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31/08/2012

(UK) A Touch Of Cloth, saison 1 : une parodie policière qui connaît ses classiques

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S'il y a bien un genre qui caractérise et envahit le petit écran britannique comme aucun autre, c'est le policier. Comme bien des télévisions dans le monde, les chaînes anglaises ne manquent pas d'enquêtes criminelles, ni ne ratent une occasion de nous immerger au sein de l'institution policière. C'est en partant de ce postulat de départ que Charlie Brooker et Daniel Maier ont imaginé A Touch of Cloth. Le style propre à Charlie Brooker est bien connu, qu'il s'agisse de se réapproprier pleinement les codes d'un genre (horrifique pour Dead Set par exemple) ou de pointer des poncifs modernes (Black Mirror l'an dernier en fut l'exemple le plus poussé).

Avec A Touch of Cloth, la démarche est familière, mais le résultat donne cette fois une comédie-parodie de toutes ces séries policières qui pullulent. Composée de deux parties (de 45 minutes environ), cette première saison est basée sur une histoire de Boris Starling (à qui l'on doit la série Messiah). Le titre "A Touch of Cloth" est à la fois un jeu de mots anglais et un clin d'oeil à Touch of Frost... Voilà de quoi vous donner une idée de là où vous mettez les pieds : une parodie excessive, bourrée de clins d'oeil, et qui se visionne avec d'autant plus de plaisir que le téléspectateur connaît ses classiques policiers. Personnellement, je dois avouer que je me suis beaucoup amusée.

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Le DCI Jack Cloth est un brillant policier brisé par la mort de sa femme, dont il n'a jamais pu retrouver le meurtrier. Hanté (littéralement) par son souvenir, il noie son chagrin dans l'alcool, tandis que son supérieur souhaite le faire suspendre. Il se voit assigner une nouvelle coéquipière en la personne de Anne Oldman, jeune femme ambitieuse véritable workaholic pleinement investie dans son travail. Ils sont appelés à collaborer sur une enquête difficile : une série d'assassinats particulièrement sanglants, où les victimes sont tuées par une arme tranchante assez atypique, une épée. Pour traquer ce serial killer, Cloth et Oldman doivent mobiliser toutes leurs ressources.

A Touch of Cloth est une parodie policière, rafraîchissante dans ses décalages et dans la manière dont elle capture et se réapproprie tous les codes du genre. Sa richesse nécessiterait presque un second visionnage pour saisir tous les petits détails tant elle enchaîne les gags en tout genre sur un rythme enlevé. Ces derniers peuvent être visuels (tels des messages, normalement subliminaux, écrits en toute lettre pour retranscrire le ressenti de la scène ; ou des mannequins pour compléter les figurants), mais aussi sonores, qu'il s'agisse de lignes de dialogue caricaturales ou de la multiplication de jeux de mots (lesquels, pour s'apprécier pleinement, nécessitent sans doute un minimum de maîtrise de la langue anglaise.

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La gestion par l'absurde de tous les poncifs des fictions policières est particulièrement savoureuse, d'autant que A Touch of Cloth est tournée dans les conditions d'un drama en apparence parfaitement sérieux. La série multiplie aussi les références, y compris à des séries américaines : l'obsession pour The Wire est d'ailleurs mise en pleine lumière. En résumé, Charlie Brooker est encore une fois allé au bout et même au-delà de son concept de départ, avec les excès qui accompagnent logiquement cet enchaînement presque trop condensé d'humour. Si les running gags font généralement mouche, il y a quand même quelques longueurs. Cependant l'intrigue tient la route pour offrir un parfait prétexte à une parodie qui a parfaitement décrypté un genre dont elle décode toutes les ficelles sous nos yeux.

Sur la forme, A Touch of Cloth adopte la plus traditionnelle des réalisations policières, ne nous épargnant aucun classique incontournable, à commencer par des scènes nocturnes sous la pluie. C'est très appréciable de voir comment la série soigne vraiment les détails de ses détournements visuels des codes, jusque dans son générique. De plus, elle dispose d'un casting solide, parfaitement emmené par John Hannah (Spartacus, Damages) qui joue bien le jeu et trouve l'équilibre pour ne pas trop en faire. A ses côtés, Suranne Jones (Fives Days, Single Father, Scott & Bailey) offre un pendant très correct tandis que s'établit entre eux la dynamique la plus classique d'un duo de policiers homme/femme. On croise également Julian Rhind-Tutt, Navin Chowdhry, Adrian Bower, Daisy Beaumont ou encore Raquel Cassidy.

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Bilan : Parodie caustique des séries policières modernes, A Touch of Cloth capture à merveille tous les ingrédients de son genre, et met volontairement en lumière tous ses poncifs. Enchaînant les gags jusqu'à l'excès, l'humour se manifeste aussi bien dans les dialogues que dans la mise en scène et les effets visuels proposés. Caricature par l'absurde, avec quelques longueurs mais sans en faire trop, la série apporte finalement une touche rafraîchissante au petit écran. Elle offre un visionnage très amusant et divertissant qui plaira tout particulièrement au téléspectateur maîtrisant ses classiques et ayant vu trop de fictions policières. Sky One a déjà commandé la suite, à voir si l'essai peut être réédité !


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :

25/10/2010

(Pilote / Mini-série UK) Single Father : veuf et père de famille... mais ensuite ?


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J'ai finalement trouvé le courage durant le week-end de regarder le premier épisode de la mini-série dominicale diffusée sur BBC1 depuis 15 jours : Single Father. Le "courage", voilà bien l'expression adéquate. Non, ce n'est pas mon goût prononcé pour le théâtralisme qui s'exprime. Car si la présence de David Tennant dans le rôle principal n'est pas étrangère au buzz qui l'a accompagnée, son sujet, particulièrement difficile, retenait également l'attention. Et si le visionnage de Single Father fut si difficile, cela n'a rien à voir avec sa qualité indéniable, loin de là. C'est plutôt la conséquence directe d'un thème très éprouvant qui ne peut laisser le téléspectateur insensible devant son petit écran.

Par ricochet, c'est également la rédaction même d'une review qui s'avère compliquée. Submerger par cette dimension émotionnelle, il est difficile de prendre du recul par rapport à ce premier épisode, sur les quatre que va compter la mini-série. Je ne vous cache pas avoir, au cours de ce pilote, construit méticuleusement une pyramide de mouchoirs qui, au bout d'une heure, n'était plus si loin de faire concurrence, en hauteur, à sa consoeur de Giseh. Comment reviewer une fiction où le ressenti est si fort qu'il écarte toute possibilité de raisonnement rationnel ? C'est ce que j'ai tenté de faire dans cette critique.

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Dès les premières minutes, il apparaît évident que Single Father est un drame humain qui sera placé sous le signe de l'authenticité. L'épisode nous plonge immédiatement dans le quotidien animé d'une famille de la classe moyenne britannique. Avec ses cris, ses disputes et ses réconciliations, rien de plus banal finalement que les situations portées à l'écran. Rien de plus reconnaissable pour tout un chacun aussi, que les frustrations et les apaisements ainsi dépeints. C'est donc en premier lieu par cette simplicité presque désarmante que Single Father pose les bases de la tragédie qui va suivre. Car l'enjeu est bien là : la perte de ce cocon confortable, de cette normalité presque stéréotypée, lorsque va se produire un drame qui vient tout bouleverser. Il aura suffi d'une voiture de police, girophare allumé mais sans sirène, grillant un feu rouge à un carrefour pour briser net ce fragile bonheur dont on ne prend généralement pleinement conscience, qu'une fois qu'il s'est enfui.

Rita, mère et épouse, est tuée sur le coup suite à cet accident, laissant derrière elle, épleurés, un mari et quatre enfants, dont l'aînée a 15 ans. C'est désormais sur les épaules de Dave que repose la responsabilité de toute cette petite tribu. Comment continuer à vivre, faire face à son veuvage et à sa propre solitude, tout en étant capable de s'occuper et d'être là pour des enfants ayant perdu leurs repères. Car si les plus jeunes s'échappent de leurs pensées sombres en ayant encore cette capacité d'évasion qui leur est propre, pour s'émerveiller et rester dans leur monde, comment peut réagir une adolescente qui n'est pas la fille biologique de Dave, mais le fruit d'une liaison antérieure de Rita ? Si les amis, la famille, sont là pour aider, est-il seulement possible, dans de telles circonstances, de se reconstruire et de repartir vers l'avant ? Et si oui, de quelle manière cela peut-il se réaliser ?

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Ce qui frappe tout d'abord devant cet épisode, c'est qu'au-delà du tourbillon émotionnel qu'il soulève, il est d'une sobriété rigoureuse et appliquée qui lui apporte une réelle sincérité. Tout au plus Single Father semble-t-il céder une seule fois aux sirènes du lacrymal, par sa gestion temporelle de l'introduction qui amène à une répétition de l'accident fatal, nous faisant vivre deux fois ce fameux moment. Mais dans l'ensemble, c'est avec une retenue presque pudique que l'histoire est mise en scène. Il y a quelque chose de profondément intimiste et de très personnel dans la manière dont les caméras accompagnent ce deuil éprouvant. Des attitudes jusqu'aux dialogues, en passant par les silences et les non-dits, Single Father réussit à raconter avec beaucoup d'authenticité une histoire tellement sensible et difficile à retranscrire.

Pour autant, aucun doute là-dessus : l'épisode est excessivement éprouvant pour le téléspectateur. Mais, si les nerfs des personnages lâchent sporadiquement et légitimement, jamais la mini-série ne verse dans un pathos théâtral qui était l'obstacle le plus difficile à éviter. Pas de capitalisation sur l'empathie et les larmes du téléspectateur, c'est simplement une histoire, tragique certes, mais aussi atrocement simple. Et c'est justement cette proximité que l'on ressent avec les personnages qui accentue la force de Single Father. Les scénaristes ont trouvé le juste équilibre dans ce mélange paradoxal, porté à l'écran, d'exceptionnel et de banalité. De cette impressionnante maîtrise dramatique, on retient une matûrité d'écriture incontestable dont beaucoup de fictions gagneraient à s'inspirer.  

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Si Single Father négocie avec tact le tournant du décès de Rita, l'enjeu va ensuite être de réussir à raconter le deuil de chacun et finalement comment la vie peut continuer après une telle tragédie. Comme le titre l'indique, c'est à travers Dave que va nous être narrée cette reconstruction vers l'avenir. Comment continuer à vivre  en dépit de la douleur menaçant à tout instant de submerger ? C'est une question sous-jacente qui reste informulée, en arrière-plan, et sur laquelle il n'a pas le loisir de réfléchir. Il réagit, recadre, se laisse porter par le quotidien animé que proposent toujours ses enfants. Des plus jeunes n'ayant pas forcément conscience de tout ce qui se passe à l'adolescente ébranlée qui doit désormais en plus faire face à cette crise identitaire qui achève ses dernières certitudes, chacun réagit à sa manière. Une des forces de cette mini-série est de prendre le temps de les individualiser, leur conférant ainsi également une vraie légitimité dramatique.

En effet, toutes les réactions, tous ces échanges, ont une constante : cette impression de sincérité, presque désarmante, mais aussi très poignante, qui émane de chaque scène. La dimension humaine de Single Father doit  beaucoup à la manière dont elle réussit à décrire la dynamique existant au sein de cette petite famille. Le soutien de l'entourage, avec la présence des amis, bénéficie du même traitement narratif. C'est d'ailleurs parmi eux que se trouve peut-être le salut de Dave, alors qu'il se rapproche peu à peu de celle qui partage une douleur aussi profonde que lui, l'ancienne meilleure amie de sa femme... La reconstruction d'une vie a un prix, mais ne sera-t-il pas trop élevé ?

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Bénéficiant d'une réalisation à la sobriété toute aussi maîtrisée, Single Father peut en plus s'appuyer sur un solide casting qui a les épaules pour porter un tel drame émotionnel à l'écran et qui est emmené par un David Tennant (Doctor Who, Blackpool) impeccable : il parvient à jouer dans un registre très émotionnel, avec beaucoup d'empathie, mais sans jamais trop en faire. A ses côtés, on retrouve des valeurs sûres du petit écran britannique : Suranne Jones (Five Days, Harley Street, Coronation Street), Warren Brown (Dead Set, Luther), Isla Blair (House of Cards : The Final Cut), Rupert Graves (Sherlock, Midnight Man, Charles II : The Power & The Passion), Mark Heap (Green Wing, Desperate Romantics, Lark Rise to Candleford) ou encore Neve McIntosh (Bodies). A noter également que Rita, énergique et rafraîchissante, était interprétée par Laura Fraser (Lip Service).

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Bilan : Ce premier épisode de Single Father se révèle impeccable à plus d'un titre dans la manière dont il construit sa narration, presque fascinant dans sa maîtrise. Ne cédant pas à la tentation d'en faire trop dans un pathos qui s'impose de lui-même, il se dégage au contraire beaucoup de justesse et d'authenticité des situations et des échanges mis en scène. Adoptant une tonalité intimiste qui colle parfaitement au drame, Single Father reste d'une sobriété louable qu'il faut souligner. Certes, le visionnage est éprouvant. Je pense que cette mini-série s'adresse à un public averti. Je sais que je suis une téléspectatrice naturellement émotionnelle, mais j'ai trouvé certains passages vraiment difficiles à regarder. En résumé, Single Father est intéressante, elle est d'une intensité troublante et mérite d'être vue, mais pas dans n'importe quelles circonstances et conditions.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la mini-série :


Une scène extraite du premier épisode :