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26/12/2012

(K-Drama / Pilote) Jeon Woo Chi : de la fantasy d'action décomplexée

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En ce mercredi asiatique, évoquons une autre nouveauté sud-coréenne de la fin de l'automne, Jeon Woo Chi. Si le drama partage ses sources d'inspiration avec le film du même nom (Jeon Woo Chi : The Taoist Wizard), succès du box-office en Corée du Sud fin 2009 (disponible en DVD en France sous l'intitulé Woochi : Le Magicien des Temps Modernes), il en reprend certains thèmes (la magie notamment) sans l'histoire du voyage dans le temps du récit sur grand écran. Un changement qui, avec un petit écran sud-coréen déjà saturé de dramas sur ce thème cette année (Rooftop Prince, Dr. Jin, Faith, Queen In Hyun's Man) n'est, soyons franc, pas plus mal !

Jeon Woo Chi a débuté sur KBS2 le 21 novembre 2012 (diffusion les mercredi et jeudi soirs). L'écriture a été confiée à Jo Myung Joo, et la réalisation à Kang Il Soo. Le drama est pour l'instant annoncé pour une durée de 24 épisodes. Proposant sur le papier un mélange des genres, entre la fantasy d'action et le drame historique, voire romanesque, tout l'enjeu des débuts allait être de savoir doser ces différents éléments pour poser des fondations solides au récit. Les deux premiers épisodes n'ont pas apaisé mes craintes initiales vu de ce que j'avais pu lire sur le drama : brouillon, flirtant - volontairement ou non - avec un registre de "parodie sérieuse" difficile à cerner, Jeon Woo Chi peine à convaincre.

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Il y a quelques années Jeon Woo Chi et Kang Rim étaient deux amis, puissants magiciens de leur état, tous deux énamourés de la belle princesse Moo Yeon. Mais Kang Rim, sous la mauvaise influence de son oncle, a trahi et s'est retourné contre ce en quoi ils croyaient. Laissant Jeon Woo Chi pour mort après un terrible combat, Kang Rim a également kidnappé et ensorcellé la princesse. Désormais, il sert les objectifs de son oncle : faisant un mauvais usage de la magie et de tous les pouvoirs qu'elle leur permet d'acquérir, il s'agit de faire tomber Joseon.

Mais Jeon Woo Chi a survécu. Allant sous le nom de Lee Chi, il occupe un poste de journaliste royal. Brillant et astucieux à l'occasion, mais souvent emprunté et maladroit, adepte des jeux d'argent, il présente au tout venant une allure aussi inoffensive qu'anecdotique. Cependant, dès que le masque tombe, il redevient le puissant magicien qu'il est en réalité. En effet, profitant des ressources d'informations auxquelles son poste lui donne accès, il traque ceux qui ont détruit tout ce qu'il chérissait et entend bien mener à son terme sa vengeance, notamment contre Kang Rim.

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Jeon Woo Chi est un divertissement décomplexé, dont l'orientation véritable n'est pas encore précisément posée dès ses premiers épisodes. Dans un premier temps, le drama ne recule devant aucune surenchère, proposant d'emblée une débauche de combats magiques à grand renfort d'effets spéciaux. Les scènes d'action s'enchaînent. Toutes ces confrontations par des échanges de boules énergétiques, ces incantations-sortilèges magiques plus ou moins longs, et les quelques séances de haute voltige dans les arbres auxquels il nous est donné d'assister, laissent vite transparaître les différentes sources d'inspiration. Pêle-mêle, cela évoquera ainsi au téléspectateur un large panel d'oeuvres, allant des Wuxia chinois au manga/japanimé Dragon Ball. En fait, de manière générale, le drama mobilise nombre de codes narratifs très familiers, jusqu'à la mise en scène du héros... un journaliste caché derrière ses lunettes (qui a murmuré "Clark Kent" ?). L'exploitation proposée de la dualité entre sa réelle identité de puissant mage et l'apparence la plus inoffensive qu'il s'attache à renvoyer au quotidien (personnage intelligent mais emprunté, quelque peu excentrique) reste aussi très classique.

A partir de cette base convenue, Jeon Woo Chi adopte un rythme de narration rapide. Il réduit son temps exposition au minimum, se contentant d'utiliser quelques flashbacks pour nous informer des évènements clés qui ont conduit à la confrontation relatée. En négligeant de soigner l'exposé des enjeux, et la cohérence même du monde dans lequel il nous propulse, le récit apparaît vite très minimaliste. Ce survol est frustrant, car il prive le drama de tout souffle épique. De plus, l'écriture emprunte sans recul des recettes très calibrées. Multipliant les raccourcis et les poncifs, elle manque de subtilité. Souffrant d'une caractérisation très binaire -même dans les quelques essais pour nuancer un peu leur traitement-, les personnages peinent à acquérir la moindre ampleur ou épaisseur psychologique. Seul l'opposant de Jeon Woo Chi, à travers les quelques scènes qui résument de manière très brouillonne son basculement du côté obscur, parvient à aiguiser un peu la curiosité. Difficile donc au téléspectateur de s'impliquer. Jeon Woo Chi semble avoir hésité à doser les ingrédients du cocktail proposé : avec ses excès et ses élans caricaturaux, il avait de bien meilleurs atouts pour être de la fantasy un peu décalée et divertissante. Seulement, en voulant conserver son sérieux, il tente de jouer sur un tableau plus ambitieux, avec une ampleur dramatique qu'il échoue à atteindre, et il laisse donc un peu perplexe. 

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La forme ne rattrape pas les faiblesses de Jeon Woo Chi. Un drama de fantasy, mettant en scène un recours fréquent à la magie et notamment des combats où les sorts et les rayons d'énergie sont échangés de manière habituelle, se doit d'avoir des effets spéciaux à la hauteur. Mais la réalisation cède souvent à la tentation de vouloir trop en faire, versant dans une surenchère dont elle peine à se sortir, soulignant surtout les limites des effets spéciaux là où il faudrait plutôt parvenir à emporter le téléspectateur. Il aurait pu être judicieux d'en faire moins, mais qu'ils paraissent plus crédibles Dans son registre de l'action, Jeon Woo Chi m'a souvent fait penser à Dragon Ball, or les effets qui passent naturellement dans un manga ou un dessin animé, gagnent à être un peu modérés lors du passage au "live". Se reflètent peut-être ici aussi les hésitations du drama qu'on ne sait trop comment et jusqu'où il faut prendre au sérieux.

Enfin, le drama bénéficie d'un casting correct. Cha Tae Hyun (sans doute plus connu en France pour ses rôles au grand écran, notamment dans My Sassy Girl) peut s'en donner à coeur joie dans un double rôle qui lui permet de s'exprimer dans des registres extrêmement différents. A défaut d'avoir un personnage d'ampleur au niveau l'écriture, au moins l'acteur apporte-t-il à ce héros une consistance déjà appréciable. Face à lui, Lee Hee Joon, dans un domaine plutôt d'action, trouve aussi vite ses marques. Entre les deux, source d'une discorde amoureuse traditionnelle, Uee (Birdie Buddy, Ojakgyo Brothers) interprète la princesse ravie par Kang Rim ; ensorcellée, elle n'a pas grand chose à faire, réduite à l'inexpressivité la plus totale. A leurs côtés, on retrouve également Baek Jin Hee (High Kick 3), Kim Gab Soo (Jejoongwon, Joseon X-Files) et Sung Dong Il (Answer Me 1997).

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Bilan : Nous plongeant dans un univers où la magie est un élément à part entière, les débuts de Jeon Woo Chi ont le mérite d'être rapides, laissant entrevoir l'efficacité d'un drama d'action décomplexée. Le cadre de fantasy était, dans cette optique, un atout. Malheureusement, il n'est que survolé, sans prendre le temps de soigner une mythologie qui aurait pourtant été nécessaire pour donner de solides fondations au récit. La caractérisation des personnages est pareillement minimaliste : l'écriture, dans l'ensemble, sonne très convenue et manque de subtilité.

Avec tous ces poncifs, Jeon Woo Chi aurait pourtant pu faire office de simple divertissement se consommant sans arrière-pensée, s'il avait pu prendre un peu plus de recul avec son récit. Certains passages s'apprécient en effet plus au second ou troisième degré, que dans le sérieux premier degré dans lequel la tonalité du drama semble vouloir nous laisser.


NOTE : 5,25/10


Une bande-annonce de la série (en VOSTA) :


Une chanson de l'OST :

19/12/2012

(K-Drama / Pilote) Cheongdamdong Alice : Se Kyung au pays du luxe et de la mode

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En ce mercredi asiatique, reprenons quelques bonnes habitudes et penchons-nous donc sur les nouveautés de ces dernières semaines en Corée du Sud. J'ai été à deux doigts de traiter à nouveau d'un drama special de KBS, à l'image de l'enthousiasmant Art de la semaine dernière, car j'avoue que les séries actuellement diffusées sur les grandes chaînes m'enthousiasment pour le moment assez peu. Aucun de mes visionnages-tests des premiers épisodes n'a été pleinement concluants. J'ai cependant sélectionné celui qui m'a semblé avoir le plus de potentiel, avec certaines réserves : Cheongdamdong Alice.

Ce drama est diffusé sur SBS depuis le 1er décembre 2012, les samedi et dimanche soirs. Il est pour l'instant envisagé pour une durée de 16 épisodes. Cette fiction, dont l'écriture a été confiée à Kim Jo Woon et Kim Jin Hee, et la réalisation à Jo Soo Won, apparaissait sur le papier extrêmement classique dans ses thèmes comme dans la situation mise en scène. Son attrait principal réside en fait dans sa capacité à dépasser le manichéisme avec lequel sont présentés les antagonismes de classe habituellement, pour proposer une héroïne consistante auprès de laquelle il est possible de s'investir.

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Han Se Kyung est une jeune femme ambitieuse qui souhaiterait faire carrière comme designer dans le milieu de la mode. Issue d'une famille avec peu de moyens, sa maxime est la suivante "l'effort est ma force" (en français dans le texte !). Elle est persuadée que si elle s'en donne les moyens, elle pourra réussir ses objectifs, et ce, en dépit des difficultés quotidiennes qu'elle connaît bien, voyant combien ses parents peinent pour joindre les deux bouts. Elle pense son heure enfin arrivée lorsqu'elle décroche un travail dans une société de mode. Cependant, très vite, elle doit déchanter : elle est confinée dans un rôle d'employée à tout faire, devant s'occuper des courses de la femme de l'héritier à qui reviendra la direction de la compagnie.

Se Kyung découvre vite que cette dernière est en réalité une ancienne connaissance de lycée avec laquelle elle avait eu plus d'une altercation, du fait de leurs divergences de vues sur la manière de faire carrière. Yoon Joo est une opportuniste qui a toujours fait en sorte d'utiliser les talents des autres et ses charmes pour parvenir à ses fins : on peut dire qu'elle a réussi puisqu'elle est désormais l'épouse richissime d'un important homme d'affaires. Se Kyung accepte dans un premier temps comme elle peut la situation difficile dans laquelle elle se trouve, peinant à trouver sa place au sein cette compagnie. Finalement, elle comprend que pour réussir, c'est elle-même qui doit changer et s'adapter à ce milieu. Il est trop simpliste de croire que la seule persévérance peut lui permettre d'atteindre ses rêves.

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Si Cheongdamdong Alice peut retenir l'attention du téléspectateur, c'est qu'il semble bien que ce drama ne soit pas un énième simili-conte de fée trop bien huilé, où une innocente pauvre accède au clinquant à paillettes et conquiert l'héritier. Le personnage de Se Kyung est le grand atout de ce drama : c'est une jeune femme ordinaire, qui, si sa famille a en effet peu d'argent, a toujours mené une existence classique, sans avoir subi aucun drame particulier. Elle vit chez ses parents, a un petit ami depuis 6 ans, et cherche sa voie côté professionnel. De plus, elle n'a rien de l'innocente insouciante et/ou ingénue par laquelle démarrent trop de fictions sud-coréennes : au contraire, elle connaît les galères financières et elle a expérimenté le fossé creusé par les différences de conditions sociales. En résumé, c'est une femme moderne, au caractère entier, qui va revoir ses certitudes sur la manière dont elle peut réussir : elle parle donc naturellement au public.

Un des premiers moments clés de la série pour comprendre ce personnage est l'incident autour de la parure en diamants dont elle perd la garantie : cela ne peut que signifier qu'elle a ouvert le sac et a essayé le collier qui n'était pas pour elle. Mais Se Kyung le nie avec innocence à son supérieur. Ce n'est qu'ensuite qu'on découvre qu'elle n'a en effet pas résisté. Le drama quitte ici les éternels clichés du conte de fée : la jeune femme n'est pas une simple employée modèle qui va persévérer obstinément dans son approche besogneuse. En découvrant la position occupée par son ancienne ennemie du lycée qui, partie elle aussi du bas de l'échelle sociale, a, à sa façon, réussi l'ascension et l'accession à ce milieu que les deux femmes ambitionnaient dans leur jeunesse, elle comprend qu'elle doit évoluer. L'amère désillusion qui frappe Se Kyung au cours de ces premiers épisodes, devant rafaler sa fierté et encaisser humiliations et critiques, est un prétexte cohérent à son changement d'approche. Lorsqu'elle confronte son ancienne ennemie sur les ressorts derrière sa réussite, elle entrevoit pour la première fois une façon de véritablement intégrer ce milieu : il faut commencer par le comprendre.

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L'éventuel talent ne fait pas tout. Telle Alice, Se Kyung découvre que un nouvel univers avec des règles qui lui sont propres. Cheongdamdong Alice est assez pessimiste dans sa mise en scène des rapports sociaux, chacun gardant jalousement sa place dans ce monde argenté. Derrière les luxueuses apparences policées, les jalousies et les concurrences sont une réalité permanente : il est nécessaire de se battre constamment. On pourrait y voir une énième déclinaison autour de la thématique de l'argent, chère à nombre de k-dramas, cependant le discours tenu est un décryptage assez cynique qui permet à la fiction de trouver un ton qui lui est propre. Ainsi, comme l'explique le PDG d'Artemis, "Jean Thierry" Cha", en matière de mode, l'apparence est fondamentale. Mais ce n'est pas tant le produit affiché, que son prix qui est déterminant : il est le référent qui fait exhiber fièrement tel sac à main, tel bijou... Les firmes exploitent à leur profit cette surenchère à la consommation qu'elles orchestrent. Derrière cet exposé, on sent que la série essaye de démontrer, sans toujours y parvenir, que l'éclat du luxe mis en scène à outrance n'est pas juste un prétexte narratif, mais qu'elle a quelque chose à dire sur cette démesure. 

Cependant, si son thème peut être intéressant, le démarrage de Cheongdamdong Alice est poussif, notamment en raison d'une écriture qui fait quelques choix discutables. Parmi les problèmes gênants, il y a tout d'abord une tendance à la surenchère émotionnelle, et à une sur-dramatisation de certains enjeux, qui deviennent pesantes, à l'image des tirades larmoyantes qui accompagnent la fragilisation de la relation entre Se Kyung et son petit ami, criblé de dettes. Mettre un terme à une histoire pour une question d'argent, cela est cohérent avec les codes de l'univers posé, mais la façon dont tout cela est amené, avec une telle sur-dose émotionnelle, rend l'ensembe très forcé et artificiel. Ce qui m'inquiète sur la capacité du drama à gérer ensuite le relationnel sans trop de mélo. La deuxième réserve que je formulerais tient plus généralement à la personnalité du PDG d'Artemis : oscillant entre le professionnel doué et aguéri, et l'homme puéril et revanchard derrière le masque, il échappe à tout classement. Cette imprévisibilité pourrait être un atout si les différentes facettes de son caractère avaient plus de liant et de cohésion. Là, on frôle tout simplement la schizophrénie. Et puis, avec de telles bases, il est difficile d'envisager comment pourront évoluer avec cohérence ses rapports avec Se Kyung.

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Cheongdamdong Alice ne compense pas ces limites de fond par des atouts formels. La réalisation est assez quelconque, ne parvenant pas vraiment à souligner les scènes les plus importantes. Sa bande-son est correcte, mais assez vite oubliable, qu'il s'agisse de son thème musical récurrent ou des chansons rythmées qui retentissent. L'ensemble est donc de facture très classique, et le drama ne pourra s'appuyer que sur son scénario pour espérer retenir l'attention du téléspectateur.

Cependant, il dispose d'un autre atout de choix : son actrice principale. Moon Geun Young (The Painter of the wind, Cinderella's Sister) revient au petit écran après un Marry me, Mary! que l'on préfèrera oublier, et elle revient en grande forme. Elle capture à merveille l'ambivalence de son personnage, jouant sur une part d'innocence, mais aussi une détermination sans faille, pour laisser entrevoir, progressivement, toute l'ampleur de Se Kyung. Face à elle, Park Shi Hoo (Prosecutor Princess, The Princess' Man) s'en donne à coeur joie dans le rôle difficilement cernable du PDG d'Artemis ; mais ce côté schizophrénique mal maîtrisé lui en faire un peu trop pour être totalement convaincant. A leurs côtés, on retrouve notamment So Yi Hyun (Swallow the sun, Gloria), Kim Ji Suk (Personal Preference) ou encore Kim Yoo Ri.

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Bilan : Les premiers épisodes de Cheongdamdong Alice laissent une impression mitigée. La grande force du drama est une héroïne au potentiel certain, et un traitement de ses enjeux avec un accent social plus cynique et réaliste que la moyenne. Cela lui permet de dépasser les éternels clichés inhérents aux ascensions sociales relatées comme des contes de fée modernes. Cependant, l'écriture a ses excès et ses maladresses, notamment dans le traitement des relations amoureuses (soit celle passée mal digérée de Jean Thierry Cha, soit celle actuelle de Se Kyung). Si bien qu'on ressort de ces débuts avec une prudente réserve...


NOTE : 5,75/10


Une bande-annonce de la série :

Une chanson de l'OST :


12/12/2012

(K-Drama / SP) Art : les aléas de la création artistique et de la construction d'un mythe cinématographique


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Après deux semaines de pause, cela fait du bien de reprendre la plume et de vous retrouver ! Surtout que si ces derniers jours ont été éprouvants, ils ont aussi levé un grand poids de mes épaules, et soudain l'écriture se fait plus légère et spontanée. De retour aux affaires après 15 jours d'absence (ce qui, dans la planète sériephile, équivaut à une faille spatio-temporelle qui ne se résorbera pas avant des semaines), en ce mercredi asiatique, je préfère laisser les dernières nouveautés de côté pour revenir sur une fiction visionnée en novembre qui m'a intrigué et fasciné comme peu dernièrement : Art.

Le format permis par les drama special de KBS - des histoires courtes, se déroulant sur une heure - est propice aux expérimentations, saisissant l'occasion pour nous entraîner par-delà les canons classiques du petit écran sud-coréen. Ecrit par Han Seung Woon, Art incarne parfaitement cette ambition, nous glissant dans les coulisses de l'industrie cinématographique en adoptant le style particulier du mockumentary (ce qui est une première pour moi, n'ayant encore jamais vu la télévision sud-coréenne s'initier à ce type de fiction). Au final, cela donne une heure très intéressante à tous les niveaux qui fait pour l'instant de Art mon drama special préféré de la saison.

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Dans l'imaginaire du cinéphile sud-coréen moderne, le film Hideout apparaît aujourd'hui comme une légende. Flop retentissant lors de sa sortie, où il avait réuni pour sa première séance 32 spectateurs, il est pourtant le premier film du pays à avoir été invité au Festival de Cannes. Mais face à cet accueil glacial, le réalisateur a brûlé toutes les copies existantes de son film, avant de se donner la mort. L'actrice principale, la mystérieuse Ko Jeong Ah, a ensuite rapidement disparu du milieu cinématographique. Depuis, Hideout est pourtant devenu une référence dans les ciné-clubs du pays ; tout passionné du grand écran a visionné quelques extraits de très mauvaise qualité d'un film dont il n'existerait plus aucune copie intacte originale.

C'est du moins ce que l'on croyait lorsque, à Cannes, un festivalier met la main sur une version d'origine entièrement préservée. Pour préparer le retour au pays et la sortie en DVD du chef-d'oeuvre mythique, un jeune réalisateur se voit confier le soin de faire un documentaire qui conduise dans les coulisses du tournage passé et éclaire les mystères de la conception du célèbre film. Interviewant d'anciens membres du casting ou de l'équipe technique, il a pour objectif de retrouver l'actrice principale. Mais si Hideout jouit aujourd'hui d'un statut de film culte, Joon découvre surtout les paradoxes et les difficultés qui ont marqué sa conception, loin de l'aura que l'oeuvre a désormais acquise.

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Art est tout une histoire rythmée et stimulante du fait de sa densité : plusieurs récits se superposent, puisque l'on suit la conception d'un documentaire sur... la conception d'un film. Semblable à une enquête où le but est de multiplier les interviews afin de revenir aux sources de l'oeuvre étudiée, le drama se construit sur une dynamique d'opposition permanente entre le réalisateur et la scénariste du documentaire. Le premier voit dans ce projet le moyen de -enfin- se faire un nom dans une industrie qui semble avoir oublié qu'il était autrefois considéré comme un de ses talents prometteurs. Il n'hésite pas à se détacher de l'oeuvre elle-même pour s'intéresser aux conflits bien plus humains et matériels l'ayant entourée, exaspérant sa collègue qui veut restituer l'âme de Hideout. Pourtant, très vite, il apparait que ces deux jeunes professionnels poursuivent inconsciemment une même quête, réunis par le métier créatif qu'ils ont choisi : celle de comprendre comment un simple film a pu acquérir une telle aura.

S'intéressant aux voies impénétrables et si aléatoires de la création artistique, Art nous entraîne par-delà le culte d'un film, déconstruisant progressivement le phénomène contemporain que l'oeuvre est devenue, avec la part de mystères, d'extrapolations et de légendes entretenues depuis des années. Apportant soudain un nouvel éclairage et du recul par rapport à cet ensemble, le drama essaie d'apprécier et d'expliquer comment le processus de création, mais aussi tout ce qui a pu ensuite entourer la vie et l'exploitation du film, ont chacun participé à la construction d'un mythe qui a échappé à son concepteur. La fiction éclaire à quel point le mélange de facteurs contradictoires a été décisif : des adversités mal surmontées aux contraintes budgétaires inattendues, en passant par les gestions difficiles d'égos et des actes spontanés finalement conservés. Ils ont tous apporté une pierre à l'édifice en gestation. En filigrane, se dessine aussi le portrait peu flatteur d'une industrie, de ses intérêts commerciaux, et des enjeux financiers jamais loin de sacrifier le créatif, tandis que jouait aussi la complexité du contexte politique où la censure conservait un rôle.

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Comme tout mockumentary, la forme a également son importance dans Art, le drama special jouant sur les vues plus ou moins intrusives et proches que permettent les caméras multiples qui accompagnent les personnages principaux. L'aspect documentaire reste un facteur à part entière du récit : les protagonistes intéragissent avec l'appareil qui les filme, prenant le public potentiel à témoin. La réalisation réussit très bien aussi à faire ressortir l'ambivalence du format, oscillant entre mise en scène mercantile et un réalisme spontané qui nait dans les saillies verbales et réactions capturées.

Si les atouts du mockumentary sont bien exploités, cela se fait parfois au détriment du développement des personnages. C'est pourquoi sans doute les acteurs donnent l'impression de mettre un peu de temps à trouver leurs marques. Cependant, étant donné que l'approche privilégie la sobriété et un jeu le plus naturel possible, cela n'amoindrit en rien l'exercice de style proposé. C'est Eom Tae Goo qui incarne le réalisateur à qui est confié le soin de mener cette enquête dans les coulisses de cette oeuvre mythique. On retrouve à ses côtés Lee Bo Hee, Park Joon Geum, Kim Sin Ah, Kim Jong Goo ou encore Baek Chan Gi.

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Bilan : S'intéressant à la manière dont une oeuvre peut changer de dimension pour atteindre un véritable statut "culte" allant bien au-delà du film d'origine, Art est un drama extrêmement intéressant par sa manière d'éclairer sans complaisance, ni jugement, les aléas de la création et les paradoxes et contradictions de l'industrie cinématographique. Le format du mockumentary est indéniablement un atout pour le récit : non seulement il permet une mise en scène dynamique de l'enquête des documentaristes, mais il apporte aussi une fraîcheur très appréciable à l'ensemble.

Art est donc une expérience télévisuelle très intéressante qui exploite pleinement sa courte durée (même si elle peut peut-être un peu frustrer, effleurant seulement certaines thématiques). Reste qu'il s'agit d'un essai dans un genre qu'on n'a pas forcément souvent l'occasion de voir dans le petit écran sud-coréen : à découvrir !


NOTE : 8,5/10

21/11/2012

(K-Drama / Pilote) Can we get married ? : un drama relationnel humain, dynamique et rafraîchissant

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Il est des séries qui ne payent pas de mine a priori, dont la lecture de leur synopsis n'éveille pas d'intérêt particulier face à une histoire qui sonne déjà trop familière au téléspectateur. Prenez Can we get married ? : avec ce titre anglophone que les dramas coréens auront bientôt décliné sous toutes ses coutures (de The Man who can't get married à The Woman who still wants to marry), c'était une série qui s'annonçait dans la lignée la plus traditionnelle des fictions relationnelles, entre romance et famille. Je l'aurais sans doute écartée sans même la tester, si je n'avais pas lu plusieurs échos positifs ça et qui ont éveillé ma curiosité jusqu'alors insensible à ce drama. Au final, heureusement que ces avis étaient là.

Précisons tout de suite que les apparences ne sont pas toujours trompeuses : il est certain que Can we get married ? ne révolutionnera pas la fiction sud-coréenne sur ces sempiternels thèmes liés à l'amour. Cependant ce drama propose des débuts aussi dynamiques que rafraîchissants, avec une sobriété et une relative justesse bienvenue dans la mise en scène des sentiments. En résumé, dans le respect des traditions du petit écran du pays du Matin calme, ce fut une jolie surprise. Diffusée sur la chaîne câblée jTBC, les lundi et mardi, cette série a débuté le 29 octobre 2012. Il était donc grand temps que j'y consacre un mercredi asiatique !

[La review qui suit a été rédigée après avoir visionné les deux premiers épisodes.]

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Can we get married ? suit les destins croisés de plusieurs couples gravitant autour des deux protagonistes principaux, Jung Hoon et Hye Yoon, qui, après trois années passées à se fréquenter, décident de sauter le pas : le drama s'ouvre sur une demande en mariage de Jung Hoon qui, si elle ne se déroule pas totalement telle que planifiée (de l'éternel danger de glisser une bague dans un aliment...), rencontre la réponse affirmative et enthousiaste de Hye Yoon. Certes, la jeune femme, au caractère bien trempé, ne manque jamais d'énoncer à voix haute ses opinions, y compris sur son petit ami, mais elle n'en est pas moins très amoureuse. Il reste désormais au couple à faire le plus difficile : organiser le mariage en lui-même, et surtout rencontrer et se faire apprécier de leurs futures belle-familles respectives.

Or Deul Ja, la mère de Hye Yoon, forte tête également, a ses propres ambitions sur le mariage idéal que doivent contracter ses filles. Matérialiste et pratique, elle entend les préserver du besoin : plus qu'un mari attentionné ou gentil, l'argent est son critère déterminant. Qu'importe que sa fille aînée, mariée à un chirurgien, vive aujourd'hui une union guère épanouissante... tant que le confort apparent est là. Or Jung Hoon, son futur gendre, n'est qu'un simple employé, sans ambition démesurée, qui veut seulement vivre une vie ordinaire. Les craintes de Deul Ja se modèrent un temps lorsqu'elle apprend la condition sociale de ses parents, mais son interventionnisme ne connaît pas de frein dans la vie de sa fille. Au risque de mettre en danger le mariage même ?

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Si Can we get married ? ne se démarque pas par l'originalité des situations relatées, il faut avant tout reconnaître au drama une énergie et une recherche d'authenticité qui fait souvent mouche. A la fois classique dans ses problématiques et rafraîchissant dans le traitement qui en est proposé, il ambitionne de décliner le thème du mariage à travers différentes approches englobant toutes les conceptions, de la plus bassement matérielle à la plus fleur bleue romantique. Le repère du récit est le couple central : celui-ci renvoie évidemment à l'archétype des jeunes fiancés amoureux, qui ont les certitudes de leurs sentiments, mais encore parfois d'ultimes hésitations face à l'engagement. Reste qu'ils suivent pour le moment parfaitement cette feuille de route modèle dessinée par la société sud-coréenne.

Pour enrichir et nuancer cette problématique sentimentale, le drama introduit opportunément tout un entourage - principalement féminin autour de Hye Yoon - dont les situations sont très diverses, et surtout loin des archétypes idéalisés. Ainsi la meilleure amie de Hye Yoon est-elle enfermée depuis 5 ans dans une relation avec un playboy allergique à tout engagement : elle s'impatiente, désespère, mais doit bien se rendre compte que l'amour a ses raisons que la raison ignore. Ils peuvent bien rompre, ses sentiments n'en disparaissent pas pour autant. La soeur de Hye Yoon, mère de famille, s'est, elle, bien mariée, mais son couple ne fonctionne plus. La tension y est palpable, et apprendre l'infidélité du mari n'est pas une surprise. Quant à la tante de Hye Yoon, confidente et alliée, elle est une éternelle célibataire qui semble avoir tiré un trait sur le mariage...

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A partir de ce kaléidoscope de portraits autour de la thématique du couple, Can we get married ? séduit parce qu'il est un vrai drama relationnel au sens traditionnel, mais aussi noble du terme. C'est-à-dire qu'il trouve le juste équilibre des tonalités : il propose un récit certes romancé, émaillé de crises de nerfs et de rebondissements propres à la fiction, mais il ne tombe jamais dans des excès soap-esques vite indigestes. Ses personnages sont entiers et hauts en couleur dans le bon sens du terme. Le rôle tenu par la mère est particulièrement révélateur de ce savant dosage : elle s'oppose dans un premier temps au mariage, puis se mêle ensuite des comptes familiaux de son futur gendre... Mais si son interventionnisme embarrasse plus d'une fois sa fille, elle ne verse pas pour autant dans la caricature des belles-mères odieuses et manipulatrices complotant pour de l'argent. Elle reste crédible dans un rôle têtu, agaçant pour Hye Yoon, mais logique vis-à-vis sa propre expérience (et déception) des hommes.

Plus généralement, la fluidité avec laquelle le drama sait si bien entremêler ces cocktails amoureux tient à la qualité de son écriture, et notamment de ses dialogues. En effet, le scénariste manie l'art des joutes oratoires avec une plume acérée, qui occasionne des échanges très rapides (l'oeil du téléspectateur doit se faire vif pour lire les sous-titres !), reposant sur un vigoureux sens de la répartie assez savoureux. Dans toutes ses explosions d'émotions, de colères sitôt venues, sitôt oubliées, ou encore de soudaine expression des sentiments, le drama conserve toujours une authenticité bien réelle, et une vraie cohérence dans sa gestion des relations. Au-delà de la dramatisation nécessaire pour mettre un peu de piment dans ces histoires, un pendant relativement sobre perdure et permet de ne pas oublier que l'essentiel reste de dresser des portraits humains, qui parlent au téléspectateur : un objectif atteint !

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Sur la forme, Can we get married ? est l'antithèse des reproches que je formulais à The King of Dramas la semaine dernière. Alors que ce dernier était saturé d'effets qui finissaient par ne plus atteindre aucun but, noyés dans une bande-son que ses excès rendaient inaudible, Can we get married ? est un drama beaucoup plus posé. Si la réalisation est classique, la photographie est relativement sobre, ce qui sied bien à une fiction essayant de retranscrire avec une certaine authenticité tous ces malentendus amoureux. Cependant, c'est surtout l'utilisation faite avec justesse de la musique qui marque : sachant impulser un dynamisme opportun lors de certaines scènes, avec des instrumentaux plus ou moins rythmés, la bande-son sait aussi s'effacer quand il le faut, c'est-à-dire durant les échanges les plus importants. Il est frappant de constater combien les confrontations reposent intégralement sur les dialogues, sans musique pour tenter artificiellement de souligner le moment. La série n'a pas besoin de ces artifices, et c'est sans doute un des meilleurs compliments que l'on puisse adresser à son écriture.

Côté casting, Can we get married ? rassemble des acteurs dans l'ensemble corrects qui, sans se démarquer vraiment, ni imposer une présence notable à l'écran, savent efficacement rentrer dans leur rôle respectif. C'est particulièrement flagrant pour les deux acteurs principaux que sont Sung Joon (précisons que cet acteur bénéficie de l'affection particulière que j'éprouverais toujours pour le casting de White Christmas) et Jung So Min (Playful Kiss) : ils créent très vite une intéressante alchimie entre eux qui passe très bien à l'écran. Bien servis par des dialogues solides, ils incarnent des personnages qui leur correspondent. A leurs côtés, on retrouve notamment Kim Sung Min, Jung Ae Yun, Lee mi Sook, Sun Woo Eun Sook, Kang suk Wo, Kim Young Kwang, Hang Groo, Kim Jin Soo ou encore Choi Hwa Jung.

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Bilan : S'inscrivant dans la plus pure tradition des dramas relationnels sud-coréens, Can we get married ? se réapproprie et assume avec une maîtrise et une assurance appréciables les ressorts classiques du genre qu'il investit. Il sait se montrer rafraîchissant et efficace dans son approche, mêlant sens de la dramatisation nécessaire à la fiction et une certaine authenticité qui préserve l'humanité des portraits dépeints. Cohérent dans sa gestion des relations, il se démarque tout particulièrement par la mise en scène de ses confrontations, explosions savoureuses bien servies par de solides dialogues, qui apportent une intensité bienvenue à l'ensemble. Le potentiel est donc là, reste à Can we get married ? à bien grandir et à confirmer ces débuts.


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :

14/11/2012

(K-Drama / Pilote) The King of Dramas : dans l'univers impitoyable de la conception des dramas

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Quand on regarde autant de séries que nous, forcément, c'est avec une curiosité mêlée d'excitation que l'on se glisse devant une fiction sur le fameux envers d'un décor qu'on connaît trop bien. L'exercice est risqué : il est toujours difficile de tendre un miroir vers soi-même pour dresser le portrait d'une industrie dont le drama en question ne reste pas moins une émanation. Il faut éviter de se complaire dans le récit romancé glamour et un peu vide, mais aussi de renvoyer l'impression d'une certaine hypocrisie à mettre l'accent sur des dysfonctionnements et excès qui sont également présents à l'origine du drama regardé. En Corée du Sud, des dramas ont déjà essayé ces dernières années de se glisser dans les coulisses : de On Air à Worlds Within, les résultats ont été pour le moins mitigés.

Avec de tels antécédents, se posait la question de savoir comment allait se positionner la dernière nouveauté du genre, lancée par SBS le 5 novembre 2012, The King of Dramas (aka The Lord of Dramas). Sans qu'il s'agisse d'une de mes réelles attentes pour cette fin d'année, la sériephile que je suis résiste rarement à l'invitation à une immersion dans le monde des producteurs, scénaristes et autres diffuseurs. Ces deux premiers épisodes n'ont pas démérité : sans échapper à certains excès (sur le fond, comme sur la forme), ils proposent une introduction énergique. Reste à espérer que le drama n'en fasse pas trop et ne se disperse pas ; une de mes principales craintes à terme.

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Anthony Kim est un producteur à succés à qui tout semble réussir. Requin aux dents acérées dans un milieu où personne ne se fait de cadeaux, il n'hésite pas à provoquer sa chance, poussant toutes ses équipes à bout pour atteindre les objectifs qu'il se fixe. Pour lui, une seule chose compte : faire de l'argent et donc rentabiliser le produit qu'il développe, à savoir le drama. Pour assurer un product placement efficace ou pour passer une barre d'audience symbolique, il n'hésite pas à sacrifier sans hésiter toute créativité scénaristique, voire même la logique de l'histoire mise en scène. Que ses dramas génèrent des sous, voilà le seul objectif qui importe à ses yeux.

C'est lors de la finalisation d'une de ses séries qu'il entre dans la vie de Lee Go Eun, une jeune assistante scénariste qu'il va manipuler pour finir les dernières scènes d'un drama que la scénariste principale vient de quitter en claquant la porte. Mais à trop forcer sa chance, Anthony Kim va être à son tour broyé par le système dont il s'est tant de fois servi à son profit. Un scandale éclate en effet suite à la mort d'un coursier qu'il avait mandaté pour un service extrêmement dangereux. Chacun en profite dans l'industrie pour se retourner contre cet être qui a suscité autant de jalousie qu'il s'est fait d'ennemis. Anthony Kim perd alors tout, y compris sa compagnie.

Trois ans plus tard, il se morfond en rêvant d'un come-back et, surtout, de vengeanace. Il croit venue sa chance lorsqu'il met la main sur un projet de financement japonais de drama. Mais le thème l'oblige tout d'abord à recontacter Go Eun, laquelle a abandonné toute idée de carrière suite à ses mensonges. Non seulement il va devoir essayer de la convaincre de travailler avec lui, mais en plus le Japonais commanditaire semble avoir lui-aussi son propre agenda...

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Si les débuts de The King of Dramas capturent immédiatement l'attention du téléspectateur, c'est qu'ils reposent sur une première demi-heure sur-vitaminée et assez réjouissante, proposant un aperçu condensé - de la manière la plus excessive possible - de la réalité derrière la façade policé et doré de l'hallyu. On a l'occasion d'apprécier le véritable contre-la-montre, tellement tendu et éprouvant, que représentent les tournages en "live", avec la mise sous pression de toute l'équipe et les rythmes dantesques à tenir dans lesquels chacun - du scénariste aux acteurs, en passant par le réalisateur - se ruine la santé. En outre, le volet marketing n'est pas absent : tous ces psychodrames naissent en effet de la nécessité de caser un jus d'orange en product placement dans la scène finale du drama qui voit le héros mourir. Savoureuse absurdité. Devant cet attentat à sa création, la scénariste en avale son stylo, et renvoie le producteur insistant dans les cordes, laissant toute la production en stand-by tandis que, le soir-même, ce fameux épisode dont les dernières minutes n'ont même pas encore été écrites doit être diffusé à la télévision.

L'introduction de The King of Dramas prend donc un malin plaisir à croquer toutes les dérives trop bien connues de l'industrie des k-dramas, oscillant entre la caricature presque satirique et une pointe d'autodérision, portées par une écriture énergique et sans nuance. Les thèmes abordés ne laissent pas le téléspectateur amateur de dramas insensible, lui qui s'est plus d'une fois arraché les cheveux devant les aléas de scénarios dont l'écriture souffre du rythme à tenir, ou encore devant l'insertion inutile de flashbacks faisant gagner une poignée de minutes (quand ce ne sont pas des épisodes que l'on ajoute avec ces extensions dans lesquelles trop de dramas se perdent). La thématique principale de The King of Dramas revêt d'ailleurs un intérêt particulier, avec un potentiel indéniable : dès le départ, est mis l'accent sur la tension entre marketing et créativité. Forcer Anthony Kim et Go Eun à travailler ensemble promet beaucoup. Personnifiant les deux natures presque antinomiques du drama, à la fois produit commercial et création issue de l'imaginaire, ces personnages vont devoir collaborer pour essayer de construire une fiction qui satisfera leurs deux exigences. Un tel résultat est-il possible ?

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Nous glissant dans la conception d'une série, The King of Dramas n'en demeure pas moins un k-drama qui s'assume et se réapproprie les recettes très familières du genre. Ce sera là une de mes réserves : la caractérisation des personnages s'esquisse sur des bases très calibrées, rentrant trop parfaitement dans les canons. Face à l'abrasif ambitieux et arrogant personnage masculin, se dresse la naïve apprentie entendant faire ses preuves en tant que scénariste. Tout sonne ici très prévisible, jusqu'au détail qui vient fendiller la froideur apparente d'Anthony Kim - le fait de devoir enchaîner les anti-dépresseurs pour ne pas fondre constamment en larmes. Il y a une impression d'artificialité qui se dégage de ces personnages encore trop standards, et auprès desquels, conséquence logique de cette prévisibilité un peu superficielle, le téléspectateur met un temps à s'impliquer. 

De manière générale, The King of Dramas a le clinquant, assumé et même revendiqué, propre à l'environnement dans lequel il nous plonge, s'inscrivant ainsi en continuité avec le sujet traité. Il s'agit d'un drama plein de vitalité, avec le lot d'excès qui lui est inhérent. Le cocktail fonctionne pour le moment car l'écriture est assurée, et les traits de caractères comme les situations ont les traits volontairement forcés. Cependant cette énergie n'est pas toujours bien canalysée, et se perçoivent certaines limites : le risque de trop en faire, en versant dans une surenchère discutable (le "cliffhanger" du deuxième épisode est une de mes sources d'inquiétude). Tout dépendra de la manière dont le ton s'équilibrera, mais attention à la dispersion et à la volonté de tenter de se lancer à la poursuite d'un tel rythme pour tout le drama. Une fiction solide permettant la confrontation et l'évolution des deux figures principales suffira amplement.

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Cette tendance à trop d'effets se retrouve sur la forme de la série. Plus que par sa réalisation qui répond bien au clinquant du milieu du showbiz, The King of Dramas est surtout un drama saturé musicalement. Pareillement au scénario qui semble craindre le moindre temps-mort et relance constamment l'histoire, il n'ose envisager la possibilité d'une scène au fond sonore silencieux : les musiques s'enchaînent, interchangeables et vites oubliables pour la plupart, mais faisant que tout l'épisode ronronne musicalement sans véritable nuance, ni sans trouver la tonalité qui lui est propre.

Enfin, côté casting, j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir Jung Ryu Won, à laquelle je me suis attachée et dont j'avais beaucoup aimé la performance dans History of a salaryman. Elle a une façon de se réapproprier ses personnages qui les rend immédiatement attachants, sachant retranscrire la détermination inébranlable et les sautes d'humeur, comme les moments de vulnérabilité. Cela explique qu'en dépit de mes réticences face au traitement des protagonistes, elle ait su m'interpeller. Face à elle, Kim Myung Min (que je n'avais pas revu depuis Beethoven Virus, soit une éternité) délivre une interprétation parfaitement maîtrisée, dans le registre du businessman, véritable requin prêt à tout, pour qui seul l'argent importe. Reste à voir comment se développeront les nuances qui viendront forcément (et j'espère, pas uniquement via quelque chose d'aussi artificiel que la prise de médicaments psychotropes). Le reste de la distribution principale est confiée à Choi Si Won (Oh! My Lady, Poseidon), Jung Man Shik (The King 2 Hearts) et Oh Ji Eun (I Live in Cheongdam-dong).

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Bilan : N'en cachant ni les dérives, ni les excès, et sans tomber dans le glamour romancé, The King of Dramas propose une incursion dans l'univers impitoyable de la conception et de la production des k-dramas. L'écriture est énergique, ne cherchant pas à faire dans la nuance. Du fait de personnages encore trop stéréotypés, qui empruntent à des recettes assez convenues, le principal attrait du drama réside dans son sujet, et cette alliance malaisée entre marketing et créativité qu'il va nous relater. Quelques tendances à la surenchère me laissent un peu réservée pour la suite. Mais, vous me connaissez, je serai forcément là pour vérifier, et croiser les doigts pour que The King of Dramas tienne le cap.


NOTE : 6,5/10


Une bande-annonce de la série :

Une chanson de l'OST :