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01/09/2013

(SE) En pilgrims död (Death of a pilgrim) : qui a tué le Premier Ministre Olof Palme ?


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Ce vendredi 30 août 2013 se déroulait à Stockholm la cérémonie des Kristallen, les récompenses de la télévision suédoise. C'est la magnifique Torka aldrig tårar utan handskar (Don't Ever Wipe Tears Without Gloves), diffusée à l'automne 2012, qui y a été sacrée meilleure série [Une vidéo de la remise du prix est disponible sur le site de la SVT]. Vous vous en doutez, j'ai envie de saluer une récompense pleinement méritée pour cette fiction qui reste un de mes grands coups de coeur de l'année. En France, elle a été projetée au Festival SériesMania en avril dernier sans laisser ses spectateurs indifférents, puisqu'elle y a remporté le prix du public. J'espère que toutes ces reconnaissances lui permettront de franchir les frontières, et surtout d'arriver jusqu'à notre petit écran un jour prochain !

En attendant, profitons de cette actualité suédoise pour revenir aujourd'hui sur une autre série de ce pays, qui était également nominée aux Kristallen : En pilgrims död (Death of a pilgrim en version internationale). Diffusée au cours de l'hiver dernier sur la chaîne publique SVT, du 13 janvier au 3 février 2013, cette fiction comporte quatre épisodes. Elle s'inspire de trois livres de l'écrivain suédois Leif G.W. Persson, publiés en France sous les titres "Entre le désir de l’été et le froid de l’hiver", "Sous le soleil de minuit" et "Comme dans un rêve". Mini-série policière par son thème, elle dépasse cependant ce seul genre en raison du sujet abordé : elle revient en effet sur l'assassinat du Premier Ministre suédois en 1986. Entre enquête, espionnage et reconstitution des années 80, il s'agit d'une mini-série ambitieuse. Elle s'est malheureusement peut-être laissée un peu débordée par tout cela.

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Le 28 février 1986, le Premier Ministre suédois, Olof Palme, revenait à pied d'une séance nocturne de cinéma. Il était accompagné de son épouse, mais n'avait aucun garde du corps à ses côtés. A une intersection, un homme armé rattrape le couple : il abat l'homme politique à bout portant. Palme n'en réchappera pas. Un suspect, Christer Petterson, est arrêté pour cet assassinat. Il est condamné en première instance, mais finalement relaxé en appel faute de preuve, l'arme du crime n'ayant par exemple jamais été retrouvée. Petterson meurt en 2004, et cette affaire, qui a marqué tout un pays, demeure toujours non résolue. Tel est le point de départ de En pilgrims död.

Son histoire débute par la rencontre d'un haut responsable de la police et d'un ancien collaborateur de Palme, Nilsson. Ce dernier est mourant et souhaiterait ne pas partir avant d'avoir compris ce qu'il s'est passé cette terrible nuit de février 1986. Il invite Lars Martin Johansson à reprendre l'investigation de manière non-officielle. Le policier accepte. Il rassemble rapidement une petite équipe avec pour objectif de reprendre, avec le recul des années, toutes les pièces de l'enquête afin d'explorer chaque hypothèse. Il ne s'agit pas seulement de se baser sur les témoignages et les analyses d'époque, les souvenirs sont aussi mobilisés. En dépit du secret, la presse a vite vent de cette nouvelle tentative de résolution. Des informations de source inattendue parviennent alors aux policiers, notamment relatives à l'arme du crime.

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En raison de son concept, En pilgrims död apparaît comme une sorte de Cold Case suédois. Son enquête se déroule a posteriori, et les policiers tentent de démêler des fils d'hypothèses irrésolues depuis un quart de siècle. Elle est donc d'abord une investigation d'archives, où les témoignages sont dépoussiérés et re-confrontés. Cependant, judicieusement, la mini-série ne se cantonne pas à ce seul genre : son récit suit une construction narrative en parallèle, alternant entre des passages dans le passé (de 1985 jusqu'à l'assassinat de Palme) et dans le présent (la réouverture de l'enquête). Grâce à ces aller-retours, elle replonge le téléspectateur dans la Suède des années 80.

La reconstitution historique est l'occasion de dresser un portrait sans complaisance de la police d'alors, gangrénée par la corruption et des groupes fascisants. Elle permet aussi de mesurer le traumatisme représenté par l'assassinat du Premier Ministre. L'incertitude a en effet laissé libre cours aux théories conspirationnistes les plus diverses, imaginant des implications internationales ou questionnant l'action de certains services de l’État, tant l'enquête semble n'avoir pas été menée avec les précautions attendues. Signe d'une époque, la fiction flirte également avec des thématiques d'espionnage, qu'il s'agisse de la remise en cause par certains du Premier Ministre lui-même placé sous le feu des soupçons, ou de la présence d'un journaliste américain téléguidé par ses services secrets.

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L'histoire développée est particulièrement riche, formant un puzzle complexe dont chaque pièce s'emboîte peu à peu. Malheureusement En pilgrims död ne va pas parvenir à exploiter toute cette matière. La mini-série a tous les ingrédients apparents du thriller, mais elle ne génère ni la tension, ni le suspense attendu. Souffrant de développements plats et figés, elle déroule son histoire dans un style impersonnel, avec des personnages qui peinent à exister. Délaissant rapidement la piste politique, le récit s'oriente vers l'hypothèse de la vengeance, sans même essayer d'entretenir le moindre doute. L'enquête est exécutée de manière extrêmement linéaire, sur la base d'un nouveau témoignage. Des raccourcis et quelques choix discutables, à l'image de la construction maladroite d'un passé commun entre l'orchestrateur du meurtre et une des policières, viennent peser sur son développement.

Le travail de recontextualisation en lui-même, aspect très intéressant de la fiction, est perfectible. Si la mini-série fait du bon travail pour évoquer l'institution policière, elle se révèle trop minimale en ce que concerne Palme lui-même. Ce dernier n'est paradoxalement qu'assez peu évoqué et, surtout, tous les enjeux politiques que pouvait soulever son assassinat ne sont que très indirectement évoqués. Il est difficile d'admettre un traitement aussi restrictif pour traiter de la mort d'un chef de gouvernement. Tout cela laisse une impression un peu frustrante d'inachevé, car En pilgrims död avait assurément un sujet très dense. En l'exploitant au final de façon trop superficielle, elle se laisse seulement suivre, alors qu'elle aurait pu être d'un tout autre calibre.

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Sur la forme, En pilgrims död est une mini-série austère empruntant au polar noir. La réalisation est solide. Se déroulant la plupart du temps entre quatre murs, dans les couloirs ou les sous-sols d'un commissariat, elle permet à la caméra de capturer et de jouer sur une ambiance assez sombre. La bande-sonore est opportunément sobre. Se démarque cependant un générique composé d'images d'archives, au thème musical entêtant, qui reflète assez la paranoïa et les incertitudes que la fiction n'aura pas réussi à mettre en avant (cf. la vidéo ci-dessous).

Quant au casting, il rassemble des têtes familières du petit écran suédois. S'ils ont peu l'occasion de tirer leur épingle du jeu, c'est surtout à cause d'une caractérisation des personnages trop minimale. C'est Rolf Lassgard (Den fördömde, Dag) qui interprète le responsable de la réouverture de l'enquête, un incorruptible et inébranlable policier qui entend cette fois aller au bout de l'investigation. Parmi ses assistants, Helena af Sandeberg (Oskyldigt dömd) est la plus développée, mais l'évolution de son personnage, et la manière dont son passé rejaillit pour éclairer l'enquête, sont un des écueils du scénario. A leurs côtés, on retrouve Ellen Jelinek(/Mattsson) (Morden, Äkta Människor) et Henrik Norlén (Morden). Au sein des responsables policiers, on croise Kjell Bergqvist (Graven, Morden, Mäklarna, 30 grader i february), Claes Malmberg (Guds tre flickor) ou encore Per Svensson (Ett gott parti). Enfin, Jonas Karlsson (Mannen under trappan) interprète Walin, tandis que Ulf Friberg (Torka aldrig tårar utan handskar) incarne Hedberg.

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Bilan : En pilgrims död est une mini-série ambitieuse, dotée d'un sujet fort - l'assassinat d'un homme politique. Elle a le mérite de jeter un intéressant éclairage sur la Suède, revenant sur un évènement qui a marqué tout un pays. Mêlant enquête policière, enjeux politiques et pointes d'espionnage, le tout saupoudré d'ambitions personnelles et d'égos, cette fiction tenait une histoire très riche. Son exécution linéaire, trop superficielle par moment et marquée par quelques choix narratifs discutables, laisse donc des regrets. Au final, elle reste une fiction méritante pour qui s'intéresse à la Suède, mais qui est loin d'exploiter tout le potentiel que son sujet et son histoire avaient.

A réserver aux téléspectateurs curieux amateurs de la Suède et de son petit écran. (Pour tous les autres, n'hésitez pas à découvrir
Torka aldrig tårar utan handskar !)


NOTE : 6,25/10


Le générique de la mini-série :

29/03/2013

(SE) 27 sekundmeter snö (Vertiges) : huis clos suédois dans la lignée des oeuvres d'Agatha Christie

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Le billet du jour est dédié aux fiction policières. A la télévision tout d'abord, avec un rendez-vous pris ce soir, sur France 2, pour le retour des petits meurtres d'Agatha Christie. Cet épisode inaugure pour l'occasion un nouveau duo qui a la (difficile) tâche de succèder au commissaire Larosière et à l'inspecteur Lampion. J'espère en tout cas qu'elle aura su maintenir la dynamique qui avait pu me la faire apprécier l'automne dernier (je l'avais alors rattrapée en une dizaine de jours). Pour se faire une idée, la bande-annonce à voir par là.

En attendant, c'est une excursion plus nordique que je vous propose dans ma critique de ce soir : direction la Suède ! 27 sekundmeter snö (Vertiges en version française) est une mini-série comptant 2 épisodes d'1h30 environ, datant de 2005. Réalisée par Tobias Falk, il s'agit de l'adaptation à l'écran du premier roman, portant le même titre, de Kjerstin Göransson-Ljungman, publié en 1939. Encore inédite en France, cette fiction arrivera à partir du 13 avril prochain sur la chaîne Eurochannel, qui continue d'entrouvrir pour nous les portes de la culture européenne. 27 sekundmeter snö est un huis clos d'investigation, vite paranoïaque, sur lequel flotte un parfum s'inscrivant dans la lignée directe des Sir Arthur Conan Doyle et autre Agatha Christie. Avis aux amateurs.

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27 sekundmeter snö se déroule en Suède, en 1939, à la veille de la Seconde Guerre Mondiale. Un petit groupe de personnalités très dissemblables se retrouve pour une excursion à ski à travers les montagnes suédoises. Guidé par un médecin, on retrouve parmi eux un entrepreneur au caractère peu abordable et sa fille, un couple marié, ou encore une actrice et son ami français. Soudain pris dans une violente tempête de neige, ils sont contraints de trouver refuge dans une bâtisse isolée tenue par une vieille dame, Frida, qui les accueille à bras ouvert.

Mais le sentiment de soulagement et de sécurité une fois bien installés dans leur abri sera éphémère : au cours de leur première nuit, l'entrepreneur est assassiné. Son corps est retrouvé sans vie, sur son lit, un couteau planté dans le dos. Coupé du monde par les éléments naturels qui continuent de se déchaîner dehors, le petit groupe a conscience que le meurtrier se trouve forcément parmi eux. Or ce ne sont ni les secrets, ni les tensions, qui manquent en leur sein. Tous ont aussi eu une opportunité d'accéder au lieu du crime cette fameuse nuit. Ils vont devoir mener l'enquête par eux-mêmes, pour espérer comprendre le mobile d'un tel acte et démasquer le tueur, afin de sortir indemnes d'un voyage où, confinés dans ce huis clos glacé, il devient aisé de glisser peu à peu dans une paranoïa dangereuse.

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27 sekundmeter snö affiche et reprend à son compte tous les ingrédients les plus classiques d'un whodunit à huis clos, avec l'invariable efficacité attachée à ce type d'histoire qui a l'art de piquer la curiosité de tout téléspectateur amateur de mystère. Initialement, elle débute sur une excursion à ski dont l'insouciance apparente sonne pourtant déjà un peu faux, comme si quelque chose se tramait en arrière-plan. Logiquement c'est à partir du meurtre que la mini-série décolle vraiment. L'énigme à résoudre est basique : "Qui a tué l'entrepreneur, dans sa chambre, avec son propre couteau ?" La particularité tient ici au fait que nul enquêteur officiel ne va intervenir sur place. La seule personne relativement neutre est la logeuse. Sans tergiverser, elle prend immédiatement ses responsabilités pour éclaircir cette affaire et découvrir le meurtrier, refusant d'attendre la fin de la tempête. A partir de cette base, 27 sekundmeter snö déroule ensuite une histoire simple et directe qui, en empruntant bien des fausses pistes, va nous conduire au tueur.

Le chemin vers la vérité ne sera pas aisé. Rapidement, tous les personnages dévoilent leurs ambiguïtés, avec des secrets qu'ils dissimulent plus ou moins bien. La mini-série joue à dessein sur ces dualités pour distiller une ambiance qui glisse vers une sourde paranoïa. En fait, tout le monde, ou presque, peut avoir un mobile ; tout le monde, ou presque, a eu une opportunité cette nuit fatale... Mais qui la vraiment saisit ? Des suspects les plus évidents à ceux qu'on n'ose point soupçonner au départ, mais qui, peu à peu, s'imposent comme une possibilité, 27 sekundmeter snö se construit une galerie de meurtriers potentiels dans la droite lignée des oeuvres qui l'ont précédée dans son genre. Il est facile de se prendre au jeu de ce mystère. Cependant, si l'ensemble se suit sans déplaisir, il manque quelque chose à la narration pour vraiment captiver. L'écriture montre des limites, notamment avec un rythme trop inégal où la tension peine à s'établir. Si bien que malgré du potentiel, 27 sekundmeter snö reste une déclinaison très scolaire de whodunit, esquissant un tableau froid et trop distant de personnages auprès desquels il est difficile de s'impliquer.

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Sur la forme, 27 sekundmeter snö joue sur le huis clos imposé par les conditions météorologiques pour construire cette ambiance qui éprouve les nerfs des différents protagonistes. La luminosité est faible dans le chalet ; derrière chaque fenêtre givrée, on aperçoit les éléments se déchaîner dehors. L'hostilité extérieure s'introduit dans la maison à partir de la découverte du meurtre. La tempête est un acteur influant sur le récit, tout d'abord en isolant les personnages. puis, lorsqu'elle cesse enfin. Le soleil revenu, chacun semble retrouver une sérénité un instant perdue dans la promiscuité trop oppressante du chalet. La mini-série joue ainsi sur les contrastes lumineux : les repères revenant dès que pointent à nouveau les premiers rayons du soleil, et que les terres enneigées éblouissent à nouveau à perte de vue. La musique joue quant à elle son rôle d'accompagnement, appuyant les tonalités des différentes scènes.

Côté casting, les limites de l'écriture dans la caractérisation des personnages pèsent sur les performances d'acteurs dont certains restent inégaux et un peu en retrait. Parmi les têtes familières du petit écran suédoise, il y a celui qui s'impose comme le leader du groupe, leur guide - et docteur : il est interprété par Jacob Ericksson dont ceux qui ont vu l'adaptation suédoise de Millenium se rappelleront peut-être (très occupé en ce début d'année 2013, puisqu'on a pu le voir dans Molanders ou encore dans En Pilgrims Död). A ses côtés, on retrouve une galerie disparate de figures qui vont venir, chacun leur tour, semer le doute dans l'esprit du téléspectateur : Elisabeth Carlsson, Jan Mybrand, Jamil Drissi (s'exprimant toujours en "français"), Livia Millhagen, Malena Engström, Mylaine Hedreul (Höök), Ulricha Johnson (Kommissarie Winter) ou encore Niklas Falk (Tre Kronor). Anders Ahlbom (Våra vänners liv) incarne celui qui va mourir assassiné, tandis que Gunilla Abrahamsson joue la logeuse.

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Bilan : Assumant pleinement ses influences Agatha-Christie-nnes, 27 sekundmeter snö se réapproprie les bases simples et classiques d'un whodunit à huis clos. Tout téléspectateur appréciant de tels récits d'enquêtes y retrouvera un parfum de mystère et une dynamique soupçonneuse caractéristique auprès desquels il est facile de se prendre au jeu pour les 3 petites heures que dure cette fiction. Cependant cette mini-série souffre de limites d'écriture, notamment dans la construction de sa tension, ainsi que dans le traitement de ses personnages, qui l'empêcheront de pleinement exploiter le potentiel offert par son cadre particulier. Si je l'ai suivie sans déplaisir, elle est sans doute à réserver aux amateurs du genre qui souhaiteraient tester une déclinaison nordique de ces ficelles whodunit.


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la mini-série :