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30/04/2011

(UK) The Suspicions of Mr Whicher : le récit d'une affaire criminelle marquante du XIXe siècle

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Me revoilà après une semaine de vacances londoniennes, laquelle m'aura rappelé à quel point j'aime cette ville (même plongée en pleine frénésie de "royal wedding"). Ce furent donc quelques jours loin d'internet et des séries. Je n'aurais pas eu de nouveaux sujets téléphagiques à aborder en rentrant, si la chambre d'hôtel n'avait pas eu une télévision. Et lundi soir, fourbue après une journée estivale bien remplie, je n'ai pas pu résister à m'installer devant ITV1 à 21h, pour regarder The Suspicions of Mr Whicher.

Ce téléfilm d'un peu plus d'1h30, adaptation d'un best-steller de Kate Summerscale, relate une histoire vraie : il retrace une des grandes affaires criminelles marquantes du XIXe siècle, emblématique des premières années d'existence de Scotland Yard, le meurtre de Road Hill House. Ayant eu un retentissement considérable à l'époque, cette enquête a aussi éclairé le rôle des détectives : la figure de Jack Whicher a inspiré bien des auteurs de l'époque. On le retrouve ainsi à l'origine de l'inspecteur Bucket, dans Bleak House ou encore du sergent Cuff dans The Moonstone. Pour qui aime l'ambiance des policiers victoriens de la deuxième partie du XIXe siècle, ce téléfilm devrait plaire, bien servi de plus par un casting très solide. Et même si ce n'est pas techniquement une série, toute production du petit écran a par nature sa place sur ce blog.

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L'histoire débute en 1860, dans un petit bourg typiquement anglais, situé dans le Wiltshire. Lorsque la spacieuse maisonnée des Kent, une famille appartenant à la middle-classe de la notabilité provinciale, s'éveille un matin, le lit d'un des enfants est retrouvé vide. Le petit Saville Kent, un jeune garçon de trois ans, a disparu. Rapidement, les recherches des serviteurs les orientent vers le jardin, où le corps sans vie de l'enfant est découvert. Cet assassinat aussi brutal que mystérieux, puisque l'absence d'infraction semble logiquement désigner un habitant de la maison comme le coupable, met rapidement tout le pays en émoi. Les journaux se saisissent de l'affaire. Pressé d'agir, le ministre de l'intérieur dépêche finalement sur place un des détectives vedettes de la branche spéciale de Scotland Yard pour enquêter, Jonathan Whicher.

Parachuté dans une province où les notables locaux ne voient pas d'un très bon oeil les ingérences londoniennes, Whicher va devoir non seulement essayer de passer outre le manque de coopération des autorités, mais également démêler la vérité parmi les rumeurs et bruits qui courent, notamment contre le maître de maison, Samuel Kent, fort peu apprécié dans le village. C'est sur cette famille, qui va se révéler dysfonctionnelle, que Whicher concentre son attention. Après avoir déjà eu des enfants d'un premier mariage, Constance et William, Saville était issu de sa seconde union. Cependant certains parlent également de l'existence d'une maîtresse actuelle, la nourrice qui était en charge de la jeune victime.

Si l'enquêteur de Scotland Yard acquiert peu à peu des certitudes, trouver des preuves pour corroborer ses soupçons va se révéler compliqué. Or c'est bien sa carrière que Whicher va jouer sur cette affaire.

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The Suspicions of Mr Whicher a un charme particulier, que certains qualifieront sans doute à juste titre d'indémodable, celui d'un classique policier victorien. Ce fait divers sordide trouvant son inspiration dans un cas bien réel, il confère à l'histoire une dimension supplémentaire. Cela donne l'opportunité à cette fiction d'offrir un véritable instantané de la réalité sociale de l'époque : elle capture et dépeint avec soin aussi bien l'atmosphère régnant dans ce petit bourg de campagne anglaise où les ragots et les jalousies vont bon train, que les codes et mises en scène qui règlent une bourgeoisie provinciale si attachée au maintien des apparences et à la protection de ses acquis.

Tout ce confort quotidien est bouleversé par un drame, dans lequel viennent s'immiscer des intervenants extérieurs dont l'implication va surtout accentuer ce clivage perceptible entre les préoccupations de la capitale, sujette aux pressions médiatiques et politiques, et une province qui se garde presque jalousement. Immédiatement, il apparaît clair que les intérêts divergent entre Scotland Yard et des notables locaux qui sont plus portés à trouver le plus court chemin vers un retour au calme qu'à rechercher une supposée vérité susceptible, par elle-même, d'être source de nouvelles perturbations.

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Au-delà du portrait esquissé de cette société du milieu du XIXe siècle, c'est surtout par son angle criminel et historique que The Suspicions of Mr Whicher mérite le détour. Non seulement l'impact médiatique de cette affaire la place à part, mais surtout, grâce à cette publicité, la population va s'ériger en témoin privilégié, suivant avec attention l'enquête et ses développements sur lesquels elle va prendre position. Le détective devient alors, sous les projecteurs des journaux, un acteur public à part entière, dont les prises de positions sont soumises au jugement populaire. Par la manière dont son rôle est éclairé, Mr Whicher apparaît comme l'ancêtre de toutes ces figures policières qui allaient fleurir dans les oeuvres de fiction anglaise de la seconde moitié du XIXe siècle.

Les méthodes de Mr Whicher laisse une large part à l'instinct dans des déductions qui fonctionnent par intuition autant que par une analyse rigoureuse à partir des maigres indices qu'il peut découvrir. Homme charismatique, doté d'un esprit vif et d'une forme d'humilité liée à son origine sociale, à laquelle se mêle une détermination sans faille, il permet au téléspectateur de pleinement s'investir à ses côtés pour suivre l'avancée de l'enquête. D'autant que l'histoire gagne progressivement en intensité dramatique, en abordant des thèmes de criminologie novateurs pour l'époque (notamment sur la façon de percevoir les enfants). La fin offrira la satisfaction de sonner authentique, démontrant que la réalité de la nature humaine délivre des instants parfois plus marquants que ce que la fiction ne saurait imaginer (même si The Suspicions of Mr Whicher introduit cependant une interprétation personnelle de certains faits).

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Sur la forme, The Suspicions of Mr Whicher bénéficie d'une réalisation globalement sobre qui reste soignée. La reconstitution historique est rigoureuse et, sans que l'image verse dans des teintes trop sombres, elle parvient à retranscrire de manière convaincante cette atmosphère victorienne caractéristique des fictions se déroulant à cette époque. De plus, elle bénéficie d'un accompagnement musical qui sied parfaitement à la tonalité ambiante et sait faire ressortir l'intensité de certaines confrontations.

Enfin, il convient de saluer le casting très solide dont les prestations d'ensemble vont apporter à la dramatisation de cette affaire une force supplémentaire. Paddy Considine (Red Riding) délivre une excellente et convaincante performance dans le rôle du détective Whicher, très crédible dans cette façon nuancée d'osciller entre obstination et une certaine forme de fatalisme. A ses côtés, nous retrouvons des têtes connues du petit écran anglais, tels Peter Capaldi (The Thick of It), Alexandra Roach (Candy Cabs), Emma Fielding (Cranford), William Beck (Red Cap, Casualty), Tom Georgeson (Bleak House, The Crimson Petal and the White), Donald Sumpter (Being human), Ben Miles (Lark Rise to Candleford, The Promise) ou encore Tim Pigott-Smith (North & South).

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Bilan : A défaut d'innover, The Suspicions of Mr Whicher investit avec maîtrise ce terrain connu du policier historique qui demeure une source d'inspiration sûre. Classique dans sa mise en scène, comme dans la façon dont l'intrigue est posée, ce téléfilm, à l'atmosphère bien sombre, tire cependant son épingle du jeu grâce l'aura particulière que lui confère le fait qu'il s'agisse d'une véritable affaire criminelle ayant marqué le XIXe siècle. Brassant des thématiques aussi bien sociales que policières très intéressantes, elle permet de rémonter aux premières décennies de Scotland Yard, en plaçant son enquêteur au coeur du récit.

L'ensemble donne donc une heure et demie pas forcément indispensable, mais assurément plaisante à suivre que ne bouderont pas les amateurs du genre.


NOTE : 6,75/10

03/03/2011

(Mini-série UK) The Promise (Le Serment) : Divided land, divided loyalty.

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Si mon attrait pour la télévision britannique est quelque chose qui a grandi progressivement, ma première vraie rencontre avec ce petit écran remonte à un peu plus de dix ans désormais, en octobre 2000. C'était une fiction diffusée sur Arte. La non-anglophone que j'étais avait même réussi à l'enregistrer en VOST. Ce fut ma première véritable claque téléphagique britannique et j'y ai retenu mon premier nom de scénariste anglais : Peter Kosminsky. La mini-série s'appelait Warriors : l'impossible mission. Ce soir-là, je me suis dit que si cette télévision pouvait produire ce type de fiction, il fallait vraiment que je me penche sur ses programmes. A l'époque, ce n'était qu'un voeu pieux. Mais cette rencontre servit de catalyseur ; et c'est à elle que vous devez sans doute en partie la ligne éditoriale de ce blog (et la présence de Ioan Gruffudd au centre de la bannière d'accueil).

Le nom de Peter Kosminsky demeure donc pour moi une référence dans le petit écran britannique. Le premier à m'avoir montré la voie vers cette télévision. Depuis, de The Projet au Government Inspector, j'ai aussi appris à apprécier son style, qui reste à part. Empreintes de son passé de grand reporter et de documentariste, ces fictions, par leur sujet et la sensibilité politique des thèmes abordés, laissent rarement indifférent. Au cours de ce mois de février 2011, Channel 4 a proposé sa dernière création : une mini-série prenante qui s'inscrit dans la lignée de la tonalité des précédentes, et dont l'idée naquit justement après Warriors.

Composée de 4 épisodes d'1h30 chacun, cette mini-série a été co-produite par Arte et Canal +. Le téléspectateur français pourra la découvrir à partir du 21 mars prochain, à l'occasion d'une diffusion sur la chaîne cryptée.

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Disposant d'une construction narrative originale, The Promise va habilement entrelacer passé et présent, en nous narrant, à travers deux destinées parallèles - celle de la petite-fille d'aujourd'hui et celle de son grand-père dans sa jeunesse - à cinquante années de distance, tant la genèse immédiate de la création de l'Etat d'Israël au sortir de la Seconde Guerre Mondiale que la situation actuelle du pays.

Erin est une jeune anglaise de 18 ans, plus vraiment adolescente, pas encore complètement adulte, dont la vie est bridée par ses crises d'épilepsie. Sa meilleure amie Eliza, une Israëlienne en pension en Angleterre depuis son plus jeune âge, a décidé de rentrer chez ses parents afin de suivre la formation requise pour y effectuer son service militaire. Erin n'ayant rien d'autre de prévu durant ces quelques mois, elle accepte l'offre de venir passer quelques mois en Israël, en guise de soutien moral pour une amie qu'elle ne verra que les week-ends. Avant de partir, la jeune femme, aidant sa mère à trier les affaires d'un grand-père mourant qui leur est étranger à toutes deux, tombe par hasard sur le journal intime qu'il écrivit durant les années qu'il passa dans l'armée. Curieuse d'en apprendre plus sur quelqu'un qui n'a jamais été proche de sa famille, elle prend le journal avec elle. Cette lecture va bouleverser le séjour festif et dilettante qu'elle avait prévu.

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Erin découvre en effet que Len Matthews a non seulement combattu durant la Seconde Guerre Mondiale, mais que, s'étant ensuite engagé dans l'armée de métier, il servit également en Palestine, territoire alors sous mandat britannique depuis la fin de la Première Guerre Mondiale. Il y resta jusqu'au retrait des troupes anglaises en 1948. De la libération du camp de concentration de Bergen-Belsen jusqu'à la création officielle d'Israël, elle revit à travers son récit la genèse immédiate de l'Etat, mais aussi, de manière plus intime, comment ces évènements brisèrent irréversiblement le jeune homme qu'était son grand-père. Et ce d'autant que, plus que les drames et les trahisons qui marquèrent un service qu'il achèvera en prison, il y a aussi cette promesse mystérieuse qu'il n'a jamais pu tenir envers une famille palestinienne, et qui occupe les dernières lignes de son journal.

Marchant sur les traces de son grand-père, cinquante ans plus tard, Erin va apprendre peu à peu à connaître cet homme dont elle ignorait tout. A travers cette histoire personnelle, en éclairant un pan d'Histoire méconnu, la jeune anglaise va effleurer, troublée, la complexité de la réalité actuelle en Israël/Palestine. De la villa au confort illusoire paradisiaque des parents d'Eliza jusqu'à la maison de martyr à Gaza, en passant par Hebron, son approche manichéenne va vite lui apparaître aussi futile que naïve.

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La première force de The Promise vient de son sujet, forcément complexe et extrêmement sensible, qu'il faut aborder avec subtilité, mais aussi nuances. Peter Kosminsky y applique son style habituel : une approche directe, factuelle, dont la sobriété tend naturellement vers le docu-fiction, tout en demeurant une histoire humaine romancée à vocation pédagogique. La mini-série s'attache donc à dresser un tableau aussi complet que possible, rassemblant les points de vue de tous les protagonistes, tout en utilisant le regard extérieur des Anglais, entraînés dans une situation conflictuelle à laquelle ils sont étrangères. Tel un écho parfaitement complémentaire, le passé pose ainsi les bases et un point de départ, tandis que le présent éclaire le résultat et les maux actuels. Homogène et parfaitement maîtrisée, cette alternance entre deux époques est assurément une des grandes réussites de la mini-série. Elle lui apporte la consistance et cette dimension supplémentaire que confèrent le recul, tout en permettant aussi une meilleure compréhension des enjeux et de ce qui a forgé la mémoire de cette région du monde.

Le personnage d'Erin constitue notre point d'entrée dans ce récit. Le téléspectateur va suivre la genèse d'Israël au rythme de sa lecture du journal intime, tout en découvrant, par ses yeux, la situation actuelle. The Promise fait donc tout d'abord office de récit historique, à travers un angle narratif particulier : celui des soldats anglais. Le service de Len va opportunément permettre de balayer toute cette période trouble. De l'accueil difficile des réfugiés juifs en provenance d'Europe, tout juste libérés des camps de concentration, jusqu'au retrait des forces britanniques qui abandonnent le territoire à une guerre civile, entre exodes et massacres de population locale, la mini-série retrace schématiquement les grandes lignes d'une Histoire tourmentée, choisissant d'éclairer tout particulièrement les étapes importantes et les évènements les plus symboliques, comme l'attentat de l'hôtel King David.

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Cependant, tout en proposant une fenêtre sur le passé, c'est aussi sur le présent que The Promise va s'arrêter. En marchant sur les pas tracés autrefois par son grand-père, Erin découvre le pays tel qu'il existe aujourd'hui. Au fur et à mesure de son séjour, une situation de plus en plus complexe, inextricable, se dessine sous ses yeux de jeune londonienne. A nouveau, la mini-série s'efforce de proposer un panorama complet de ce qu'il s'y passe. Au-delà de la situation rencontrée à à Hebron ou à Gaza, c'est en retranscrivant l'état d'esprit des habitants que la mini-série va réussir son oeuvre la plus aboutie. Avec la figure du frère d'Eliza, libéral opposé notamment à la construction du mur, elle introduit un premier débat, pour ensuite l'élargir progressivement et dépeindre les clivages, mais aussi les sensibilités, d'Israëliens comme de Palestiniens. En présentant tous ces points de vue, irréconciliables, formatés par un passé sanglant et spoliateur autant que façonnés par des drames personnels, The Promise propose un véritable instantané de cette région du monde, esquissant ses complexités et ses paradoxes.

Pour autant, si The Promise se veut didactique, sa réussite va être de ne jamais oublier qu'elle demeure, avant tout, une fiction. Son objet n'est pas seulement un éclairage d'Israël, elle relate surtout une histoire profondément humaine, dotée de storylines parfaitement construites et abouties qui ne donnent jamais  l'impression d'être un simple prétexte pour évoquer ce thème. Prenante sur le fond, mais aussi particulièrement chargée émotionnellement, elle ne laissera pas le téléspectateur indifférent. Car ce dernier s'implique sur un plan affectif : il s'attache à ces deux personnages. Erin et Len ont leurs failles, mais leurs réactions sonnent toujours très justes, même lorsqu'elles manquent de lucidité. Ces deux destinées que la mini-série nous fait vivre en parallèle, sorte de parcours initiatiques qui marqueront profondément chacun des protagonistes, sont aussi intenses l'une que l'autre, même si logiquement plus dramatique pour Leonard. Reste que chaque récit, conduit avec habileté mais aussi beaucoup de rigueur, trouve une résonnance particulière dans un téléspectateur qui s'immerge véritablement dans l'histoire. Si bien que j'ai rarement vu passer aussi vite 1h30 devant mon petit écran.

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Pleinement aboutie sur le fond, The Promise l'est aussi sur la forme, qui va se révéler être à la hauteur des ambitions du scénario. Tout d'abord, la mini-série bénéficie d'une réalisation nerveuse. L'image est esthétiquement épurée, la caméra très réactive sans pour autant trop en faire, insufflant une impression de proximité à l'action. Le style d'ensemble est volontairement sobre. Ceci renforce cette sensation de réalisme, qui frôle parfois la mise en scène du docu-fiction, accentuée pour les évènements se déroulant dans le présent.

De plus, pour asseoir la force des images et des situations retranscrites, The Promise dispose d'une bande-son marquante, composée par Debbie Wiseman qui, utilisée à bon escient, fait rapidement partie intégrante de l'oeuvre. Le thème récurrent permet notamment de rythmer la narration et de souligner efficacement les moments de tensions. A l'écoute de ces morceaux composés uniquement d'instrumentaux, notamment avec du piano et du violon, le téléspectateur perçoit quelque chose de mélancolique, presque pesant et fataliste, derrière ces notes de musique qui sauront le toucher tout particulièrement.

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Enfin, The Promise s'appuie sur un casting solide et convaincant. Si téléspectateur s'investit autant émotionnellement auprès des deux protagonistes principaux, c'est sans doute autant grâce aux récits mis en scène qu'à l'interprétation proposée par ces deux jeunes acteurs. Claire Foy (Little Dorrit, Going Postal), dans un rôle d'observatrice extérieure, encore tellement naïve, qui bouleverse les conventions sociales établies, confirme tout le bien que l'on pouvait déjà penser d'elle. De façon peut-être plus notable, il faut souligner que la mini-série va être l'occasion pour Christian Cooke de revenir du bon côté de la force téléphagique et d'oublier les errements passés, en proposant une interprétation pleine et juste dans un registre autrement plus consistant que les séries (Demons, Trinity) dans lesquelles j'avais pu le croiser jusqu'à présent.

A leurs côtés, c'est toute une galerie d'acteurs au diapason de l'atmosphère de la mini-série qui les secondent efficacement. Parmi eux, on retrouve notamment Itay Tiran (Ha-Burganim), Katharina Schüttler (Carlos), Haaz Sleiman (Nurse Jackie), Ali Suliman, Perdita Weeks (Lost in Austen, The Tudors), Ben Miles (Lark Rise to Candleford), Smadar Wolfman ou encore Holly Aird (Waking the Dead, Identity).

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Bilan : Drame humain autant que récit didactique, The Promise est une mini-série aussi prenante que fascinante, à la fois radiographie du présent et fenêtre sur le passé. Dotée d'une narration homogène, composée de deux intrigues - dans le passé et dans le présent - qui s'emboîtent parfaitement et se complètent, The Promise trouve le juste équilibre entre sa volonté d'exposer une réalité actuelle complexe, dont les racines s'inscrivent dans le genèse-même de cet Etat, et une dimension humaine jamais négligée, avec des personnages forts auprès desquels le téléspectateur s'implique émotionnellement. En somme, sa réussite est de parvenir, en utilisant le prisme des histoires personnelles de ses protagonistes, à éclairer en arrière-plan la situation inextricable de cette région du monde. Cette mini-série aboutie et maîtrisée sur le fond comme sur la forme mérite assurément le détour.


La diffusion française sur Canal + est prévue à partir du 21 mars prochain. Un seul conseil : à ne pas manquer.


NOTE : 9/10


A écouter sur le sujet : une interview de Peter Kosminsky dans une émission de France Culture début février.


Un teaser :


Une bande-annonce de la mini-série :


06/06/2010

(Pilote UK) Pulse : horreur sanglante à la croisée du médical et du fantastique


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Je vous ai déjà parlé de mes divers traumatismes téléphagiques liés à des fictions estampillées horreur, arrivées on-ne-sait-comment à se frayer un chemin jusqu'au petit écran de ma télévision. La curiosité sériephile est parfois à ce prix. J'espérais cependant en avoir fini pour l'année avec l'horreur médicale après le visionnage de Coma il y a quelques mois (vrai drama d'horreur : un régal pour les amateurs du genre). Mais BBC3 ne m'a pas écouté. Elle a développé un projet se déroulant dans un hôpital (encore !), agrémenté d'effusions d'hémoglobine et même d'apparition de "dead people" : Pulse.  Cependant, la tension et ce flirt avec le gore ne nous plongent pas dans de la pure horreur d'épouvante (à la différence de Coma). La série capitalise plutôt sur une ambiance inquiétante, un peu dans la lignée de Au-delà du réel ou Kingdom Hospital. Quelques frissons, mais pas trop non plus.

Pulse s'inscrit dans la "saison des pilotes"  qu'affectionne la chaîne anglaise ; c'est-à-dire qu'elle diffuse à son antenne plusieurs pilotes (trois pour être précis), des "séries potentielles" dont elle lèvera ensuite l'option et commandera une saison entière... ou pas... avec plus ou moins de réactivité (cf. la fameuse jurisprudence Being Human), suivant les audiences, les réactions des critiques, du public. Donc, ce pilote n'est pas encore une série, mais, pris en charge par le scénariste Paul Cornell (à qui l'on doit notamment le double épisode marquant de la saison 3 de Doctor Who, Human Nature/The Family of Blood), il affiche incontestablement des idées qui, si elles restent encore à affiner, paraissent bien intéressantes. Si BBC3 venait à confirmer le projet, une première saison serait diffusée en 2011.

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Pulse se déroule au sein d'un hôpital privé, l'archétype du lieu où tous les fantasmes horrifiques sont permis. Hannah Carter, étudiante en médecine, y revient sur les traces professionnelles de sa mère, dont le décès est encore récent, en reprenant sa formation dans l'établissement hospitalier universitaire au sein duquel cette dernière officiait. La jeune femme avait pris une pause nécessaire après avoir perdu ses nerfs au cours d'une opération qui a mal tourné. Encore fragile, elle n'est pas certaine d'être prête à faire face à la pression d'un job très concurrentiel et aux implications émotionnelles qu'entraînent ses patients.

Ses craintes se confirment, se changeant en doutes sur ses capacités, lorsque, lors de sa première consultation, il lui semble voir des formes bouger sous la peau d'un patient. Elle s'inquiète, de plus en plus troublée. Souffre-t-elle d'hallucinations ? Craque-t-elle à nouveau nerveusement ? Mais sa logique la conduit à creuser d'autres pistes, un brin plus rationnelles, mais tout aussi inquiétantes. Que fait-on réellement subir à son patient ? A quoi renvoie ses opérations chirurgicales à répétition sur un cas dont on ne s'explique pas que l'homme soit encore vivant ? Et comment interpréter le comportement de son ex-petit ami, chirurgien tiitulaire dans cet hôpital ?

Il se passe des choses étranges, dans cet hôpital, qui ne sont manifestement pas seulement issues de l'imagination de Hannah. Qu'est-ce qui est réellement en cours derrière ces murs ? Quelles expériences défiant et repoussant les limites de la raison et la science y sont menées en secret ?

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Dès les premières minutes, entre plans de caméra tremblants et musique de circonstance, le ton de Pulse est donné : il s'agit d'une série d'ambiance. Nous sommes dans de l'horreur qui se bâtit sur le suggestif, manipulant et exploitant le ressenti du téléspectateur, l'invitant à se prendre au jeu en s'immergeant dans cette atmosphère nerveuse, chargée d'une insécurité diffuse. On ne sait ce qui peut surgir au détour d'un couloir ; mais l'important réside surtout dans le fait que l'on s'attend au pire, glissant subrepticement dans une sourde paranoïa, se surprenant à s'arrêter suspicieusement sur le moindre détail en apparence (et parfois réellement) anecdotique.

Ce suggestif nourrit la tension du téléspectateur, l'intriguant et le préparant au basculement véritable à venir dans des scènes d'horreur. Car le pilote va crescendo, encourageant d'abord le malaise de l'héroïne et, par ricochet, celui du téléspectateur. Puis, peu à peu, à mesure que les sujets d'inquiétude se précisent, la série s'affirme dans le créneau de l'horreur fantastique/médicale, exploitant ce riche terreau des classiques cauchemardesques rattachés à ce lieu. Une question tourne en boucle, devenant chaque minute plus oppressante : que se passe-t-il derrière les portes closes de ces couloirs d'un blanc trompeusement immaculé ?

De la même façon, à mesure que les menaces se matérialisent, l'épisode développe un autre caractère de l'horreur télévisée, versant dans un gore qui trouve parfaitement sa place dans un hôpital. La série s'offre ainsi quelques passages sanguinolents à souhait, de plus en plus marquants : après avoir débuté sur la table d'opération, ces scènes se finissent par des découpages d'assaillant mort/vivant à la scie électrique dans les couloirs de la morgue. Ce recours au registre du gore contribue à accroître l'impression de malaise du téléspectateur, mettant ses nerfs à rude épreuve.

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Si on se laisse facilement gagné par cette atmosphère nerveuse et oppressante, située à l'intersection floue de la science et du fantastique, tout n'est pas parfait. Mais une chose est sûre : les créateurs se sont investis et ont eu à coeur d'essayer de faire de Pulse une série avec son identité, sa marque de fabrique et un ton qui lui est propre. Si, sur le fond, ce pilote se réapproprie avec un certain succès, mais sans trop de prises de risque, les ficelles classiques de l'horreur en milieu médical, on perçoit également une volonté - pas toujours bien concrétisée - de bien faire sur la forme.

Le réalisateur tente ainsi beaucoup. Des initiatives qui n'apparaissent pas toujours opportunes, un peu trop artificielles parfois, mais qui ont le mérite d'exister. Des passages filmés la caméra tressautant à l'épaule jusqu'aux plans plus ou moins droits ou en retrait, ce pilote est parsemé de nombreux essais. Certes, ces expériences ont une réussite variable. Mais, en dépit de quelques maladresses, le but est atteint : jamais le téléspectateur ne se départit du sentiment de trouble qui émane à dessein du style ainsi créé. Au final, la forme permet de véritablement asseoir Pulse dans son registre horrifique aussi efficacement que les débauches d'hémoglobine.

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Côté casting, les hasards des programmations des chaînes font parfois bien les choses, puisque l'héroïne de Pulse est incarnée pas la rafraîchissante Claire Foy (Little Dorrit), avec laquelle le téléspectateur britannique a pu se re-familiariser en début de semaine, puisqu'elle jouait la figure féminine de Going Postal sur Sky One. Elle se révèle très convaincante dans un rôle somme toute très classique pour ce genre de fiction, naviguant entre une naïveté intermittente et un pragmatisme faisant ressortir le fort caractère de son personnage.

A ses côtés, et même si certains ne survivent pas au pilote, nous retrouvons notamment : Stephen Campbell Moore (Ashes to Ashes), Gregg Chillin (Being Human), Ben Miles (Lark Rise to Candleford), Matti Houghton (qui jouait récemment les guest-stars dans un des derniers épisodes de Luther), Caroline Goodall ou encore Alan Williams.

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Bilan : Se situant au croisement incertain du scientifique et du fantastique, Pulse s'inscrit dans une tradition d'horreur médicale, agrémentée d'une touche gore qui lui permet de conforter l'ambiance nerveuse et tendue qu'elle réussit à créer. L'univers hospitalier est efficacement introduit, tout comme les protagonistes. L'épisode peut se visionner seul et le twist final constitue un honnête cliffhanger qui esquisse d'intéressantes promesses pour la suite (si suite il y a). L'ensemble est porté par le dynamisme enthousiaste de ses créateurs, qui témoignent d'une envie de tenter et d'expérimenter. Ce n'est pas toujours pleinement maîtrisé, parfois un peu brouillon, mais le téléspectateur se laisse facilement prendre au jeu et gagner par l'atmosphère ainsi créée.

Au vu du potentiel que laisse entrevoir ce pilote, je serais curieuse de découvrir une saison complète de cet acabit. Les communiqués de presse de BBC3 sont à surveiller !


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce du pilote :