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07/11/2010

(Pilote AUS) Rake : une série judiciaire décontractée sous les latitudes australiennes

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Depuis deux mois qu'il existe une belle et flambant neuve catégorie "Pilotes Océanie", autant entreprendre de la garnir un peu... Et pourquoi pas en inaugurant une nouvelle nationalité - la dixième ! - traitée sur ce blog ? Car la découverte du jour nous vient tout droit d'un pays jamais encore mentionné, mais pourtant loin d'être un inconnu. Penser qu'il aura fallu attendre plus d'un an pour le voir enfin abordé me rendrait même confusément honteuse. Ce n'est pas comme si les séries australiennes nous venaient de contrées insoupçonnées... Mais il est vrai que 2010 n'aura pas été australien (certes, ce fut au profit d'autres explorations géographiques ; la vie du téléphage étant faite d'arbitrages). Les quelques rares expériences réalisées durant l'année n'avaient jusque là pas été suffisamment concluantes pour décrocher un billet.

Cependant, hier soir, parmi les pilotes visionnés, c'est bien une production tout récente en provenance d'Australie qui a attiré mon attention : Rake. Commandée pour huit épisodes, son pilote a été diffusé ce jeudi soir sur la chaîne ABC1. Legal drama atypique, décontracté à l'excès, frôlant la comédie douce par instants, on y croise même des Mr Smith tout droit échappé d'une Matrice, et d'autres guest-stars comme Rachel Griffiths y sont annoncés dans les prochains épisodes. Bref, c'était une des *places to be* des nouveautés du paysage téléphagique de la semaine.

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Le pilote de Rake nous plonge sans introduction dans le chaos organisé, maintenu dans un précaire équilibre fonctionnel, que représente la vie de Clearver Greene. Avocat de profession, c'est cependant loin du barreau que le téléspectateur fait sa connaissance, la première scène de la série nous proposant un face-à-face musclé et unilatéral avec son bookmaker fort peu satisfait du rythme de remboursement des dettes de jeux qu'il a contractées. Pour se remettre de la raclée reçue, Cleaver va ensuite noyer son chagrin et trouver du confort dans les bras d'une prostituée, Missy, avec qui il s'est persuadé d'entretenir une forme de relation particulière, au bout de cinq années de loyaux services. Le lendemain, avant même de revêtir le costume de défenseur pour ses clients, c'est d'abord avec la qualité de défendeur qu'il se présente à la barre pour exposer une défense surréaliste visant à lier ses retards de paiement d'impôts à des aléas météorologiques exceptionnels. 

Personnage atypique, cultivant une irresponsabilité assumée de laquelle ressort par intermittence une bonhomie expérimentée, rudement efficace au cours d'un procès, Cleaver Greene est à l'image de la tonalité détendue qui règne dans la série. Pourtant les affaires judiciaires ne manquent pas de détails peu ragoûtants et quelque peu sordides, en témoigne celle traitée dans ce pilote : l'acte de cannibalisme d'un éminent économiste qui a dégusté, avec son accord préalable, un avocat s'étant suicidé. L'occasion pour les autorités de découvrir un tragique oubli dans la législation pénale de leur Etat : le cannibalisme n'est pas prévu parmi les infractions pénales. Nullum crimen, nulla poena sine lege... L'absence de charges n'étant pas politiquement envisageable, ce sera donc dans un procès pour meurtre que Cleaver va devoir assurer la défense de ce professeur.  

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Le premier aspect marquant de Rake réside incontestablement dans son ambiance. Forcément atypique par son côté très détendu, flirtant avec des accents latents de comédie qui s'ignore, la série tranche avec l'image traditionnelle du legal drama tiré à quatre épingles. Il est immédiatement clair que nous ne sommes pas dans un procedural show rigide. L'enjeu est ailleurs. Soulignant bien ses priorités, ce n'est ainsi pas autour de l'affaire criminelle du jour que tourne le pilote. Se concentrant sur une dimension humaine, et choisissant de se mettre au diapason de son personnage principal, Rake se sert de son cadre juridique comme d'un décor dans lequel évoluent ses protagonistes, et non comme d'une fin en soi. Cela ne l'empêche cependant pas de retrouver à l'occasion des bases plus classiques pour une fiction judiciaire.

Sur ce plan, la série bénéficie certes pleinement de cette tonalité décontractée, ce qui nous permet d'assister à un première plaidoirie de défense personnelle face à l'administration fiscale, où, jouant sur les contrastes offerts par l'avocat adverse, caricature rigoriste, Cleaver peut adopter une ligne de défense excentrique avec un aplomb et un sérieux au-delà desquels pointe une légère autodérision des plus savoureuses pour le téléspectateur. Pour autant, sans jamais perdre cette tonalité assez indéfinissable, cela n'empêche pas Rake de se montrer aussi plus traditionnelle quand il s'agit de nous proposer le procès de cet économiste cannibale. Le caractère extraordinaire de l'affaire, autant que l'excentricité de l'accusé, lui permettent de conserver sa particularité, tout en nous introduisant dans les prétoires australiens, terrain aux procédures et decorum encore inconnus pour la téléspectatrice que je suis, mais qui semblent plus se rapprocher de l'Angleterre que des désormais trop familières cours américaines.

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Judiciaire par son cadre, c'est cependant surtout dans le développement de ses personnages que Rake va savoir se révéler. Ou plutôt, c'est par l'exploration de sa figure centrale qu'elle va être en mesure de prendre ses distances avec les canons du genre. Ce qui fait son originalité, ce n'est pas en soi la vie dissolue, confusément chaotique, que mène Cleaver Greene, cultivant méticuleusement tous les vices concevables à son niveau, des jeux d'argent à la dépendance à la drogue, en passant par la fréquentation assidue d'un lupanar. Ce qui va faire la particularité du traitement du personnage dans la série, c'est plutôt la manière, excessivement débonnaire, avec laquelle il assume pleinement ses choix, sans s'en cacher. C'est ainsi qu'avec une familiarité et une spontanéité confondantes, il pourra aller se lamenter auprès de la mère de son fils du départ soudain de Missy, sa prostituée de coeur, esquissant une psychanalyse de comptoir sur sa relation avec elle dans un discours qui reflète parfaitement la dualité de ton de la série, entre sérieux et une touche de dérision.

Car voilà bien l'atout principal de Rake : une ambiance où la décontraction semble être élevée au rang d'art. Tout en conservant une narration classique, la série aime à jouer sur les conventions et les attentes du téléspectateur. Les premières scènes où elle choisit invariablement de démarrer dans des cadres familiers pour ensuite révéler un petit twist qui, finalement, fait toute la différence, sont bien révélatrices de cette volonté de s'amuser des codes scénaristiques traditionnels, assumant leur utilisation tout en conservant une certaine distance. C'est ainsi que la discussion au lit entre Missy et Cleaver renvoie initialement l'apparence d'un couple uni, ayant un échange normal après que le petit ami soit rentré ensanglanté... et soudain, les lumières clignotent pour indiquer que l'heure payée est passée. De la même manière, la discussion sur ses déboires amoureux entre Cleaver et une femme qui pourrait être une amie proche, ou un psy, s'éclaire sous un tout autre jour lorsqu'un adolescent entre et lance un "Hi Dad ! Hi Mum !" au naturel désarmant. C'est cela aussi Rake, une façon tranquille mais toujours ambivalente, de naviguer à la croisée des chemins, des tonalités et des inspirations. Sans aller jusqu'à vraiment marquer, cela lui confère indéniablement un côté très rafraîchissant, plaisant à suivre.

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Si la forme ne présente pas de particularité notable, le casting de la série s'avère très homogène. C'est sur l'art de mettre en scène une bonhomie cultivée dans laquelle se complaît Richard Roxburgh (East of Everything) que repose une bonne partie de la série. A ses côtés, on retrouve un certain nombre de têtes très familières du petit écran australien, voire au-delà : Matt Day (Tangle, Underbelly), Danielle Cormack (Xena, Rude Awakenings, The Cult, Legend of the Seeker), Russell Dykstra (Spirited), Adrienne Pickering (Headland), Caroline Brazier (Parallax), ou encore Keegan Joyce (K9).

Pour compléter cette distribution déjà solide, Rake pourra compter sur un certain nombre de guest-stars de luxe au fil des épisodes. Si durant ce pilote, l'économiste cannibale est incarné par Hugo Weaven, sont annoncés pour la suite, Rachel Griffiths, Sam Neill, Lisa McCune ou encore Noah Taylor. En somme, du beau monde qui devrait constituer une motivation supplémentaire pour un public non australien.

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Bilan :
Legal drama à la frontière des tonalités, flirtant avec la comédie sans jamais franchir le pas, Rake cultive avec beaucoup d'application une étonnante décontraction qu'elle pose avec naturel et dont elle fait sa marque distinctive. Plaisante à suivre, capable de prendre de la distance avec des codes narratifs qu'elle ne remet pourtant pas en cause, il règne au final une ambiance atypique à laquelle doit une bonne partie du charme rafraîchissant de ce pilote. Les amateurs de legal drama qui chercheraient un peu de dépaysement devraient y trouver leur compte. Les autres téléspectateurs aussi.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

06/11/2010

[TV Meme] Day 12. An episode you’ve watched more than 5 times.

Mine de rien, en réfléchissant sur ce 12e jour du TV Meme, je me suis rendue compte qu'il y avait finalement beaucoup d'épisodes de séries que j'ai pu regarder de manière quasi-compulsive ou que je visionne encore régulièrement de façon ritualisée. En fait, pour la plupart de mes séries préférées - et même au-delà -, j'ai toujours un, deux, voire trois épisodes clés, dans lesquels je vais naturellement lancer lorsqu'il me prend l'envie soudaine de renouer avec tel ou tel univers.

Immédiatement, me viennent à l'esprit les Celestial navigation (1.16), Noel (2.10), Election Night (4.07) ou encore 2162 votes (6.22) pour The West Wing (A la Maison Blanche). Mais j'ai également dû revoir plus d'une dizaine de fois le pilote de Deadwood. Et combien d'épisodes de Gilmore Girls, ma fiction anti-déprime par excellence, de They shoot Gilmores, don't they ? (3.07) à The Lorelais' first day at Yale (4.02), visionnage rituel de chaque rentrée universitaire ? Au-delà de ces valeurs sûres, de Severed Dreams (3.10) de Babylon 5 à Liars, Guns and Money (2.19 à 21) de Farscape, en passant par Collaborators (3.05) de Battlestar Galactica, ou encore Passover (2.01) de Rome... tant d'épisodes "cultes" à mes yeux. Tant de moments qui ont construit ma sériephilie. Ce ne sont pas forcément les meilleurs, ni les plus aboutis qualitativement parlant, mais ce sont ceux qui, inconstestablement, me procurent le plus de plaisir devant mon petit écran. Ceux à la fin desquels me prend soudain une folle envie de me lever et d'applaudir.

Pour aujourd'hui, mon choix s'est finalement arrêté sur un double épisode dont je connais désormais presque par coeur les lignes de dialogues, qui concerne une autre de mes séries fétiches : Doctor Who.

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Doctor Who
2.12/13 - Army of Ghosts / Doomsday

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Certes, j'aurais pu citer d'autres épisodes de Doctor Who, notamment Silence in the Library (4.08) qui est sans aucun doute le double épisode que j'ai le plus revu sur l'ensemble des cinq saisons qui composent à ce jour la série. Cependant, c'est sur Doomsday que j'ai choisi de m'arrêter. Pourquoi ?

Parce que cette conclusion la saison 2 symbolise à mes yeux tout ce qui fait de Doctor Who une fiction à part. Je confesse avoir regardé les deux premières saisons de manière très chaotique, entre difficultés techniques et mauvais timing, ce ne sera qu'ultérieurement que j'aurais l'occasion de revoir la saison 1 et une partie de la saison 2 dans des conditions acceptables (et accessoirement dans l'ordre). Mais, même si j'y suis parvenue de façon compliquée, ce final représente pourtant un véritable tournant dans la relation particulière que j'entretiens avec Doctor Who. C'est le moment où je suis réellement tombée amoureuse de cette série, où elle a cessé d'être un simple divertissement de science-fiction comblant le vide actuel du paysage téléphagique en la matière, pour devenir ce coup de coeur inclassable, associé à un étonnant sentimentalisme, et qui, dans ce registre, ne ressemble à aucune autre.

S'il s'inscrit parfaitement dans ces fins en forme d'explosion grandiloquente dans lesquelles Russell T. Davies excelle, ce n'est pas vraiment pour cet énième sauvetage de la Terre que Doomsday reste dans les mémoires. Cette conclusion parachève en fait toute la construction narrative d'une saison 2 entièrement tournée vers cette déchirure annoncée entre Rose et Ten. Car c'est aussi parce que les scénaristes en avaient méticuleusement posé les jalons, cultivant l'insouciance d'une relation qui ne pouvait pas être, que l'épisode put atteindre cette unique intensité bouleversante. Or, ce tourbillon émotionnel ainsi suscité reflète bien un des atouts majeurs de Doctor Who, la raison pour laquelle, au-delà de la qualité des scénarios, cette série est capable de toucher et de marquer tant de téléspectateurs : son unicité repose sur cette empathie hors du commun qu'elle est capable de générer.

Army of Ghosts et Doomsday incarnent en bien des points du pur Doctor Who version Russell T. Davies, dans ses forces et attraits comme dans certaines de ses limites. Mais cette conclusion est avant tout une de ces décharges émotionnelles qui marque. Un moment rare, d'osmose et de communion devant le petit écran, comme la téléphagie n'en offre finalement pas tant que ça, et qui se savoure et se chérit.

 

Le thème musical, inoubliable, de ce final :

 

Les adieux entre Ten et Rose :

03/11/2010

(J-Drama) Karei Naru Ichizoku : déchirement familial sur une toile de fond industrielle

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Une review en forme de bilan en ce premier mercredi asiatique du mois de novembre. Non que je manque de nouveautés à découvrir, aussi bien japonaises que sud-coréennes, mais parce que, comme annoncé durant l'été, je m'efforce de poursuivre en parallèle mon exploration de la télévision du pays du Soleil Levant, suivant notamment vos recommandations du mois d'août (en l'espèce, merci donc à lady et calcifer qui m'avaient parlé de ce drama). Car ce week-end, j'ai profité du changement d'heure pour terminer une série commencée il y a déjà quelques semaines : Karei Naru Ichizoku. Diffusée en 2007, sur la chaîne TBS, elle comporte 10 épisodes (le premier et le dernier durant 75 minutes, les huit autres, 45 minutes).

Au vu du résumé, je m'attendais à de l'économique, de l'industriel, une pointe d'ambiance sixties... J'ai eu bien plus que cela. C'est une série qui, par ses thématiques et la manière de les traiter, ne ressemble à aucune autre. Rien ne m'avait vraiment préparé, à la seule lecture du synopsis, à la force de l'histoire dans laquelle je me suis ainsi engagée. Dix épisodes plus tard, Karei Naru Ichizoku s'est imposé à mes yeux comme un incontournable du petit écran japonais. Pas pleinement séduite dès le départ, au final, ce récit dont la tension va crescendo, s'affirmant peu à peu, aura plus que mérité l'investissement réalisé. Si bien que, c'est en téléspectatrice sans doute pas encore complètement remise de ce visionnage que je vous propose un bilan aujourd'hui. Car il était inconcevable de reporter d'une seule semaine la critique de ce drama.

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Adaptation d'un roman de Yamazaki Toyoko, Karei Naru Ichizoku nous plonge au coeur de la réorganisation financière du Japon à la fin des années 60, à travers la destinée tumultueuse de la famille Manpyo, riche et puissante dynastie qui a fait fortune dans le domaine bancaire. A l'aube de l'entrée dans l'ère de l'économie moderne, la série offre un parfait reflet des tensions d'une époque, portrait contrasté d'une société hésitant entre crispation sur des acquis s'amenuisant et regard tourné vers le futur. A ce conflit, incarné par les deux figures centrales de la série, se superpose la description d'une relation - ou plutôt d'une non-relation, troublée et troublante, chargée d'incompréhension, entre un père et son fils.

Patriarche dirigiste, qui mène son entourage d'une main de fer, Manpyo Daisuke possède une importante banque en bonne santé financière. Mais cette dernière est mise en danger par les plans de restructuration du ministère qui prévoient, à terme, de créer de grandes concentrations bancaires, au sein desquelles les plus petites se dilueront. Parallèlement, son fils aîné, Teppei, qui n'a jamais manifesté le moindre attrait pour ces jeux d'argent, s'est pleinement investi dans l'industrie métallurgique. Rêvant de faire entrer le Japon parmi les pays les plus industrialisés, visionnaire quant aux futurs enjeux décisifs, Teppei dirige une entreprise de fabrication de métaux. Ses certitudes le portant vers des projets ambitieux, la grande réalisation qu'il souhaite accomplir est la construction d'un haut fourneau qui lui permettra d'acquérir une indépendance de fabrication et une assise matérielle pour partir à l'assaut de nouveaux marchés, notamment américains.

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Pour mener à bien ses idées, Teppei a besoin de soutiens financiers. C'est pourquoi il s'adressera logiquement à Daisuke, en dépit des rapports atypiques, dénués de tout sentiment qu'il a toujours entretenu avec lui, le fils se sentant comme étrangement rejeté par un père qui n'a eu d'yeux que pour le cadet, Ginpei. Aussi meurtri qu'il soit par cette attitude paternelle, Teppei continue obstinément de rechercher une trace de satisfaction dans le regard que son père peut poser sur lui. Seulement, pour ce dernier, la survie et la pérennité de la famille Manpyo ne sauraient passer que par la prospérité de leur banque. Ses manoeuvres pour permettre ce sauvetage vont l'amener à prendre des décisions difficiles et à orchestrer des manipulations brisant, sans arrière-pensée, plus d'un adversaire sur sa route. C'est ainsi sur une voie bien dangereuse qu'il conduit fermement une famille au bord de l'implosion. Daisuke se dit certes prêt à tout pour sauver sa banque, mais a-t-il vraiment songé au prix qu'il pourrait payer ? La famille Manpyo survivra-t-elle à ces soubressauts ? Quels seront les sacrifices à réaliser ?

A la seule lecture du synopsis, si on pressent le potentiel indéniable de Karei Naru Ichizoku, on peine à vraiment apprécier la multiplicité des thématiques que la série va développer et la force d'une histoire qui va tout simplement submerger le téléspectateur. Ce serait une erreur que de trop hâtivement la catégoriser dans un genre précis. Car un de ses principaux atouts va justement être de savoir transcender tous les thèmes mis en scène, pour finalement offrir un récit dense et surtout homogène, dont la maîtrise dans l'exploitation de ces différentes facettes, va dépasser toutes les attentes initiales.

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Tout d'abord, Karei Naru Ichizoku a évidemment les accents d'une saga industrielle au sens noble du terme. Nous plongeant dans les coulisses agitées et létales de la restructuration économique japonaise de la fin des année 60, elle manie avec dextérité le langage compliqué des financiers, tout comme les manipulations retorses des ambitieux qui peuplent ses réunions. Son incursion politique se révèle toute aussi désillusionnée, tant elle dévoile un monde corrompu aux alliances changeantes. Pour autant, ces passages complexes ne vont jamais rendre la série abrupte ou rébarbative. Au contraire, elle réussit à intégrer avec naturel ces enjeux, parfois excessivement abstraits mais toujours compréhensibles, dans les tensions émotionnelles sous-jacentes qui la parcourent.

Car voilà bien un des attraits les plus fascinants de Karei Naru Ichizoku : sa capacité constante à développer une empathie diffuse et sous-jacente tout au long de la série. Si le téléspectateur ne se sent jamais déconnecté de ces intrigues politico-industrielles, c'est parce que le récit n'y est jamais déshumanisé. C'est toujours par le facteur humain, les personnages, que l'histoire se construit, demeurant profondément liée aux aspirations et conflits internes qui les régissent. C'est ainsi que le téléspectateur va être capable de ressentir et de partager cette bouffée d'idéalisme mal contenue manifestée par Teppei, lorsque ce dernier décrit ses grands projets d'avenir, ou qu'il parle avec passion de l'industrie métallurgique. De même, on perçoit bien que les apparentes froides motivations de Daisuke cachent d'autres non-dits, d'autres blessures plus profondes et plus enfouies.

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Dans Karei Naru Ichizuku, si elle en est le décor principal, l'industrie n'est pas une fin en soi. Elle apparaît comme une extension, un univers qui se superpose à la famille, cette dernière restant le coeur véritable du drama. Car cette série est avant tout un véritable drame familial, dans tous les sens du terme. 

La puissance des Manpyo n'a d'égal que le malaise qui s'étend et se creuse dans une famille au bord de l'implosion. Placée sous la férule tyrannique et patriarcale d'un Daisuke pour qui chacun de ses enfants est un outil lui permettant d'oeuvrer à la protection de l'empire financier qu'il souhaite pérenniser, le téléspectateur s'aperçoit bien vite que la gangrène qui ronge les Manpyo est beaucoup plus profonde que de simples mariages arrangés. Il y a quelque chose de vicié dans ce portrait dressé d'une dynamique familiale, quelque chose qui va bien au-delà d'une simple histoire de moeurs et de cette maîtresse omniprésente, presque officiellement intronisée et qui s'arroge la place de l'épouse officielle. Face à ce ressort qui semble cassé, le téléspectateur est longtemps réduit à se perdre en conjectures, incapable d'identifier ce qui se cache derrière certains non-dits ou réactions disproportionnées.

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Pourtant, dès le départ, on devine inconsciemment que tout tourne, comme la série elle-même, autour de cette relation père-fils dont la détérioration apparaît presque instantanément inéluctable. Telle la partition maîtrisée d'une tragédie à l'ancienne au destin déjà scellé, on assiste impuissant à l'engrenage qui s'opère. Cette incompréhension initiale, de deux êtres qui ont toujours été des étrangers l'un pour l'autre, se change progressivement en une concurrence, un temps seulement inconsciente, mais qui prend peu à peu toute sa force pour se conclure en un affrontement direct visant à l'anéantissement de l'autre. Cette inimité qui bascule dans une aversion unilatérale à travers laquelle Daisuke règle ses comptes avec son propre père, Teppei n'étant qu'une incarnation, à ses yeux, de cette figure paternelle tant haïe, est proprement glaçante à l'écran. Si les secrets de famille soigneusement gardés expliqueront bien des ressorts cassés au sein des Manpyo, rien ne pourra arrêter l'engrenage infernal initié par cette opposition destructrice. A mesure que la situation se détériore et que la possibilité d'une réconciliation s'éloigne, le téléspectateur perçoit très tôt - trop tôt - l'issue probable vers laquelle tout finit par tendre.

Le dernier acte de cette tragédie qu'est Karei Naru Ichizoku est à l'image de la série, reflet de toutes les désillusions que cet univers aura apporté. Plus que le contenu de cette fin, c'est l'extrême vanité de tous ces évènements qui reste le plus marquant. Ces luttes acharnées auxquelles on a assisté, ces sacrifices qui ont été faits jusqu'au plus ultime, nous auront entraîné et submergé dans un tourbillon émotionnel d'une ampleur rare. Mais, au final, ce sont d'autres forces, bien plus implacables, bien plus déshumanisées qu'une famille se déchirant, qui poursuivent leurs oeuvres, imperturbables, broyant sur leur passage tout ce qui peut se mettre au travers de leur route. C'est en cela que l'ambivalence de Karei Naru Ichizoku reste profondément dérangeante : certes, au sein de la famille Manpyo, la tradition l'a emporté sur la modernité, mais elle a déjà perdu la bataille finale. Ce n'est qu'un sursis un peu vain, qui donne au final un arrière-goût extrêmement amer (pas uniquement en raison du flot de larmes salées l'accompagnant), conclusion parfaite dans la droite lignée de la série.

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Sur la forme, si sa réalisation est classique, la photographie bénéficie d'une intéressante teinte un peu sepia. Reflet de son appartenance aux sixties, elle renforce aussi l'ambiance de reconstitution historique à la veille de grands changements qu'évoque le drama. Cependant, le registre dans lequel Karei Naru Ichizoku excelle plus que toute autre, c'est dans la composition de sa bande-son. Avec ses accents épiques un peu surprenants aux premiers abords, au vu du sujet traité, elle permet au récit d'atteindre une dimension supplémentaire, lui conférant un souffle fascinant, mais qui prend tout son sens devant la mise en scène de cet affrontement au parfum de tragédie dans laquelle l'histoire glisse progressivement. Minimaliste dans son recours à des chansons, c'est par des morceaux instrumentaux que ce volet musical s'impose. Omniprésente, sans que son utilisation paraisse pour autant excessive ou artificielle, il apparaît rapidement que la musique occupe la fonction d'un outil de narration, rythmant le récit, ses avancées et ses bouleversements, renforçant d'autant l'intensité émotionnelle de certains passages. Cela accroît également cette apparence théâtrale, étonnamment grandiloquente, mais dont la force emporte le téléspectateur comme rarement. C'est bien une des plus marquantes - et des plus belles - OST de j-dramas qu'il m'ait été donné d'écouter.  

Enfin, Karei Naru Ichizoku bénéficie d'un casting très solide. S'il s'appuie sur une riche galerie de personnages, le rôle principal est dévolu à un Kimura Takuya très convaincant. Même pour une relative néophyte en télévision japonaise telle que moi, cet acteur ne pouvait être un inconnu. Cependant, évènement notable, c'est la première fois que je parviens au bout d'un de ses dramas, après des essais infructueux devant Pride ou MR BRAIN. Face à lui, Kitaoji Kinya (Zettai Reido) incarne un père avec ses propres préoccupations, mais aussi blessures personnelles. A leurs côtés, on retrouve un large casting, composé notamment de Suzuki Kyoka, Hasegawa Kyokon, Yamamoto Koji, Yamada Yu, Aibu Saki, Fukiishi Kazue, Nakamura Toru, Inamori Izumi, Takigawa Yumi, Nishimura Masahiko ou encore Harada Mieko.

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Bilan : Entre épopée industrielle et saga familiale, Karei Naru Ichizoku est avant tout une histoire d'hommes. Avec pour toile de fond la modernisation économique du Japon, ce drame humain relate la détérioration progressive de la relation de deux êtres qui n'ont jamais su se trouver, ni se comprendre : un père et son fils aîné, dont les actions vont être une source de souffrance pour l'autre. A mesure que la série progresse, le récit acquiert une ampleur aussi fascinante que presque inattendue. Chaque épisode, chaque nouvelle prise de décision, renforce cette impression d'assister à un nouvel acte d'une sourde tragédie qui s'est inéluctablement mise en marche, et que rien ne paraît pouvoir arrêter. Entre tradition et modernité, entre amour et haine, il y a quelque chose de profondément désillusionné dans l'univers de cette série, illustré par la vanité finale de tous ces évènements. Vraiment dotée d'une intensité émotionnelle rare, Karei Naru Ichizoku ne laissera aucun téléspectateur indifférent.

Un incontournable du petit écran japonais.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la série :


Le thème musical principal (superbe) :

01/11/2010

(Pilote US) The Walking Dead : série post-apocalyptique envahie de zombies

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Hier soir, en parfait écho à Halloween, débutait aux Etats-Unis une série qui aura concentré l'attention particulière des médias et du public depuis plusieurs mois. Non seulement en raison de la chaîne qui en est à l'origine, la câblée AMC, qui diffuse actuellement quelques-uns des grands succès critiques du moment outre-Atlantique, mais aussi en raison du créneau que The Walking Dead se proposait d'investir. Adaptation d'un comics à succès post-apocalyptique, c'est un genre peu prisé par le petit écran qu'elle envisageait de mettre en scène : les zombies.

De mémoire téléphagique, peu de séries se sont risquées dans ce registre. En guise de références sur le sujet, on citera sans doute la dernière production véritable du genre, diffusée par E4, en Angleterre, la semaine d'Halloween 2008 : Dead Set. Un concentré d'hémoglobine dont la brièveté et la construction narrative tiennent plus du film de série B que d'une série s'inscrivant dans le temps. Et puis, il y eut aussi les projets morts-nés, tel Babylon Fields et ses morts ramenés à la vie qui l'inscrivent à part dans cette catégorie. Ainsi, à la différence d'autres créatures fantastiques au potentiel narratif sur-exploité, les zombies restent un terrain à la fois très balisé, mais paradoxalement peu porté à la télévision.

Par ce seul fait, The Walking Dead était attendue au tournant. Bénéficiant du format télévisé, la série n'est pas pressée par le temps. Elle aura sa chance de grandir et de mûrir. C'est sans doute aussi pour cela que le pilote académique qu'elle propose suffit largement au téléspectateur.

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Avant même d'évoquer le fond de l'épisode, il convient de s'arrêter sur la scène d'ouverture de The Walking Dead. Un parfait modèle du genre qui donne immédiatement le ton et l'atmosphère dans lesquels ce pilote va plonger le téléspectateur. En cherchant de l'essence, dans un chaos indescriptible de véhicules laissés à l'abandon, Rick Grimes aperçoit une fillette errant entre les voitures, sa peluche abîmée à la main. Personnification même de l'innocence. La caméra la suit un temps, et Rick s'avance. La petite fille se retourne alors, découvrant son visage défiguré et ensanglanté. Réagissant comme toute zombie, elle se met à courir en direction de Rick. Le contraste entre la menace que sa nature représente et cette apparence trop frêle pour inquiéter un homme adulte est des plus troublant, captant instantanément l'attention d'un téléspectateur qui est conscient d'avoir pénétré dans un univers avec ses règles propres. L'enfant n'avait pas la moindre chance d'atteindre Rick ; sans sourciller, en se défendant autant qu'en témoignant d'une forme diffuse de compassion, il lui tire une balle dans la tête. La fillette s'écroule sur le parking, résumant à elle seule toute l'ambiguïté et l'état d'esprit qui vont présider à l'installation de The Walking Dead.

Une fois passée cette entrée en matière plus que réussie, l'épisode va suivre un sentier autrement plus classique, en utilisant des ressorts narratifs familiers du genre. Shérif adjoint, Rick est grièvement blessé par balle lors d'une fusillade. Plongé dans le coma, il émerge quelques temps plus tard dans un lit d'hôpital, réveillé par la soif et la faim, une barbe de plusieurs jours sur ses joues. C'est à travers son regard que vont se dévoiler au téléspectateur la nouvelle face du monde et tous les bouleversements qui ont eu lieu durant son coma. Dans cet hôpital qui porte encore les séquelles ensanglantées des combats qui s'y sont joués, Rick découvre des couloirs condamnés parce que s'y trouvent des "morts", et des dizaines, des centaines, de cadavres alignés dans la cour. C'est un spectacle de champ de bataille perdue qui s'offre à ses yeux lorsqu'il retrouve la lumière du jour. Encore affaibli, incapable d'analyser une situation qui n'a rationnellement pas de sens, il va peu à peu découvrir l'ampleur de cette apocalypse, sauvé par deux survivants, un père et son fils, qui vont le remettre sur pied et lui expliquer brièvement la nouvelle donne. Le quartier où Rick vivait avec sa famille s'est vidé de toute sa population. Laquelle s'est soit transformée en zombies errant encore sur place, soit a fui vers de supposés lieux sécurisés. Si bien que Rick ne rentre chez lui que pour y trouver une maison inhabitée. Sa femme et son fils ne sont plus là. Se pourrait-il qu'ils soient parvenus à s'enfuir ? Peut-être vers Atlanta, dont on parle comme d'un havre encore protégé par l'armée. Le policier va donc se mettre en route, avec l'espoir de les retrouver... vivants. 

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Le premier atout de The Walking Dead réside évidemment dans la force d'attraction inhérente à  son concept. Tout d'abord, elle a le mérite d'investir un genre particulier, peu exploité dans le petit écran. S'il n'est à aucun moment précisé quelle est l'origine du phénomène des zombies, nous laissant dans une prudente zone de flou sur ce point, la série s'empare pleinement de cette thématique, en s'appropriant tous les codes mythologiques classiquement attendus : de la contamination par morsure à la nécessaire destruction de la tête du zombie pour la tuer. Au-delà de ces règles énoncées dès le départ, ce qui assoit la légitimité et la crédibilité de cette fiction, c'est en particulier le soin esthétique apporté à la transposition de ce mythe à l'écran. Il faut saluer l'effort réalisé, en terme de maquillage ou de sobres effets spéciaux, pour obtenir des créatures vraiment bien faites. D'ailleurs une des plus marquantes restera sans doute cette première zombie que croise Rick, dont tout le bas du corps a été dévoré avant sa transformation, ne lui laissant que la possibilité de se traîner sur le sol de manière pitoyable.

Aussi appliquée que la série soit dans sa volonté de faire envahir de zombies notre petit écran, il serait pour autant hâtif de la réduire uniquement à cet aspect : The Walking Dead est bien plus qu'une simple "fiction de zombies". Car c'est dans son cadre post-apocalyptique que réside son plein potentiel. Il n'est pas uniquement question de raisonnement dans l'immédiat, mais il s'agit bien d'envisager une survie sur le long terme. L'opportunité de The Walking Dead va être de pouvoir exploiter un format télévisuel lui permettant d'inscrire sa construction narrative sur un plus long terme, et donc de développer des thématiques plus vastes et autrement plus audacieuses. Le coeur de la série est bel et bien d'envisager un récit post-apocalyptique dans la plus pure tradition du genre. Les zombies sont une donnée complexifiant l'équation pour la survie, comme ont pu être, dans d'autres fictions, une maladie ou autre fléau... Par cette approche, forcément très ambitieuse, The Walking Dead tient donc bien plus d'une série comme Jeremiah ou Survivors que de Dead Set.

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Le classicisme de ce pilote lui permet d'installer efficacement le décor particulier qui va être celui de la série, tout en laissant poindre le potentiel sous-jacent. En effet, prenant peu à peu la pleine mesure de l'histoire, au-delà du seul enjeu binaire, ce sont les ressorts et dynamiques inhérents à la nature humaine qui vont être un thème de prédilection pour The Walking Dead. L'introduction des personnages reste certes sommaire, puisque, attaché à nous décrire ce monde transformé et dévasté du point de vue de Rick, le pilote se concentre sur cette figure centrale. Tout juste découvre-t-on que les proches de Rick ont survécu. Cependant, parmi les indices que ce pilote distille et les jalons qu'il pose pour l'avenir, ce qui frappe déjà, c'est la manière dont s'est opérée un complet bouleversement des valeurs et des codes moraux traditionnels. Comme si certains raisonnements appartenaient désormais à un temps révolu, il y a eu une forme de substitution des priorités de chacun qui s'est opérée. Si bien que c'est une noirceur désillusionée, aussi sombre que pesante, qui semble s'être abattue sur le monde. Dans ce pessimisme ambiant, lié à l'identité même de The Walking Dead, le chapitre de l'insouciance apparaît définitivement refermé. La réussite de la série est de parvenir à caractériser ce désespoir latent, qui captive autant qu'il trouble le téléspectateur.

C'est particulièrement flagrant dans certains passages du pilote. Ne s'enfermant pas dans un froid registre pragmatique, l'épisode investit, avec empathie, une dimension émotionnelle à la force surprenante, qui est sans doute l'élément qui m'a le plus marquée. En effet, l'épisode entreprend de dépeindre, de manière aussi fascinante que bouleversante, l'ambivalence des rapports des humains survivants aux zombies. A plusieurs reprises, Rick achève des créatures, non pour se défendre, mais en témoignant d'une sourde compassion. C'est l'être humain qu'elles furent autrefois, celui dont il reste encore l'enveloppe vide derrière leur nature dégénérée, qui est ainsi souligné. Si la survie impose de ne pas tergiverser face à ces zombies, l'épisode choisit d'en invidualiser certaines, de façon à introduire une idée plus nuancée, celle qu'il s'agit également de victimes. La scène du montage en parallèle de l'homme envisageant d'abattre sa femme, désormais transformée, et de Rick partant à la recherche de la première zombie croisée, dont le corps à demi-dévoré l'a réduite à un état pathétique, est probablement une des plus réussies de l'épisode : elle atteint une intensité émotionnelle qui touche le téléspectateur, tout en sonnant particulièrement juste à l'écran. Ces passages où il est question de dignité, d'humanité, contribuent à renforcer l'atmosphère grise et sans repère du pilote.

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Si, sur le fond, The Walking Dead laisse entrevoir des choses très intéressantes, la série trouve une légitimité et une force supplémentaires dans les soins apportés à sa forme. J'ai déjà mentionné l'effort réalisé pour recréer cette population de zombies, mais c'est tout le décor post-apocalyptique de la série qui bénéficie du même savoir-faire. Si le final de l'entrée dans Atlanta est probablement le plus imposant en terme de reconstitution, il faut vraiment saluer le soin constant des détails, parfois à un niveau très modeste, dont la série fait preuve. De plus, la réalisation très appliquée dévoile une esthétique vraiment travaillée. La photographie est un peu éteinte, investissant des couleurs froides, reflet parfait de l'ambiance pessimiste mise en scène. Enfin, une utilisation réfléchie est faite de la musique. Donnant la priorité à une sobriété de circonstances, c'est un moyen de souligner d'autant plus la portée des scènes marquantes où une bande-son va retentir.

Pour supporter cette sombre chronique post-apocalyptique, la série affiche un casting avec plusieurs têtes connues des téléphages. Le rôle principal est dévolu à Andrew Lincoln, un acteur anglais pour qui j'ai toujours éprouvé une certaine affection qui remonte aux temps de This Life ou encore Teachers, mais qu'on a également pu voir plus récemment dans Afterlife ou encore, cette année au printemps, dans la série d'action Strike Back. C'est cependant son premier rôle dans une série américaine.  A ses côtés, les téléphages plus familiers du petit écran Etats-Unien reconnaîtront John Bernthal (Eastwick, The Class), Sarah Wayne Callies (Prison Break), Laurie Holden (croisée dans quelques épisodes de The Shield ou encore des Sept Mercenaires) ou encore Jeffrey DeMunn. Enfin, Steven Yeun et Chandler Riggs complètent le casting principal.

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Bilan : Se présentant sous une forme extrêmement classique, avec ses ressorts narratifs bien huilés, ce pilote très académique nous introduit efficacement dans les enjeux et le cadre post-apocalyptique de The Walking Dead. Apportant un soin particulier aux décors, s'attachant aux petits détails qui crédibilisent et contribuent à la force de cette reconstitution, il entreprend de créer une atmosphère désillusionnée et sombre, dont le désespoir ambigü latent perce à l'occasion le coeur du téléspectateur, soulignant d'autant plus le potentiel incontestable dont bénéficie la série. L'ensemble est donc convaincant. S'il est trop tôt pour couvrir ce seul épisode d'éloges dithyrambiques disproportionnés, The Walking Dead a rempli sa première promesse. Vivement la suite !  


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la série :


Le générique de la série :


31/10/2010

(UK) Spooks (MI-5) : series 9, episode 6

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Certes, j'avais dit que je ne relèverais, de cette saison 9, que les épisodes marquants dans le bon sens du terme, avant de faire un bilan global à la fin. Le cinquième l'était et avait donc eu droit à une review la semaine dernière. Seulement, face à ce sixième épisode, après avoir, au cours de la semaine écoulée, exprimé et partagé mon opinion sur probablement tous les lieux d'échanges internet relatifs à la série, l'intense frustration née de ce visionnage n'était toujours pas apaisée. Il fallait donc que le billet du jour serve d'exutoire...

Car les scénaristes se sont engagés sur une voie qui semble sans retour pour construire le fil rouge de la saison. Façon maladroite, mais expéditive, de soigner la sortie d'un personnage ? Retournement artificiel reflétant un cruel manque d'inspiration ? Je ne sais pas quel diagnostic faire des problèmes dont souffre cette saison 9, mais les symptômes apparaissent désormais avec évidence. Spooks serait américaine, ne serait-on pas loin de dire qu'elle flirte avec le "jump the shark" ?

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En dépit du twist de l'épisode précédent, où Lucas découvrait l'ampleur de la manipulation entreprise à son égard par cette ancienne connaissance qui fait ressortir tous ses fantômes depuis le début de la saison, l'histoire du jour ne commence pas si mal, traitant cette fois de cyber-espionnage/terrorisme et nous entraînant sur un autre front, moins souvent mis en scène, celui qui se joue par le biais des technologies et de l'informatique. Si les enjeux de mise à jour et de protection des codes demeurent un peu abstrait, la crise au siège du MI-5 sera elle se montrer plus tendue et intéressante pour le téléspectateur. Des hackers se sont en effet introduits dans le système informatique des services de sécurité britanniques. Ils ont ainsi accès à toutes les données et surveillent tous les gestes des agents de la section D. Tarik s'en apercevant rapidement, c'est un jeu de faux-semblant que Harry et ses hommes vont jouer avec leurs assaillants.

Ce renversement narratif de redistribution des cartes, en allant porter le danger jusqu'au QG du MI-5, la série l'a déjà utilisé  à plusieurs reprises, de manière généralement efficace. C'est non seulement un angle d'attaque direct qui remet en cause l'intouchabilité théorique - mais combien de fois violée ? - de ce lieu, mais c'est aussi un rappel désagréable qui légitimise toute la paranoïa ambiante naturelle aux services d'espionnage. Au final, ce cadre de huis clos forcé n'a pas été sans m'évoquer le finale de la saison 4 ("Diana"). Si cela peine un peu à décoller, les efforts pour abuser leurs opposants, puis pour s'échapper, des membres de la section se laissent suivre sans déplaisir. Le point positif que j'y ai personnellement trouvé est de poursuivre, dans la continuité du précédent épisode, l'affirmation du personnage de Dimitri, qui trouve beaucoup plus naturellement ses marques au sein de la section et incarne un héritage Spooks-ien qui sonne bien plus juste que Beth, en dépit des multiples chances que cette dernière s'est vue offrir depuis le début de la saison. Ce ne sont que quelques petites prises d'initiatives, mais dans cette saison qui manque cruellement d'humanité (cette dimension ne tenant que grâce à Harry et Ruth), Dimitri est une bouffée d'air frais. En espérant qu'il survive aux évènements à venir.

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En effet, l'explosion finale se prépare (il ne reste que deux épisodes), et les développements du jour paraissent en poser les derniers jalons, Lucas ayant, cette fois, définitivement franchi le Rubicon, basculant désormais hors de contrôle dans une traîtrise aux motivations floues. De manière hautement symbolique, c'est d'ailleurs seul, séparé du reste de l'équipe, qu'il va vivre l'aventure du jour. Cédant au chantage de cette ancienne connaissance qui le harcèle depuis le début de la saison, pour tenter de sauver les beaux yeux d'une dulcinée qu'il avait perdue de vue il y a tant d'années, dans cette "autre vie", le voilà à la recherche d'un dossier top secret. Devant en même temps assurer sa mission, qui est la protection d'une jeune spécialiste informatique américaine, il tente de concilier les deux, mais finit par donner la priorité à cette nouvelle trahison qu'il s'apprête à commettre. Certes, ce n'est pas lui qui tirera la balle fatale à la jeune femme, mais il a en partie provoqué indirectement cette situation, ne serait-ce qu'en semant de manière abusive son escorte de sécurité et en faisant ce fameux détour pour récupérer le dossier...

Consacrant d'ailleurs sa traîtrise, c'est chez une ancienne figure familière du MI-5 que Lucas doit aller chercher ce document : Malcolm. Un face-à-face trompeur et faussement anodin qui entérine, presque publiquement, la hiérarchie des priorités de l'agent. Le téléspectateur en reste perplexe devant son petit écran. Comment expliquer de manière crédible cette transformation survenue en Lucas depuis le début de la saison ? L'évolution semble renier toute continuité avec les deux saisons précédentes qui avaient entrepris de construire et d'explorer un personnage qui apparaît désormais complètement méconnaissable. Tout sonne faux, artificiel, dans ce fil rouge qui ne prend décidément pas. Certes, j'attends la résolution de l'intrigue et la fameuse explication sur cette "double vie" esquissée pour essayer de comprendre ce que les scénaristes ont eu en tête en se lançant sur cette voie, mais il est à mon avis trop tard pour rattraper et légitimer des errements narratifs trop parachutés pour que le téléspectateur puisse y adhérer.

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Bilan : Si l'intrigue du jour a le mérite de souffler sur les braises de cette ambiance paranoïaque dans laquelle Spooks aime à se complaire et a toujours excellé, l'épisode consacre une évolution du personnage de Lucas bien trop incohérente pour crédibiliser ce fil rouge qui n'a toujours pas décollé alors que s'amorce la dernière ligne droite de la saison. Au vu des ingrédients traditionnels actuellement manquant à Spooks, la série doit faire attention à ne pas, elle-aussi, franchir le Rubicon derrière Lucas.


NOTE : 6/10