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03/03/2011

(Mini-série UK) The Promise (Le Serment) : Divided land, divided loyalty.

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Si mon attrait pour la télévision britannique est quelque chose qui a grandi progressivement, ma première vraie rencontre avec ce petit écran remonte à un peu plus de dix ans désormais, en octobre 2000. C'était une fiction diffusée sur Arte. La non-anglophone que j'étais avait même réussi à l'enregistrer en VOST. Ce fut ma première véritable claque téléphagique britannique et j'y ai retenu mon premier nom de scénariste anglais : Peter Kosminsky. La mini-série s'appelait Warriors : l'impossible mission. Ce soir-là, je me suis dit que si cette télévision pouvait produire ce type de fiction, il fallait vraiment que je me penche sur ses programmes. A l'époque, ce n'était qu'un voeu pieux. Mais cette rencontre servit de catalyseur ; et c'est à elle que vous devez sans doute en partie la ligne éditoriale de ce blog (et la présence de Ioan Gruffudd au centre de la bannière d'accueil).

Le nom de Peter Kosminsky demeure donc pour moi une référence dans le petit écran britannique. Le premier à m'avoir montré la voie vers cette télévision. Depuis, de The Projet au Government Inspector, j'ai aussi appris à apprécier son style, qui reste à part. Empreintes de son passé de grand reporter et de documentariste, ces fictions, par leur sujet et la sensibilité politique des thèmes abordés, laissent rarement indifférent. Au cours de ce mois de février 2011, Channel 4 a proposé sa dernière création : une mini-série prenante qui s'inscrit dans la lignée de la tonalité des précédentes, et dont l'idée naquit justement après Warriors.

Composée de 4 épisodes d'1h30 chacun, cette mini-série a été co-produite par Arte et Canal +. Le téléspectateur français pourra la découvrir à partir du 21 mars prochain, à l'occasion d'une diffusion sur la chaîne cryptée.

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Disposant d'une construction narrative originale, The Promise va habilement entrelacer passé et présent, en nous narrant, à travers deux destinées parallèles - celle de la petite-fille d'aujourd'hui et celle de son grand-père dans sa jeunesse - à cinquante années de distance, tant la genèse immédiate de la création de l'Etat d'Israël au sortir de la Seconde Guerre Mondiale que la situation actuelle du pays.

Erin est une jeune anglaise de 18 ans, plus vraiment adolescente, pas encore complètement adulte, dont la vie est bridée par ses crises d'épilepsie. Sa meilleure amie Eliza, une Israëlienne en pension en Angleterre depuis son plus jeune âge, a décidé de rentrer chez ses parents afin de suivre la formation requise pour y effectuer son service militaire. Erin n'ayant rien d'autre de prévu durant ces quelques mois, elle accepte l'offre de venir passer quelques mois en Israël, en guise de soutien moral pour une amie qu'elle ne verra que les week-ends. Avant de partir, la jeune femme, aidant sa mère à trier les affaires d'un grand-père mourant qui leur est étranger à toutes deux, tombe par hasard sur le journal intime qu'il écrivit durant les années qu'il passa dans l'armée. Curieuse d'en apprendre plus sur quelqu'un qui n'a jamais été proche de sa famille, elle prend le journal avec elle. Cette lecture va bouleverser le séjour festif et dilettante qu'elle avait prévu.

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Erin découvre en effet que Len Matthews a non seulement combattu durant la Seconde Guerre Mondiale, mais que, s'étant ensuite engagé dans l'armée de métier, il servit également en Palestine, territoire alors sous mandat britannique depuis la fin de la Première Guerre Mondiale. Il y resta jusqu'au retrait des troupes anglaises en 1948. De la libération du camp de concentration de Bergen-Belsen jusqu'à la création officielle d'Israël, elle revit à travers son récit la genèse immédiate de l'Etat, mais aussi, de manière plus intime, comment ces évènements brisèrent irréversiblement le jeune homme qu'était son grand-père. Et ce d'autant que, plus que les drames et les trahisons qui marquèrent un service qu'il achèvera en prison, il y a aussi cette promesse mystérieuse qu'il n'a jamais pu tenir envers une famille palestinienne, et qui occupe les dernières lignes de son journal.

Marchant sur les traces de son grand-père, cinquante ans plus tard, Erin va apprendre peu à peu à connaître cet homme dont elle ignorait tout. A travers cette histoire personnelle, en éclairant un pan d'Histoire méconnu, la jeune anglaise va effleurer, troublée, la complexité de la réalité actuelle en Israël/Palestine. De la villa au confort illusoire paradisiaque des parents d'Eliza jusqu'à la maison de martyr à Gaza, en passant par Hebron, son approche manichéenne va vite lui apparaître aussi futile que naïve.

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La première force de The Promise vient de son sujet, forcément complexe et extrêmement sensible, qu'il faut aborder avec subtilité, mais aussi nuances. Peter Kosminsky y applique son style habituel : une approche directe, factuelle, dont la sobriété tend naturellement vers le docu-fiction, tout en demeurant une histoire humaine romancée à vocation pédagogique. La mini-série s'attache donc à dresser un tableau aussi complet que possible, rassemblant les points de vue de tous les protagonistes, tout en utilisant le regard extérieur des Anglais, entraînés dans une situation conflictuelle à laquelle ils sont étrangères. Tel un écho parfaitement complémentaire, le passé pose ainsi les bases et un point de départ, tandis que le présent éclaire le résultat et les maux actuels. Homogène et parfaitement maîtrisée, cette alternance entre deux époques est assurément une des grandes réussites de la mini-série. Elle lui apporte la consistance et cette dimension supplémentaire que confèrent le recul, tout en permettant aussi une meilleure compréhension des enjeux et de ce qui a forgé la mémoire de cette région du monde.

Le personnage d'Erin constitue notre point d'entrée dans ce récit. Le téléspectateur va suivre la genèse d'Israël au rythme de sa lecture du journal intime, tout en découvrant, par ses yeux, la situation actuelle. The Promise fait donc tout d'abord office de récit historique, à travers un angle narratif particulier : celui des soldats anglais. Le service de Len va opportunément permettre de balayer toute cette période trouble. De l'accueil difficile des réfugiés juifs en provenance d'Europe, tout juste libérés des camps de concentration, jusqu'au retrait des forces britanniques qui abandonnent le territoire à une guerre civile, entre exodes et massacres de population locale, la mini-série retrace schématiquement les grandes lignes d'une Histoire tourmentée, choisissant d'éclairer tout particulièrement les étapes importantes et les évènements les plus symboliques, comme l'attentat de l'hôtel King David.

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Cependant, tout en proposant une fenêtre sur le passé, c'est aussi sur le présent que The Promise va s'arrêter. En marchant sur les pas tracés autrefois par son grand-père, Erin découvre le pays tel qu'il existe aujourd'hui. Au fur et à mesure de son séjour, une situation de plus en plus complexe, inextricable, se dessine sous ses yeux de jeune londonienne. A nouveau, la mini-série s'efforce de proposer un panorama complet de ce qu'il s'y passe. Au-delà de la situation rencontrée à à Hebron ou à Gaza, c'est en retranscrivant l'état d'esprit des habitants que la mini-série va réussir son oeuvre la plus aboutie. Avec la figure du frère d'Eliza, libéral opposé notamment à la construction du mur, elle introduit un premier débat, pour ensuite l'élargir progressivement et dépeindre les clivages, mais aussi les sensibilités, d'Israëliens comme de Palestiniens. En présentant tous ces points de vue, irréconciliables, formatés par un passé sanglant et spoliateur autant que façonnés par des drames personnels, The Promise propose un véritable instantané de cette région du monde, esquissant ses complexités et ses paradoxes.

Pour autant, si The Promise se veut didactique, sa réussite va être de ne jamais oublier qu'elle demeure, avant tout, une fiction. Son objet n'est pas seulement un éclairage d'Israël, elle relate surtout une histoire profondément humaine, dotée de storylines parfaitement construites et abouties qui ne donnent jamais  l'impression d'être un simple prétexte pour évoquer ce thème. Prenante sur le fond, mais aussi particulièrement chargée émotionnellement, elle ne laissera pas le téléspectateur indifférent. Car ce dernier s'implique sur un plan affectif : il s'attache à ces deux personnages. Erin et Len ont leurs failles, mais leurs réactions sonnent toujours très justes, même lorsqu'elles manquent de lucidité. Ces deux destinées que la mini-série nous fait vivre en parallèle, sorte de parcours initiatiques qui marqueront profondément chacun des protagonistes, sont aussi intenses l'une que l'autre, même si logiquement plus dramatique pour Leonard. Reste que chaque récit, conduit avec habileté mais aussi beaucoup de rigueur, trouve une résonnance particulière dans un téléspectateur qui s'immerge véritablement dans l'histoire. Si bien que j'ai rarement vu passer aussi vite 1h30 devant mon petit écran.

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Pleinement aboutie sur le fond, The Promise l'est aussi sur la forme, qui va se révéler être à la hauteur des ambitions du scénario. Tout d'abord, la mini-série bénéficie d'une réalisation nerveuse. L'image est esthétiquement épurée, la caméra très réactive sans pour autant trop en faire, insufflant une impression de proximité à l'action. Le style d'ensemble est volontairement sobre. Ceci renforce cette sensation de réalisme, qui frôle parfois la mise en scène du docu-fiction, accentuée pour les évènements se déroulant dans le présent.

De plus, pour asseoir la force des images et des situations retranscrites, The Promise dispose d'une bande-son marquante, composée par Debbie Wiseman qui, utilisée à bon escient, fait rapidement partie intégrante de l'oeuvre. Le thème récurrent permet notamment de rythmer la narration et de souligner efficacement les moments de tensions. A l'écoute de ces morceaux composés uniquement d'instrumentaux, notamment avec du piano et du violon, le téléspectateur perçoit quelque chose de mélancolique, presque pesant et fataliste, derrière ces notes de musique qui sauront le toucher tout particulièrement.

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Enfin, The Promise s'appuie sur un casting solide et convaincant. Si téléspectateur s'investit autant émotionnellement auprès des deux protagonistes principaux, c'est sans doute autant grâce aux récits mis en scène qu'à l'interprétation proposée par ces deux jeunes acteurs. Claire Foy (Little Dorrit, Going Postal), dans un rôle d'observatrice extérieure, encore tellement naïve, qui bouleverse les conventions sociales établies, confirme tout le bien que l'on pouvait déjà penser d'elle. De façon peut-être plus notable, il faut souligner que la mini-série va être l'occasion pour Christian Cooke de revenir du bon côté de la force téléphagique et d'oublier les errements passés, en proposant une interprétation pleine et juste dans un registre autrement plus consistant que les séries (Demons, Trinity) dans lesquelles j'avais pu le croiser jusqu'à présent.

A leurs côtés, c'est toute une galerie d'acteurs au diapason de l'atmosphère de la mini-série qui les secondent efficacement. Parmi eux, on retrouve notamment Itay Tiran (Ha-Burganim), Katharina Schüttler (Carlos), Haaz Sleiman (Nurse Jackie), Ali Suliman, Perdita Weeks (Lost in Austen, The Tudors), Ben Miles (Lark Rise to Candleford), Smadar Wolfman ou encore Holly Aird (Waking the Dead, Identity).

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Bilan : Drame humain autant que récit didactique, The Promise est une mini-série aussi prenante que fascinante, à la fois radiographie du présent et fenêtre sur le passé. Dotée d'une narration homogène, composée de deux intrigues - dans le passé et dans le présent - qui s'emboîtent parfaitement et se complètent, The Promise trouve le juste équilibre entre sa volonté d'exposer une réalité actuelle complexe, dont les racines s'inscrivent dans le genèse-même de cet Etat, et une dimension humaine jamais négligée, avec des personnages forts auprès desquels le téléspectateur s'implique émotionnellement. En somme, sa réussite est de parvenir, en utilisant le prisme des histoires personnelles de ses protagonistes, à éclairer en arrière-plan la situation inextricable de cette région du monde. Cette mini-série aboutie et maîtrisée sur le fond comme sur la forme mérite assurément le détour.


La diffusion française sur Canal + est prévue à partir du 21 mars prochain. Un seul conseil : à ne pas manquer.


NOTE : 9/10


A écouter sur le sujet : une interview de Peter Kosminsky dans une émission de France Culture début février.


Un teaser :


Une bande-annonce de la mini-série :


12/11/2009

(Mini-série UK) Warriors : Yougoslavie, pays de toutes les désillusions


Je vous ai déjà confié tout le bien que je pensais de The Project (Les Années Tony Blair). Cependant, à mes yeux, la fiction la plus forte et la plus aboutie des oeuvres de Peter Kosminsky est une production plus ancienne. Il s'agit de Warriors. Elle fut diffusée en 1999 sur la BBC. En France, ce sera également Arte qui la fera découvrir aux téléspectateurs en 2000.

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Warriors occupe une place à part dans mon coeur, car elle a constitué, chez l'américanophile revendiquée et inconsciente que j'étais, le premier déclic d'une ouverture vers les fictions britanniques. Jusqu'à ce visionnage, je les avais surtout regardées de très loin, sans réellement m'intéresser à cette nationalité en tant que telle. Avouons-le, à l'époque, j'étais jeune et pêtrie de certitudes téléphagiques qui, avec le recul, paraissent d'une naïveté très réductrice. En effet, j'avais alors une vision très manichéenne du paysage sériephage qui consistait à visualiser, d'une part un grand bloc dit "anglo-saxon", où se mêlaient indifféremment Australie, Etats-Unis, Angleterre, etc..., et d'autre part un bloc "Europe continentale" (France, Allemagne...), ce dernier ne m'enthousiasmant que très rarement.

En cela, Warriors a conduit à une première prise de conscience (dont les conséquences immédiates furent limitées dans les faits par des raisons toutes matérielles : arriver à avoir accès à ces fictions m'était assez compliqué à ce moment-là). La sobriété, l'acuité d'analyse et le traitement brut des thématiques fortes de cette fiction font l'effet d'un électrochoc à tout téléspectateur qui s'y plonge. Mais ils m'ont de plus prouvé que, oui, il existait une production britannique qui avait son identité propre ; et qu'il était faux de la réduire à sa consoeur américaine, sous le prétexte d'une langue commune et d'une base culturelle en apparence similaire.

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Warriors nous raconte l'histoire de plusieurs soldats britanniques qui furent envoyés en Bosnie en 1993, au sein du contingent des casques bleus. Nous suivrons les différents protagonistes avant, durant et après le conflit. Confrontés à des évènements, des situations et des sentiments auxquels ils n'avaient jamais été préparés. "Avant", c'est le temps de l'insouciance et d'une réflexion abstraite sur cette guerre lointaine. Puis, le "pendant" met en scène le temps des doutes et des tragédies. Les doutes sur une mission à la portée restreinte et à l'inutilité prouvée chaque jour sur le terrain. Des tragédies, drames auxquels les soldats doivent assister avec pour ordre de ne pas intervenir. Une incapacité d'ingérence qui les immobilise et les blesse plus sûrement encore que les exactions dont ils sont témoins. Cruel rôle qu'on leur a assigné, celui de faire acte de présence, de servir d'une possible zone tampon. Or, les voilà cantonnés dans une attitude passive qui confine à l'impuissance pendant que des massacres ont lieu. La caméra opte pour une retranscription sobre, ne se complaîsant pas dans les horreur. Elle suggère plus qu'elle ne met en scène, sans que le récit de ces drames ne perde la moindre force. Il y aura bien des désobéissances de la part des soldats. Des tentatives individuelles à la marge pour sauver ce qui peut l'être, ou du moins pourrait l'être, si leurs ordres avaient été plus larges, s'ils avaient envisagé la réalité. Ces initiatives personnelles se solderont avec plus ou moins de réussites. Quelque chose mourra en eux là-bas ; qu'ils ne pourront ensuite guérir. Car, une des forces de Warriors, c'est de traiter non seulement les évènements, mais aussi leurs conséquences, c'est-à-dire les effets sur le plus long terme. En effet, la dernière partie de la mini-série évoque leur retour en Angleterre.  Il y a l'impossibilité d'oublier, de laisser ces images d'horreur derrière eux. A travers le quotidien, désormais dépourvu de toute innocence, de ces soldats rentrés au pays, est exposé tout le traumatisme subi par ces jeunes gens qui sont incapables d'occulter ce qu'il s'est produit. La Yougoslavie les poursuit, les hante constamment et achève de les briser, comme le souligne la scène finale.

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En utilisant l'outil de la fiction, pour toucher un plus large public qu'avec un simple documentaire, Peter Kosminsky réalise une dénonciation brutale, dotée d'une force qui ne peut laisser indifférent, des évènements qui se sont déroulés en Yougoslavie. Il expose toute l'impuissance des casques bleus confrontés à l'horreur du nettoyage ethnique, soulignant les conséquences dramatiques tant sur les victimes civiles qu'ils n'auraient pu empêcher, que sur ces jeunes soldats projetés dans une guerre qui n'est pas la leur et à laquelle ils ne peuvent prendre part. La Yougoslavie a démontré, jusqu'à l'absurde et au tragique, toute l'inutilité de l'idée d'envoyer des casques bleus, mains liées, sur une zone de conflit. Elle a aussi mis en exergue toutes les limites du droit international. Après avoir été paralysées 40 ans par la guerre froide, les Nations Unies recouvraient une capacité d'action. Or, c'est dans le bourbier Yougoslave qu'ils iront s'enliser, découvrant tous les obstacles à la mise en oeuvre de cette idée utopique de pacification. La Yougoslavie servit, ou aurait dû servir, de prise de conscience à la communauté internationale. Warriors est en cela un puissant plaidoyer.

Par ailleurs, l'oeuvre est portée par un casting très solide de jeunes acteurs en devenir, qui nous habitueront rapidement, au cours des années suivantes, à leur présence dans le petit écran, parmi lesquels notamment Matthew Macfadyen (Spooks, Little Dorritt), Damian Lewis (Band of Brothers, Life), Ioan Gruffudd (Hornblower) et Tom Ward (Silent Witness).

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Bilan : On ne ressort pas indemne de Warriors. Plus en état de choc qu'en pleurs, d'ailleurs. A aucun moment Peter Kosminsky n'essaye de jouer sur le larmoyant de cette tragédie qu'il nous raconte. Ce n'est pas l'objet du récit. Aucun excès d'interventionnismes scénaristiques pour romancer l'ensemble. Le savoir-faire du documentariste qu'était Peter Kosminsky avant qu'il ne se tourne vers les fictions transparaît pleinement dans le traitement de l'histoire. Nous sommes face à un témoignage brut, dont la détresse et le caractère poignant sont une partie intégrante de l'histoire. La sobriété avec laquelle tout cela est exposé contribue à asseoir la force et la portée de la narration.

Warriors est un réquisitoire implacable, une dénonciation forte des conditions de l'intervention des casques bleus en Yougoslavie et des évènements qui eurent lieu sous leurs yeux. On a beaucoup écrit sur le sujet, sur les limites de ces conventions internationales, sur cette "force de frappe" qui ne pouvait pas frapper. Mais le temps d'un récit fictif, Warriors apporte une pierre de plus à ces critiques, une pierre magistrale. Car si c'est une fiction, son impact est aussi fort, si ce n'est plus fort, qu'un documentaire.


NOTE : 9,5/10

05/11/2009

(Mini-série UK) The Project (Les Années Tony Blair) : l'histoire d'une désillusion

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The Project (Les Années Tony Blair) est un drama en deux parties, durant au total 4 heures, créé par le toujours très inspiré Peter Kosminsky. Jamais sorti en DVD, il a été diffusé sur la BBC en 2002, puis, en France, sur Arte, pour la première fois en septembre 2003. Porté par un casting solide, à commencer par l'excellent Matthew Macfadyen (Spooks, Little Dorrit...), on y retrouve également Naomie Harris, Paloma Baeza...

Ce drama constitue un modèle de fiction politique qui amène le téléspectateur à réfléchir sur le fonctionnement de nos démocraties modernes. et sur la gestion du pouvoir. Mais il fait, de plus, office de quasi-documentaire : c'est la lente métamorphose du Parti Travailliste (Labour) au cours des années 90 qui nous est décrite, à partir d'anecdotes réelles recueillies par les scénaristes grâce à des interviews auprès de membres du parti. Un travail de journaliste en amont qui assoit la crédibilité de la fiction, tout en accroissant la force de ses propos. La morale de l'histoire n'est pas optimiste : le constat dressé est celui d'un désanchantement. Dans la première partie, c'est le temps de l'opposition, de l'abstraction à travers ses idéaux. Une réflexion s'opère progressivement sur les moyens d'accéder au pouvoir. L'apogée arrive : c'est évidemment 1997, la victoire de Tony Blair, la concrétisation des rêves tout autant que le fruit d'un intense travail. Puis, vient la seconde partie, mettant cette fois en scène l'exercice du pouvoir par la nouvelle majorité. De 1992 à 2002, ce sont les mutations d'un parti qui va peu à peu perdre son âme, sous la férule de son chef, auxquelles on assiste. Peter Kosminsky dépeint un portrait sans concession, au vitriol, de l'évolution de cette génération blairiste. Une lente perte des illusions face à laquelle chacun des protagonistes va réagir différemment.

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The Project chronique la vie de quatre amis qui se sont connus sur les bancs de l'université : ardents militants du temps de l'opposition, ils accèderont ensuite aux responsabilités avec le succès électoral. Au coeur de l'histoire, on suit le destin croisé de deux jeunes gens, passionés par la politique : Paul (Matthew Macfadyen), qui s'investit dans la communication, et Maggie (Naomie Harris), jeune représentante élue dans l'euphorie de 1997. Tandis que Paul se retrouve orienté vers l'orchestration des basses manoeuvres, de manipulations en traîtrises, Maggie se voit tiraillée entre la discipline de parti et ses propres idéaux. Confrontés à ces choix difficiles, chacun réagit différemment et évolue. The Project se révèle particulièrement dur, car ce à quoi le téléspectateur assiste, ce sont les cruelles désillusions de personnes initialement sincères dans leur intérêt dans la politique. Ce n'était pas une question d'ambition. Mais le remodelage du parti autour de Tony Blair a bouleversé la donne. La pratique du pouvoir achèvera les derniers idéaux.

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A la différence d'une série comme The West Wing (A la Maison Blanche) qui, tout en nous immergeant dans les coulisses du pouvoir, cultive un certain idéalisme qui tend à réconcilier le téléspectateur avec la politique, The Project offre une vision brutale et désabusée de ce milieu. Il raconte une disparition progressive des repères, au cours de laquelle les personnages principaux perdent leurs illusions, mais surtout leur sincérité initiale. Cette chronique du désanchantement politique est d'autant plus forte que, même s'il s'agit d'un récit réel, se voulant un aperçu de l'évolution du Parti Travailliste au cours d'une décennie (de 1992 à 2002), il est aisé de généraliser le propos. Car, de manière générale, c'est une fable sur la perversion qu'entraîne la course au pouvoir : c'est le creuset des démocraties modernes.

Bilan : The Project est un passionnant drama politique qui, sous ses allures de fiction à la rigueur documentaire, raconte une décennie de vie politique britannique ; tout en engageant une réflexion sur les enjeux du pouvoir et sur ce que l'on est prêt à lui sacrifier.
Si jamais vous parvenez à mettre la main dessus (ce qui n'est pas chose aisé), cela mérite vraiment une découverte.


NOTE : 9/10