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28/04/2010

(K-Drama / Pilote) Prosecutor Princess : apprentissage de la vie pour héroïne pourrie-gâtée



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Dernière protagoniste de la confrontation des mercredi et jeudi soir en Corée du Sud, diffusée sur SBS depuis le 31 mars 2010, Prosecutor Princess est la série qui souffre le plus de la concurrence directe de Cinderella's Sister et de Personal Preference, peinant à dépasser les 10% de part d'audience (même si elle est en constante progression chaque semaine). Mais comme je vous l'avais confié il y a 15 jours, lorsque nous avions entamé la découverte de cette case horaire très concurrentielle en ce printemps, je suis, pour une fois, plutôt en accord avec les téléspectateurs coréens. Cinderella's Sister bénéficiait d'un début accrocheur, Personal Preference laissait entrevoir un certain potentiel, mais Prosecutor Princess démarre avec un pilote poussif, qui ne donne pas forcément envie de laisser une chance à la suite.

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Ne vous laissez pas abuser par l'intitulé de ce drama, en dépit d'une référence directe à l'univers judiciaire, le mot clé du nom anglais est incontestablement "princess", le "prosecutor" servant pour le moment avant tout de titre clinquant permettant de raccrocher l'héroïne à une parcelle de "vraie vie" dans son univers de mode déconnecté. En effet, Ma Hye Ri vient tout juste de finir son école et d'être nommée procureur. Cependant, la première chose qu'elle décide de faire, une fois la cérémonie terminée, est de s'éclipser, écourtant les formalités, pour foncer dans une station de ski où doit avoir lieu la vente aux enchères d'une ligne d'accessoires Grace Kelly, parmi lesquels elle rêve d'acheter une paire de chaussures. Si le pilote passe sans doute plus de temps qu'il est nécessaire dans cet hôtel de luxe, il ne pourrait en tout cas plus insister sur l'ordre des priorités dans l'univers de Ma Hye Ri. Obsédée de mode, frivole, la jeune femme accumule les clichés, tout en faisant preuve d'un caractère très têtu et d'une certaine ingéniosité lorsqu'il s'agit d'obtenir ce qu'elle veut.

Logiquement, le téléspectateur devine l'enjeu initiatique qui va probablement progressivement se mettre en place et sous-tendre la série. L'objectif de Prosecutor Princess sera de transformer cette héroïne pourrie-gâtée en procureur digne de sa fonction. Autant dire qu'il y a du travail. Le pilote s'attache surtut à nous présenter le personnage de Ma Hye Ri en forçant les traits. Superficielle jusqu'à l'excès, la jeune femme semble vivre dans un cocon, complètement déconnecté du monde réel. Et lorsqu'il s'agit de remplir la mission qui est attendue d'elle dans le cadre de son métier, sa conception de celui-ci se révèle également très personnelle. Tandis que la constitution lui sert à protéger son "droit fondamental" à porter des mini-jupes, elle fait prendre un tout nouveau sens au concept de "peines automatiques", ne songeant pas un instant à apprécier la situation personnelle du délinquant comparaissant devant elle et à individualiser la peine qu'elle va lui appliquer. Le contraire de l'idéal d'une justice humaine et proche des justiciables en somme.

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Pour bien souligner le caractère très atypique de Ma Hye Ri, le premier épisode de Prosecutor Princess n'est pas avare en détails présentant la jeune femme sous un jour assez peu flatteur. Même si ces excès sont mis en scène à dessein, les scénaristes coréens versant rarement dans la subtilité quand il s'agit de mettre en scène des stéréotypes aussi flagrants, le téléspectateur se crispe rapidement face à l'héroïne. C'est peu dire que les soucis rencontrés dans sa quête mouvementée à la fameuse paire de chaussures sont accueillis avec une certaine satisfaction. Et on rêve rapidement de l'évènement qui servira d'électrochoc pour lui remettre en place le sens des priorités. Il est donc très difficile de s'attacher au personnage principal, autour duquel se concentre pourtant tout le pilote. Ma Hye Ri ne s'inscrit pas dans un registre de comédie. Elle n'est pas drôle, juste exaspérante et crispante. Au final, les quelques rares passages où elle n'est pas présente sont accueillis comme des parenthèses offrant un bol d'air frais au téléspectateur. J'ai donc un peu le sentiment que les scénaristes en ont trop fait dans cette introduction.

Au-delà des personnages, parmi lesquels seule l'héroïne est proprement présentée dans cet épisode, c'est la narration-même qui serait à revoir. Le pilote traine en longueur. Même si elles posent un cadre et permettent aux différents protagonistes principaux de se croiser avec ce sens de la coïncidence dont les dramas coréens ont le secret, les mésaventures de Ma Hye Ri dans la station de ski manquent en effet foncièrement de rythme. Certes, les scénaristes distillent quelques pistes et posent les futurs twists et "toutéliés" qui règleront la suite du drama. Mais tout se déroule de façon très plate, comme si la superficialité excessive de l'univers de l'héroîne avait anesthésié l'atmosphère globale. Alors qu'on aurait pu s'attendre à des ruptures de tonalité, les accents de mélodrama restent anecdotiques (ce n'est qu'une paire de chaussures...!), et les quelques pointes de légèreté demeurent marginales (un côté comique plus assumé aurait peut-être été le bienvenu).

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Du côté du casting, il est difficile d'émettre le moindre jugement, tant ce premier épisode se focalise sur le personnage de Ma Hye Ri. Rapidement exaspérante, d'une superficialité quasi-revendicatrice, il est logique que Kim So Yeon n'hésite pas à en faire beaucoup - parfois, peut-être un peu trop, dans la lignée de l'écriture du scénario - pour incarner à l'écran cette jeune femme aux priorités bien étrangement agencées pour une juriste se destinant à une telle carrière. J'avais gardé de bons souvenirs de Kim So Yeon dans IRIS, mais pour le moment, j'avoue qu'elle joue, comme son personnage, dans un registre trop porté vers l'excès à mon goût.

A ses côtés, l'amateur de k-dramas retrouve plusieurs habitués du petit écran coréen, notamment deux figures masculines déjà bien éprouvées par leur rencontre avec Ma Hye Ri. Ca m'a fait plaisir de revoir Park Shi Hoo, que je n'avais plus recroisé depuis Iljimae. Et Han Jung Soo poursuit sa route, avec son jeu tout en réserve, après avoir incarné le Général Choi dans Chuno (Slave Hunters) en début d'année.

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Bilan : Prosecutor Princess délivre un premier épisode un peu poussif qui peine à accrocher immédiatement le téléspectateur. La maturation de l'héroïne, enjeu manifeste du drama, s'annonce comme un véritable parcours du combattant. Présentée avec beaucoup d'insistance comme un personnage pourri-gâté, la jeune femme crispe le téléspectateur, plus qu'elle ne lui permet de s'attacher à la série. Manquant de rythme, le pilote pose de façon un peu maladroite et guère subtile les bases futures de l'histoire. Après cette première heure servant surtout d'exposition, il est possible que Prosecutor Princess devienne plus attractif lorsque le drama rentrera véritablement dans le coeur de son sujet ; mais il est probable que la téléspectatrice que je suis ne fera pas preuve de la patience nécessaire pour découvrir la suite.


NOTE : 4/10


La chanson principale de la série, agrémentée d'images issues des premiers épisodes :

 

Le générique de la série:


27/04/2010

(UK) Doctor Who, series 5, episode 4 : The Time of Angels (1)


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Avec The Time of Angels, Steven Moffat renoue avec ses apports majeurs des saisons précédentes, issues de l'ère de R. T. Davies. La première partie de ce double épisode marque en effet le retour d'une des créatures les plus marquantes de ces dernières saisons, auxquelles demeure associé l'ordre qui résonne encore dans la tête du téléspectateur lorsqu'il éteint sa télévision, "Do not blink" : je veux bien entendu parler des Weeping Angels. Mais c'est également l'occasion de vivre une nouvelle aventure dans la vie (très) mouvementée de River Song, pour une première rencontre avec Eleven qui tient toutes ses promesses, tant l'alchimie entre Alex Kingston et Matt Smith est flagrante. En résumé, c'est du grand Doctor Who qui nous est proposé au cours de la première partie de ce double épisode.

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Construit sur un schéma similaire au précédent double épisode mettant en scène l'introduction de River Song dans l'univers Whonesque (Silence in the librairy/Forest of the Dead), se déroulant toujours dans ce fameux LIe siècle si cher à l'imagination fertile des scénaristes, le Docteur répond une nouvelle fois à l'appel pressant d'une River Song aux nerfs d'acier qui exploite les paradoxes temporels et sa connaissance du Time Lord avec une maîtrise et un sang froid impressionnants. Après une introduction aux accents cinéphiles, dans un style James Bond revendiqué, c'est en effet par le biais de la "boîte noire" d'un vaisseau, exposé dans un musée visité par le Docteur 12.000 ans plus tard, que River transmet avec assurance un message de vie ou de mort à ce dernier, avant de s'auto-air-locker de l'appareil dans lequel elle se trouvait en infraction.

La première rencontre entre Eleven et River va se révéler à la hauteur des attentes du téléspectateur. Le caractère et la personnalité entreprenante de River font merveille aux côtés d'un Docteur qui ne maîtrise pas encore l'ensemble de son univers, suite à sa regénération. Ainsi River prend-elle en main la poursuite du vaisseau qu'elle vient de quitter, s'installant avec aplomb aux commandes du Tardis. Si elle fait perdre au vol le caractère pittoresque et atypique que le Docteur entretient, l'efficacité est en revanche maximale. Mais rien que pour provoquer l'imitation du bruitage du Tardis par Eleven, son incontournable associé à l'attérissage, la scène vaut son pesant de cacahouètes.

Si le personnage de River gagne à chaque rencontre en complexité, découvrant également une part de zones d'ombres, les scénaristes poursuivent, avec une certaine maline, la narration de sa relation avec le Docteur à travers le tourbillon chaotique de leurs timelines respectives qui s'entrecroisent, sans respecter la plus basique des chronologies. Témoin privilégié d'une histoire vécue suivant le point de vue du Docteur, le téléspectateur observe cela avec un mélange de fascination pour la solidité de liens forgés dans de telles conditions - même s'il nous manque une bonne partie de l'histoire fondatrice - et de curiosité face à ce personnage fort, mais également mystérieux, qu'incarne River. En gardant ses secrets et, présentement, en ne révèlant pas toute la vérité sur la mission dans laquelle elle entraîne le Docteur, elle cultive un côté toujours plus intriguant. La confiance aveugle qui lui est accordée naturellement se mêle d'ambiguïté, une ambivalence du personnage qui lui confère une dimension supplémentaire. N'est-ce pas aussi cela qui fait d'elle quelqu'un de très "spécial", ne la réduisant pas à son seul lien avec notre Time Lord ?

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Outre River Song, l'épisode s'annonçait assurément mémorable en raison du retour d'une des créatures mythologiques les plus fascinantes de l'univers Whonesque, les Weeping Angels. Ils sont restés dans l'imaginaire du téléspectateur ces êtres inquiétants qui délivrèrent un des plus glaçants, et réussis, épisode de la série depuis son retour en 2005, Blink. Steven Moffat avait alors démontré avec quelle maestria il pouvait s'arroger le droit de jouer avec les peurs et les instincts du téléspectateur, sans pour autant jamais franchir la frontière du divertissement familial. Avec une aisance déconcertante, le scénariste poursuit donc sa juste exploitation des irrationnelles craintes qui se dissimulent dans les recoins de l'esprit humain. Il parvient à faire prendre forme à des concepts, dont la simplicité, étonnamment authentique, se révèle plus marquante que bien des débauches d'effets spéciaux : "Do not blink". Le vrai pouvoir de ces storylines réside dans l'ambiance et la suggestion qu'elles sont capables de générer. The Time of Angels embrasse cet héritage.

Conduite avec efficacité, la réintroduction des Angels s'opère pourtant avec relativement peu d'explications. Du moins, pour le moment. Si River embarque le Docteur dans cette mission sans sourciller, s'assurant pragmatiquement du seul renfort qui peut compter face à de tels êtres - l'enthousiasme encore naïf d'Amy achevant les dernières résistances du Time Lord -, la fière aventurière du LIe siècle cache ses propres secrets. Il manque au téléspectateur certaines pièces du puzzle sans doute déterminantes pour comprendre ce qui est en jeu. Conduisant une expédition d'ecclésiastiques-soldats, la jeune femme semble avoir conclu, avec ces derniers, un accord duquel ne nous sont données que quelques bribes d'indices, parcellaires et distillées au compte-goutte. Insuffisant pour pleinement cerner tous les tenants et aboutissants, mais parfait pour intriguer et aiguiser la curiosité du téléspectateur, ce qui est bien là l'essentiel.

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Le téléspectateur se retrouve immédiatement plongé dans une aventure très prenante, dont il faut saluer la construction narrative. Après avoir sauvé River, sur l'impulsion de cette dernière, le Docteur suit le vaisseau d'où elle s'est éjectée, jusqu'à la fin de ce dernier... assistant à son crash dans les vestiges archéologiques en ruine d'une planète autrefois occupée par une ancienne civilisation, mais désormais colonisée par la race humaine. Or, à son bord, expliquant d'ailleurs la présence de River, se trouvait une créature "de légende" : un Weeping Angel. Dans un état pseudo-dormant depuis sa découverte il y a quelques temps déjà, statue de pierre à l'apparence imperturbable. Cependant, le crash et l'énergie générée rompent logiquement cette fragile trêve. A partir de là, ce ne sont que difficultés sur difficultés qui ne vont cesser de surgir pour le Docteur et ses compagnons. La situation empire au fur et à mesure que sa complexité réelle se fait jour. Une seule chose est certaine : cela va être l'occasion d'en apprendre bien plus sur les Anges.

Ce qui est très intéressant dans la façon dont The Time of Angels se déroule, c'est que, même s'il ne s'agit que d'une première partie, l'épisode ne perd pas son temps en longues expositions inutiles. Au contraire, il s'apprécie par lui-même, la tension allant crescendo. A ce titre, il est particulièrement opportun que le premier face-à-face avec cette angoisse qu'incarnent et reflètent les Weeping Angels est lieu par le biais d'une confrontation avec une simple représentation qui prend corps sous le regard effrayé d'Amy. En plus de replacer la jeune femme sur le devant d'une storyline d'où elle a été éclipsée par la forte présence de River, c'est une première petite mise en bouche des plus piquantes, qui plonge instantanément le téléspectateur dans la tension ambiante. *Do not blink*

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Aventure divertissante, où l'humour n'hésite pas à poindre en dépit de l'urgence d'une situation qui tourne finalement au drame, il convient de préciser que l'épisode s'inscrit dans une tonalité très différente de celle, plutôt atypique, qui avait contribué à la spécificité de Blink. Loin de l'ambiance presque effrayante qui régnait alors, nous sommes ici dans un registre d'action, résolument divertissant et dynamique. Au-delà des piques de tension engendrées par le maniement d'une si fascinante et inquiétante créature, les réparties échangées entre River et le Docteur assurent des moments plus légers. Moins crispant que Blink, The Time of Angels apparaît, dans cette première partie, comme une évolution logique : la continuation légitime de l'exploitation de des Anges au sein de l'univers Whonesque, offrant du divertissement de grand spectacle.

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Bilan : The Time of Angels représente le coktail parfait, entre suspense, aventure, humour et drame, que l'on peut légitimement attendre d'un épisode de Doctor Who. Nous plongeant dans une aventure prenante et rythmée, l'épisode est une réussite sur un plan humain (la relation entre le Docteur et River devient à chaque ligne plus intriguante), mais aussi dans ce registre tant apprécié du vrai divertissement, maniant habilement les ruptures et changements de tons. Du Doctor Who comme on l'aime en somme. En dépit du fait qu'il s'agisse de la première partie d'un arc plus long, l'épisode s'apprécie par lui-même, très plaisant à suivre, et se terminant, comme il se doit, sur un cliffhanger à vous faire regretter de ne pas avoir sous la main votre propre Tardis pour être déjà samedi prochain !

NOTE : 9/10


La bande-annonce du prochain épisode, Flesh and Stone (la seconde partie) :


25/04/2010

(FR) La Commanderie, saison 1 : balade au Moyen-Âge en quête de l'or des Templiers


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Cela faisait longtemps que je n'avais plus pris le temps de parler d'une série française sur ce blog. La dernière note du genre remonte à l'automne dernier, quand je chantais les louanges de Nicolas Le Floch. Et sans réelle surprise, si vous commencez à connaître un peu mes goûts, c'est avec une fiction historique que je retrouve le chemin des productions françaises. Il faut préciser que, n'ayant pas Canal +, je dois me restreindre aux chaînes hertziennes. Et n'étant pas particulièrement attirée par les adaptations plus ou moins maladroites de recettes déjà trop éprouvées à l'étranger, ne reste donc que ce genre historique, pour lequel je suis prête à faire tous les efforts, et qui garde la spécificité de son cadre géographique.

Même si je passe mon temps blog-esque à disséquer le petit écran, j'avoue que j'allume très rarement le poste qui me sert officiellement de télévision. Même si, ce printemps, Arte et son cycle asiatique m'aura un peu réconcilié avec la télévision "en live". Reste que je n'ai plus le réflexe de, ne serait-ce que, regarder un programme tv. Heureusement, il existe un site comme Le Village pour assurer un prosélytisme téléphagique européen et s'occuper des piqûres de rappel nécessaires (merci twitter) afin de me persuader du bienfondé de bloquer trois samedis soir, à s'essayer à suivre une diffusion au rythme indigeste, pour une série déjà enterrée par France Télévision.

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Le premier attrait de La Commanderie réside dans l'époque et le sujet qu'elle se propose de traiter. Mêlant petites et grande histoires, péripéties d'un quotidien rude et quête sacrée en fil rouge, la série s'inscrit dans une certaine tradition des aventures romanesques historiques, un genre qui peut a priori parler à un large public.

L'histoire se déroule dans une des époques les plus troublées du Bas Moyen-Âge, la seconde moitié du XIVe siècle, une période qui correspond à la Guerre de Cent Ans. Plus précisément, la série s'ouvre en 1375. Ce ne sont pas les puissants, mais plutôt les gens du commun qui l'intéresse. C'est en effet un véritable tableau de la vie d'une époque qu'elle souhaite nous dépeindre ; le contexte a pour cela son importance. La rudesse des temps accroit la fragilité d'une population réduite au misérabilisme et qui fut en partie décimée par la peste noire. Le peuple s'efforce de survivre, affrontant les épreuves naturelles, mais aussi d'origine humaine. C'est sur le territoire d'une seigneurie particulière que la série se propose de prendre ses quartiers. La Commanderie d'Assier se situe en Bourgogne, sur la route du pèlerinage vers Saint-Jacques-de-Compostelle. Ancienne possession de l'Ordre des Templiers, qui fut anéanti au début du siècle par Philippe le Bel, elle appartient désormais à l'Ordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem et de Rhodes.

La Commanderie choisit d'essayer de transposer à l'écran le quotidien d'une époque, à travers le prisme de ce lieu de passage que constitue la commanderie. C'est cette richesse dans les différents aspects développés qui marque. La fiction va effet s'intéresser à la gestion courante du domaine, des relations avec les métayers présents jusqu'aux tensions possibles avec les seigneurs voisins. Mais il y aura aussi des inattendus, comme la visite d'un inquisiteur ou du frère du roi. En toile de fond apparaît le grand projet de l'Ordre des Hospitaliers : l'organisation d'une nouvelle croisade, pour reconquérir les lieux saints en Orient. Mais pour envisager un tel projet militaire, il faut un financement conséquent. Aucune puissance temporelle ne dispose des fonds nécessaires en Europe. Seulement une histoire, devenue presqu'un mythe, est restée vivace au cours des dernières décennies : le fameux or des Templiers aurait été caché par les derniers survivants de l'Ordre. Il attire toutes les convoitises. C'est sur les traces d'un religieux ayant quitté précipitament Paris le 12 octobre 1307, la veille de la vague d'arrestations, que la quête de ce trésor va constituer le fil rouge de La Commanderie.

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En évoquant ainsi le résumé de la série, il est aisé d'entre-apercevoir déjà quel sera sans doute son principal point fort : la densité de ses storylines. Une richesse scénaristique que la fiction mettra d'ailleurs un peu de temps à exploiter à sa juste valeur. Du fait que l'on ne se concentre pas sur une seule et unique intrigue, les tout premiers épisodes se révèlent parfois un peu confus : la narration est trop décousue, les dialogues manquent de relief, simples échanges de banalités. Le téléspectateur peine donc à rentrer immédiatement dans le récit, cherchant à cerner le but vers lequel tend tout cet univers. Mais sa patience est récompensée : la fiction prend de plus en plus d'épaisseur au fi des épisodes. Elle gagne en homogénéité et en cohésion, finissant par parfaitement maîtriser cet aller-retour constant entre petites histoires, parenthèses de vie illustrant les contraintes d'une époque et d'un milieu, et le fil rouge que constitue la recherche du trésor des Templiers. Cette construction scénaristique doit donc être saluée : si elle met un peu de temps à arriver à maturation, une fois qu'elle a dépassé le relatif fouilli initial, elle s'affirme de façon très intéressante.

Ce souci constant d'alternance entre petites et grande histoire permet une immersion aux saveurs des plus authentiques au sein de cette société moyen-âgeuse troublée de la fin du XIVe siècle. D'ailleurs, plus que la transposition à l'écran d'un mythe populaire frappant l'imaginaire collectif - l'or des Templiers -, c'est le volet, plus besogneux, de la vie quotidienne qui m'a surtout intéressée. Par le biais des nombreuses intrigues secondaires qui parcellent les épisodes, la série donne l'impression d'offrir au téléspectateur des tas de petites anecdotes tout droit sorties de récits d'époque. Les exemples foisonnent, signe de la richesse et du travail réalisé en amont par les scénaristes. On peut citer ainsi le jugement, puis l'exécution, d'un cheval coupable d'un homicide, scènes qui donnent l'impression d'assister à une application à la lettre, sous nos yeux, des dispositions d'un quelconque coutumier rédigé au cours de ce siècle. Le téléspectateur non médiéviste, à défaut de pouvoir juger de la justesse de tous ces petits détails, perçoit en revanche pleinement le réel effort de reconstitution historique qui a été fait. De ce travail assez minutieux ressort l'impression d'un ciselage habile du scénario qui joue sur plusieurs facettes, proposant des tranches de vie quotidiennes, tandis qu'en arrière-plan se profilent des enjeux politiques majeurs.

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Cependant, si La Commanderie est animée d'intentions manifestement louables de la part des scénaristes, acquérant progressivement une dimension à souligner, cela ne permet pas d'occulter le principal reproche que je lui adresserai : la forme ne s'est pas révélée à la hauteur du fond proposé. De ce point de vue également, une amélioration est perceptible au fil des épisodes. Initialement, la réalisation m'a paru trop en retrait. La caméra suit les protagonistes de la plus neutre des façons, et seuls quelques plans - la plupart du temps en extérieur - semblaient vouloir s'essayer à une certaine profondeur dans la mise en scène. A mon sens, dans les fictions historiques où le budget ne permet pas des reconstitutions d'époque somptuaires et éclatantes, c'est par un travail sur l'image que l'on peut s'y substituer pour tenter de conférer une identité particulière à la série. La forme doit devenir un outil pour dépasser les limites financières.

Cela passe par une réalisation plus entreprenante, avec une caméra qui prend parti par rapport à l'action qu'elle filme. La photo de l'image peut également être opportunément retouchée : au lieu de garder un coloris trop classique, jouer sur les différentes teintes et sur les couleurs à faire ressortir peut donner des résultats probants. Un autre élément, très utile, qu'il aurait fallu plus mettre en valeur dès le départ est la bande-son. Celle-ci était tout d'abord trop timide, alors même que la connotation historique du récit rend facilement utilisable cet outil. Cependant, j'ai eu l'impression que, après des débuts timorés, des efforts de plus en plus intéressants étaient ensuite faits sur la forme (à moins que cela soit simplement une habitude ensuite prise). Au cours des deux derniers épisodes diffusés hier soir, j'ai relevé plusieurs essais qui m'ont semblé aller dans le bon sens, signe d'une prise d'assurance : j'ai bien apprécié ces scènes où plusieurs actions sont mises en parallèles, avec l'utilisation opportune d'une musique de fond à tonalité sacrée qui empiète sur les images. Cela confère une ambiance et un certain souffle supplémentaire aux évènements auxquels nous assistons.

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La Commanderie m'aura donc laissé une impression mitigée. Si j'ai envie de saluer le travail de fond réalisé, le souci du détails pour faire revivre toute une époque, je reste plus mesurée sur la forme. Au-delà même de la seule mise en image, on relève un contraste flagrant entre le misérabilisme ambiant que la série s'efforce de souligner au sein de la population, et la façon finalement très (trop ?) proprette avec laquelle il est transposé à l'écran. Le décor, les costumes, apparaissent par moments trop immaculés pour l'histoire qu'ils sont en train de relater.
 
On touche ici probablement à une seconde difficulté, inhérente à toute fiction historique : l'impossible reconstitution rigoureuse et, en corollaire, la nécessaire modernisation introduite au bénéfice du téléspectateur. Cela est souvent très perceptible dans les dialogues, au cours desquels les scénaristes recherchent un équilibre entre des références à l'époque - quelques expressions fleuries "typiques" - et une actualisation des échanges pour ne pas faire fuir une partie des téléspectateurs potentiels. Parvenir à établir une fluidité relativement moderne, sans tomber dans un anachronisme gênant qui deviendrait rédibitoire, est sans doute le défi le plus difficile à réaliser pour les séries historiques. La Commanderie s'y essaie avec plus ou moins de succès, ne s'épargnant pas quelques maladresses dommageables. Elle réussit cependant à donner envie au téléspectateur de jouer le jeu et de prendre sur lui pour suivre une histoire qui aiguise de plus en plus sa curiosité.
 
Du côté du casting, j'ai un peu regretté un relatif manque d'homogénéité par moments, certains acteurs manquant un peu de présence à l'écran. Je tiens cependant à saluer la performance de l'acteur principal, Clément Sibony, qui trouve rapidement le ton juste, entre fausse nonchalence, fougue amoureuse et cynisme d'expérience. A noter également la présence de certaines guest-star, clins d'oeil sympathiques, tel Alexandre Astier de passage en inquisiteur.
 
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Bilan : Série historique s'inscrivant dans la droite lignée des grandes fresques d'aventures romanesques, si La Commanderie n'a pas toujours les moyens de ses ambitions, elle acquiert peu à peu une dimension de divertissement des plus plaisantes. Manifestant sa volonté de dresser un portrait méticuleux de cette époque troublée, elle s'attache à décrire les petites histoires derrière la grande Histoire, transposant à l'écran anecdotes et exemples du quotidien qui lui confèrent un parfum d'authenticité supplémentaire. Si les choix de forme n'auront pas toujours permis de concrétiser pleinement ces idées, laissant aussi un sentiment de frustration au téléspectateur, l'ensemble demeure un essai des plus louables.
 
Les dernières scènes offrent certes une conclusion acceptable, mais le téléspectateur rêveur caressera sans doute le secret espoir d'une seconde saison.
 

NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :


24/04/2010

(UK) Ashes to Ashes : series 3, episode 3

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Ce troisième épisode confirme la tonalité prise par cette nouvelle saison de Ashes to Ashes. Au-delà de la volonté de nous apporter des réponses en résolvant la partie mythologique de la série, les scénaristes semblent vouloir prendre le temps d'explorer chacun des protagonistes qui ont fait la franchise. De façon très similaire à l'épisode précédent consacré à Shaz, celui-ci plonge Ray au coeur d'une crise qui va lui permettre de révéler une partie de lui-même encore inconnue du téléspectateur. Si l'exposé de cette nouvelle introspection pèche, par moment, par excès de maladresses, elle a le mérite de faire prendre de l'épaisseur à un entourage qui était resté pendant deux saisons quelque peu en retrait, derrière le duo central composé par Alex et Gene.

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C'est une intrigue policière encore une fois particulièrement classique, ne comportant aucune surprise, qui va servir de fondation pour renouveler et explorer sous un jour nouveau la personnalité de Ray. Après le serial killer de la semaine précédente, l'équipe se retrouve cette fois confrontée à un "serial arsonist" (un incendiaire), avec, à gérer en toile de fond, la pression particulière générée par une période électorale potentiellement explosive, qui va voir la confirmation de Margaret Thatcher au poste de premier ministre britannique. Il convient d'ailleurs de souligner l'effort de reconstitution du contexte politique de l'époque réalisé dans cet épisode. Les scénaristes choisissent de l'exploiter en l'intégrant directement à l'intrigue du jour, en se permettant un parallèle plutôt habile et très opportun. La mise en scène du traumatisme d'un soldat vétéran de la guerre des Malouines trouve en effet logiquement un écho particulier dans ces images d'archives de la ré-élection de la Dame de Fer, qui bénéficia de ce conflit pour restaurer son image et gagner les élections législatives de 1983.

La pression mise par la hiérarchie policière est une nouvelle fois symbolisée par l'omni-présence du DCI Keats, qui continue de mettre en exergue les doutes de chaque membre de l'équipe, dans le but avoué de les placer en porte-à-faux par rapport à Hunt, cherchant à rompre ce lien de loyauté particulièrement intense qui lie tous les subordonnés à leur chef. Il s'intéresse aux investigations d'Alex, qui, après avoir contacté Manchester, continue de s'interroger sur la mort de Sam Tyler. Il recrute Chris pour se plonger dans les vieux dossiers incomplets d'anciennes affaires résolues de façon un peu bancale. Mais, c'est sur Ray qu'il va focaliser son attention au cours de cet épisode.

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Le dernier incendie en date aurait pu trouver une issue fatale si Ray n'avait pas eu le courage de pénétrer dans le bâtiment en flammes d'où des cris s'élevaient... mais aussi si les pompiers n'étaient pas ensuite intervenus pour assurer le sauvetage du policier un peu trop téméraire et de la victime. Et plus précisément, c'est un pompier qui se détache pour embrasser une stature de héros, Andy Smith. Jeune homme a priori sans histoire, ne nourrissant pas d'ambition particulière de sortir ainsi du lot, mais manifestant un professionalisme et une compétence à saluer. Ray se prend instantanément d'amitié pour lui. Plus qu'une sincère reconnaissance, le policier expresse une véritable admiration pour le pompier et la mission qu'il remplit chaque jour. Seulement, au fil de l'enquête qui progresse peu à peu sur l'auteur des incendies, à la suite d'un témoignage, les soupçons de Gene et d'Alex se tournent vers cet opportun sauveur.

Il est difficile de ne pas ressentir quelque frustration à voir Ashes to Ashes opter invariablement pour une facilité qui finit, parfois, par être un peu ennuyeuse, dans la construction de ces intrigues policières. Un serial arsonist avec un passé militaire est du pain béni pour tout psychologue. Cela offre ainsi l'occasion à Alex d'enfoncer aisément un certain nombre de portes ouvertes sur l'état mental du jeune homme, tous les voyants clignotant pour indiquer "post traumatic disorder". Si l'affaire en elle-même a une portée somme toute très anecdotique, elle mérite cependant d'être saluée en raison de la scène qui va la conclure, d'une intensité et d'une force impressionnantes.

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L'affaire Andy Smith va prendre un tour plus tragique et personnel en raison de l'infidélité de son épouse. En dépit du fait que, dans la droite ligne du reste de l'intrigue, cet élément saute trop rapidement aux yeux du téléspectateur, en revanche, il va permettre une confrontation entre la police et un Andy devenu suicidaire, souhaitant s'immoler avec sa femme. Mais plutôt qu'une intervention clinique d'Alex, ou une charge de Gene, c'est un échange, d'où perce un désespoir existentiel ne pouvant laisser le  téléspectateur indifférent, qui s'initie avec Ray. De la part d'un policier qui nous avait plutôt habitué à des réflexions pas très fines sur le sens de la vie, il délivre ici un exposé d'une rare authenticité, basé sur sa propre expérience. C'est une autre facette du personnage, à laquelle le téléspectateur n'avait jamais été confronté. Si ce cri de détresse est volontairement mis en exergue pour mettre en confiance Andy et empêcher l'irréparable, on sent bien que Ray parle d'une frustration qui lui est familière et d'une insatisfaction chronique sur le sens de sa vie qu'il analyse avec beaucoup de lucidité.

C'est donc une parenthèse intéressante ainsi offerte au personnage, qui s'affirme et s'émancipe de la tutelle de Gene. Au-delà de sa volonté de créer des divisions au sein de l'équipe afin d'isoler Gene, Keats semble chercher à mettre chaque membre face aux doutes qu'il a enfouis, les forçant à se confronter à ce qu'ils sont vraiment. Car cette storyline, comme la semaine précédente avec Shaz, permet à Ray de faire la paix avec une partie de lui-même. L'émanicipation voulue par Keats n'est pas passée par une opposition directe à Gene, ni par un éclatement de l'équipe, mais elle a permis au personnage de Ray de se réaliser pleinement. N'est-ce pas le sens du thème de Life on Mars que l'on entend en fin d'épisode lorsque la caméra se concentre sur lui ?

Si la finalité de l'épisode est appréciable, la téléspectatrice que je suis gardera cependant une impression un peu mitigée de l'épisode. On peut en effet reprocher le manque de subtilité de cette quête introspective. Les scénaristes usent de ficelles relativement grosses pour relater leur histoire : des suggestions de Keats jusqu'au traitement de l'intrigue en elle-même, tout apparaît si évident au téléspectateur, trop explicitement mis en avant pour ne laisser de place à aucune nuance possible. Dans ces moments-là, Ashes to Ashes m'évoque justement ces séries des années 80, au scénario divertissant, mais calibrées à l'excès. Je ne sais pas à quel point cet effet est recherché par les scénaristes ; mais, aux yeux ascérés du téléspectateur moderne, cette tendance est parfois un peu trop exacerbée.

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Bilan : Un épisode introspectif consacré à un autre membre de l'équipe : après Shaz, voici une storyline destinée à mettre en lumière le personnage de Ray. L'intention est louable, la conclusion est intense et marquante, mais l'intrigue souffre d'un excès de classicisme, se situant sur des sentiers scénaristiques trop souvent empruntés par les fictions. A noter cependant un effort de reconstitution du contexte politique de l'épisode, avec une mise en parallèle intéressante sur les conséquences de la guerre des Malouines : d'une part un vétéran dont la vie est brisée, d'autre part une femme politique à qui le conflit profitera pour rempoter les élections nationales. 


NOTE : 6,75/10

21/04/2010

(K-Drama / Pilote) Personal Preference (Personal Taste) : désastres sentimentaux et colocation ambigüe



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En Corée du Sud, ce printemps 2010 nous promettait, à la télévision, un choc frontal, entre trois dramas attendus, ciblant chacun un public assez similaire, dans la case stratégique de 22 heures du mercredi et jeudi soir. Au bout du compte, c'est finalement Cinderella's Sister qui a viré en tête et a su tirer son épingle du jeu ; et, pour une fois, j'avoue être assez d'accord avec la hiérarchie établie, entre ces trois séries, par le biais des audiences. Aux côtés de la re-écriture de Cendrillon dont je vous ai parlé la semaine dernière, un autre drama suscitait également beaucoup d'attentes, porté par un duo d'acteurs de choc et une promo bien orchestrée, il s'agissait de Personal Taste (ou Personal Preference, au choix). Si le visionnage du pilote m'aura moins enthousiasmé que celui de Cinderella's Sister, le concept de départ conserve un attrait certain. Il ne tient qu'aux scénaristes de réussir à l'exploiter par la suite.
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Avec Personal Taste, nous nous retrouvons ici dans un créneau résolument plus léger que Cinderella's Sister, basé sur un concept de départ clairement orienté comédie, saupoudré évidemment d'une touche de romantisme inaltérable. Derrière des ingrédients scénaristiques et une mise en scène des plus classiques, Personal Taste ajoute a priori un petit twist aguicheur, en cherchant à brouiller les cartes de la relation à laquelle ses deux personnages principaux sont promis. Car s'ils finiront plus promptement qu'à l'accoutumée par partager le même logement, initialement, c'est en simple qualité de colocataires. Une situation rendue possible uniquement grâce à cet art du quiproquo que les scénaristes coréens savent décliner à la perfection et sur lequel Jin Ho, en jeune architecte carriériste au pragmatisme des plus intéressés, choisira de capitaliser, plutôt que de démentir, afin d'accéder à la maison dans laquelle vit Gae In.

Après des débuts typiquement volcaniques, nos deux protagonistes s'insupportant instantanément, poussés par les circonstances à commencer par se quereller autour d'un taxi, leurs chemins ne vont ensuite cesser de se croiser, un peu pour le meilleur, mais surtout pour le pire, dans le cadre de  situations de plus en plus personnelles et intimes. Ainsi, si Jin Ho est aux premières loges pour assister à la cruelle descente aux enfers sentimentaux et à l'humiliation subies par Gae In, cette dernière a également l'occasion de découvrir le jeune homme sous un jour nouveau. A la suite d'une série d'échanges au double sens jubilatoire (pour le téléspectateur), facilitant les extrapolations sur son orientation sexuelle, elle est bientôt persuadée qu'il est gay. Soudain moins inquiète pour sa vertu, la voilà instinctivement plus conciliante avec une personne qui a de toute façon été un des témoins privilégiés de son récent calvaire.

C'est donc sous l'aspect d'une variante du genre "comédie romantique" que se présente a priori Personal Taste. L'objectif est de jouer sur les double-sens, les conclusions erronées hâtives, afin de présenter une relation un peu atypique, basée sur une omission ou une sorte de mensonge, involontaire à l'origine... Il est aisé d'imaginer combien cette thématique peut se révéler être une source intarissable de scènes improbables, où règne un quiproquo grisant pour l'observateur extérieur, a fortiori si tout cela évolue ensuite dans le huis clos d'une colocation.

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De façon rassurante, il y a un constat qui s'impose au sortir de ce premier épisode : les passages qui sortent du lot et retiennent l'attention du téléspectateur sont précisément les scènes au cours desquelles le drama se rappelle soudain de son idée de départ et se réconcilie avec l'image que l'on s'en faisait a priori. Il y a donc bel et bien une petite étincelle, un potentiel réel et intrigant qui légitimise Personal Taste ; et cette flamme mérite d'être nourrie et de grandir pour se voir transposer pleinement à l'écran. Pour ses premières manifestations, on n'échappe pas aux classiques disputes, au détour des couloirs d'hôtel d'un soir, dans lesquelles les phrases échangées revêtent un sens particulier, le contexte colorant singulièrement leur contenu. Mais l'épisode nous concocte également des instants où le comique de situation joue à plein, pour notre plus grand plaisir : l'ascenseur se révèle être le cadre parfait d'une scène qui est un véritable modèle du genre. Elle correspond tout à fait à la tonalité que j'attendais a priori de la série. Ce passage contient ce petit éclair malicieux tant recherché, se nourrissant des faux-semblants ; prêtant à sourire, cela vous conforte en plus dans l'idée que vous n'avez pas entrepris ce visionnage pour rien.

En somme, ces moments constituent la preuve que les scénaristes sont capables, a priori, de conduire Personal Taste à travers ce croisement des genres où, sans renier l'aspect romantique, la série serait également à même d'exploiter la spécificité offerte par son concept de départ, et le potentiel comique indéniable qui y est lié.  Malheureusement, ces instants se comptent sur les doigts d'une main au cours de ce pilote.

En effet, si l'emballage nous annonçait une comédie, Personal Taste s'ouvre sur un air de mélodrama. Son pilote, un peu trop timoré et rigide, opte en effet pour une longue présentation des derniers soubresauts de la tragédie amoureuse, proche du pathétique, que vit l'héroïne. Attention à ce que le twist de départ, qui fait a priori toute la saveur potentielle de cette énième déclinaison de comédie romantique, ne se révèle pas n'être que poudre lancée aux yeux du téléspectateur, simple prétexte, cachant mal un excès de conformisme et de banalité.

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Si les débuts de Personal Taste font esquisser quelques sourires au téléspectateur, ces scènes improbables, promises par le concept même de la série, se noient au milieu d'un sentimentalisme d'arrière-garde. A la place d'une comédie légère, nous est proposé l'imbroglio dramatico-romantique d'un couple qui n'existe déjà plus en fait, et que seul l'aveuglement naïf de l'héroïne permet de faire durer jusqu'à la fin de ce premier épisode.

Quand le couperet tombe enfin, après d'interminables tergiversations dilatoires, il y a comme un soulagement pour le téléspectateur. Certes, la vie amoureuse de l'héroîne ne s'apparente plus, à la fin de ces longs passages qui contribuent à renforcer à l'excès son image de victime, qu'à un vaste champ de ruines, dans lequel se mêlent trahison sentimentale masculine et amitié féminine brisée. Comprenez : Que votre petit ami vous plaque, soit, ça arrive. La veille de son mariage (avec une autre), en plus, c'est déjà plus difficile à avaler. Un mariage qui va avoir lieu avec... une de vos deux meilleures amies. Voici le coup de grâce. Il est difficile de dresser plus noir tableau, la confrontation lors de la cérémonie de mariage atteignant le sommet du pathétique. Cependant, après ce cauchemar, on se dit que Gae In ne pourra que remonter la pente ; le téléspectateur n'a d'ailleurs plus qu'une envie : la voir tourner la page.

L'idée était sans doute de bien souligner quelles blessures le personnage de Gae In aura dû supporter avant d'entreprendre une renaissance au fil de la série (pour, on l'espère, un happy end). Seulement, voici une introduction qui pèche singulièrement par un sentimentalisme qui aurait gagné à être moins hissé en porte-étendard d'un drama qui se présentait comme une comédie attachante. Rien d'irréversible donc, juste une mise en bouche en décalage avec les attentes du téléspectateur.

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Enfin, je ne peux pas parler de ce drama sans terminer sur une des raisons du buzz certain de Personal Taste sur la toile, dans les semaines précédents son arrivée à l'antenne : son casting. Les deux acteurs principaux se glissent de façon assez naturelle dans la peau de leurs personnages respectifs, même si la rigidité du personnage de Jin Ho le place pour l'instant un peu en retrait. La rafraîchissante Son Ye Jin (Spotlight, Summer Scent) incarne une héroïne exubérante et spontanée, qui dynamise une narration un peu lourde. Et Lee Min Ho nous revient pour son premier drama, depuis son hit de l'an dernier, Boys Before Flowers, adaptation coréenne de Hana Yori Dango, que tout amateur de séries coréennes a probablement déjà vu... sauf moi (il faudra un jour que je vous raconte mon blocage face à ce manga et ses différentes versions live).

Parmi les autres têtes connues dans le paysage téléphagique coréen, on retrouve notamment Kim Ji Suk (croisé cet hiver dans Chuno) en futur ex-petit ami si peu gentleman, Wang Ji Hye (Friend, Our Legend) en amie traître. Comme dans Cinderella's Sister, un chanteur de 2PM est venu tester les possibilités d'un nouveau développement de carrière (Im Seu Ong). Mais, s'il faudra suivre cela dans la durée, l'ensemble forme un tout homogène, au sein desquels aucun acteur ne dénote.

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Bilan : Servie par un concept de départ au piquant indéniable, Personal Taste a le potentiel d'offrir une variante légère, un peu atypique (la colocation et ses raisons), de la comédie romantique classique. Si on perçoit d'intéressantes promesses au cours de ce pilote, il opte cependant pour une entrée en matière versant dans un mélodramatique un peu lourd, qui s'avère un brin déstabilisant pour le téléspectateur. Malgré tout, les quelques scènes de délicieux quiproquo, proprement jubilatoires, que l'on y croise donnent envie de laisser sa chance à Personal Taste.


NOTE : 6/10

 

Deux brèves bande-annonces :