07/09/2012
(Mini-série UK) A Mother's Son : concevoir l'impensable pour une mère
En ce début septembre, la rentrée télévisuelle bat son plein en Angleterre. Qu'il s'agisse de la BBC, d'ITV ou de Sky, l'amateur de séries britanniques n'a que l'embarras du choix (et manque de temps pour espérer tout suivre). A défaut de pouvoir être exhaustive, tâchons d'évoquer les fictions que j'ai eue l'occasion de regarder et qui ont retenu mon attention. Aujourd'hui, je veux revenir sur une mini-série d'ITV : A mother's son.
Créée par Chris Lang, comportant en tout 2 parties de 45 minutes chacune, elle a été diffusée dans le courant de la semaine qui s'achève, les lundi et mardi soirs ; le deuxième épisode battant même son concurrent direct sur BBC1, l'épisode 4 de la saison 2 d'Accused. A mother's son rassemblait une histoire et un casting qui avaient éveillé mon intérêt, et je n'ai pas été déçue.
A mother's son s'ouvre sur un drame qui vient troubler le calme d'une petite ville du bord de mer anglais : une adolescente est retrouvée morte, le cadavre abandonné par son meurtrier dans la campagne environnante. Ce fait divers secoue toute la communauté, tandis que l'enquête policière avance difficilement, les officiers ayant peu d'indices à exploiter. C'est dans ce contexte pesant que la mini-série va s'intéresser plus particulièrement au quotidien d'une famille habitant dans la bourgade.
Rosie Haleton s'est récemment remariée, et s'efforce de construire une vie familiale épanouie au sein d'une cellule recomposée, avec quatre adolescents aux relations forcément compliquées. Si elle rencontre des difficultés d'autorité avec son beau-fils, c'est son fils, Jamie, qui suscite son inquiétude. Une série de petits détails sur le soir où le crime a eu lieu suscite une suspicion face à laquelle elle ne sait comme réagir. Lorsqu'elle met la main sur une paire de baskets apparemment ensanglantés, son imagination s'emballe : Jamie peut-il être mêlé, d'une façon ou d'une autre, à ce meurtre ? Aussi inconcevables que puissent être instinctivement ces suspicions pour une mère vis-à-vis de son enfant, Rosie essaie d'être rationnelle et objective. Tout en tentant de reconstituer l'emploi du temps de son fils, elle est consciente que, si elle fait une erreur, leur relation pourrait être irrémédiablement détruite.
A mother's son, c'est tout d'abord un sujet fort, ambitieux, qui interpelle a priori. Il s'agit de voir comment une mère peut se résoudre à envisager l'impensable, à concevoir l'idée que son enfant, à qui elle a donné naissance et qu'elle a élevé, ait pu ôter la vie à quelqu'un. Un tel concept a le potentiel de vous prendre aux tripes et le dilemme ainsi posé ne peut laisser indifférent. Il y a deux versants dans les réactions mises en scène : d'une part, il faut faire face au déchirement que représente le fait qu'un être aimé commette un tel geste si condamnable, d'autre part, Rosie est amenée à s'interroger sur ses propres responsabilités : qu'a-t-elle fait, qu'aurait-elle pu faire, pour empêcher un tel acte, si son fils est effectivement lié au crime, voire s'il est le meurtrier ? Naviguant entre ces thèmes, le récit a le mérite de toujours conserver une relative incertitude, permettant de prendre la mesure du poids qui pèse sur cette mère et de tous ces éléments contradictoires qui l'assaillent. La conscience et la raison de Rosie semblent lutter en duel avec ce que son coeur souhaiterait lui dicter.
La tension est, tout au long de l'histoire, uniquement psychologique. Le soupçon fait son oeuvre, creuse des méfiances, aiguise des inquiétudes autour de points qui pourraient être de simples détails. C'est avant tout la stabilité familiale qui menace d'exploser. Suivant une narration linéaire, mais très bien menée, A mother's son est prenante de bout en bout. Après un premier épisode, très introspectif, où la solitude domine et où les silences et les actes cachés parlent plus que les mots, le second est celui des oppositions de vues entre adultes, parents et beau-parent ayant chacun leur perspective personnelle sur la situation. C'est très efficace. Il manque seulement à la série l'intensité de l'ultime confrontation, celle vers laquelle tend toute l'histoire. Cette dernière est certes correctement mise en scène, mais après toutes ces émotions contradictoires par lesquelles le téléspectateur est passé, sans doute attendait-il plus du parachèvement de toute cette construction pleine de tension. La sobriété finale aura au moins le mérite de sonner authentique : la retenue étant ici préférable aux excès.
Sur la forme, A mother's son est un drama très soigné. La photographie y est froide, en parfait accord avec le ton d'ensemble. Y dominent des teintes où le gris est de circonstance (surtout pour les scènes en extérieur) : cela conforte l'ambiance inquiète et pourtant dans un cadre si ordinaire, tournant autour d'une sourde paranoïa, que cultive la mini-série. Pour accompagner ce visuel, la bande-son, fournie en instrumentaux musicaux, parachève très bien cette atmosphère.
Enfin, dernier argument - et non des moindres - pour vous convaincre de vous installer devant A mother's son : le casting délivre de superbes performances, renforçant la portée du scénario par l'intensité de leurs interprétations. C'est Hermione Norris (Wire in the blood, Spooks) qui est logiquement la plus sollicitée, en mère placée devant des responsabilités inconcevables : elle est plus qu'à la hauteur de ce rôle complexe, entre raison et émotion. A ses côtés, Martin Clunes (Doc Martin) incarne son mari - il est parfait pour nous faire partager les dilemmes de ce beau-père dont les loyautés s'entrecroisent. Alexander Arnold (Skins) joue avec ambiguïté ce fils dont on ne sait trop quoi penser, tandis que Paul McGann (Collision, Luther) est son père. Enfin, à noter la présence de Nicola Walker (Spooks) dans le rôle de l'officier de police en charge de l'investigation (ça fait toujours plaisir de la retrouver).
Bilan : Thriller psychologique au sujet très difficile, A mother's son marque par l'histoire poignante proposée, obligeant une mère à concevoir l'impensable : considérer que son enfant peut être mêlé à ou avoir commis un crime. Dans l'ensemble, le récit, sans atteindre toute l'intensité que l'on perçoit en potentiel, est rondement mené, très efficace pour retranscrire la tension naissante. Parfaitement servie par un casting convaincant qui a pris la mesure du scénario, A mother's son mérite une découverte.
NOTE : 7,75/10
La bande-annonce de la mini-série :
16:45 Publié dans (Mini-séries UK) | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : itv, a mother's son, hermione norris, martin clunes, paul mcgann, alexander arnold | Facebook |
06/05/2010
(Pilote UK) Luther : une nouvelle figure policière, surdouée et ambivalente
BBC One proposait ce mardi soir, en prime-time, le premier épisode d'une nouvelle série policière, Luther. En m'installant devant mon petit écran, ma principale interrogation était de déterminer si le show allait offrir d'autres raisons que son casting de prestige (pas seulement pour Idris Elba), pour donner envie de poursuivre plus avant la découverte.
Au terme de ce pilote plaisant, qui, sans pour autant être dépourvu d'excellentes scènes, ronronne sur des sentiers convenus, la série laisse entrevoir un potentiel bien réel. Sans que l'on sache précisément quelle sera l'orientation future de la série - suivra-t-elle ce mélange de ressorts scénaristiques conventionnels et de twists plus atypiques, comme elle le fait durant sa première heure, ou bien s'enfermera-t-elle dans un formula-show classique ? -, les promesses introduites par le "fil rouge" installé, ainsi que par la performance des acteurs, ont suffisamment aiguisé ma curiosité et mon intérêt pour je veuille découvrir la suite.
Certes Luther ne révolutionne pas la fiction policière. Nous sommes face à un personnage principal qui s'inscrit dans la mouvance très actuelle des héros "anti-héros", surdoués dans leur métier, adoptant une méthode de travail atypique très personnelle. Leurs impulsions ou encore leur fort caractère les placent souvent en porte-à-faux de leur hiérarchie, loin du moule traditionnel et propret que l'on attendrait a priori d'eux. Charismatiques, souvent fascinants, mais loin d'être exempt de tous reproches, ils jouissent d'une latitude plus importante que la normale, leur personnalité façonnant généralement la série dans laquelle ils opèrent, pour le plus grand plaisir du téléspectateur.
John Luther s'impose immédiatement dans ce créneau apprécié par la télévision moderne. La scène d'ouverture du pilote donne d'ailleurs tout de suite le ton, soulignant l'atmosphère volontairement sombre et ambiguë (autant qu'un prime-time drama de BBC1 puisse l'être) que la série va essayer d'instaurer. Le DCI y poursuit un meurtrier en série, qui kidnappe et tue de jeunes enfants. Par le biais d'une mise en scène maintes fois vue, mais qui demeure efficace, Luther lui fait avouer le lieu de la cache où il a entreposé sa dernière victime : suspendu dans le vide après qu'il ait glissé d'une balustrade, le criminel lui donne toutes les informations souhaitées dans l'espoir que Luther l'aide à remonter. Seulement, emporté par sa colère, par une révulsion qui le submerge, le DCI s'emporte, manifeste son soulagement d'apprendre par ses collègues que la fillette enlevée est bien vivante, mais ne fait finalement rien pour sauver le meurtrier. La prise précaire de ce dernier finit par lâcher et il chute de plusieurs étages. En un passage, en assistant au conflit interne qui se joue en Luther, le téléspectateur a ainsi un aperçu direct de la complexité du personnage, et du fragile équilibre qui se maintient chez l'homme de loi, entre réactions instinctives et raisonnements logiques, éthique professionnelle et rage incontrôlable.
Bilan : Usant de ficelles narratives très conventionnelles qui peuvent un peu frustrées, ce premier épisode n'en demeure pas moins plaisant à suivre. Doté de plusieurs scènes se détachant clairement du lot, le scénario se déroule sans anicroche. Luther apparaît être une série très calibrée, particulièrement soignée tant sur la forme que sur le fond. Tous les ingrédients sont bien en place, dans une ambiance somme toute très proprette que viennent faire vaciller par intermittence les explosions de colère de Luther. La relation entre Luther et Alice constituera sans doute le fil rouge majeur ; il faudra voir si les scénaristes sont capables de lui insuffler la consistance et la cohésion des grandes confrontation similaire.
Si Luther ne révolutionnera pas le genre policier, elle montre un potentiel qui mérite qu'on lui laisse une chance de pleinement se réaliser. A suivre.
NOTE : 6,5/10
La bande-annonce de la série :
Le générique de la série :
12:28 Publié dans (Pilotes UK) | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : bbc, luther, idris elba, ruth wilson, steven mackintosh, warren brown, indira varma, paul mcgann, saskia reeves | Facebook |