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12/06/2013

(K-Drama / Pilote) Cruel City (Heartless City) : un polar noir musclé qui s'assume

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Restons en Corée du Sud en ce mercredi asiatique, pour nous intéresser à une autre nouveauté de ces dernières semaines : Cruel City (Heartless City). Le premier intérêt de cette série tient au genre investi, celui du polar noir aux accents de thriller et sur lequel flotte un parfum diffus d'Infernal Affairs revendiqué dès sa scène d'ouverture qui voit un policier infiltré se faire balancer du toit d'un immeuble. Outre mon inclinaison pour ce type d'histoire, Cruel City signe aussi le retour (post-service militaire) d'un acteur que j'apprécie, Jung Kyung Ho.

J'étais donc doublement impatiente de découvrir cette série qui, sur le papier, avait plus d'une raison de susciter quelques parallèles, dans l'esprit du téléspectateur, avec Time between Dog and Wolf, fiction prenante malgré ses défauts. Proposé par la chaîne jTBC depuis le 27 mai 2013, les lundi et mardi soirs, Cruel City signe des débuts intéressants. Leur efficacité tient à la manière dont la série assume et s'approprie pleinement son genre sombre, laissant entrevoir un potentiel indéniable (mais aussi des limites).

[Cette review a été rédigée après le visionnage des quatre premiers épisodes.]

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Suite à la mort d'un agent infiltré à laquelle on assiste en ouverture, la police décide d'intensifier sa lutte contre le crime organisé et les trafics de drogue dont ce dernier tire d'importants bénéfices. Cela conduit à la création d'une unité spécialisée. L'objectif posé initialement est clair : il s'agit de faire tomber celui que leurs informations placent tout en haut de l'organigramme mafieux, un gangster surnommé Scale. La direction de l'enquête est confiée à Ji Hyung Min. Ce fils de bonne famille (son père est procureur) choisit de délaisser le barreau pour mener une croisade contre les trafiquants de drogue, une décision prise après l'overdose de son frère. Hyung Min retrouve dans l'unité Lee Kyung Mi, jeune policière dont il est amoureux et qu'il souhaite demander en mariage.

Cependant, l'objectif des policiers va vite évoluer du fait des bouleversements que connaît l'organisation de Scale. En effet, Jung Shi Hyun, un lieutenant de Scale surnommé le Doctor's Son, fomente un véritable coup d'Etat pour renverser son patron et prendre le contrôle de la drogue. En faisant cela, il provoque un engrenage létal d'affrontements qui va avoir des conséquences sur les gangsters comme sur les policiers. Shi Hyun se retrouve soudain dans la peau de l'homme à faire tomber, quitte à instrumentaliser la police pour y arriver. Or, envoyée sous couverture pour essayer de le localiser, Kyung Mi n'a que le temps de découvrir que derrière ce pseudonyme du Doctor's Son se trouve un ami d'enfance : elle est froidement abattue par un tireur inconnu. Suite à ce drame, Soo Min, une aspirante policière dont elle était proche, accepte de prendre la relève.

Entre quêtes de vengeance, manipulations et trahisons, c'est un jeu létal entre policiers et gangsters qui va prendre place. Mais les lignes séparant les camps sont bien plus troubles que d'aucuns le soupçonnent.

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Cruel City assume et revendique son inscription dans une certaine tradition du polar noir. Ses premiers épisodes posent ainsi efficacement un univers qui échappe à toute approche manichéenne : tout y est résolument gris et sombre. Dans un cadre où toutes les allégeances sont fluctuantes, la série prend vite un malin plaisir à troubler les lignes de démarcations entre les camps. Elle réalise un travail appliqué pour construire son atmosphère, marquée par des éclats de violence, des passages de détresse, des confrontations inégales, des injustices... Par contraste, cela souligne avec plus de force les rares moments d'insouciance, issus du passé ou de projets futurs, qui sont autant de petites bouffées d'oxygène humanisant les froides figures qui s'affrontent sous les yeux du téléspectateur.

Chacun agit suivant des intérêts qui lui sont propres. Les motivations restent parfois à éclaircir, faisant intervenir pêle-mêle, ambitions, sentiments, loyauté, revanche et vengeance. Le traitement du personnage de Shi Hyun représente bien cette approche. Il est le plus intéressant car, en quatre épisodes, ce sont des facettes extrêmement différentes, pour ne pas dire contradictoires, qu'il laisse entrevoir. L'image de l'assassin produite en ouverture se nuance progressivement. L'humanisation s'opère certes par des ressorts classiques dans un k-drama, utilisant son passé entre l'orphelinat et la rue, puis sa douleur de perdre un être cher. Mais à défaut d'être original, cela fonctionne, parvenant à créer un personnage fort, dont l'ambivalence intrigue et fascine.

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L'ambiguïté, c'est d'ailleurs le maître-mot des débuts de Cruel City. Non seulement les camps sont mal définis, mais en plus, nul n'est épargné par la noirceur ambiante. Outre la corruption et autres querelles d'égos qui parsèment la police, même les potentiels "chevaliers blancs" dévoilent des versants peu reluisants, à l'image de Hyung Min. Les enquêtes qu'il poursuit sont en effet fondées sur des motivations purement personnelles qui le conduisent à facilement s'affranchir de certains interdits, qu'il s'agisse d'interrogatoires musclés de suspects... ou bien de l'envoi d'une jeune recrue inexpérimentée en infiltration. Cette dernière proposition, s'apparentant plus à du chantage qu'à un acte responsable de policier, montre à quel point chacun suit son agenda. La morale est celle-ci : la fin justifie les moyens, qu'importe les sacrifices.

Ces premiers épisodes posent donc un univers dense. Pour bien prendre la mesure des confrontations en jeu, ils insistent sur le relationnel, présentant les liens passés ou présents qui unissent les différents protagonistes et transcendent les camps. S'annonçant comme une suite de manipulations et de trahisons, la série bénéficie d'une narration rythmée, riche en twists et en rebondissements qui lui permettent d'atteindre un niveau de complexité appréciable, même si cette surenchère se fait parfois au détriment de sa crédibilité (le destin de Soo Min étant assez emblématique). Cruel City a le mérite d'annoncer franchement ses ambitions en se réappropriant sans nuance les codes du genre gangsters, n'hésitant pas à l'occasion à se complaire à l'excès dans un récital d'actions et de violence. L'ensemble est prenant, c'est le principal. Il ne faut cependant pas s'illusionner sur les limites évidentes d'une approche qui peut à tout moment perdre l'équilibre précaire dans lequel elle s'est installée.

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Côté réalisation, Cruel City joue pleinement la carte du polar, avec une photographie assez sombre. La perspective gangster explique les efforts faits pour mettre en scène la violence du milieu : la série assume tellement ce genre que même les scènes où elle en fait trop, comme par exemple lorsque Shi Hyun élimine dans un corridor une bonne dizaine d'hommes de main, fonctionnent crânement à l'écran. Côté floutage, on pourra peut-être discuter des lames floutées tandis que l'on peut montrer sans souci un homme massacré à coup de club de golf (ne pas sous-estimer les golfeurs, ces dangereux criminels en puissance !), mais ce qui est clairement à retenir, c'est la tonalité d'ensemble que les choix formels effectués parviennent à dégager. Quant à la bande-son, elle n'est pas toujours dosée avec toute la justesse que l'on pourrait espérer, mais l'accompagnement musical reste correct.

Enfin, Cruel City rassemble un casting au sein duquel il va pouvoir s'appuyer sur Jung Kyung Ho (Time Between Dog and Wolf, Smile, You). Ce dernier se révèle convaincant dans un rôle qui implique de multiples facettes, tour à tour impitoyable puis déchiré. Son jeu a l'intensité et la présence requises pour un tel personnage. Côté policier, Lee Jae Yoon (Ghost) s'en tire assez honorablement dans ce rôle de détective qui mène ses croisades personnelles contre le crime organisé, au risque de le conduire à des extrêmités inattendues. Là où les choses deviennent plus glissantes, c'est pour la suite du drama qui va notamment reposer sur Nam Gyu Ri (Life is Beautiful, 49 Days), peu présente dans les premiers épisodes, et que l'on découvre à partir de la mort de son amie policière (Go Na Eun). Il y a deux façons d'analyser son casting : en premier lieu, on peut se dire que son personnage étant lui-même difficilement crédible, le fait qu'elle ait ce rôle suivrait une certaine logique..? Plus pragmatiquement, son personnage ayant une introduction laborieuse, le défi à relever est d'autant plus difficile. Il faudra également compter avec Son Chang Min (Horse Doctor) et Kim Yoo Mi.

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Bilan : Cruel City a pour lui d'être un polar noir qui s'assume : c'est très plaisant à retrouver dans le petit écran sud-coréen. La densité de ses intrigues, la manière dont il s'investit pleinement dans ce registre de "fiction de genre" - au risque de tomber dans certains excès -, retiennent indéniablement l'attention. Cependant, cela ne masque pas la fragilité de l'édifice : outre certains raccourcis narratifs, le drama a une tendance dangereuse à sacrifier la crédibilité de ses histoires pour atteindre le résultat souhaité, lequel devant permettre de poursuivre le développement des dynamiques ambivalentes. Cruel City doit aussi se méfier des surenchères, aussi revendiquées soient-elles. Reste que l'ensemble fonctionne pour le moment. Il ne tient qu'à la suite de prouver qu'un polar engageant peut se bâtir sur cette base prenante, mais quelque peu branlante. En tout cas, le potentiel est là : à suivre !


NOTE : 6,75/10


Un teaser de la série :

05/06/2013

(K-Drama / Pilote) Shark : une variante de revenge drama

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En ce mercredi asiatique, cap sur la Corée du Sud. Cela faisait quelques temps que je n'avais plus évoqué de k-dramas, principalement parce que j'ai plus ou moins fait l'impasse sur les séries du printemps des trois principales chaînes - et de certaines câblées : les synopsis n'étaient guère engageants, et les échos glanés ça et là n'avaient fait que me conforter dans ma relative indifférence. Mais les dernières nouveautés ont, elles, autrement plus aiguisé ma curiosité. Il est donc temps de revenir un peu en Corée du Sud.

Shark est diffusé depuis le 27 mai 2013 sur KBS2. Ce revenge drama aux allures traditionnelles est le troisième volet de la trilogie sur la vengeance du scénariste Kim Ji Woo et du réalisateur Park Chan Hong. Les deux précédents sont des classiques du genre, puisqu'il s'agit de Resurrection datant de 2005 et de The Devil de 2007. Le téléspectateur sait donc dans quoi on lui propose de s'investir lorsqu'il s'installe devant cette nouvelle série. Outre une recette familière, les débuts de Shark sont intéressants parce que le drama trouve son ton pour laisser entrevoir un certain nombre de pistes prometteuses.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des deux premiers épisodes.]

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Le premier épisode de Shark s'ouvre, dans le présent, sur un mariage, celui de Jo Hae Woo et de Oh Joon Young. Un homme, se présentant comme Yoshimura Junichiro, y assiste de loin. A travers des flashbacks qui vont permettre d'évoquer les origines des rapports de ces trois personnages, le téléspectateur apprend le vrai nom de Junichiro, Han Yi Soo : le drama repart alors dans le passé et la jeunesse des protagonistes pour nous expliquer comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle et aux confrontations annoncées.

En effet, c'est quelques années auparavant que Yi Soo et Hae Woo se sont pour la première fois rencontrés. Après une escapade commune pour quitter précipitamment un bar, Yi Soo retrouve la jeune fille dans la classe du nouveau lycée où il est transféré en raison du travail de son père, chauffeur d'un riche et puissant industriel. L'attitude de Hae Woo, qui semble en colère contre le reste du monde, retient son attention. Il découvre ensuite qu'elle est la petite-fille du patron de son père. Si Hae Woo traverse une passe difficile, c'est que sa famille est en train de se désagréger sous ses yeux du fait des frasques d'un père excessif et indigne. En dépit de leurs différences, Yi Soo et Hae Woo vont peu à peu nouer un lien à part.

Mais un jour, tout dérape. Un lourd passé que chacun espérait oublié ressurgit. Un accident de circulation, impliquant le père de Hae Woo, coûte la vie à un passant. Le père de Yi Soo se retrouve dans le rôle du bouc-émissaire idéal, qui en sait trop pour son propre bien sur les origines de la fortune de son patron. Il meurt avant d'avoir pu se rendre au commissariat. Ignorant ce qui s'est réellement déroulé, révolté de douleur, Yi Soo jure de trouver le fin mot de l'histoire et de venger la mémoire de son père... sans imaginer à quelles extrêmités cela va le conduire et combien sa vie va en être bouleversée.

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Shark prend son temps pour poser les bases sur lesquelles son histoire va se construire. Les deux premiers épisodes ont leur lenteur, mais sont efficaces : ils jouent sur une révélation progressive des enjeux, dévoilant un puzzle incomplet qui aiguise la curiosité. Les aller-retours passé/présent se répondent en échos, gérés de façon correcte. Le récit pose les jalons de la confrontation annoncée, en faisant preuve d'un sens de la dramaturgie indéniable qui donne bien le ton, même s'il n'est guère subtile. Il multiplie donc à dessein l'utilisation de symboles, qu'il s'agisse de discussions sur les étoiles ou de monologue sur les requins. Le parti pris du drama est dans un premier temps d'impliquer émotionnellement le téléspectateur dans le destin des protagonistes, avant même d'envisager d'entrer dans le vif de la vengeance. Les débuts se consacrent ainsi au lien particulier qui se noue entre Yi Soo et Hae Woo : c'est bien plus qu'une simple amitié qui se bâtit durant ces quelques moments clés fondateurs. Si les choses peuvent sembler un peu précipitées, la narration adopte une fraîcheur appréciable et adéquate, délivrant quelles scènes à la sensibilité bien dosée qui savent toucher.

Cette introduction est importante car, dans la structure d'un revenge drama, l'existence même de Hae Woo apporte une dimension particulière au conflit à venir, du fait de sa double connexion avec Yi Soo d'une part, et sa famille d'autre part. Il sera intéressant de voir comment évoluera son rôle. Il faut sans doute ici garder à l'esprit les promesses de tragédie contenues dans le second titre du drama, "don't look back : the legend of Orpheus". Yi Soo n'a pas empêché le mariage de Hae Woo, elle apparaît donc perdue à jamais. Mais cela ne signifie pas que leur lien si fort a disparu. Shark esquisse le mélange intime de deux versants antinomiques, la vengeance et l'amour. D'autres ressorts narratifs particuliers lui permettent aussi de se faire vite une place dans son genre. Si on y trouve des thèmes classiques, telles la corruption policière, l'impunité des puissants, etc., le père de Yi Soo n'est pas un simple innocent : il a en effet un sombre passé. De plus, est exposée l'idée qu'affronter le patriarche Jo et son empire bâti de façon peu recommandable n'est pas une simple confrontation personnelle : il s'agit de rectifier le passé et ses injustices à un autre niveau. Derrière ses atours classiques, ce drama semble donc rassembler un certain nombre d'atouts et d'ambitions ayant du potentiel.

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En plus d'un scénario aux bases intéressantes, Shark bénéficie d'un esthétique soignée. Le drama s'inscrit dans la droite ligne de ces fictions sud-coréennes au visuel épuré et lumineux. La réalisation maîtrise à merveille une mise en scène chargée de symboliques, proposant à l'occasion de véritables tableaux où les positions de chaque protagoniste, mais aussi la mise en valeur du décor d'ensemble, sont parfaitement pensées et rendent superbement à l'écran. Par ailleurs, l'ambiance musicale retient l'attention : s'il reste encore aux thèmes instrumentaux à s'affirmer, en revanche, la première chanson de l'OST, interprétée par BoA, reflète à merveille l'ambiance de l'histoire, envoûtante à souhait (cf. la 2e vidéo ci-dessous).

Enfin, côté casting, si les deux premiers épisodes laissent surtout la part belle aux jeunes acteurs, se concentrant sur l'adolescence des personnages principaux, l'ensemble donne envie d'être optimiste. Pour ce qui est des jeunes, Yun Jun Suk (Cheer up, Mr Kim!) et Kyung Soo Jin (The Equator Man) habitent parfaitement leurs rôles respectifs, démontrant l'intensité des liens qui peu à peu se construisent entre Yi Soo et Hae Woo. Kyung Soo Jin partage d'ailleurs une certaine ressemblance opportune avec Son Ye Jin (Alone in Love, Personal Preference) qui prendra le relais à l'âge adulte : ses quelques scènes de mariage sont prometteuses, et ses rôles passés sont là pour assurer qu'elle conviendra très bien pour ce rôle. Le héros adulte est interprété par Kim Nam Gil (Bad Guy), dont Shark signe le come-back au petit écran après le hiatus dû au service militaire. Il est pour moi celui qui a le plus à prouver, à lui de montrer qu'il est capable d'incarner ce personnage revanchard. A leurs côtés, on retrouve notamment No Young Hak, Lee Jae Goo et quelques habitués du petit écran sud-coréen comme Kim Gyu Chul ou encore Lee Jung Gil.

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Bilan : Shark signe des débuts lents mais prometteurs, se réappropriant les ressorts classiques du revenge drama en y apportant des variantes et une touche qui lui sont propres. Outre l'exécution de la vengeance, le récit laisse entrevoir d'autres thèmes à explorer, avec en premier lieu la place de la relation née entre Yi Soo et Hae Woo qu'il sera intéressante de voir évoluer. C'est typiquement le genre de série qui prendra sa pleine dimension à mesure que le récit progressera. Avec de telles fondations aux allures solides, tout en gardant à l'esprit les références antérieures de l'équipe qui se trouve derrière cette fiction, ces premiers épisodes réussissent leur objectif : donner envie de s'investir dans Shark. Reste à la suite à mériter cette confiance. Avis aux amateurs !


NOTE : 7/10


Une bande-annonce du drama :

La chanson principale de l'OST ('Between Heaven and Hell', par BoA) :

10/04/2013

(K-Drama / Pilote) War of the Flowers - Cruel Palace : intrigues et jeux de pouvoir à la cour du roi In Jo

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Il manquait dans mes programmes, en ce début d'année asiatique, un de mes genres de prédilection : la fiction historique. Car rien de tel qu'un traditionnel sageuk dépaysant, relatant luttes de pouvoir et destinées tragiques, pour accompagner une semaine sériephile. Le problème de se lancer dans un tel drama tient souvent à l'investissement chronophage demandé ; il s'agit de le sélectionner avec soin, car on ne pourra pas multiplier les tentatives au long cours. Le sageuk dont je vais vous parler aujourd'hui ne déroge pas à cette réserve traditionnelle : en effet, 50 épisodes sont pour l'instant prévus.

War of the Flowers - Cruel Palace est un drama diffusé par la chaîne câblée jTBC depuis le 23 mars 2013, à raison de deux épisodes par semaine, les samedi et dimanche soirs. L'écriture a été confiée à Jung Ha Yun, scénariste d'expérience dans ce genre de fictions et à qui l'on doit un autre sageuk notable, mettant aussi en scène le destin d'une femme, diffusé sur cette même chaîne l'an dernier, Queen Insoo. Les débuts de War of the Flowers - Cruel Palace s'inscrivent dans une tradition narrative assumée, mais particulièrement efficace : en résumé, du classique devant lequel l'amateur de sageuk n'aura aucun mal à se prendre au jeu.

[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des quatre premiers épisodes.]

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War of the Flowers - Cruel Palace se déroule durant la première moitié du XVIIe siècle, sous le règne du roi In Jo. Il s'ouvre lors de la seconde Invasion mandchoue, avec la défaite et la soumission de Joseon face à la dynastie Qing. Pour sauver ce qui peut encore l'être, In Jo est contraint de s'incliner devant Hong Taiji et d'accepter d'humiliantes conditions pour retrouver la paix. Des dizaines de milliers de ses sujets sont réduits en esclavage, tandis qu'il doit également envoyer chez leurs conquérants ses deux fils aînés, dont le prince couronné. Les temps sont ensuite très durs pour Joseon, et le roi a bien du mal à reprendre son règne. La tâche de l'humiliation subie est indélébile : c'est un roi fébrile qui se retrouve au centre de jeux de cour qui, du fait de son affaiblissement, s'intensifient.

Au coeur du palais royal, le drama va nous faire suivre l'ascension d'une jeune femme d'une rare beauté, Yam Jun (qui prendra ensuite le nom de Jo So Yong). Fille illégitime d'une concubine et d'un aristocrate, elle a toujours eu à subir des rappels constants sur son statut social peu enviable, au point de ne pouvoir envisager d'épouser celui qu'elle aime, dont la famille a un tout autre prestige. Elle va avoir l'opportunité d'être introduite dans l'entourage du roi. Son bienfaiteur, qui devient son père adoptif, voit en elle une marionnette grâce à laquelle il pourra atteindre ce monarque défiant. Yam Jun est alors projetée au coeur des intrigues létales qui se tiennent dans les coulisses du pouvoir, pour peut-être finir par s'affranchir elle-même de ses maîtres...

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War of the Flowers - Cruel Palace est un sageuk traditionnel, calibré comme tel et disposant des atouts propres à ce genre. Les luttes d'influences au sein de la cour et les destinées de chaque protagonistes se jouent le plus souvent dans des confrontations à huis clos ou autres conciliabules tenus dans l'ombre d'un bâtiment. Ce décor se prête parfaitement à une mise en scène théâtralisée où tout repose sur une écriture qui, solide, en allant à son rythme, va prendre peu à peu la mesure de l'ampleur des luttes d'influence internes à la cour. Si les dialogues ont cette invariable solennité formelle et rigide propre au genre, on reconnaît un sageuk intéressant justement à la manière dont se ressent parfaitement, derrière les échanges parfois ampoulés, le poids des enjeux et la force des ambitions. Dans cette optique, War of the Flowers - Cruel Palace dispose d'un sens du dramatique qui lui permet de conserver sa fluidité narrative, en dépit d'une lenteur calculée. De plus, le premier épisode - avec la soumission du roi In Jo - laisse entrevoir du potentiel dans un registre qui va au-delà des simples jeux de pouvoir en coulisses, en se tournant aussi vers l'affrontement ouvert et des confrontations à grande échelle.

La réussite de ces débuts tient aussi au fait que l'introduction dans l'univers du drama est rondement menée : au cours des quatre premiers épisodes, les camps en présence sont vite identifiables, ce qui permet de rentrer rapidement dans l'histoire. Les personnages de War of the Flowers - Cruel Palace ont tous leur part d'ambiguïté. Le roi In Jo, monarque suprême humilié, symbolise à lui seul cette dualité caractéristique : son statut reste le plus puissant, mais il est aussi terriblement affaibli politiquement par ses concessions. Or tout amoindrissement du pouvoir central réveille mécaniquement les ambitions des uns, la défiance et la déloyauté des autres. C'est pourquoi le cadre de la cour a matière à offrir ici des tensions d'une intensité palpable. Parmi les différents protagonistes, c'est plus particulièrement sur le destin de Yam Jun que le drama va se concentrer. L'introduction du personnage est réussie, permettant au téléspectateur de mesurer les blessures passées (ce statut de fille de concubine) et les sacrifices imposés : c'est dans ces jeunes années qu'elle va trouver la force de réussir l'ascension qui l'attend. La voir devenir à son tour quelqu'un capable de maîtriser l'art des intrigues et réussir au sein de cette cour royale si létale est une perspective très intéressante, et donne donc envie de s'investir.

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En plus d'une écriture plutôt convaincante, War of the Flowers - Cruel Palace bénéficie d'une forme soignée. La réalisation est maîtrisée, mettant en valeur les atouts des sageuk, ces fictions aux costumes chatoyants se déroulant principalement dans les couloirs d'un palais, mais dont chaque sortie en extérieur doit pouvoir dépayser et marquer. De plus, le drama peut également s'appuyer sur une riche bande-son avec des thèmes musicaux inspirés. On y retrouve dans certaines scènes une légèreté appréciable. Pour les passages où l'enjeu est plus important, le compositeur a semble-t-il apprécié le thème du générique de Game of Thrones : on y croise une ritournelle assez proche au violon qui sublime à merveille ces passages plus tendus. Visuellement, comme au niveau de son ambiance musicale, cette fiction correspond aux standards attendus d'un sageuk.

Enfin, War of the Flowers - Cruel Palace bénéficie d'un casting assez homogène dans l'ensemble. Le rôle de Yam Jun/Jo So Yong est confié à Kim Hyun Joo (Partner). A l'image de son personnage, il reste encore à l'actrice à pleinement s'affirmer et à prendre la mesure de la figure qu'elle interprète, mais ce qu'elle laisse entrevoir, notamment dans l'épisode 4, confirme qu'elle est sur la bonne voie. Le roi In Jo est incarné par Lee Duk Hwa (Comrades, Giant, History of the Salaryman). Ses deux fils envoyés en Chine le sont par Jung Sung Woon (An Angel's Choice) - Song Sun Mi (White Tower) jouant son épouse - et par Kim Joo Young (Vampire Prosecutor). Jung Sung Mo (Gye Baek) interprète quant à lui celui qui va propulser Yam Jun à la cour. On retrouve également Go Won Hee ou encore Jun Tae Soo.

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Bilan : Intrigues létales et jeux de cour sont au programme de War of the Flowers - Cruel Palace : le palais royal s'y présente en effet semblable à un vaste échiquier où chaque protagoniste va jouer, le plus habilement qu'il peut, avec ses armes, une partie qui peut certes le conduire au sommet, mais qui peut tout aussi bien signer sa perte (voire les deux). Au vu des premiers épisodes, ce drama apparaît comme un sageuk aux recettes classiques mais efficaces, avec une écriture qui maîtrise l'art de la mise en scène dramatique. Le personnage de Yam Jun a du potentiel, à condition que l'on sache la faire grandir et s'affirmer au sein de la cour. Je vais donc laisser sa chance à War of the Flowers - Cruel Palace. Avis aux amateurs du genre.


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série (en VOSTA) :

27/03/2013

(K-Drama / Pilote) The Virus : un classique thriller pandémique

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Hypocondriaques aux abris ! Le concept dans l'air du temps en ce printemps 2013 sur le câble sud-coréen, c'est la lutte contre les pandémies. La sériephile que je suis, qui a gardé un très bon souvenir de l'approche de ce sujet dans la série canadienne Regenesis (surtout de sa grande saison 1 !), ne pouvait que voir sa curiosité éveillée. D'autant qu'en dehors de leurs synopsis aux influences communes, les deux chaînes à s'essayer à ce genre ont généralement des styles et des approches très différents. Je ne vais pas vous cacher que le drama que je suis la plus curieuse de découvrir est celui de jTBC, The End of The World. Mais en attendant d'éventuels (hypothétiques ?) sous-titres anglais, c'est vers The Virus que je me suis tournée.

Ce dernier, dont dix épisodes sont prévus, est diffusé depuis le 1er mars 2013 sur OCN. Si cette chaîne du câble ne convainc pas toujours dans les genres auxquels elle s'essaie, il faut reconnaître malgré tout qu'elle a su se forger une identité propre ces dernières années dans le petit écran sud-coréen, de Vampire Prosecutor à Special Affairs Team TEN (dont la saison 2 arrive le moins prochain à l'antenne), en passant par Hero. La voir s'attaquer au thriller pandémique suit donc la logique de sa politique de fictions, surtout au vu de l'approche très calibrée - et sur certains points, assez limitée - que laissent entrevoir les deux premiers épisodes de The Virus.

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Suivant la tradition du genre, The Virus s'ouvre sur un flashforward aux accents dramatiques : son personnage principal, Lee Myung Hyun, y est poursuivi par la police. Il affirme qu'il faut reprendre tous les éléments de l'enquête autour de ce virus qui a commencé à se propager moins d'un mois auparavant. Acculé sur le toit d'un immeuble, il manifeste soudain les symptômes inquiétants (et plutôt spectaculaires) de la maladie. Le drama nous ramène alors quelques jours auparavant, au tout début de la crise sanitaire : appelés pour un incendie dans un centre médical, des pompiers y découvrent des cadavres dont la mort n'est pas liée au feu. Très vite, ceux qui sont intervenus sur les lieux meurent à leur tour...

Comme il ne fait aucun doute qu'un virus est à l'oeuvre, le CDC sud-coréen (Center for Disease Control) est appelé pour enquêter. L'équipe d'investigation, dirigée par Lee Myung Hyun, doit faire face, avec des moyens humains et logistiques restreints, à une maladie qui semble fatale dans 100% des cas, et suit un mode de transmission identique à celui de la grippe. Un risque important de très grave pandémie pèse sur Séoul. Cependant les politiques sont pour le moment surtout préoccupés par la préservation de l'image de la Corée du Sud. Ne voulant pas alarmer le public, ils préservent le secret. Les cas qui sont reportés laissent pourtant à penser qu'un individu infecté et contagieux, mais qui semble résister à la maladie, se déplace inconscient du danger qu'il représente. Le CDC se lance dans une chasse à l'homme pour ce "patient zéro" qui peut être la clé de tout.

Quelle est l'origine de ce virus et qu'est-ce qui se cache réellement derrière cette pandémie ? Quel sera le sort de Lee Myung Hyun ? Autant d'enjeux auxquels The Virus va tâcher d'apporter des réponses.

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S'il existe quelque part un manuel type de la fiction sur une catastrophe pandémique, The Virus applique à la lettre le classique cahier des charges qu'il fournit. Mettant en scène avec insistance la propagation contagieuse du virus, distillant les doutes et les questions sur l'origine de la maladie en se ménageant une voie possible vers le conspirationnisme, et pointant une hiérarchie et un gouvernement frileux et médiocre, recroquevillé sur l'idée qu'il faut avant tout éviter de nuire à l'image du pays, ce drama bénéficie de l'efficacité toute mécanique que lui offre son concept. La recette est calibrée à souhait, le rythme plutôt rapide permettant de retenir l'attention. Le scénario ne recherche pas l'innovation : les développements sont très prévisibles, et auront sans doute un air de "déjà vu" pour quiconque un tant soit peu familier avec ce type de récit.  Cependant il faut reconnaître que l'ensemble apparaît globalement assez huilé, assumant tous les poncifs qui sont empruntés. La curiosité du téléspectateur est au final aiguisée par l'énigme qui s'esquisse sous ses yeux.

Partant donc sur des bases correctes - sans marquer - dans le registre du thriller, l'écriture de The Virus révèle des limites plus criantes et problématiques quand elle touche aux personnages mis en scène. Plus que l'énième déclinaison de l'immuable héros "chevalier blanc froid et pas toujours diplomate seul contre sa hiérarchie" proposée, ce qui pose plus généralement souci, c'est le fait que tous les personnages apparaissent unidimensionnels, avec un travail de caractérisation à peine minimal qui confine à la transparence. Ces problèmes sont également perceptibles quand le drama tente - un peu vainement - d'humaniser son récit et de faire gagner en consistance ses protagonistes. C'est avec un manque criant de subtilité que la série est alors capable d'enchaîner sans transition des scènes très froides et des passages où l'émotionnel dramatique est surligné à l'excès, comme lorsqu'est dévoilé le passé endeuillé du personnage principal ou lorsque nous découvrons que son ex-femme est une des contaminées du virus. Le contraste dans les tonalités qui se succèdent sur une très brève période dénote un manque d'homogénéité et de maîtrise de la narration qui rend le drama peu engageant : il est en effet difficile de s'impliquer aux côtés de telles figures.

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Sur la forme, The Virus a ce style et l'ambiance un peu sombre, parfois nerveuse, que l'on retrouve dans d'autres dramas d'OCN. Si on peut regretter quelques effets de caméras inutiles dans certaines scènes, et une tendance aux gros plans dispensable, la réalisation correspond au genre investi : le téléspectateur sait immédiatement qu'il est devant un thriller calibré lorsqu'il s'installe devant ce drama.

Enfin, le casting apparaît handicapé par une écriture qui met peu en valeur les acteurs. C'est Uhm Ki Joon (The World That They Live In, Hero (MBC), Ghost) qui interprète le protagoniste principal. Il a la présence à l'écran requise pour ce genre de rôle, mais il a une inclinaison à tomber dans le sur-jeu dans certaines scènes - dès que son personnage s'implique émotionnellement - qui gagnerait à être plus nuancée. Le casting qui l'entoure laisse une impression mitigée, manquant d'implicationn ou n'ayant pas les lignes de dialogues qui permettent de vraiment s'exprimer. On y croise notamment Lee So Jung, Lee Ki Woo, Ahn Suk Hwan, Jo Hee Bong, Yoo Bin, Park Min Woo, Hyun Woo, Oh Yong ou encore Song Young Kyu.

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Bilan : Bénéficiant d'un efficacité mécanique liée à une correcte exploitation de son concept de thriller pandémique, The Virus part sur des bases honnêtes pour proposer une histoire à suspense rondement menée. Si on peut lui reprocher sa relative prévisibilité et une ambition qui reste très minimale, le mystère est bien posé et les questions sans réponses intriguent. Cependant les limites de l'écriture se font plus problématiques au niveau du traitement des personnages ou encore dans la gestion pas toujours très adroite des changements de tonalités. Il sera sans doute difficile pour The Virus de dépasser cela, mais il peut éventuellement retenir l'attention des amateurs de pandémies catastrophes, ici développées dans le cadre particulier sud-coréen.

Avec un tel drama, OCN poursuit donc ses expérimentations et ouvertures. Cela ne donne pas toujours des fictions mémorables, mais cela a le mérite de permettre l'exploration d'autres genres par rapport aux grandes chaînes. Une certaine alternative câblée, à faire grandir.


NOTE : 5,5/10


Une bande-annonce de la série :

27/02/2013

(K-Drama / Pilote) That winter, the wind blows : des personnages entre ombres et lumières pour un mélodrame ambivalent

 

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En ce mercredi asiatique, restons en Corée du Sud où l'année 2013 débute de façon un brin morose, avec peu de dramas se démarquant vraiment. Mais il y en a cependant au moins un qui, qualitativement, tire son épingle du jeu dans son registre de mélodrame bien huilé : il s'agit de That winter, the wind blows. Ce dernier trouve son origine dans un drama japonais datant de 2002, Ai Nante Irane Yo, Natsu. L'histoire avait déjà fait l'objet d'une adaptation en Corée du Sud avec un film Love me not, sorti en 2006. That winter, the wind blows propose donc cette fois un remake à destination du petit écran.

Ce drama est diffusé sur SBS depuis le 13 février 2013, les mercredi et jeudi soirs. 16 épisodes sont prévus. C'est l'occasion de retrouver derrière la caméra l'équipe à qui l'on doit, l'hiver dernier, Padam Padam sur jTBC, avec un scénario signé Noh Hee Kyung et une réalisation confiée à Kim Kyu Tae. Côté audiences, après cinq épisodes, ces dernières semblent solides. En ce qui me concerne, je débute That winter, the wind blows sans aucune référence, n'ayant vu aucune des versions précédentes. Après quatre épisodes, au-delà de l'émotion propre au genre, je retiens une construction narrative bien huilée et exécutée, témoignant d'un savoir-faire réel afin de convaincre les téléspectateurs de s'impliquer.

[La review qui suit a été rédigée après visionnage des 4 premiers épisodes.]

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Oh Soo est un joueur, un playboy endurci par la vie. Abandonné à sa naissance, il a grandi dans un orphelinat. Désormais adulte, il n'a que quelques attaches véritables : Jo Sung, son plus proche ami, mais aussi un homonyme également appelé Oh Soo qui utilise son adresse pour envoyer son courrier. Décidé à profiter pleinement de la vie, il enchaîne les aventures, ne voulant pas s'attacher, notamment avec ce souvenir d'une de ses amies ayant perdu la vie dans un accident sur lequel la série sera sans doute amenée à revenir. Mais c'est une de ses conquêtes qui va causer sa perte : décidée à ne pas rester qu'une simple passade, elle le piège et le fait tomber pour une escroquerie qu'il n'a pas commise. Oh Soo est envoyé en prison où il passera une année. Au cours de son arrestation, mouvementée, son homonyme est victime d'un accident et perd la vie.

A sa libération, criblé de dettes, Oh Soo n'a plus qu'une vie en sursis s'il ne parvient pas à rembourser ce qu'il doit. C'est alors qu'une opportunité d'escroquerie inattendue lui offre une voie pour s'en sortir. Son ami-homonyme désormais décédé affirmait bien être le fils d'un important PDG, parti vivre avec sa mère après le divorce, mais ses camarades n'avaient jamais cru à ses histoires. Or Oh Soo est un jour contacté par l'avocat du président du conglomérat, qui le prend pour le véritable Oh Soo puisque les deux cohabitaient à la même adresse. Le décès du chef d'entreprise a ouvert la succession : l'héritage destiné à sa fille ne doit-il pas aussi être étendu à ce fils perdu de vue ? Oh Soo voit là une opportunité unique pour éponger ses dettes : se faire passer pour son ami. Il fait alors la rencontre de sa soeur, de qui tout dépend pour obtenir une part de la fortune en jeu.

Seulement Oh Young est une jeune femme qui a connu, elle aussi, son lot d'épreuves. En plus du divorce déchirant de ses parents, elle est tombée malade durant son enfance et a perdu la vue. Devenue aveugle, chargée de regrets, elle se protège par une méfiance constante et désillusionnée, souvent proche de la paranoïa. Elle avait bien gardé l'espoir de renouer avec son frère, mais elle le manqua de peu le jour de l'arrestation de Oh Soo qui lui fut justement fatal. Un an plus tard, elle accueille froidement celui qui prétend être son seul parent encore en vivant. Oh Soo va devoir essayer de gagner sa confiance, et pour cela, lui réapprendre à vivre, elle qui s'est si bien protégée dans sa tour d'ivoire.

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That winter, the wind blows a tout d'abord pour lui une narration assurée et maîtrisée. L'écriture est fluide, le rythme régulier, permettant une progression de l'intrigue sans temps mort. Le drama se réapproprie les ingrédients classiques du mélodrame, avec ses tragédies et ses nombreuses épreuves qui s'abattent sur les personnages, sans tomber dans un pathos trop pesant. Tout n'est pas sacrifié sur l'autel de l'émotion : la fiction peut avant tout s'appuyer sur un scénario aux ressorts familiers, où tout s'emboîte efficacement dans un engrenage qui prend des allures d'inélectable. Derrière des atours traditionnels, la mise en scène est appliquée, exploitant chaque thème avec sérieux. A partir de là, l'atout de ce drama va reposer sur les rapports, tout en ombres et lumières, de ses différents personnages.

La paire formée par le duo principal fonctionne en effet très bien : elle cultive et se nourrit des ambivalences de chacun, pour dévoiler peu à peu leurs différentes facettes. Oh Soo n'est pas qu'un playboy, c'est un être abîmé par la vie qui n'en reste pas moins intensément attaché à cette dernière. A mesure qu'il s'investit auprès de Oh Young, la neutralité de l'escroc disparaît peu à peu derrière une humanité qui prend le dessus et l'amène à s'investir au-delà du plan initial uniquement matériel. Quant à Oh Young, elle suit aussi une trajectoire nuancée : elle débute armée d'une dignité froide et hautaine, entièrement sur la défensive. Mais derrière cette force apparente, c'est une jeune femme dont les blessures accumulées depuis l'enfance sont toujours béantes. A la fois dure et fragile, traversée par un désespoir profond qui la conduit à flirter avec la mort, elle a tout d'une héroïne de fiction qui peut fasciner.

La combinaison et la confrontation de ces personnalités multidimensionnelles permet à That winter, the wind blows de s'orienter vers des dynamiques classiques en empruntant des chemins détournés, chargés d'ambiguïtés à l'image des rapports qui se construisent entre Oh Soo et Oh Young durant ces premiers épisodes. Le frère de Oh Young était son protecteur, et elle chérit toujours des souvenirs d'enfance. Oh Soo prend sa place. Si Oh Young apparaît d'abord à ses yeux comme une cible, elle devient ensuite une femme. Son infirmité a ici son utilité narrative : elle permet de jouer sur l'ambivalence des regards de Oh Soo, voire de ses gestes, qui laissent transparaître des émotions contradictoires. La manière dont les positionnements de chacun fluctuent intrigue et interpelle. Le traitement de certains personnages secondaires suit d'ailleurs une même recette, à l'image de la caractérisation de la belle-mère de Oh Young.

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Si That winter, the wind blows présente un ensemble solide sur le fond, son autre grand atout est formel : ce drama est tout simplement superbe visuellement. Prenant le temps de jouer sur le décor et sur les couleurs, la caméra offre de belles images aux yeux du téléspectateur, notamment quelques passages en extérieur absolument magnifiques après une scène d'ouverture glacée et enneigée à souhait. Durant les tout premiers épisodes, il est sans doute possible de lui reprocher une tendance à préférer les gros plans qui parfois rend les coupes un peu brutales, mais en dehors de ce petit détail, c'est un plaisir que de s'installer devant ce drama. D'autant plus que la bande-son est également parfaitement à la hauteur, avec toute la palette musicale propre au mélodrame qui y est exploitée, qu'il s'agisse de thèmes instrumentaux au piano ou au violon, ou de ballades musicales mélancoliques. On a là une OST riche qui accompagne parfaitement la tonalité du drama.

Enfin That winter, the wind blows dispose d'un casting très correct, avec deux acteurs principaux qui savent s'approprier leur rôle respectif. Si Jo In Sung (What happened in Bali) a parfois tendance à un peu trop en faire, il capture très bien l'ambivalence de son personnage, entre escroc endurci et une humanité qui laisse entrevoir quelques éclats de vulnérabilité. Quant à Song Hye Kyo (Full House), elle sait pareillement jouer sur la corde sensible, sa froideur restant un moyen de défense dont la jeune femme a d'autant plus besoin qu'elle est infirme. A leurs côtés, ou plus précisément entourant Oh Sook, ses deux complices sont interprétés par Kim Bum (Padam Padam) et Jung Eun Ji (Answer Me 1997) ; leurs jeux sont limités, mais ils ont l'assurance qui convient. On croise également quelques têtes familières du petit écran sud-coréen, comme Bae Jong Ok, Kim Tae Woo ou encore Kim Kyu Chul.

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Bilan : That winter, the wind blows signe des débuts solides, en proposant une exploitation plutôt habile et intéressante d'un mélodrame dont les ressorts restent classiques. La fiction dispose de deux atouts ne demandant qu'à être exploités. D'une part, il faut signaler une narration fluide où l'on retrouve une impression d'enchaînements inéluctables : tout se succède sans temps mort et il est facile de se laisser prendre au jeu. D'autre part, elle peut capitaliser sur un duo principal aux facettes multiples dont on a envie de voir se développer les rapports et les connaissances l'un de l'autre.

Entre ambivalence et tradition, porté par des émotions contradictoires, That winter, the wind blows semble avoir trouvé un intéressant équilibre à cultiver. A suivre.


NOTE : 7/10


Une bande-annonce de la série :

Une chanson de l'OST :