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13/06/2012

(J-Drama) Jin, saison 2 : dans la tourmente de la restauration de Meiji

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Chose promise, chose due ! Jin méritait de se voir consacrer un second mercredi asiatique d'affilée. A partir de la semaine prochaine, My Télé is Rich! repart en Corée du Sud, où on parlera des dernières nouveautés des grandes chaînes (et peut-être même plus). En revanche, il est probable qu'il s'agisse du dernier billet relatif à ces histoires de chirurgien propulsé au XIXe siècle. Je ne reviendrai sans doute pas sur le remake actuellement diffusé sur MBC, Dr Jin. Ayant non seulement réussi à vider de toute sa substance l'oeuvre d'origine, ce k-drama souffre de tant de poncifs maladroits que le visionnage des deux premiers épisodes aura été suffisamment douloureux pour me convaincre de ne pas persister. Inutile donc d'épiloguer : savourez le j-drama, oubliez le k-drama. 

La série japonaise mérite d'autant plus le détour qu'après tous les louanges que sa saison 1 méritait, la seconde (diffusée au printemps 2011 au Japon) n'aura absolument pas dépareillé, et aura maintenu une qualité constante. Elle s'inscrit ainsi dans la continuité de la tonalité du drama, tout en apportant cependant de nouveaux éclairages. En effet, sans négliger le personnel et le médical - qui étaient centraux dans la saison 1 -, c'est désormais l'approche politique qui prend une place plus importante. Car Jin est rattrapé par l'Histoire, et plus précisément la restauration de Meiji. C'est toujours aussi riche, et passionnant. En somme, un j-drama qui vous fait vibrer, et en prime qui réussit à conclure de manière plutôt satisfaisante la mythologie de science-fiction le sous-tendant : que demander de plus ?

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Pour apprécier l'orientation de cette seconde saison, il est utile de revenir sur la première : elle s'était concentrée sur les difficultés d'adaptation du chirurgien du XXIe siècle face à cette société japonaise du XIXe siècle, avec ses moeurs au parfum encore féodal et sa science médicale qui rencontrait tout juste l'occidentale. Le fil rouge était une intrigue personnelle qui tenait toute entière dans cette photo changeante, puis disparue, de Miki, la fiancée de Jin, abandonnée dans le coma dans le présent. Le dilemme qui se posait au chirurgien était le suivant : pouvait-il, par ses actes dans ce passé, la sauver d'une manière ou d'une autre et lui offrir un nouvel avenir ? L'arc autour du personnage de Nokaze était ainsi hautement symbolique : la réussite de l'opération de son cancer du sein, accompagnée de sa "libération" lui permettant de quitter le bordel, ouvrait la voie d'un possible futur. Cela s'inscrivait en écho à la faillite de l'opération de Miki qui avait précédé le voyage temporel, refermant la boucle par une note d'optimisme.

A la fin de la saison 1, Jin n'a désormais plus de moyens de connaître l'influence de ses actes sur le présent. Paradoxalement, il apparaît cependant en paix avec lui-même vis-à-vis de Miki. Il ne peut qu'espérer que l'avenir de cette dernière s'écrira, et laisser l'Histoire et la vie suivre son cours. Tout en jouant sur les parallèles entre Nokaze et Miki - la première se révélant l'ancêtre de la seconde -, la série a cependant toujours eu l'intelligence de ne pas céder à la facilité qui aurait consisté à reproduire dans le passé les schémas du présent. Elle préfèrera continuer de construire et de faire évoluer la vie de son héros au gré de ses rencontres. La saison 2 confirme que, au sein de cette esquisse de triangle amoureux qu'on devine confusément impossible, c'est avec Saki que Jin noue les liens les plus forts dans son quotidien de médecin révolutionnant les sciences. Le choix des scénaristes de reconnaître l'existence de cet amour, sans lui permettre de se concrétiser, apporte une dimension tragique supplémentaire dans la vie fort éprouvante de Jin. L'émotionnel à fleur de peau restant une des caractéristiques de l'écriture, la force de l'ensemble n'en est pas amoindrie : la fin en est tout aussi intense et poignante.

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Si la saison 2 emprunte aux éléments médicaux et relationnels de la première, la série y prend un tournant beaucoup plus politique. L'Histoire est véritablement en marche. Jin se retrouve catapulté dans les soubresauts politiques de l'époque, lui-même victime de complots à son encontre. Dans une ambiance propre à la tension marquant la fin d'une ère, le pays bascule dans une guerre interne où il faut choisir un camp, et s'y tenir. C'est l'occasion dans ce contexte d'adversité de voir mûrir et s'affirmer les personnages : qu'il s'agisse de la gestion de l'établissement médical ouvert par Jin, que ses assistants prennent peu à peu en charge, ou bien du frère de Saki, Kyotaro, qui cherche toujours sa place et se retrouve dans le camp du shogunat. Les jours du régime sont pourtant comptés, et c'est un autre fil rouge qui s'impose sous forme de compte à rebours. Cette fois-ci, c'est à un destin déjà scellé que Jin s'attaque, une mort enregistrée et connue de tous : l'assassinat de Sakamoto Ryoma au cours de cette période de transition politique. 

De manière générale, la grande réussite de la série au cours de cette saison 2 est de parvenir à entremêler grande et petites Histoires, l'approche personnelle se justifiant grâce au lien d'amitié qui unit Jin avec cette grande figure associée à cette période qu'est Sakamoto Ryoma. Ce dernier prend beaucoup plus de place dans cette deuxième partie. Il reste iconoclaste, mais gagne cependant en nuance et en maturité. Son rôle est double : il permet de mesurer les enjeux de la restauration, ainsi que les conditions dans laquelle elle va s'opérer, tout en servant de catalyseur dramatique. Ses rapports avec Jin sont dépeints de manière très intéressante, reflétant la rencontre de deux personnages extraordinaires chacun à leur manière. Tout l'enjeu de la saison sera de savoir jusqu'où Jin peut-il exercer son influence. Il a la faculté de modifier certaines destinées, d'introduire des améliorations - médicales - ou des idées - le système d'assurances -, mais l'Histoire n'a-t-elle pas aussi des points fixes sur lesquels il reste impuissant ? C'est en suivant cette trame solide du destin de Ryoma, qui apparaît comme une échéance inéluctable, que la saison 2 peut donc se développer.

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Au sein de ce mélange de médical humaniste et de politique historique, il est un thème qui sera toujours resté plus en retrait au cours des deux saisons : la dimension fantastique du voyage temporel qui fonde le drama. Jin n'a jamais cherché à développer outre-mesure ce versant tendant plus vers la science-fiction. Il a intégré certaines problématiques propres à ce genre - peut-on, doit-on, et jusqu'où changer le passé, et ce, sans hypothéquer le futur ? -, mais il a toujours préféré une approche privilégiant l'humain au développement d'une mythologie qui aurait risqué de mobiliser toute l'attention. Assez logiquement, c'est donc sur une conclusion sobre que le drama se termine. S'il y a bien l'esquisse d'une théorisation sur tableau blanc pour expliquer le présent dans lequel Jin revient, avec ses évènements fixes et ses changements, cet outil pédagogique sonne artificiel. Cette justification s'adresse au téléspectateur curieux, mais il n'est clairement pas l'enjeu d'un dernier épisode qui fait vibrer une fibre émotionnelle autrement plus bouleversante. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé cette fin douce-amère, toute en retenue, qui s'inscrit dans l'esprit de la série.

Sur la forme, cette saison 2 conserve tous les atouts de la première : une réalisation maîtrisée et posée, quelques plans magnifiques, notamment cette vue plongeante sur Edo. La musique demeure omniprésente et toujours aussi marquante. J'aurais rarement vu une OST faisant aussi corps, définissant l'identité et la tonalité de la série qu'elle accompagne. Cette fois-ci, la chanson du générique de fin est interprétée par Ken Hirai ; elle est plus intense que la première, déchirante à souhait et convenant parfaitement à la tournure dramatique que prennent les évènements. Enfin, côté casting, tout le monde maîtrise son sujet. Osawa Takao continue de m'impressionner : il aura vraiment su faire partager au téléspectateur toutes les émotions de son personnage face à toutes les épreuves qu'il doit affronter. Uchino Masaaki conserve une interprétation qui sur-joue, mais cependant l'écriture lui permet de gagner en subtiité ; peut-être cette aura particulière est-elle aussi liée au destin tragique l'attendant.

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Bilan : Fiction passionnante, qui aura revêtu au cours de cette seconde saison une dimension dramatique supplémentaire, Jin reste une oeuvre originale et solide, à la richesse fascinante, qui aura réussi à jouer pleinement sur trois registres différents : la fiction médicale, le drame humain et le récit historique. C'est sur ce dernier plan que cette saison 2 se démarque le plus et apporte un nouvel éclairage : elle nous plonge en effet au coeur des soubresauts d'un changement de régime, au sein d'un Japon qui se modernise. L'enjeu de la série n'est pas le pourquoi/comment du voyage temporel, mais bien tout ce qu'il va faire vivre au cours de ces années passées à l'époque d'Edo. Ainsi, avec son héros humain et faillible, Jin est une belle aventure humaine, revigorante, qui mérite assurément le détour.


NOTE : 9/10


La chanson du générique de fin (par Ken Hirai) :