25/03/2010
(US) The Tudors, saison 4 : la dernière ligne droite de la vie de Henri VIII
Le mois d'avril prochain verra débuter, sur la chaîne câblée américaine Showtime, la quatrième et dernière saison de The Tudors. En téléphagie, il y a difficilement meilleur public que moi devant une fiction télévisée historique : peu importe l'époque, la nationalité ou même le fond du sujet, j'aime les plongées plus ou moins romancées dans un tourbillon mêlant grande et petite histoire.
Pourtant, s'il est une série historique solidement installée actuellement, mais avec laquelle j'entretiens des rapports très conflictuels, il s'agit bien de The Tudors. Pour tout vous dire, c'est une série que j'ai pris l'habitude d'abandonner, en moyenne, 3 fois par saison... mais vers laquelle je finis toujours, bon gré, mal gré, par revenir pour achever les derniers épisodes inédits et attendre la suite - ces tergiversations s'étalant généralement jusqu'à l'hiver suivant. J'ai beaucoup de peine à m'expliquer cette étrange attitude téléphagique qui défie toute logique, car cela fait quelques années que je me montre des plus expéditives avec les séries que je suis : j'abandonne sans arrière-pensée, ni regret, là où, auparavant, je m'efforçais de finir religieusement.
Objectivement, l'agacement engendré par le visionnage d'un épisode des Tudors est rarement contre-balancé par les quelques trop rares scènes bien dosées et intrigantes qu'il pourra éventuellement comprendre. Cependant, chaque printemps, je suis toujours au rendez-vous. Et chaque printemps, invariablement, après le visionnage du pré-air traditionnel, je me pose les mêmes questions qu'aujourd'hui.
Le premier qualificatif qui me vient à l'esprit en pensant à The Tudors serait le terme "frustrant". Une frustration chargée de regrets, en raison du potentiel que l'on sent poindre par moment, des moyens matériels mis à disposition et de l'ambition du sujet de départ, qui nous rappellent ce que la série aurait pu être, si d'autres choix scénaristiques avaient été faits. Elle se propose de nous raconter, romancée de manière excessive, mais surtout avec une ré-appropriation des codes scénaristiques du soap qui sont transposés, sans adaptation, dans ce cadre du XVIe siècle, la vie du roi Henri VIII, célèbre, suivant votre intérêt, pour sa politique religieuse ou le nombre d'épouses, au destin tragique pour certaines, qui se succédèrent à ses côtés. La saison 1 s'était ouverte en 1518, à l'époque Catherine d'Aragon était encore Reine d'Angleterre, le cardinal Thomas Wosley gérait d'une main de fer les affaires du Royaume et avait l'oreille du roi, et Thomas More était un ami apprécié du roi. Une éternité semble s'être écoulée tant ce tableau paraît désormais si lointain, appartenant à une autre vie bel et bien révolue. Cette saison 4 de The Tudors débute en 1740, par l'annonce du mariage entre Henri VIII et sa dernière femme en date, Katherine Howard, sa cinquième et avant-dernière.
Ce premier épisode de la saison pose les enjeux à venir, les relations amoureuses prenant, comme toujours, le pas sur le contexte historique plus global qui n'est qu'évoqué indirectement, à travers notamment les multiples références au Royaume de France. Henri VIII présente fièrement à la cour sa nouvelle épouse, une jeune femme d'une légèreté puérile ou rafraîchissante - suivant votre point de vue - , dont la frivolité exaspère rapidement le téléspectateur autant qu'elle amuse, pour le moment du moins, le roi d'Angleterre. Si les premiers pas hésitants de la jeune femme en tant que reine ne sont pas des plus concluants, elle retient surtout l'attention de Thomas Culpeper qui paraît nourrir une obsession bien malsaine à son égard, le poussant déjà aux pires extrêmités pour calmer ses pulsions. Si je n'ai porté qu'une attention très modérée à ces énièmes roucoulements soap-esques, l'épisode contient cependant des aperçus politiques plus intéressants.
L'exécution de Cromwell a laissé un vide manifeste dans l'entourage du roi, qui se contente désormais d'entériner les décisions prises quasiment seul par Henri, sans essayer, ni parvenir, à modérer les excès royaux. Assisté d'hommes ambitieux pragmatiques, à son image, il n'y a plus aux côtés du roi de conseiller sachant tirer les ficelles et s'imposer. Les quelques rares qui restent en décalage avec cette approche courtisane paraissent, de guerre lasse, ne plus se formaliser par ses éléments, tel le duc de Suffolk, un ancien toujours présent aux côtés d'Henri, mais qui a bien changé depuis sa fougue des débuts.
Pour le reste, ce début de saison reprend les mêmes ingrédients, et quasiment les mêmes schémas, que les saisons passées : de la lune de miel amoureuse - mais que l'on devine versatile - du roi, jusqu'à l'introduction d'ambitieux personnages issus de sa nouvelle belle-famille, en passant par l'instabilité de caractère d'Henri et sa constante rivalité avec la France, tout est là, de manière presque invariable. A croire que le changement d'épouse et les années qui défilent ne sont que prétexte pour reproduire les mêmes dynamiques... En cela, il est heureux que Henri VIII n'ait eu "que" six femmes et que la saison 4 soit la dernière, le risque de copier-coller commençant à poindre de manière insistante.
Les reproches que j'adresse à The Tudors n'ont pas varié depuis la première saison, si ce n'est que l'effet de répétition accentue un peu plus leur visibilité et réduit la tolérance du téléspectateur. Il s'agit d'une série qui a fait sienne le précepte selon lequel il est nécessaire ré-adapter au goût du jour ces vieux récits en costumes d'évènements d'autrefois, pour espérer ne pas offrir une plongée dans l'Histoire qui serait placée sous le signe de l'ennui. Dans cette optique, The Tudors ne propose pas une reconstitution historique : elle prend simplement le prétexte d'un tel cadre pour délivrer, avec une pointe d'exotisme passéiste prétexte à tous les excès, un soap dans les coulisses d'un pouvoir politique royal. Les histoires de coeur ont trop souvent éclipsé, voire même balayé, les enjeux politiques. La versatilité de Henri VIII n'est que la partie émergée d'une dynamique qui parcourt l'ensemble de la cour, où les sentiments - et leur dangerosité - semblent toujours destinés à prendre le pas sur des réflexions plus rationnelles. Si les scènes d'amour n'ont pas le caractère cru d'autres fictions du câble américain, conservant toujours un esthétisme soigné auquel la série est désormais attachée, elles ne manquent cependant pas, soulignées par des mises en scène généralement des plus inventives.
Seulement, cet aspect soapesque donne également une désagréable impression de creux dont la série ne parvient jamais à se départir, naviguant à vide et se perdant dans cette vanité sentimentale sans relief. Il fait malheureusement passer au second plan des intrigues politiques déterminantes, désamorçant les ressorts dramatiques, réduisant les complots politiques à des coucheries manipulatrices, le tout manquant singulièrement d'envergure. La série rabaisse ses ambitions en les réduisant à l'instinct humain le plus primaire, les sentiments, élaguant ainsi une grande partie de la complexité touchant à ses intrigues de cour. Ce n'est pas un hasard si les épisodes les plus marquants et les plus réussis proposés par The Tudors, ont été ceux qui lui donnaient l'occasion d'assumer pleinement son genre historique et permettaient de mettre entre parenthèse l'angle d'attaque soapesque choisi ; en témoigne par exemple l'épisode traitant de l'épidémie de Suette (Episode 7, saison 1), un des plus forts et des plus aboutis qu'ait eu à nous offrir la série.
Pourtant, en dépit de tous les reproches que je lui adresse, je vous l'ai dit, je finis toujours par reprendre le fil de l'histoire là où je l'avais abandonné. Pourquoi ? A bien y réfléchir, je pense que cela s'explique sans doute pour des raisons avant tout formelles. En effet, le visionnage d'un épisode de The Tudors ne peut que rappeler au téléspectateur les ambitions initiales de Showtime, soulignant les moyens investis dans cette fiction, mais réveillant aussi son lointain statut de reconstitution historique (même très romancée) qui continue d'exercer une part de fascination, en dépit de la désillusion apportée par les premières saisons. Car s'il est bien un aspect que j'ai toujours profondément admiré dans The Tudors, c'est le décor que la série a pris le soin de recréer. Au-delà de la mise en valeur des riches costumes ou des jeux de lumière avec lesquelles la caméra s'amuse, la recherche d'esthéticisme dans ses images demeure une constante particulièrement appréciable. La réalisation est appliquée, offrant de belles images retravaillées qui sont autant de tableaux paraissant tout droit sortis d'un instantané théâtral ou d'une peinture de l'époque. Pour les yeux, The Tudors constitue donc un vrai plaisir, la série sacrifiant même parfois le fond à la forme, pour mettre en valeur certaines scènes. A la manière d'une histoire couchée sur un beau papier glacé, elle impose un style très propre, renforçant ce décalage soap en offrant finalement une reconstitution visuelle idéalisée de l'époque. Cela accroît encore la distance prise par le récit avec son sujet de départ, mais il faut reconnaître que ce choix esthétique, dans lequel même certaines exécutions, par leur façon d'être filmées, peuvent apparaître comme des oeuvres d'art, sait exercer et entretenir une certaine fascination sur le téléspectateur.
Bilan : Bénéficiant d'un cadre historique prétexte à une reconstitution soap-esque qui place les sentiments au coeur de la dynamique du récit, The Tudors souffre d'un certain manque d'envergure et de relief. Derrière la belle façade très chatoyante, les histoires, au final des cycles assez répétitifs, tournent quelque peu à vide. Les enjeux des intrigues s'effacent derrière la versatilité et à l'intensité émotionnelles mises en scène. L'emballage apparaît avoir été trop souvent préféré à la richesse du contenu, alors même que le sujet aurait pu se prêter à un récit des plus passionnants.
Ainsi, si je regarderai probablement l'intégrale de la série, je dois bien avouer que celle-ci m'aura toujours laissé plus de regrets que de satisfactions.
NOTE : 5/10
Le long trailer introduisant cette dernière saison :
Le générique de cette quatrième saison à venir :
08:09 Publié dans (Séries américaines) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : showtime, the tudors, jonathan rhys meyer, henry cavill | Facebook |
24/03/2010
(UK) Life on Mars : Am I mad, in a coma, or back in time ?
La dernière et troisième saison de Ashes to Ashes débutera le 2 avril prochain sur BBC1, ouvrant un week-end pascal particulièrement savoureux pour les amateurs de séries britanniques, puisque le lendemain marquera les débuts de la très attendue cinquième saison de Doctor Who. Le retour de deux de mes séries préférées actuelles, mine de rien, ce printemps téléphagique en cours et futur est des plus attractif.
La dernière saison de Ashes to Ashes est annoncée comme devant venir "boucler la boucle" entamée par Life on Mars, nous promettant des explications, mais aussi une vraie conclusion. L'attente est donc à son comble ; l'impatience grandit chaque jour un peu plus, tandis que la campagne de promotion commence dans les médias. Cependant, avant d'évoquer Ashes to Ashes, il est sans doute opportun de revenir aux origines du concept, de repartir dans les années 70 aux côtés de Sam Tyler, en vous parlant, aujourd'hui, de Life on Mars.
Je vous avoue que j'ai toujours eu beaucoup de mal à retranscrire avec des mots l'intense ressenti émotionnel, sans doute très subjectif, que suscite chez moi cette série. Elle fait partie de ces fictions que je vais savourer, mais où, après le visionnage, je n'aurais pas le besoin d'exprimer, d'analyser, l'expérience je viens de vivre... Si elle est ainsi associée au syndrome de la page blanche, c'est sans doute parce que Life on Mars est, dans mon coeur de téléphage, profondément liée à l'affectif ; la part rationnelle du critique étant obscurcie par les élans de son coeur.
Pour ceux qui auraient vécu sur Mars (littéralement) au cours des dernières années, reprenons au commencement. Le synopsis de la série est à la fois original, maniant de grandes questions a priori complexes, mais aussi d'une simplicité presque désarmante dans son traitement du quotidien. Sam Tyler, policier à Manchester en 2006, est renversé par une voiture au cours d'une enquête, lors du pilote de la série. Il perd connaissance et se réveille alors en 1973. Une interrogation lancinante, en forme de fil rouge, va guider le téléspectateur à travers les deux saisons que compte la série, ainsi résumée par Sam dans le générique du début : Am I mad, in a coma, or back in time ?
Life on Mars s'impose tout d'abord une série d'ambiance ; elle mise et capitalise sur une fibre nostalgique inconsciente en redonnant vie aux années 70, présentant, avec ses reconstitutions stéréotypées à dessein, une forme d'hommage aux cop-shows de cette époque-là... Entre course-poursuites en voitures ronflantes, policiers jouant encore aux cow-boys, voire pseudo justiciers, dans les rues de leur ville et règles disciplinaires intervenant à éclipse suivant les circonstances, tous ces ingrédients se retrouvent d'une façon très condensée dans Life on Mars. Ne vous y trompez pas : il n'y a pas de réelle volonté de reconstitution rigoureuse derrière ce portrait très coloré, l'image renvoyée correspond plutôt au mythe télévisé associé à cette période. C'est donc sur un tableau fictif, reposant en grande partie sur l'imaginaire collectif partagé consciemment ou inconscimment par chaque téléspectateur, que la série va se construire un décor attractif, tranchant volontairement avec le genre policier moderne qui inondent nos ondes. Au final, ce qui est proposé, ce sont un peu des années 70 revisitées par l'esprit d'une personne dont la mémoire biaisée mêlerait quelques souvenirs personnels et tout une série de clichés classiques ayant une origine culturelle.
Si le téléspectateur redécouvre, par le biais de cette remise au goût du jour, un certain nombre de codes scénaristiques, parfois assez directs, pour ne pas dire simpliste, d'une époque plus manichéenne, moins nuancée dans son rapport à l'ordre, cette atmosphère se révèle être un des atouts majeurs de la série. D'autant que l'immersion 70s' passe également par des détails plus formels : les costumes, mais aussi et surtout une excellente bande-son musicale, très fournie et particulièrement bien choisie, qui offre un retour en arrière entraînant, tout aussi symbolique, au téléspectateur.
Au-delà de ce dépaysement sympathique, Life on Mars bénéficie également de son concept, qui permet un intrigant mélange des genres, offrant la possibilité d'alterner différentes tonalités. En effet, certes, la série se présente sous l'apparence d'un cop-show -tout droit sorti des 70s'- et va donc proposer diverses enquêtes occupant chaque épisode. Des affaires pouvant avoir une connotation très marquée par l'époque, mais on y trouve également des intrigues très classiques. Seulement, et Life on Mars ne vous le fera jamais oublier, Sam Tyler n'est pas un simple policier qui évoluerait dans un formula-show traditionnel. La confusion, source de mystère et de tant d'interrogations, qui entoure sa présence dans les 70s' est savamment entretenue tout au long de la série. Si les scénaristes nous donnent des pistes et des indices penchant pour l'une ou l'autre des explications proposées au début de chaque épisode, la série va s'avérer particulièrement réussie pour progressivement diluer les repères de la réalité, faisant peu à peu disparaître, par des hallucinations tout autant que par les étranges coïncidences qu'il croise, la frontière qui préserve la santé mentale de son héros.
De policière, la série flirte ainsi parfois avec le surnaturel. Ce fantastique de façade, jamais pleinement consacré, est utilisé pour mettre au défi la tentative de maintien de rationnalité du show. Quels sont les points de repère que Sam peut conserver ? Ne glisse-t-il pas peu à peu vers une assimilation de cet univers si coloré des 70s' ? Son comportement gardera toujours une profonde ambivalence, tiraillée entre deux priorités : ce qui l'entoure dans l'immédiat et son analyse extérieure et détachée de la situation dans laquelle il se trouve bloqué. Au fond, la thématique récurrente, qui constitue le coeur de la série, est celle de la perte du sens de la réalité. Un égarement progressif qui culminera avec le déchirant - mais sonnant si juste - final.
Au-delà d'une métaphore identitaire aux accents de tragédie, Life on Mars ne repose pas uniquement sur cette toile de fond prenante et originale. En effet, la série ne se serait pas imposée avec une telle force à l'écran sans des protagonistes qui en sont la véritable âme. L'équipe policière, au sein de laquelle Sam Tyler est parachuté, est dirigée par un DI, Gene Hunt, personnalité forte qui défie toute catégorisation : il a ses ambiguïtés éthiques mais demeure instinctivement attaché à son métier et à la mission qu'il sous-tend. Ce personnage est profondément marqué, tant par les moeurs de son époque, que par les stéréotypes associés depuis dans l'imaginaire du public. Bien souvent, l'intérêt des épisodes va résider plus dans la confrontation explosives des deux approches, souvent presque antinomiques, incarnées par Sam et par Gene, plutôt que dans le fond de l'enquête menée qui n'est pas toujours des plus fouillées. Ici encore, l'opposition s'inscrit dans une lignée classique : les méthodes policières de travail des années 2000 n'ayant pas grand chose de commun avec ce qui peut être perçu comme le tourbillon des années 70. L'aspect très rigoriste, mais aussi très humain et souvent touchant, de Sam se heurte aux initiatives pragmatiques, détachése du code de bonnes conduites, et fonctionnant à l'instinct, que symbolise Gene.
Le clash était inévitable - et même recherché - et il va suivre un développement intéressant, s'inscrivant dans la logique du petit écran. En effet, si la construction des épisodes, de l'affaire du jour jusqu'aux oppositions de vues qu'elle génèrera chez nos deux principaux personnages, peut apparaître un peu répétitive sur le long terme, il faut cependant préciser qu'elle ne suit pas toujours avec rigueur un schéma invariable. Peu à peu, Gene et Sam vont parvenir à une certaine compréhension réciproque, où vont poindre les bases d'une amitié, mais aussi une forme de respect. Bénéficiant de cette complicité relative et du théorème selon lequel les opposés s'attirent, Life on Mars s'inscrit dans la lignée de ces bromances explosives particulièrement appréciées du petit écran. Pour parfaire cela, les excellents acteurs qui composent ce duo, John Simm et Philip Glenister, délivrent des performances parfaites, aux accents charismatiques très magnétiques et à l'alchimie évidente à l'écran.
Bilan : Sans révolutionner le petit écran, Life on Mars aura réussi à pleinement capitaliser sur un concept de départ original, qui l'aura conduit à utiliser des ingrédients classiques dont la force va être de parvenir, avec beaucoup de naturel, à toucher la fibre affective du téléspectateur. Qu'il s'agisse de l'attrait nostalgique, de cette étrange ambiance indéfinissable naviguant entre faux policier et quête identitaire, entre drames et décalages humoristiques, l'attrait de la série restera sa capacité à se faire apprécier instinctivement, notamment par le biais de personnages très attachants.
NOTE : 8,5/10
Le générique de la série :
Une bande-annonce (de la première saison) :
07:57 Publié dans (Séries britanniques), Ashes to Ashes / Life on Mars | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : life on mars, bbc, john simm, philip glenister, liz white, dean andrews, marshall lancaster | Facebook |
21/03/2010
(J-Drama) Chakushin Ari : vous ne regarderez plus votre téléphone de la même façon
Il y a quelques semaines, je vous avez raconté comment j'avais réussi à me traumatiser en regardant Coma. Avant cette première vraie série d'horreur - je ne crois pas que mes nerfs supporteront une nouvelle avant quelques mois, voire années -, la seule incursion timide que j'avais réalisée dans ce genre, était un drama japonais, beaucoup plus soft, adaptation télévisée d'une suite de films à succès éponymes, s'inscrivant dans la longue tradition de l'horreur asiatique : il s'agissait de Chakushin Ari (One Missed Called). Diffusé sur TV Asahi en fin d'année 2005, il comprend en tout 10 épisodes.
Le premier préalable à mettre au clair au regard de cette série, c'est qu'en en dépit de sa source d'inspiration première, Chakushin Ari n'est pas un drama destiné à vous faire dormir la lampe de chevet allumée pour le reste de la semaine suivant le visionnage. Il attire par sa thématique en apparence fantastique, l'aspect policier des enquêtes qu'il met en scène, ou encore le suspense, diffus, qu'il sait très bien distillé... Mais, concrètement, pour ce qui est de sa capacité à nous faire cauchemarder, ce drama n'en a manifestement pas ni les moyens, ni même le but. En effet, il faut plutôt le voir comme une occasion offerte aux téléspectateurs un brin frileux - dont je fais partie - de flirter avec les codes scénaristiques typiques de l'horreur, sans pour autant devoir ensuite s'imposer une thérapie afin de surmonter la frayeur ressentie devant son petit écran. Certes, Chakushin Ari reprend un grand classique asiatique : une malédiction qui se propagerait à travers une technologie. Si les cassettes de The Ring sont sans doute les plus connues en Occident, ici, la transmission létale s'opère via les téléphones portables. Une sonnerie a priori innocente, que vous trouverez rapidement lugubre et entêtante, retentit. Le destinataire de l'appel qui décroche s'entend alors mourir à l'autre bout du fil, d'une façon généralement assez violente. Il s'agit d'un aperçu du futur, les morts ainsi annoncées semblant ensuite se reproduire de façon invariable.
Au milieu de la propagation de cette malédiction fatale (le drama jouant admirablement bien sur l'interrogation de savoir s'il y a ou non une explication fantastique - ou très rationnelle - derrière cette mise en scène), la série va parvenir à fidéliser le téléspectateur grâce à la tension diffuse et intrigante qu'elle va parvenir à générer, bien aidée par la dimension humaine apportée par ses personnages. Si les seconds rôles, assez caricaturaux, offrent surtout prétexte à plus de légèreté, avec un côté assez déjanté très marqué manga, le duo central d'enquêteurs, étrange paire très dissemblable, fonctionne bien à l'écran. Yumi (Kikukawa Rei), journaliste scientifique affectée à un magazine d'un genre très particulier, traquant les légendes urbaines, se révèle d'une force de caractère particulièrement solide confrontée à l'adversité, sachant prendre ses responsabilités pour parvenir à ses fins. Tandis que Sendo (Ishiguro Ken), le policier en charge officiellement de l'enquête, a paradoxalement souvent bien plus de mal à maintenir les apparences lorsqu'il se retrouve confronté à la réalité du terrain. Si cette paire reproduit la dynamique des plus classiques de l'association forcée, dont les ratés et non-dits initiaux forgent une complémentarité ultérieure, les deux personnages s'affirment peu à peu et vont constituer à la fois le point fixe du téléspectateur, afin de naviguer à travers ces morts brutales, mais aussi une partie du mystère qui s'épaissit au fil des épisodes. Le téléspectateur n'a ainsi aucun mal à les accompagner dans les détours d'un scénario qui prend plaisir à distiller le doute, nous amenant à nous interroger avec eux sur les multiples fausses pistes et rebondissements sur lesquelles les scénaristes les envoient au cours de leur enquête, pour découvrir l'origine et la cause de ces mystérieux appels.
Chakushin Ari joue donc bien avec un contexte marqué par les codes de la fiction d'horreur. En toile de fond, les morts violentes s'enchaînent, quelque fois sanguinolentes à souhait, mais dans l'ensemble, les évidentes restrictions budgétaires n'auront pas permis à la série de vraiment exploiter cet aspect, l'obligeant à rester relativement soft dans cette marche macabre exécutée au pas de course. Cependant, plus généralement, en dépit de ce décor funèbre, si Chakushin Ari crée une tension chez le téléspectateur qui pique sa curiosité et retiendra son attention tout le long du drama, il ne va pas pour autant jusqu'à véritablement faire peur. On reste bien souvent dans un suggestif de façade, inquiétant seulement. Au final, le drama paraît plus chercher à divertir en exploitant cette thématique populaire, qu'à réellement tenter de s'imposer comme une histoire d'horreur. C'est d'autant plus vrai qu'il paraît jouer sur les tonalités, enchaînant des scènes à suspense, d'autres toutes droit issues d'enquête policière classique, mais proposant aussi des parenthèses décalées plus humoristiques. Au fond, il permet surtout une incursion dans le suspense fantastique, sans véritablement franchir la ligne qui lui ferait embrasser réellement le genre avec lequel il flirte. A mon sens, cette approche reste un point fort - même si les amateurs de frisson en seront sans doute pour leurs frais - car elle constitue son originalité première, tranchant avec l'univers classique des j-drama.
En fait, le principal écueil rencontré par cette série réside dans les moyens qui lui ont été alloués pour porter cette histoire à l'écran. Si elle n'est pas si vieille que cela, sa réalisation, et surtout la teinte de ses images, renvoie une impression de drama très cheap, renforçant son aspect "série B". Sans doute dotée d'un budget assez restreint, la mise en scène demeure donc assez limitée, avec des effets spéciaux assez rares, qui ne cherchent pas vraiment à être convaincants, mais plutôt à créer une ambiance un peu à part, assez décalée. Ces limites formelles peuvent sans doute quelque peu rebuter dans un premier temps. Cependant, elles accentuent le côté quelque peu intimiste de la série, dédramatisant son sujet d'horreur et permettant donc d'apprécier l'histoire avec plus de distance ; et, pour les plus endurcis des téléspectateurs, cela fait probablement naître un certain second degré qui confinerait presque à de l'humour. Ce côté étriqué ne m'a pas dérangé, au contraire. Si j'ai toujours pris soin d'éteindre consciencieusement mon téléphone avant d'oser lancer un épisode, et si la sonnerie glaçante a résonné quelques temps dans ma tête, j'ai apprécié la forme comme un parti pris afin d'alléger un peu l'ambiance. Volontairement ou non (je soupçonne fortement que cela n'a pas été fait à dessein), elle laisse ainsi au téléspectateur le choix de rentrer dans l'intrigue et de se laisser entraîner dans cet enchaînement macabre. Ce qui fait que ceux qui rechercheraient un vrai drama d'horreur pourront peut-être déçu en découvrant Chakushin Ari.
Bilan : Chakushin Ari est un divertissement fantastique, qui s'approprie les codes de l'horreur, sans pour autant embrasser totalement ce genre. Tranchant dans les sujets classiques des séries japonaises, elle propose une histoire prenante, assez tendue, dans laquelle le téléspectateur n'a aucun souci pour s'immerger, en dépit de limites formelles un peu dommageable. Bref, pour qui cherche à élargir son horizon téléphagique au-delà des univers classiquement portés à l'écran par la télévision japonaise, Chakushin Ari est une expérience intéressante (et non traumatisante !).
NOTE : 6/10
(Suite à une rédaction technique et temporelle assez compliquée aujourd'hui - vous avez été à deux doigts de ne pas avoir de dimanche asiatique -, je n'ai pas pu faire de screen-captures afin d'illustrer cet article. La photo centrale est issue de l'article consacré à ce drama sur le blog de Nakayomi (qui ne m'en voudra pas j'espère), que je vous invite à aller lire : ici.)
18:06 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : j-drama, chakushin ari, kikukawa rei, ishiguro ken | Facebook |
20/03/2010
(Mini-série US) John Adams : à la genèse des Etats-Unis d'Amérique
L'arrivée, dimanche passé, de la nouvelle mini-série de prestige de HBO, The Pacific, a ranimé chez moi le souvenir de la dernière production de ce type que la chaîne câblée américaine avait diffusée, il y a deux ans. En effet, les diverses news d'audience ont repris l'information selon laquelle ce récit sur la Second Guerre Mondiale sur le front Pacifique, a démarré avec un audimat de 22% supérieur à John Adams, en 2008.
En ce qui me concerne, si The Pacific parvient à me faire ressentir la moitié de la fascination qu'a exercé John Adams sur la téléphage férue d'Histoire que je suis, je pense qu'il s'agira d'une réussite. Car, mine de rien, même si elles ne sont pas si nombreuses que cela, les mini-séries découvertes sur cette chaîne ont toutes trouvées une place à part dans mon coeur de téléphage : de Angels in America à The Corner, en passant donc par John Adams.
Adaptation assez fidèle d'une biographie que David McCullough (livre que j'avais acheté et lu, dans la foulée du visionnage, avec beaucoup d'intérêt) consacra à celui qui fut le deuxième Président des Etats-Unis d'Amérique, John Adams est pourtant bien plus qu'un simple biopic aux consonances historiques. Couvrant une période charnière de la naissance de ce pays, la mini-série suit le parcours de cet avocat, que les circonstances ont fait devenir politicien et qui négocie sa vie au travers les tumultes de l'Histoire.
La mini-série s'inscrit sur une durée relativement longue, ce qui lui permet de prendre le temps de bien cerner son sujet, l'homme sur lequel elle se concentre. mais aussi d'apprécier pleinement les transformations de fond qui traversent ce nouveau pays et dont le téléspectateur devient un témoin privilégié. Elle s'ouvre en 1770, avec une des premières grandes agitations marquantes et symboliques, celle du massacre de Boston. Ce fut aussi un des premiers faits d'armes permettant d'asseoir la notoriété de l'avocat John Adams, déjà prêt à affronter l'opinion : il y défendit les soldats anglais accusés. La narration des évènements nous conduira jusqu'à sa mort, le 4 juillet 1826, cinquante ans, jour pour jour, après la Déclaration d'indépendance.
Originaire du Massashussets, très tôt fervent partisan de la rupture avec l'Angleterre, il passera après la guerre plusieurs années en Europe, fréquentant les Cours française, puis anglaise, en y jouant les apprentis diplomates qu'il n'est pas. Puis, son retour au pays consacrera son orientation vers une carrière politique qui demeure atypique, participant, à sa manière, à la mise en place d'un paysage politique moderne, genèse des dynamiques et clivages qui parcourront les Etats-Unis au cours des décennies ultérieures. D'abord vice-président de George Washington, il lui succède en 1797. Puis, battu aux élections suivantes par Thomas Jefferson, il se retirera sur ses terres jusqu'à son décès en 1826. Il n'aura que l'occasion d'assister à l'accession à la présidence des Etats-Unis, de son fils, John Quincy Adams, en 1825, pour son seul mandat.
Si le cadre historique ainsi posé est une source intarissable et particulièrement riche de sujets de réflexion, cette fiction va acquérir une dimension qui dépasse la simple reconstitution. John Adams, c'est, en effet, tout d'abord, une histoire personnelle, celle d'un homme plongé dans les soubresauts de son temps et dont l'action va influer sur les évènements.
Si les enjeux historiques sont toujours perceptibles en toile de fond, la mini-série s'arrête également sur sa vie privée, qui révèle d'importants éléments pour comprendre le personnage. L'aspect le plus réussi s'avère être ici la mise en scène de sa relation avec son épouse, Abigail, femme intuitive et cultivée, dont l'indépendance d'esprit la place bien en avance sur son temps et, surtout, dont les conseils toujours avisés se révèleront précieux. Canalisant les agitations perpétuelles de son impulsif mari, elle saura mettre l'accent sur la nécessité des compromissions, mais aussi le recadrer quand il se coupera de tous soutiens. Si la mini-série accentue peut-être un peu excessivement la modernité d'Abigail par rapport à la réalité, elle permet à cette femme d'acquérir une aura assez fascinante à l'écran, parfait complément à son époux avec lequel elle entretient une dynamique unique très bien retranscrite à l'écran.
Mais si Abigail s'impose en figure incontournable, le portrait familial des Adams, dressé par la mini-série, est un constant rappel des usages et coutumes de ce temps. D'un naturel autoritaire, John Adams se présente comme un patriarche gérant en autocrate, sans supporter la contradiction, sa petite tribu. Les drames familiaux qui marqueront cette moitié de siècle que le téléspectateur sera amené à vivre à leurs côtés contribueront à bien ancrer le récit dans son époque. S'ils viendront obscurcir quelque peu la facette déjà sombre et colérique de l'homme d'Etat, cela complètera sa présentation de façon cohérente, parfois touchante et émouvante, d'autre fois profondément glaçante, mais jamais manichéenne. John Adams apporte ainsi une dimension humaine et sociale à la grande Histoire politique qui se joue sous nos yeux, trouvant un juste équilibre très intéressant pour le téléspectateur.
Cependant, John Adams reste une mini-série historique, où les vies personnelles des protagonistes sont transportées au gré des tourbillons de l'Histoire. Un des attraits incontestables de la fiction tient évidemment à la force et à la richesse des évènements relatés. Le sujet est vaste et ambitieux : l'indépendance des Etats-Unis et les premières années fondatrices de cette toute jeune nation, parcourue des tensions contradictoires. Le traitement se révèle à la hauteur des enjeux ainsi racontés. Comme le récit se concentre sur un des protagonistes, c'est à travers son action que nous nous immergeons véritablement dans ces années charnières. Le téléspectateur est ainsi amené à vivre certains évènements historiques au plus près, dans les coulisses, comme les tractations acharnées autour du vote de la Déclaration d'Indépendance. Mais, parfois, c'est seulement par des références indirectes, de loin, qu'il voit se construire ce pays, comme pour l'adoption de la nouvelle Constitution.
Cette option scénaristique, conséquence de l'aspect biographique de la mini-série, se révèle un choix pédagogique opportun, car elle permet d'éviter l'impression d'un exposé didactique et fait glisser le téléspectateur au sein de cette course de l'Histoire de façon naturelle. Les reconstitutions sont soignées, en particulier du côté américain. Si la parenthèse européenne n'évitera pas quelques poncifs sur la vision de la Cour de France pré-révolutionnaire, cependant, cela permet de marquer un peu plus le contraste entre l'esprit rigoriste et puritain de cet homme issu de la Nouvelle-Angleterre, et les excès somptuaires et fastueux de la Cour de Louis XVI. Aucun détail n'est laissé au hasard, et ces scènes offriront des confrontations fascinantes et étonnantes à la portée symbolique forte, telle la première rencontre avec George III, le roi d'Angleterre.
L'Europe sera aussi au coeur d'une autre dynamique, qui mêle la grande et la petite histoire, à travers le traitement des amitiés des différents Pères Fondateurs américains. Au-delà des incompatibilités flagrantes de caractère avec un Benjamin Franklin haut en couleurs, la mini-série prendra le temps de s'intéresser à l'amitié contrastée et fluctuante que nouera John Adams avec une autre figure clé de l'indépendance, à la postérité plus marquée, Thomas Jefferson. Cette amitié instinctive des débuts, née lors de la convention de Philadelphie, mutera peu à peu, à mesure que leurs opinions se feront plus tranchées et leurs divergences politiques de plus en plus évidentes. Au respect réciproque succèdera une opposition politique acharnée. Cela occasionnera les meilleurs échanges de toute la série, grâce à des dialogues chargés d'une dimension historique et philosophique fascinante. Car, progressivement, tous les sujets les opposeront : de leur rapport à la Révolution française, forme de consécration de la liberté telle qu'avaient pu la rêver les Américains pour l'un, source intarissable de désordre dont il faut se méfier pour l'autre, jusqu'à leur conception de la place de l'Etat fédéral par rapport aux Etats fédérés, tout sera prétexte à discorde pour le plus grand plaisir du téléspectateur que l'ambiguïté de leurs rapports ne cessera d'intriguer.
De ce point de vue, il faut saluer cet effort de reconstitution historique, dressant un tableau non seulement évènementiel, mais aussi idéologique de l'Amérique de l'époque. Alors que la sphère politique n'en est encore qu'à ses balbutiements, que toutes les conséquences du système de gouvernement choisi n'ont pas encore été tirées, la mini-série parvient avec brio et beaucoup de soin, à esquisser le paysage politique de l'époque et les enjeux, parfois encore non formulés, qui troublent déjà la toute jeune démocratie américaine. A travers les oppositions de vues, ce sont les tensions des décennies futures du nouvel Etat qui paraissent déjà perceptibles. La ligne de fracture entre le Nord et le Sud, au-delà même de la seule question de l'escalavage, semble ainsi déjà tracée.
Si John Adams se révèle particulièrement dense sur le fond, le show bénéficie également d'une forme à la hauteur de son contenu. La réalisation est particulièrement soignée, avec des plans assez larges et bien cadrés, mais aussi des images à la photo travaillée. Les costumes restent sobres tout en posant un décor naturel à l'histoire.
Enfin, le dernier atout de poids de la mini-série réside bien évidemment dans son casting. Paul Giamatti propose une prestation très intense pour retranscrire la complexité du personnage de John Adams, toujours impulsif, trop souvent impétueux, mais réfléchi quand il le faut, il ne départit jamais d'une ambivalence intrigante. Laura Linney se révèle superbe de classe et de grâce, dans son rôle d'épouse posée et réfléchie, pendant parfait aux réactions excessives qui peuvent animer son époux. A côté de ce couple central, les autres acteurs se montrent, eux-aussi, à la hauteur, même s'ils n'ont pas toujours l'occasion ou le temps de s'affirmer. Celui qui s'en sort de façon la plus convaincante est sans conteste Stephen Dillane, offrant un Thomas Jefferson tout en contradictions et en nuances, assez énigmatique et particulièrement fascinant. Tom Wilkinson, s'il bénéficie de moins de temps, est également particulièrement pétillant et dynamique, en un Benjamin Franklin étonnant. Enfin, David Morse se retrouve un peu plus en retrait, les scénaristes n'ayant jamais trop su quelle option prendre pour mettre en scène le personnage de George Washington, qui semble destiné à rester à part.
Bilan : Bien plus qu'un simple biopic, John Adams se révèle être une mini-série fascinante, par sa dimension historique, politique, mais aussi profondément humaine, pour nous plonger aux origines de la démocratie américaine. Dotée de personnages forts, elle constitue une reconstitution dense et très riche, qui parvient à jouer sur les deux tableaux de la petite et de la grande histoire. Admirablement bien maîtrisée scénaristiquement, même si quelques épisodes supplémentaires auraient pu lui permettre d'aérer certains passages, elle est une incontournable du petit écran américain de ces dernières années.
NOTE : 9,5/10
La bande-annonce de la mini-série :
Le générique proposé :
14:23 Publié dans (Mini-séries US) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : hbo, john adams, paul giamatti, laura linney, stephen dillane, tom wilkinson, david morse | Facebook |
18/03/2010
(Pilote US) Justified : Héros anachronique d'un polar hors du temps
Un vent d'excitation souffle sur mes programmes téléphagiques : cette semaine, je me suis réconciliée avec les séries américaines (ou presque) ! Car hier soir, j'ai regardé ce qui est probablement, jusqu'à présent, le plus prometteur pilote de toute la saison US 2009-2010 (il serait temps, nous sommes bientôt fin mars), en découvrant les débuts de Justified sur FX . La téléphage qui sommeille en moi est restée, je l'avoue, une inconditionnelle de Deadwood ; si bien que la perspective de retrouver Timothy Olyphant dans un rôle à sa mesure, ainsi que les échos assez positifs qui émanaient des critiques américaines ces derniers jours, avaient fait monter en flèche mes attentes. Eh bien, une fois n'est pas coutume : le résultat fut à la hauteur.
Se proposant de nous plonger dans les terres reculées du Kentucky, au sein des services de l'US Marshall officiant au niveau de l'Etat, Justified se présente dans un cadre atypique : sous un vernis moderne se cache un western qui revendique sa filiation à ce genre autrefois prisé du petit écran américain. Son personnage principal, Raylan Givens, est à l'image de cette atmosphère, se situant au croisement des tonalités. Sous un extérieur lisse, à l'attitude toujours posée et au calme presque surréalistes, se cache une personnalité complexe, aux motivations bien plus ambivalentes que les premières images auraient pu le laisser croire.
A la suite d'une fusillade au faux goût de duel d'une époque révolue, Raylan Givens se retrouve réaffecté d'office de la chaude Floride à sa région natale. Un brusque retour forcé qui le ramène sur les traces d'un passé qui comprend ses zones d'ombre, et où de nombreux comptes sont restés non réglés, suite à son départ il y a plusieurs années. Reviennent ainsi des anciens amis devenus embarassants, des ex-flirts pour qui les sentiments sont toujours vivaces, et, en arrière-plan, une figure paternelle, simplement mentionnée dans ce pilote, mais dont l'ombre pèse déjà sur Raylan et ses actions, paraissant offrir des débuts d'explication pour cerner ce personnage finalement très énigmatique. D'une personnalité a priori unidimensionnelle à l'excès, Raylan révèle progressivement des contradictions qui font prendre une toute autre dimension au personnage, et permettent ainsi au téléspectateur d'adopter presque instantanément ce nouvel héros du petit écran.
Le confronter, dès sa première enquête, à d'anciennes connaissances est un choix avisé des scénaristes. Ce retour aux sources permet de poser efficacement le cadre assez particulier qu'offre ce petit bout perdu du Kentucky et de présenter les multiples paradoxes prenant vie en Raylan. Pourtant, les intrigues ne présentent rien d'original a priori : un solde de comptes conjugaux avec le meurtre d'un mari violent ; une affaire qui navigue entre racisme et trafic de drogue, avec une église d'un genre assez particulier rayée de la carte par une arme de guerre... La délinquance mise en scène suit les classiques, mais il y flotte le parfum atypique d'une Amérique profonde qu'accentue à dessein l'ambiance de western moderne que l'épisode entreprend de recréer. Ces différents cas conduisent Raylan auprès d'un ancien ami, avec lequel il partagea beaucoup du temps de leur jeunesse.
Ce dernier vit désormais en marge de la société ; frayant avec les groupuscules d'extrême-droite, tels les White Supremacists, arborant fièrement une croix gamée tatouée sur sa poitrine. Ces retrouvailles, empreintes d'une ambiguïté subtile admirablement bien maîtrisée par les scénaristes, constituent le pivot de l'épisode et servent surtout de révélateur à l'égard de Raylan. C'est l'occasion d'en apprendre plus sur lui et de souligner la complexité qui l'anime. Les scènes communes entre les deux personnages sont parmi les plus réussies, parce qu'elles retranscrivent et captent parfaitement ce qui semble destiné à être l'essence de Justified : ces ambivalences morale, mais aussi temporelle, sur lesquelles la série paraît vouloir jouer. Leurs évolutions respectives les amènent désormais à s'opposer. Sans se départir des civilités de façade, mais aussi d'une étrange complicité naturelle lorsqu'ils sont ensemble, cela n'empêchera pas les deux hommes, peut-être plus semblables qu'ils ne voudraient bien l'admettre, de recourir aux extrêmes dans une scène finale dans la plus pure lignée du western.
Nous touchons, dans cette filiation hybride à ce genre traditionnel, à la spécificité et au premier atout incontestable de Justified. Il réside en effet dans son ambiance, réussissant à capter instantanément l'attention du téléspectateur par ce mélange osé, ersatz indéfinissable naviguant entre le western et le cop show se déroulant loin du décor habituel des grandes villes. S'inscrivant dans un cadre temporel moderne, où les préoccupations de chacun sont des plus classiques, la série n'hésite pas à utiliser un certain nombre de codes scénaristiques propres aux westerns. Ce n'est pas seulement l'évocation de ces répliques "cultes" sur le débat "who pulled first", mais cela se reflète de façon plus global dans l'atmosphère générale de la série. Par exemple, cela se traduit par le recours à de nombreuses confrontations face à face, forme d'opposition, pas forcément armée, où chacun défie l'autre de ciller le premier. Et puis, il y a évidemment aussi cette figure anachronique du justicier solitaire, à part, qu'incarne, consciemment ou non, Raylan.
Sur la forme également, le réalisateur exploite à merveille ce parti pris scénaristique. Cela passe par une caméra qui prend le temps de se concentrer sur chacun des protagonistes en tant qu'individualité, et sur leur regards lors des moments critiques. De plus, une musique fortement marquée western accompagne le téléspectateur tout au long de l'épisode. Elle n'est pas envahissante et bénéficie d'une utilisation sobre et judicieuse, mais elle marque cependant bien sa présence. Et puis, évidemment, Justified jouit d'un décor propice à ces digressions qui prennent un faux air d'appel de l'Ouest : dans ce Kentucky reculé, les scénaristes exploitent ces vastes étendues et leurs secrets, égarées entre les deux pôles attractifs que constitue chacune des côtes du pays, afin de mettre en scène cet aspect souverainiste que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. Une forme d'indépendance anachronique qui imprègne ces coins retirés, voire retranchés; et donne le ton à l'ambiance de ce pilote.
Pour porter l'ensemble, la série dispose d'un solide casting, conduit d'une main de maître par un excellent Timothy Olyphant (Deadwood) qui délivre ici une prestation à la hauteur du scénario. Personnage complexe, hors du temps, masquant ses démons intérieurs derrière une assurance inaltérable, il cache, au-delà de cette fausse façade placide et de ce calme à toute épreuve, des émotions intenses. C'est une colère non formulée que souligne par sa propension à se servir de son arme. Cette figure de l'homme de loi, au caractère complexe, jouant sur une pseudo-apparence lisse au premier abord, n'est évidemment pas sans rappeler Seth Bullock, de Deadwood ; et il est difficile pour le téléspectateur, déjà encouragé par le cadre, de ne pas faire quelques comparaisons somme tout flatteuses. Reste que Timothy Olyphant trouve, dans ce pilote, le ton juste, jouant sur une ambivalence plus subtile qu'il n'y paraît a priori, pour proposer un personnage qui ne manque pas d'aiguiser la curiosité du téléspectateur.
A ses côtés, l'épisode met surtout en avant, par la confrontation qui permet au personnage de Raylan de s'affirmer dans toute sa complexité, un ancien ami de l'homme de loi, interprété par un acteur bien connu des téléspectateurs de FX, Walt Goggins (The Shield). Le pilote introduit également des figures féminines de poids, avec Joelle Carter en veuve meurtrière, victime autant que coupable, et Natalie Zea (Dirty Sexy Money), ancien flirt qui exerce toujours un certain attrait sur Raylan. De l'équipe d'US Marshall que rejoint le héros au début de l'épisode, c'est surtout le patron, incarné par Nick Searcy, qui sort du lot, cadrant avec l'image stéréotypée que l'on peut se faire d'un tel dirigeant de ce service dans le Kentucky.
Bilan : Justified délivre un pilote très solide et particulièrement prometteur. Se déroulant dans un cadre assez atypique, à l'intersection de plusieurs genres, il souffle sur l'épisode un faux air de Far West moderne, auxquels se mêlent les préoccupations d'un cop show moderne se déroulant dans les grands espaces proposés par le Kentucky. Introduisant un solide personnage principal, complexe et surtout intriguant, l'épisode aiguise la curiosité du téléspectateur en laissant entrevoir une ambivalence sombre, derrière cette façade de justicier solitaire presque cliché. Le pilote semble d'ailleurs prendre beaucoup de plaisir à jouer sur les apparences, mettant en scène des dynamiques bien plus complexes que ce que l'on imagine hâtivement à première vue.
En somme, mission parfaitement remplie avec ce pilote, qui donne très envie de s'investir dans la série et d'en découvrir la suite.
NOTE : 8,5/10
Une bande-annonce de la série :
18:31 Publié dans (Pilotes US) | Lien permanent | Commentaires (9) | Tags : fx, justified, timothy olyphant, walt goggins, joelle carter, natalie zea, nick searcy | Facebook |