrims död, je vous propose de remonter un peu plus dans le temps pour s'intéresser à une mini-série diffusée en 2007 sur SVT. Cette fois-ci, direction les années 60-70 !

Upp till kamp (How soon is now ? en version internationale) compte 4 épisodes d'1h30. Écrite par Peter Birro, et réalisée par Mikael Marcimain, son thème sonne familier : suivant les destins croisés de quelques jeunes gens, elle retrace le parcours vers l'âge adulte de cette génération qui avait 20 ans en 1968 et qui se cherche une place au sein d'une société qu'elle souhaiterait remettre en cause. Bien accueillie par la critique, Upp till kamp a fait une tournée plutôt remarquée des festivals européens en 2008, remportant notamment le Fipa d'Or. Plus que son traitement d'un sujet connu, c'est l'atmosphère qu'elle parvient à créer, grâce à certains choix formels, qui permet vraiment à cette fiction de se démarquer.

upptillkamph_zpseb5b9d7b.jpg
upptillkampb_zps802c692f.jpg

Upp till kamp se déroule sur une décennie, de 1966 à 1976. Elle invite à suivre Tommy, Lena, Erik et Rebecka, quatre jeunes gens, issus de milieux très différents et aux aspirations également très dissemblables. Ils vont cependant forger entre eux une solide amitié qui va traverser bien des épreuves et des tempêtes. Unis par une même volonté d'aller de l'avant, de rejeter les conventions imposées par cette société crispée devenue trop rigide, ils prennent leur vie en main et vont faire leurs propres expériences, ainsi maîtres de leur destin, maître aussi de se tromper de voie ou de s'égarer dans leurs choix.

Entremêlant amour et amitié, musique et politique, Upp till kamp relate en filigrane, à travers ces quatre destins croisés, dix années de bouleversement de la société suédoise. La mini-série nous fait traverser tous les enjeux d'alors, des engagements politiques, notamment via la contestation contre la guerre au Vietnam, à la crise économique qui heurte de plein fouet le pays au milieu des années 70. C'est une histoire d'idéaux et d'ambitions, mais aussi de compromis et de désillusions accompagnant l'entrée à l'âge adulte.

upptillkampm_zpse408b6aa.jpg
upptillkampg_zps0e8d466b.jpg

Plus qu'une fiction, Upp till kamp résonne d'abord comme le document d'une époque, un témoignage des tourbillons dans lesquels a été entraînée une génération qui aspirait à beaucoup. La mini-série réussit admirablement l'immersion du téléspectateur. Plus que le fond, ce sont les nombreuses initiatives formelles qui jouent ici un rôle décisif. Côté réalisation, en plus d'un format d'image en cinémascope, l’œuvre fait d'abord le choix - qui peut surprendre initialement - du noir & blanc (le premier épisode l'est intégralement), avant de progressivement retourner vers la couleur. La caméra est nerveuse, proche du récit en filmant au plus près les différents protagonistes et en transmettant son dynamisme à l'histoire.

La mini-série utilise également très fréquemment des passages musicaux, mobilisant des extraits de bande-son d'époque, mais aussi des chansons perçues comme un moyen d'expression pour certains des personnages. Au sein de ce très riche univers musical aux accents rock'n'roll, s'insèrent aussi quelques images d'archives, que la façon de filmer permet d'intégrer d'autant plus naturellement. L'introduction de chaque épisode est d'ailleurs uniquement constituée de vidéos d'époque. Upp till kamp se construit donc une ambiance vraiment à part. C'est le premier épisode qui repousse le plus loin les limites de l'expérience visuelle et sonore dans laquelle le téléspectateur est plongé. Il fascine par l'authenticité brute qui en émane : le choix des plans, la manière dont les scènes sont capturées, empruntent presque au documentaire, donnant vraiment l'impression d'y être.

upptillkampr_zps36593a66.jpg

Les années 60-70 renaissent à l'écran dans ce portrait d'une génération, traversé par ses paradoxes, ses excès, mais surtout chargé d'une vitalité jamais démentie. Le récit suit les parcours chaotiques et heurtés de jeunes gens emportés par leurs certitudes et leurs aspirations. Il relate leurs choix et leurs erreurs, leurs dérives et leurs réussites... La progression du récit est forcément familière, partant des idéaux et des révoltes de jeunesse, jusqu'aux désillusions et aux compromis imposés par la vie et la société. La politique constitue un axe important de la narration : derrière les engagements (pour trois des protagonistes, très marqués à gauche) et les grandes protestations d'une période (le pacifisme face à la guerre du Vietnam), c'est aussi un pays que le téléspectateur voit muer sous ses yeux.

Les quatre protagonistes principaux se rencontrent au cours du premier épisode. Ils sont tous très différents, et auront le temps de se perdre de vue avant de se retrouver à nouveau, au gré des décisions de chacun. Leur caractérisation n'est pas égale, certaines étant plus fouillées que d'autres, si bien que le téléspectateur ne s'investit pas pareillement en chacun. Lena et Tommy sont ceux qui se démarquent dès le départ, le parcours de Lena, de la chanson à la politique, et des sacrifices qu'elle réalisera sont ceux qui m'ont le plus touché. Si Rebecka connaîtra un intéressant éclairage dans la seconde partie, Erik restera plus une énigme, personnage ambivalent dont le détachement et les ambitions contrastent avec ceux de ses amis. L'épilogue n'offre d'ailleurs pas une sortie dosée à tous ces personnages, apportant peut-être une dramatisation excessive à ce qui aurait pu être une conclusion plus posée et ouverte sur l'avenir.

upptillkamp2g_zps921f4c50.jpg

En outre, Upp till kamp bénéficie d'un casting homogène et solide, respectant le parti pris de réalisme et de sincérité choisi par la série. Sverrir Gudnason (Wallander, Drottningoffret) interprète Tommy, personnage intense qui, entre rébellion et rêves musicaux, aura toujours du mal à trouver le bon équilibre. Fanny Risberg (Arn) incarne quant à elle Lena, avec sa magnifique voix et ses intransigeances politiques. C'est Ruth Vega Fernandez (Johan Falk) qui joue Rebecka, portée par une ambition professionnelle inébranlable. Enfin, Simon J. Berger (ceux parmi vous qui ont vu Torka aldrig tårar utan handskar se souviennent forcément de lui dans le rôle du flamboyant Paul) interprète Erik, fils d'une bonne famille qui peine à se trouver.

upptillkamp2e_zps640b86ec.jpg
upptillkamp2j_zps8d7c6d91.jpg
upptillkamp2c_zpsf3fdd9f7.jpg

Bilan : Fiction d'ambiance particulièrement aboutie, Upp till kamp est une immersion vivante dans cette décennie de bouleversements que sont les années 60-70. Riche en initiatives formelles, esthétiques comme sonores, qui visent à capturer l'atmosphère d'une époque, c'est une mini-série extrêmement intéressante par l'authenticité qui s'en dégage. Les parcours qu'elle relate sont en revanche plus traditionnels, avec une évolution relativement prévisible. Mettant en scène des protagonistes ordinaires qui cherchent leur place, elle ne romance pas leurs choix et n'idéalisera jamais leur vie : elle évoque seulement, sans artifice, des figures qui se construisent avec leurs forces et leurs failles dans un contexte particulier prompt à la remise en cause de la société.

Avant Upp till kamp, j'avais déjà vu (ou lu) bien des fictions sur un tel sujet (c'est une période qui m'intéresse toujours autant). Sur le fond, les thèmes traités sont ceux qui parcourent la jeunesse occidentale d'alors, déclinés à la Suède. En revanche, cette mini-série restera pour moi une vraie expérience télévisuelle pour son travail d'ambiance et sa plongée réussie dans une époque. C'est une œuvre qui fonctionne sur les sensations qu'elle procure aux téléspectateurs. Avis aux amateurs.


NOTE : 7,75/10


Pour un aperçu de l'ambiance, l'introduction du premier épisode :


Entre guerre du Vietnam, création d'Ikea, nouvelle VOLVO et manifestations...

07/09/2013

(DAN) Borgen, saison 3 : un nouveau défi, de nouvelles épreuves


borgen3n_zps6a1d3eb9.jpg
Le jeudi 3 octobre prochain, Arte débutera la diffusion de la troisième et dernière saison de Borgen (elle sortira ensuite en DVD dès la semaine suivante). Comme pour Forbrydelsen, la chaîne publique danoise DR a adopté le schéma d'une série construite sur trois saisons, évitant ainsi tout risque d'essoufflement. Une façon de s'assurer de partir par la grande porte, ce que Borgen a réussi au Danemark l'hiver dernier, où elle a été proposée du 1er janvier au 10 mars 2013.

Quand vient l'heure de quitter une telle série, les mots me manquent, le coeur se serre. Elle n'a pas été la première fiction danoise que j'ai visionnée, ni celle qui a éveillé mon intérêt pour les productions scandinaves, mais elle reste ma préférée. C'est avec des yeux un peu émerveillés que je l'avais découverte en mai 2011, moi qui aime tant les fictions politiques depuis The West Wing. La suite aura été à la hauteur. Parcourue d'une énergie communicative, composée de personnages engageants, elle a marqué ma sériephilie de ces dernières années. J'ai donc remis au lendemain pendant plusieurs semaines le visionnage de ces ultimes épisodes, caressant l'illusion de conserver un peu plus longtemps de l'inédit. Il est cependant temps de refermer ce beau chapitre.

[La review qui suit contient des spoilers sur la saison 3.]

borgen3b_zps0be51815.jpg

La saison 3 de Borgen s'ouvre plus de deux ans après le final de la saison précédente. Birgitte a perdu les élections législatives et s'est retirée de la vie politique, s'investissant à l'international dans le privé. C'est en Chine qu'on la retrouve lorsque la saison débute ; en plus des affaires, elle y côtoie notamment son nouveau compagnon, Jeremy Welsh, un architecte anglais. Au Danemark, Katrine est toujours présentatrice sur TV1, chaîne sur laquelle Kasper anime désormais une émission d'analyse politique. S'ils ont eu un enfant, leur couple n'y a pas survécu. Tout en réglant à l'amiable la question de la garde, c'est surtout Katrine qui jongle avec son emploi du temps sur-chargé, pouvant heureusement compter sur l'assistance de sa mère.

L'intérêt de Birgitte pour les affaires publiques est resté intact. Elle assiste d'un mauvais oeil au rapprochement de son parti avec certaines des politiques menées par le gouvernement de droite actuelle, notamment sur l'immigration. Cela la décide à vouloir revenir dans l'arène politique ; mais elle se heurte à l'hostilité du nouveau leader centriste, Jacob Kruse, avec lequel elle a déjà un lourd passif du temps où elle était Premier Ministre. Après avoir échoué dans sa tentative de reprendre le contrôle du parti, elle imagine une autre voie : la création de son propre parti centriste. Ayant débauché Katrine pour l'aider, les deux femmes se lancent sur la scène politique décidées à y constituer et à y imposer cette nouvelle force.

borgen32b_zps844a6e9c.jpg

Avec cette saison 3, une redistribution importante des cartes s'est opérée dans le paysage politique danois. Borgen nous entraîne dans l'après-gouvernement. Ce choix est très intéressant, car il a le mérite de placer Birgitte dans un tout autre contexte par rapport à celui dans lequel elle a évolué au cours de deux premières saisons. Le récit ne porte plus sur l'exercice du pouvoir et sa défense, mais raconte l'histoire d'un nouveau départ, en repartant de la base, celle de la formation d'un parti. Par conséquent, les problématiques traitées sont différentes : la série nous avait appris les arbitrages d'intérêts et l'art des négociations pour adopter une législation, cette troisième saison est surtout celle des stratégies électorales et des manœuvres politiciennes ayant pour but de progressivement compter dans le débat public. Il ne s'agit plus de gouverner, mais de construire un programme, de tenter de s'engager pour l'avenir sans avoir les moyens présents de peser comme on le souhaiterait.

Les dynamiques humaines sont également différentes. Le passage d'un parti amateur, proche d'une auberge espagnole, où chacun projette des attentes parfois très éloignées des opinions de Birgitte, à un groupe politique cohérent et en ordre de bataille, ne se fait pas en un jour. De plus, seuls trois parlementaires, insatisfaits dans leurs partis d'origine, prennent initialement le risque de rejoindre cette nouvelle formation. Ce n'est certes plus la vie agitée d'un gouvernement qu'il faut s'efforcer de réguler, mais la gestion des égos, des ambitions et des caractères de chacun reste une oeuvre complexe, dans laquelle il y a aura des déceptions pour Birgitte. Cette dernière s'impose avec une force inchangée. Femme de conviction, politicienne habile et solide, elle démontre tout au long de la saison, face à ces nouveaux enjeux, pourquoi le leadership lui est tout naturellement échu. Rarement une figure de pouvoir féminine aura été si magistralement caractérisée.

borgen32g_zpsdf7864b8.jpg

Dans son traitement des personnages, Borgen ne modifie pas la recette qui a fait son succès : elle continue de lier professionnel et personnel, en cherchant le juste équilibre pour permettre à ces deux pans de s'emboîter. Cela donne l'occasion d'explorer plus avant ses figures principales. C'est tout particulièrement le cas pour Birgitte, car, en plus de devoir se réinventer politiquement, elle est confrontée à une toute autre épreuve, plus intime, à laquelle rien ne peut préparer : la maladie. A la différence d'autres fictions politiques ayant abordé le sujet sous l'angle de la transparence ou de la remise en cause de la capacité à exercer des fonctions à responsabilité (telle The West Wing), Borgen privilégie un angle personnel.

C'est donc du point de vue de Birgitte que la série nous relate la difficulté à mener de front des ambitions politiques - surtout une campagne électorale - et un traitement médical lourd comme une chimiothérapie. Le téléspectateur mesure ici la détermination inébranlable du personnage. Il assiste aussi à sa prise de conscience progressive : Birgitte ne peut pas continuer comme si de rien n'était, dans le secret y compris vis-à-vis de sa famille. Cela l'érode physiquement, nerveusement. Elle se voit contrainte d'évoluer, mais ce qu'elle parvient malgré tout à accomplir n'en est que plus à saluer. Elle reste fidèle à elle-même, avec la force qu'on lui connaît, pour venir confirmer sa stature de grande femme d'Etat.

borgen3j_zps9abd99ea.jpg

Suivant le schéma qui a fait la réussite des deux premières saisons, Borgen ne néglige pas non plus la dimension médiatique de son histoire. Si la série fonctionne toujours avec trois têtes d'affiche, il faut signaler un changement : aux côtés de Birgitte et de Katrine, c'est désormais Torben Friis, responsable de l'information à TV1, qui est mis en avant, tandis que Kasper est beaucoup plus en retrait. Associer Birgitte et Katrine permet de découvrir un autre type de relation entre la politicienne et sa spin-doctor. Faisant un pari osé, elles s'allient pour construire de toutes pièces un nouveau parti. Il en résulte une réelle complicité. Le changement est notable par rapport à Kasper. La série perd en confrontations potentielles, les voix dissidentes, avec des divergences de stratégie, se retrouvant portées par des figures plus extérieures, comme Jon Berthelsen. Si le téléspectateur regrette parfois les explosions passées, cette unité et le consensus apparent entre ces deux femmes souvent sur la même longueur d'ondes se justifient par la différence de cadre. Birgitte n'affronte plus ses adversaires en situation de force, elle a besoin du soutien inébranlable de Katrine.

L'autre storyline médiatique entraîne le téléspectateur dans les coulisses de la chaîne TV1, en phase de restructuration. Borgen aborde la question du traitement de l'information dans les médias. Mettant en scène la course aux audiences, elle s'interroge sur l'endroit où placer le curseur : dans quelle mesure peut-on sacrifier la rigueur de l'information pour adopter des concepts et des mises en scène plus aguicheuse à destination d'un public élargi ? Torben est confronté à un nouveau supérieur qui entend donner un coup de jeune à la chaîne de télévision. Mis sous pression, il tente tant bien que mal d'intégrer ces nouvelles exigences en forçant sa nature et en allant à contre-courant. La saison suit sa progressive perte de repères, dans laquelle le téléspectateur craint longtemps qu'il ne s'égare définitivement. On peut regretter que la mise en scène de cette problématique ne soit pas aussi nuancée que la partie politique, avec quelques évolutions un peu abruptes, mais elle offre des moments pertinents, éclairant notamment la dangereuse porosité de la frontière entre divertissement et information.

borgen3y_zps86f2e59c.jpg

Côté casting, le téléspectateur retrouve avec plaisir des acteurs principaux toujours aussi solides et convaincants. Sidse Babett Knudsen rayonne à l'écran avec une présence et une force inchangée : son personnage affronte des épreuves nouvelles, l'occasion de nuancer son jeu, de parfois craquer, tout en continuant de façonner une figure de pouvoir absolument fascinante. Quant à son nouveau compagnon, il est interprété par l'écossais Alastair Mackenzie (Psychos, Monarch of the Glen), l'occasion pour Borgen de prendre quelques accents anglophones puisque son personnage ne parle pas un mot de danois (et de tester du même coup l'accent anglais des autres personnages !).

Par ailleurs, en nouvelles têtes danoises, Borgen a décidément tout fait pour rester durablement dans mes séries préférées : elle accueille en effet plusieurs acteurs que j'apprécie beaucoup. Ainsi, parmi ceux qui rejoignent le parti de Birgitte dès la première heure, figure Jens Albinus  (Ørnen: En krimi-odyssé) qui incarne Jon Berthelsen, politicien ambitieux qui, s'il partage un certain nombre de convictions politiques avec Birgitte, fait preuve d'un pragmatisme parfois très empressé. Autre recrue notable, Lars Mikkelsen est introduit en économiste réputé, doté d'un passé communiste encombrant qu'il va falloir gérer. Depuis le temps que je vous parle de cet acteur - croisé dans Forbrydelsen, Edderkoppen, Den Som Draeber... -, il faut que je fasse mon mea culpa : ce n'est que cet été - quand sa participation à la saison 3 de Sherlock a été annoncée - que j'ai découvert ses liens de parenté avec un autre acteur reconnu qui s'est rappelé aux sériephiles cette saison dans Hannibal, Mads Mikkelsen. Conclusion, promis je consulterai plus les pages "trivia" des fiches imdb à l'avenir !

borgen32m_zps51f5a9d0.jpgborgen3u_zps19c200b9.jpg

borgen32l_zpse832c84a.jpg
borgen32r_zpsfdd78e3e.jpg

Bilan : Cette saison 3 démontre une nouvelle fois combien Borgen est une série engageante et stimulante, un portrait vivant du Danemark et de sa société. Dotée d'un propos très riche lui permettant d'aborder toutes les facettes du débat public et des moeurs politiques, elle a su passionner pour ces problématiques, en sachant notamment s'appuyer sur des protagonistes principaux à la caractérisation soignée. Le mélange entre vie publique et vie privée a permis d'impliquer émotionnellement un peu plus fortement un téléspectateur déjà séduit par l'écriture. Enfin, la série se conclut de la plus logique et légitime des façons : son dernier épisode referme ces trois saisons par le rappel de cette fièvre caractéristique des soirées électorales, en écho au début de la série où une de ces soirées avait justement propulsé Birgitte, dans d'autres circonstances, sur le fauteuil de Premier Ministre.

Enfin, terminons sur un autre type de bilan. Il y a 2 ans et demi, mon premier billet sur Borgen contenait un souhait : que la série ait l'occasion de faire ses preuves devant le public français. Cela a été le cas, puisqu'elle aura eu la chance de connaître une exposition optimale : une diffusion en prime-time, en VM, sur une chaîne gratuite, avec une campagne promotionnelle solide lors de son lancement, et une sortie DVD de ses trois saisons. Donc un grand merci à Arte !


NOTE : 8,75/10


Le générique de la troisième saison :

Des images de cette saison dans la bande-annonce "séries" d'Arte :

01/09/2013

(SE) En pilgrims död (Death of a pilgrim) : qui a tué le Premier Ministre Olof Palme ?


enpilgrimsdod0_zps2a3fd489.jpg

Ce vendredi 30 août 2013 se déroulait à Stockholm la cérémonie des Kristallen, les récompenses de la télévision suédoise. C'est la magnifique Torka aldrig tårar utan handskar (Don't Ever Wipe Tears Without Gloves), diffusée à l'automne 2012, qui y a été sacrée meilleure série [Une vidéo de la remise du prix est disponible sur le site de la SVT]. Vous vous en doutez, j'ai envie de saluer une récompense pleinement méritée pour cette fiction qui reste un de mes grands coups de coeur de l'année. En France, elle a été projetée au Festival SériesMania en avril dernier sans laisser ses spectateurs indifférents, puisqu'elle y a remporté le prix du public. J'espère que toutes ces reconnaissances lui permettront de franchir les frontières, et surtout d'arriver jusqu'à notre petit écran un jour prochain !

En attendant, profitons de cette actualité suédoise pour revenir aujourd'hui sur une autre série de ce pays, qui était également nominée aux Kristallen : En pilgrims död (Death of a pilgrim en version internationale). Diffusée au cours de l'hiver dernier sur la chaîne publique SVT, du 13 janvier au 3 février 2013, cette fiction comporte quatre épisodes. Elle s'inspire de trois livres de l'écrivain suédois Leif G.W. Persson, publiés en France sous les titres "Entre le désir de l’été et le froid de l’hiver", "Sous le soleil de minuit" et "Comme dans un rêve". Mini-série policière par son thème, elle dépasse cependant ce seul genre en raison du sujet abordé : elle revient en effet sur l'assassinat du Premier Ministre suédois en 1986. Entre enquête, espionnage et reconstitution des années 80, il s'agit d'une mini-série ambitieuse. Elle s'est malheureusement peut-être laissée un peu débordée par tout cela.

enpilgrimsdodk_zpscf08f7b2.jpg

Le 28 février 1986, le Premier Ministre suédois, Olof Palme, revenait à pied d'une séance nocturne de cinéma. Il était accompagné de son épouse, mais n'avait aucun garde du corps à ses côtés. A une intersection, un homme armé rattrape le couple : il abat l'homme politique à bout portant. Palme n'en réchappera pas. Un suspect, Christer Petterson, est arrêté pour cet assassinat. Il est condamné en première instance, mais finalement relaxé en appel faute de preuve, l'arme du crime n'ayant par exemple jamais été retrouvée. Petterson meurt en 2004, et cette affaire, qui a marqué tout un pays, demeure toujours non résolue. Tel est le point de départ de En pilgrims död.

Son histoire débute par la rencontre d'un haut responsable de la police et d'un ancien collaborateur de Palme, Nilsson. Ce dernier est mourant et souhaiterait ne pas partir avant d'avoir compris ce qu'il s'est passé cette terrible nuit de février 1986. Il invite Lars Martin Johansson à reprendre l'investigation de manière non-officielle. Le policier accepte. Il rassemble rapidement une petite équipe avec pour objectif de reprendre, avec le recul des années, toutes les pièces de l'enquête afin d'explorer chaque hypothèse. Il ne s'agit pas seulement de se baser sur les témoignages et les analyses d'époque, les souvenirs sont aussi mobilisés. En dépit du secret, la presse a vite vent de cette nouvelle tentative de résolution. Des informations de source inattendue parviennent alors aux policiers, notamment relatives à l'arme du crime.

enpilgrimsdodt_zps5d93c6b5.jpg

En raison de son concept, En pilgrims död apparaît comme une sorte de Cold Case suédois. Son enquête se déroule a posteriori, et les policiers tentent de démêler des fils d'hypothèses irrésolues depuis un quart de siècle. Elle est donc d'abord une investigation d'archives, où les témoignages sont dépoussiérés et re-confrontés. Cependant, judicieusement, la mini-série ne se cantonne pas à ce seul genre : son récit suit une construction narrative en parallèle, alternant entre des passages dans le passé (de 1985 jusqu'à l'assassinat de Palme) et dans le présent (la réouverture de l'enquête). Grâce à ces aller-retours, elle replonge le téléspectateur dans la Suède des années 80.

La reconstitution historique est l'occasion de dresser un portrait sans complaisance de la police d'alors, gangrénée par la corruption et des groupes fascisants. Elle permet aussi de mesurer le traumatisme représenté par l'assassinat du Premier Ministre. L'incertitude a en effet laissé libre cours aux théories conspirationnistes les plus diverses, imaginant des implications internationales ou questionnant l'action de certains services de l’État, tant l'enquête semble n'avoir pas été menée avec les précautions attendues. Signe d'une époque, la fiction flirte également avec des thématiques d'espionnage, qu'il s'agisse de la remise en cause par certains du Premier Ministre lui-même placé sous le feu des soupçons, ou de la présence d'un journaliste américain téléguidé par ses services secrets.

enpilgrimsdodv_zps52b06284.jpg

L'histoire développée est particulièrement riche, formant un puzzle complexe dont chaque pièce s'emboîte peu à peu. Malheureusement En pilgrims död ne va pas parvenir à exploiter toute cette matière. La mini-série a tous les ingrédients apparents du thriller, mais elle ne génère ni la tension, ni le suspense attendu. Souffrant de développements plats et figés, elle déroule son histoire dans un style impersonnel, avec des personnages qui peinent à exister. Délaissant rapidement la piste politique, le récit s'oriente vers l'hypothèse de la vengeance, sans même essayer d'entretenir le moindre doute. L'enquête est exécutée de manière extrêmement linéaire, sur la base d'un nouveau témoignage. Des raccourcis et quelques choix discutables, à l'image de la construction maladroite d'un passé commun entre l'orchestrateur du meurtre et une des policières, viennent peser sur son développement.

Le travail de recontextualisation en lui-même, aspect très intéressant de la fiction, est perfectible. Si la mini-série fait du bon travail pour évoquer l'institution policière, elle se révèle trop minimale en ce que concerne Palme lui-même. Ce dernier n'est paradoxalement qu'assez peu évoqué et, surtout, tous les enjeux politiques que pouvait soulever son assassinat ne sont que très indirectement évoqués. Il est difficile d'admettre un traitement aussi restrictif pour traiter de la mort d'un chef de gouvernement. Tout cela laisse une impression un peu frustrante d'inachevé, car En pilgrims död avait assurément un sujet très dense. En l'exploitant au final de façon trop superficielle, elle se laisse seulement suivre, alors qu'elle aurait pu être d'un tout autre calibre.

enpilgrimsdodl_zpsf47e2027.jpg

Sur la forme, En pilgrims död est une mini-série austère empruntant au polar noir. La réalisation est solide. Se déroulant la plupart du temps entre quatre murs, dans les couloirs ou les sous-sols d'un commissariat, elle permet à la caméra de capturer et de jouer sur une ambiance assez sombre. La bande-sonore est opportunément sobre. Se démarque cependant un générique composé d'images d'archives, au thème musical entêtant, qui reflète assez la paranoïa et les incertitudes que la fiction n'aura pas réussi à mettre en avant (cf. la vidéo ci-dessous).

Quant au casting, il rassemble des têtes familières du petit écran suédois. S'ils ont peu l'occasion de tirer leur épingle du jeu, c'est surtout à cause d'une caractérisation des personnages trop minimale. C'est Rolf Lassgard (Den fördömde, Dag) qui interprète le responsable de la réouverture de l'enquête, un incorruptible et inébranlable policier qui entend cette fois aller au bout de l'investigation. Parmi ses assistants, Helena af Sandeberg (Oskyldigt dömd) est la plus développée, mais l'évolution de son personnage, et la manière dont son passé rejaillit pour éclairer l'enquête, sont un des écueils du scénario. A leurs côtés, on retrouve Ellen Jelinek(/Mattsson) (Morden, Äkta Människor) et Henrik Norlén (Morden). Au sein des responsables policiers, on croise Kjell Bergqvist (Graven, Morden, Mäklarna, 30 grader i february), Claes Malmberg (Guds tre flickor) ou encore Per Svensson (Ett gott parti). Enfin, Jonas Karlsson (Mannen under trappan) interprète Walin, tandis que Ulf Friberg (Torka aldrig tårar utan handskar) incarne Hedberg.

enpilgrimsdodo_zpsb38e3758.jpg
enpilgrimsdodj_zps1fdf0684.jpg
enpilgrimsdoda_zps51a30514.jpg

Bilan : En pilgrims död est une mini-série ambitieuse, dotée d'un sujet fort - l'assassinat d'un homme politique. Elle a le mérite de jeter un intéressant éclairage sur la Suède, revenant sur un évènement qui a marqué tout un pays. Mêlant enquête policière, enjeux politiques et pointes d'espionnage, le tout saupoudré d'ambitions personnelles et d'égos, cette fiction tenait une histoire très riche. Son exécution linéaire, trop superficielle par moment et marquée par quelques choix narratifs discutables, laisse donc des regrets. Au final, elle reste une fiction méritante pour qui s'intéresse à la Suède, mais qui est loin d'exploiter tout le potentiel que son sujet et son histoire avaient.

A réserver aux téléspectateurs curieux amateurs de la Suède et de son petit écran. (Pour tous les autres, n'hésitez pas à découvrir
Torka aldrig tårar utan handskar !)


NOTE : 6,25/10


Le générique de la mini-série :

17/08/2013

(NOR) Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet : une fiction empreinte d'humanité apaisante et rafraîchissante



Buzz Aldrin, what happened to you in all the confusion ?


buzzaldrin0_zps40192704.jpg

Il y a quelque chose de rassurant à constater que chacune de mes nouvelles découvertes en provenance de la télévision scandinave me conforte dans mon inclinaison pour ces fictions. Mieux encore, j'ai l'impression que, chaque année, un pays ressort tout particulièrement de mes programmations : en 2011, c'était le Danemark, en 2012, la Suède... en 2013, il semble que cela soit le tour de la Norvège. Il est vrai que depuis Lilyhammer et Koselig Med Peis, j'ai eu l'occasion de visionner des fictions extrêmement diverses au cours des six derniers mois : le thriller avec Torpedo, la comédie noire avec Hellfjord, et puis, en août, une mini-série sur la quête de soi : Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet ? (laquelle vient directement concurrencer la suédoise Torka aldrig tårar utan handskar pour le titre le plus imprononçable de l'année).

Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet (Buzz Aldrin, what happened to you in all the confusion ? en version internationale) est une mini-série, en quatre épisode de 55 minutes environ, diffusée sur NRK1 en novembre et décembre 2011. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de l'écrivain Johan Harstad, datant de 2005, et qui a été publié en France sous le titre Buzz Aldrin, mais où es-tu donc passé ?. C'est Geir Henning Hopland qui s'est assuré de la transposition à l'écran, signant à la fois le scénario et la réalisation. Buzz Aldrin (vous me pardonnerez de ne pas répéter le titre en intégralité tout au long du billet !) a aussi pour particularité d'être la première série du pays à avoir été proposée dans son intégralité dans les cinémas norvégiens avant même sa diffusion télévisée. C'est une fiction très riche, humainement et émotionnellement. Et, en bonus, elle est l'occasion pour le sériephile voyageur de découvrir de nouveaux territoires : direction les Îles Féroé !

buzzaldrinu_zpsfa4f28f8.jpg

Mattias est né en 1969, le jour où l'Homme a marché sur la Lune. Tandis qu'il naissait, Neil Armstrong prononçait ses fameux mots "That's one small step for a man, one giant leap for mankind". En grandissant, il en a conservé une fascination pour l'espace. L'astronaute dont il a fait son héros n'est cependant pas celui qui a été le premier à poser le pied sur la Lune, mais Buzz Aldrin, le second. Il voit, dans cet homme de l'ombre, un rouage essentiel du projet ayant accepté d'être en retrait. Il en tire une admiration pour ceux qui arrivent à se placer second, et non sous le feu des projecteurs. Mattias rêve ainsi simplement de trouver sa propre place dans l'ombre pour y mener une existence paisible, sans histoire, ni imprévu, par exemple loin de l'agitation des concerts de son meilleur ami qui ne cesse de l'inviter à suivre leurs tournées.

A presque 30 ans, il semble avoir atteint son but : un travail de fleuriste/jardinier qui lui permet de se fondre dans le décor, la même petite amie depuis le lycée qu'il connaît par coeur. Sa vie suit une routine monotone qu'il ne voudrait changer pour rien au monde, préférant toujours le calme à la moindre proposition de sortie de sa compagne. Mais Mattias va brutalement voir tous ses repères s'effondrer : sa petite amie décide de le quitter, estimant que leurs aspirations ne correspondent plus, puis l'entreprise qui l'emploie se déclare en faillite et est obligée de le licencier. Pour tenter de lui changer les idées, son meilleur ami l'entraîne avec son groupe de musique vers les Îles Féroé où ils doivent donner un concert. Perdu dans sa douleur, Mattias se brouille avec eux. Il se réveille sur une route isolée qui traverse une des îles. Ne sachant où aller, ni que faire ensuite, il est alors recueilli par Havstein, un psychiatre qui a organisé une petite communauté comptant plusieurs patients que le cadre unique doit aider à guérir.

buzzaldrinj_zps8d1652eb.jpg

Buzz Aldrin place le téléspectateur aux côtés du personnage de Mattias. De façon intime, elle nous glisse dans son esprit, nous faisant comprendre sa manière de voir et de penser, et partageant avec nous toutes ses attentes. Dotée d'une écriture fine, la mini-série dresse par petites touches un portrait humain et faillible, s'attachant à mettre en lumière la psychologie de son héros, tout en explorant les relations qu'il entretient avec ceux qui gravitent autour de lui. Les autres protagonistes ne sont pas négligés, traités plus rapidement, mais avec le même souci d'éclairer leurs façons d'être ou motivations. Buzz Aldrin est un véritable "human drama", sincère et versatile, au propos très riche. La mini-série se révèle capable de jouer sur une large palette de tonalités, alternant les ambiances, tour à tour touchante, légère, poignante... Elle manie admirablement l'art de la rupture dans ses dialogues, s'amusant des moments de flottement qu'elle crée : un style de narration caractéristique qui semble fréquent dans les fictions norvégiennes, car Koselig Med Peis et Hellfjord l'exploitaient déjà très bien (même remarque, d'après les premiers épisodes que j'ai pu voir, pour Halvbroren).

Le récit est ponctué de plusieurs monologues de Mattias au cours desquels il développe sa fascination pour Buzz Aldrin sur fond d'images d'archives. Il nous montre comment il a peu à peu reconstruit dans son esprit cette figure publique, idéalisant le fait qu'il n'ait été que le deuxième homme à marcher sur la Lune en y voyant son acceptation d'être en retrait, maillon nécessaire de l'ombre. Dès l'enfance, Mattias n'aspire qu'à l'anonymat d'une vie paisible, ambition décalée que les autres comprennent mal. Il refuse de se mettre en avant, qu'importe les talents dont il dispose (il chante très bien) et qui pourraient lui permettre de se retrouver sur le devant de la scène. Il mène pareillement sa vie d'adulte. Mais une question se fait de plus en plus pressante au fil du premier épisode qui va être celui de tous les bouleversements : jusqu'où peut-il s'effacer ? Face à la personne qu'il aime, cette attitude ne risque-t-elle pas de le faire disparaître peu à peu à ses yeux ? N'y-a-t-il pas des fois, dans certaines circonstances, où l'on doit accepter d'être mis en avant ? En s'obstinant à se fondre dans un décor qui n'a rien d'immuable, le jeune homme se perd lui-même lorsque tous ses repères s'effondrent.

buzzaldrinf_zps8e8618e5.jpg

Les Îles Féroé sont un point de chute dans tous les sens du terme pour Mattias, y compris métaphorique au vu de son arrivée mouvementée. Elles vont lui offrir une première réponse. Perdues au bout du monde, isolées avec leurs moutons, elles sont une destination rêvée pour lui. Elles rendent d'abord possible une fuite en avant temporaire : la communauté qui l'accueille permet de rétablir un quotidien huilé où Mattias peut vite reposer les bases d'une vie monotone, sans remous, ni inattendu. Elles vont pourtant, à terme, le forcer à se remettre en cause, faisant se confondre la quête de stabilité et une véritable quête de soi. Les rencontres et les évènements le contraignent en effet à sortir de sa réserve, en lui donnant quelques leçons de vie parfois douloureuses. Il faut dire qu'au sein de la communauté dans laquelle il vit, chacun a ses propres démons, y compris  Havstein, le psychiatre qui a ses propre raisons pour s'être égaré sur ces îles. Privilégiant  toujours une approche humaine, la mini-série dépeint les craintes et les désirs de toutes ces personnes qui s'efforcent, presque malgré elles parfois, de continuer à aller de l'avant.

Au final, Buzz Aldrin est l'histoire d'une reconstruction. Tout en restant fidèle à lui-même et à son idéalisation de l'anonymat et du second plan, Mattias va apprendre que l'on ne peut pas se fondre et disparaître face à ses proches. S'il est possible de chérir sa tranquillité, il faut parfois admettre être le centre d'attention, celui qui compte, celui sur lequel on peut se reposer. Si la mini-série laisse une impression durable, c'est justement parce que le parcours de Mattias se révèle tout aussi régénérateur pour le téléspectateur. Non seulement on s'implique aux côtés du personnage, mais l'effet apaisant des Îles Féroé joue également. Invitation au dépaysement, loin de toute course aux ambitions, le récit prend volontairement son temps : il est une ode à la simplicité, et à la vie en général, confortant l'idée que chacun peut trouver la place qui lui convient. Le visionnage de Buzz Aldrin a ainsi quelque chose de profondément réconfortant. Elle est une de ces fictions sincères et humaines, rafraîchissantes par son propos, qui conserve une saveur vraiment particulière.

buzzaldrinr_zps7771f9c3.jpg

Dense sur le fond, Buzz Aldrin peut également s'appuyer sur une réalisation soignée et maîtrisée : la caméra est posée, plutôt habile, sachant utiliser des plans larges comme serrés. De plus, elle dispose d'une bien belle photographie. Le décor dans lequel se déroule la majorité de la mini-série (3 épisodes sur 4) est un atout dépaysant non négligeable, et son réalisateur l'a parfaitement compris, faisant de ce cadre un acteur à part entière du récit. Il faut dire qu'il a l'art de rendre magnifiques ces paysages glacés mais quasi-féériques des Îles Féroé, semblant par moment égarer volontairement ses personnages entre brume, verdure et mer, en jouant sur ces couleurs dominantes. Outre de jolies images, Buzz Aldrin dispose d'une bande-son assez bien dosée, dans laquelle ressortent notamment les prestations musicales de Mattias : la référence omniprésente au voyage spatial la conduit tout naturellement vers David Bowie, et Space oddity n'a jamais semblé plus adéquate que lorsqu'elle retentit dans la mini-série. Le générique se révèle original, mettant en parallèle la naissance de Mattias et l'atterrissage sur la Lune, avec en filigrane une symbolique sur la vie.

Enfin, Buzz Aldrin dispose d'un solide casting, assez international, à dominante plutôt danoise dans les rôles principaux. C'est Pal Sverre Valheim Hagen qui incarne Mattias, dont la recherche d'anonymat se transforme peu à peu en quête existentielle, afin de tout reposer à plat dans sa vie. Le visage le plus familier pour le sériephile amateur de fictions scandinaves sera sans doute celui de Bjarne Henriksen (Forbrydelsen I, Blekingegade, Borgen) qui paraît apprécier de circuler dans toute l'Europe du nord (souvenez-vous de la saison 2 de l'islandaise Pressa) : il interprète ici le psychiatre gérant la communauté accueillant Mattias aux Îles Féroé. Parmi les autres prestations notables, signalons la performance de Rikke Lyllof (Borgen), jouant une patiente instable, dont l'expressivité touchera durablement au fil de ses évolutions. On retrouve également Annfinnur Heinesen, Annika Johanssen (Kirsebærhaven 89), Helle Fagralid (Nikolaj og Julie, Jul i Valhal, Blekingegade, Forbrydelsen III), Kristine Rui Slettebakken, mais aussi Chad Coleman (The Wire, The Walking Dead) dans le rôle entièrement anglophone d'un naufragé.

buzzaldrint_zpse9799db2.jpg
buzzaldrinn_zps8855dd0e.jpg
buzzaldrinv_zps120cae88.jpg
buzzaldriny_zps3ff80d2b.jpg

Bilan : Fiction empreinte d'humanité, bénéficiant d'une écriture simple et sincère, Buzz Aldrin se révèle extrêmement rafraîchissante et étonnamment apaisante. Partant de ce désir d'anonymat dans lequel se perd un temps Mattias, c'est de la vie en général qu'elle finit par traiter. Dotée d'une tonalité versatile, jamais lourde, elle propose l'histoire d'une reconstruction, en en faisant un véritable parcours régénérateur. Aussi dépaysante qu'attachante, revivifiante même, il s'agit d'une mini-série un peu part dont le visionnage ne laisse pas indifférent. La narration se construit tout en ruptures, parfois un peu abruptes par leur enchaînement, mais l'ensemble reste une bien belle découverte qui vient confirmer toute la richesse de la fiction scandinave qui a décidément beaucoup à apporter, dans des genres très différents, loin de se limiter au seul polar.


[La mini-série est disponible avec des sous-titres anglais, y compris en DVD par là.]


NOTE : 7,75/10


Une bande-annonce de la série :

Un extrait (chanté - Space oddity) :

04/05/2013

(Pilote SE) 30 grader i februari (30 Degrees in February) : l'espoir ou l'illusion d'un nouveau départ au bout du monde


30grader0_zps3aa41854.jpg

Poursuivons les découvertes faites à Series Mania avec une série suédoise que j'avais placée parmi mes priorités de visionnage (et qui n'a pas déçu mes attentes). L'unicité de 30 grader i februari tient au fait qu'elle nous entraîne loin des emblématique paysages enneigés de Scandinavie, vers un tout autre continent : direction l'Asie, et plus précisément la Thaïlande.

Quel est le lien qui unit ces deux pays que l'on situerait plutôt aux antipodes l'un de l'autre ? Pour comprendre cette série, il faut savoir que la Thaïlande est une destination phare en Suède. Pas moins de 600.000 suédois visitent chaque année ce petit coin d'Asie aux plages paradisiaques, ce qui représente quand même 7% de la population. Au total, actuellement, plus de la moitié des suédois se sont rendus au moins une fois dans leur vie en Thaïlande... Voici donc le constat qui a inspiré 30 grader i februari. Cette série a été diffusée sur la chaîne publique SVT du 6 février au 9 avril 2012. Elle compte une saison de 10 épisodes de 58 minutes chacun. Tout en profitant pleinement de son cadre dépaysant, elle fait figure de drame humain désenchanté qui touche le téléspectateur à plus d'un titre.

30graderc_zps7f375b6e.jpg

30 grader i februari délaisse la neige et le froid d'un mois de février en Suède, pour suivre différents personnages jusque sur le sable chaud thaïlandais. Il faut dire que la Thaïlande est certes une destination de rêve pour les vacances, mais elle peut être bien plus que cela : pour certains, elle apparaît comme une opportunité, une terre nouvelle pour changer de vie, pour tout recommencer sur de nouvelles bases. Ce sont quatre histoires croisées de protagonistes très divers, débarquant tout juste dans ce pays d'Asie, que la série va nous conter.

Il y a tout d'abord ce couple de sexagénaires dont la relation inégale interroge : le mari, malade, en fauteuil roulant, traîne son mal-être et fait subir à sa femme toutes les frustrations que lui cause cette condition. C'est pour lui changer les idées que son épouse lui a offert ce voyage surprise en Thaïlande, séjour qu'il ne semble pourtant pas décidé à apprécier. C'est en revanche pour un retour au calme, loin de la tension de la Suède, qu'une mère, venant d'être victime d'une attaque, emmène ses deux filles retrouver les plages où la famille s'était constituée tant de bons souvenirs des années auparavant. Dans le même temps, c'est avec un autre type d'espoir que Glenn débarque pour la première fois dans ce pays : célibataire rêvant d'une famille, il a rencontré sur internet une jeune thaïlandaise et espère revenir en Suède mari et femme. Enfin, c'est un retour aux sources très différent que vit le dernier protagoniste : thaïlandais tombé amoureux d'une suédoise pour laquelle il a tout quitté, il rentre chez lui et va notamment tenter de renouer avec un fils à la dérive qu'il avait alors laissé derrière lui.

30graderi_zps19bdc0c2.jpg

30 grader i februari est une série empreinte d'humanité. C'est une fiction sur la vie, avec toutes les épreuves et les désillusions qui la peuplent, mais aussi avec ces brèves satisfactions, ces fugaces moments de bonheur, qui l'accompagnent, la rythment et dont l'existence permet à chacun de continuer à aller de l'avant. Très vite, il apparaît clairement que la Thaïlande ne sera pas la terre des miracles espérée, où il aurait été possible de tout laisser derrière soi et de repartir de zéro. Tous ces personnages venus y poser leurs valises, pour quelques jours ou avec l'espoir d'y construire un futur, vont d'ailleurs être, chacun à leur manière, rattrapés par leur histoire, par leur passé, par leur caractère, par tous ces éléments qui les définissent peu importe le lieu où ils sont. De plus, la Thaïlande est aussi un pays de mirages : derrière l'illusion de paradis et des possibilités qui semblent infinies, transparaît une réalité plus sombre. La dureté de la vie, sa noirceur même, n'est pas restée avec le froid dans la Scandinavie qu'ils ont quittée. Au fil de ses deux premiers épisodes, 30 grader i februari se révèlera à la fois poignante et touchante.

Bénéficiant d'une écriture fine qui permet une juste et soignée caractérisation des personnages, la série repose sur une galerie de portraits nuancés. Si elle ne manque pas de passages durs émotionnellement, elle n'en est pas moins chargée de vitalité. 30 grader i februari fait preuve d'une faculté assez unique pour entraîner le téléspectateur dans de véritables montagnes russes émotionnelles, signe d'une maîtrise narrative qu'il faut saluer. Pour chacun, aux déceptions succèdent de brefs moments où le bonheur semble possible, voire atteint. La fiction capture et sublime ces instants-là avec une intensité qui impressionne. C'est par exemple le cas de l'excursion en plongée de l'épouse brimée, dont ce moment de liberté et d'émerveillement innocent va droit au coeur. Reste que c'est une tonalité assez sombre qui prédomine sur ces débuts. Cependant, du fait de son concept, la série dispose d'une voie à explorer qui empêche de tout peindre en noir. Car la Thaïlande est bel et bien une occasion qui ne se représentera sans doute pas : voyager, changer de cadre, ce n'est pas seulement revoir son quotidien, c'est surtout un moyen d'apprendre sur soi-même, de revoir ses priorités, de mieux comprendre ses aspirations. Ce pays n'est pas une solution miracle, mais il offre une chance pour s'épanouir... à chacun de la saisir.

30gradery_zps5af7aee5.jpg

Sur la forme, 30 grader i februari dispose d'un atout de choix, qui lui permet de se démarquer visuellement de toutes les autres fictions scandinaves : son décor thaïlandais, et tous ces paysages sur lesquels la caméra va pouvoir s'attarder. La série s'emploie à pleinement les mettre en valeur, qu'il s'agisse de ces longues plages paradisiaques, de cet océan au bleu si clair, de cette faune et flore exotique à portée de main... Tout au long de ses épisodes, la fiction semble comme ironiquement jouer sur le contraste entre la beauté des lieux dans lesquels se déroule son action - soulignée par une superbe photographie -, et la dureté des histoires qui s'y jouent. Pour accompagner le tout, la série bénéficie d'une ambiance musicale où perce un soupçon d'exotisme opportun, à l'image du chouette générique assez envoûtant que vous pouvez visualiser plus bas (1ère vidéo sous ce billet). 

Enfin, 30 grader i februari est une série chorale qui peut s'appuyer sur un casting homogène et solide, capable de faire passer une émotion, un sentiment de détresse ou de joie, par une simple expression, sans avoir besoin de surligner le moment ou d'ajouter des dialogues superflus. On retrouve notamment en son sein Kjell Berggvist (Graven, En Pilgrims Död), Lotta Tejle (Mäklarna, Morden, Morden i Sandhamn), Maria Lundgvist (Sally), Hanna Ardéhn (Dubbelliv), Viola Weidemann, Thomas Chaanhing, Sanong SudLa, Kjell Wilhelmsen (Saltön), DoungJai Hiransri, Sumontha Sounpoirarat, Björn Bengtsson (Labyrint), Torkel Petersson (Hjälp!) ou encore Rebecka Hemse (Beck, Dag).

30graderv_zpsca33f360.jpg
30graderw_zps5c8af611.jpg
30graderp_zps60b829cf.jpg

Bilan : Dotée d'une écriture solide, démontrant une capacité à dépeindre avec beaucoup de nuances et de justesse les portraits de chacun, 30 grader i februari est un drame humain, choral, à la noirceur bien réelle, qui va toucher et impliquer émotionnellement le téléspectateur. Au contact du décor thaïlandais, la vie de chaque protagoniste poursuit son cours, imperturbable à sa manière et n'étant que peu affectée par ce cadre. Le dépaysement apparaît comme une échappatoire illusoire, les difficultés se perpétuant même au bout du monde... Cependant, c'est aussi une occasion de repartir de l'avant, d'apprendre sur soi. Cela donne au final une série entre ombres et lumières, à la fois amère et pleine de vitalité, dont le visionnage marque.

Une série dont il me reste à espérer qu'elle attire l'attention d'une chaîne de façon à permettre un visionnage intégral de la saison, car il est bien frustrant de ne pas accompagner plus loin tous ces personnages.


NOTE : 7,75/10


Le générique de la série :

La bande-annonce de la série :