03/10/2013
(K-Drama / Pilote) The Suspicious Housekeeper : une étrange gouvernante au sein d'une famille endeuillée
Il vous avait manqué, le revoilà, le rendez-vous asiatique... du jeudi, pour cette semaine. Aujourd'hui, je vous propose de prendre la direction de la Corée du Sud pour un drama un peu particulier. Si vous me lisez régulièrement, vous connaissez mes réticences vis-à-vis des remakes : cela peut aller de la réaction épidermique à la franche mauvaise foi suivant la qualité de l'adaptation et de l'originale. Cependant, parallèlement, je reste une sériephile curieuse. Et quand la télévision sud-coréenne adapte le grand succès japonais de 2011, Kaseifu no Mita, je ne peux résister à l'envie d'y jeter un oeil.
The Suspicious Housekeeper a débuté sur SBS le 23 septembre 2013, diffusée les lundi et mardi soirs. Elle est annoncée pour une durée de 20 épisodes, donc bien plus longue que l'originale qui comptait seulement 11 épisodes, lesquels étaient en plus beaucoup plus courts que le format sud-coréen d'épisodes dépassant 1h. Le scénario a été confié à Baek Woon Chul, et la réalisation à Kim Hyung Shik. Pour tout vous dire, même si je ne me suis pas installée devant ma télévision à reculons, je ne vous cache pas que j'étais assez sceptique de voir porter à l'écran un telle adaptation. Ces premiers épisodes n'ont pas balayé toutes mes réserves.
The Suspicious Housekeeper s'ouvre sur des funérailles : celle d'une mère de famille laissant derrière elle quatre enfants sans repères, ainsi qu'un mari dépassé par le rôle de père et les responsabilités qui lui sont soudain confiées, lui qui préfèrerait se consacrer à sa carrière et à sa maîtresse. Ce dernier décide de louer les services d'une gouvernante pour remettre de l'ordre dans la maison et assurer les tâches du quotidien. L'agence à laquelle il s'adresse lui envoie une employée très particulière : Park Bok Nyeo. Appliquée et consciencieuse, elle est incapable de sourire et reste invariablement impassible. Elle exécute aussi tous les ordres - quels qu'ils soient - sans broncher. Sa supérieur conseille d'ailleurs de faire attention : si on lui donnait l'ordre de tuer quelqu'un, il se pourrait bien qu'elle l'exécute...
Malgré son étrangeté, Park Bok Nyeo s'intègre au sein de la famille brisée et dysfonctionnelle qui l'emploie, provoquant des réactions qui permettent à chacun d'exprimer ce qu'il a sur le coeur. Cependant, la maisonnée frôle l'implosion lorsque la vérité sur le drame qui les a durement touchés est révélée. Outre le récit d'une famille en ruines et à reconstruire, le drama invite le téléspectateur à s'interroger : qui est vraiment cette gouvernante ? Quels secrets passés dissimule-t-elle ?
Au cours de ses deux premiers épisodes, la trame de The Suspicious Housekeeper suit un schéma relativement fidèle au drama d'origine. La série respecte les deux grandes sphères narratives qui avaient fait la force de Kaseifu no Mita : le mystère du personnage de Park Bok Nyeo et le difficile travail de deuil au sein de la famille Eun. Concernant le premier point, nul doute que la gouvernante intrigue. Sa froide impassibilité, combinée à l'excellence de ses compétences - de ses qualités de cuisinière à ses capacités de mathématicienne -, interpelle. Ses non-réactions et la manière abrupte dont elle peut prendre congé de conversations très importantes vont à rebours de toute convention sociale. Souvent, l'étalage de ses connaissances tient du spectacle, mais, dès qu'une pointe plus inquiétante se fait jour, The Suspicious Housekeeper prend son envol : la scène finale du premier épisode fait office d'électrochoc, à la suite de l'avertissement sur les dangers de l'obéissance aux ordres de Bok Nyeo. Deux problématiques sont ainsi à exploiter : en plus de se demander jusqu'où la gouvernante peut aller et quels actes elle peut commettre dans le cadre de ses fonctions, elle s'impose comme une énigme. Pourquoi est-elle ainsi ?
Si tous les ingrédients sont posés pour susciter le mystère, il faut cependant avouer que les débuts de cette version sud-coréenne fonctionnent moins bien que ceux de Kaseifu no Mita qui capitalisait sur une dimension inquiétante plus prononcée. La faute peut-être à une narration dont la tonalité se disperse trop facilement. De plus, l'écriture verse dans quelques excès dispensables, manquant de la subtilité attendue devant à certaines situations. Car, parallèlement aux questions provoquées par Bok Nyeo, c'est dans une famille en train d'imploser que The Suspicious Housekeeper nous plonge. Le drama évoque la douleur de ces enfants privés de leur mère, mais aussi la faillite complète de ce père et de ce mari. Des ajustements restent à opérer : certains enfants sont vite crispants, et le père est encore trop renfermé pour que le téléspectateur dépasse l'antipathie instinctive générée par ses actions. L'équilibre était plus immédiat dans Kaseifu no Mita. Cependant, au sein de ce tableau de famille désagrégée, et dans les déchirures qui se poursuivent au gré des révélations - s'accélérant efficacement durant le second épisode -, se perçoit un vrai potentiel narratif, lequel ne demande qu'à être mis en valeur par une écriture plus fine.
Sur la forme, The Suspicious Housekeeper reste plutôt en dedans, avec une réalisation sans prise de risque, extrêmement classique. Si quelques scènes sont assez réussies - la scène dans la rivière du premier épisode, par exemple -, dans l'ensemble, le visuel est très quelconque. Quant à la bande-son, on y retrouve certaines des incertitudes liées à la tonalité du récit, avec le surgissement pas toujours opportun d'une musique soudain légère plus orientée comédie, avec des passages d'une ambiance à l'autre soient toujours bien dosés.
Enfin, côté casting, c'est Choi Ji Woo (Winter Sonata, Can't Lose) qui interprète la mystérieuse gouvernante : l'impassibilité exigée par son rôle rend la performance presque minimale. Ayant logiquement tendance à la comparer avec Matsushima Nanako, j'ai trouvé qu'il lui manquait ce petit quelque chose grâce auquel l'actrice japonaise apportait une aura très particulière à cette figure étrange ; cependant, Choi Ji Woo est pleinement entrée dans son personnage. Au sein de la famille qui l'accueille, Lee Sung Jae (A wife's credentials) incarne ce père dépassé : c'est en faisant ressortir ses failles qu'il saura l'humaniser. Quant aux quatre enfants, les performances sont très diverses : Chae Sang Woo, dans le rôle du fils le plus âgé, vite l'insupportable, tandis que Kim So Hyun sait se montrer plus assurée en tant que fille aînée ; Nam Da Reum et Kang Ji Woo complètent le tableau familial. Il manque peut-être pour l'instant l'homogénéité du drama japonais. Enfin Wang Ji Hye (President, Personal Preference) interprète la maîtresse de Sang Chul.
Bilan : A mi-chemin entre le drame familial et le mystère intrigant que représentante la gouvernante, The Suspicious Housekeeper se réapproprie assez fidèlement les ingrédients qui avaient fait l'efficacité de la série d'origine. Ce drama entraîne le téléspectateur dans des dynamiques difficiles, mais ambitieuses, face à une famille en cours de désagrégation suite au deuil qui l'a frappé. L'écriture est correcte, mais manque de finesse, notamment avec des changements de tons et des excès pas toujours heureux. L'ensemble intrigue, sans pour autant parvenir à susciter la même aura inquiétante que Kaseifu no Mita.
En résumé, des réglages sont encore nécessaires. Je pense que si je n'avais pas vu et apprécié Kaseifu no Mita, j'aurais donné quelques épisodes de plus à The Suspicious Housekeeper pour s'installer. Je retenterai peut-être un peu plus tard en fonction des échos que je lirai sur le drama. Pour les curieux amateurs de mélange des genres.
NOTE : 6,25/10
Un extrait du premier épisode :
Une chanson de l'OST :
19:12 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : k-drama, sbs, the suspicious housekeeper, choi ji woo, lee sung jae, wang ji hye, kim so hyun, chae sang woo, nam da reum, kang ji woo, kim hee jung | Facebook |
28/08/2013
(K-Drama / Pilote) Two Weeks : compte à rebours impitoyable aux portes du mélodrame
En ce mercredi asiatique, retour en Corée du Sud, où une vague de nouveautés est arrivée ces dernières semaines. Depuis le printemps, vous avez dû remarquer que j'ai souvent jeté mon dévolu sur des séries sud-coréennes riches en tensions et/ou en actions (Empire of Gold, Cruel City, Shark... et même The End of the world ou The Virus), plutôt que sur des fictions légères. Chaque téléspectateur a ses affinités d'un jour et ses humeurs. Ceci dit, la lassitude commençant à pointer, je m'étais promis de rediversifier un peu mes visionnages... Mais, en attendant, j'ai été incapable de résister à tester Two Weeks, en guise de première nouveauté d'août. La diversification, ce sera pour le mois prochain !
Two Weeks est diffusé sur MBC depuis le 7 août 2013, les mercredi et jeudi soirs. Derrière ce drama promis d'être un thriller teinté de mélodrame, on retrouve à l'écriture So Hyun Kyung (Shining Inheritance, Prosecutor Princess, 49 Days) qui s'essaie donc cette fois au registre du suspense, tandis que la réalisation a été confiée à Son Hyung Suk (Personal Preference). Côté casting, le drama devrait s'assurer une certaine visibilité avec la présence de Lee Jun Ki. Sur le papier, Two Weeks laissait entrevoir des promesses, mais aussi certaines réserves au vu du projet annoncé. Et je dois dire que les trois premiers épisodes ne m'ont pas pleinement convaincu...
[Cette review a été rédigée après les trois premiers épisodes.]
Jang Tae San est un petit escroc, obnubilé par les femmes et les jeux d'argent, qui vit au jour le jour et sans assumer la moindre responsabilité. Pas particulièrement apprécié dans son milieu, il ne se préoccupe guère de l'opinion des autres. Sa perspective change le jour où une ancienne petite amie, Seo In Hye, vient le voir sur son lieu de travail. Ils se sont séparés de manière très douloureuse il y a plus de huit ans, Tae San la pressant alors d'avorter de l'enfant qu'elle attendait. In Hye n'a cependant pas fait ce qu'il réclamait : elle a eu, et élevé seule, une petite fille, Soo Jin.
Désormais fiancée, In Hye aurait tout pour être heureuse. Malheureusement, sa fille est atteinte de leucémie : sans donneur, elle est condamnée. Elle vient demander à Tae San de passer les examens permettant de déterminer s'il peut être un donneur compatible : il est son dernier espoir pour sauver Soo Jin. Après avoir hésité, le jeune homme accepte de se rendre à l'hôpital. Les résultats sont positifs, et l'opération est fixée dans 14 jours. L'échéance commence pour préparer médicalement la petite fille, sans retour en arrière-possible si le donneur fait faux bond. Or Tae San est piégé par un dirigeant de la pègre locale : il est arrêté par la police sur les lieux d'un meurtre et accusé du crime qu'il n'a pourtant pas commis.
Échappant aux autorités, il a deux semaines pour rester en vie et sauver sa fille, avec la police, mais aussi des tueurs, lancés à ses trousses.
Two Weeks connaît les classiques du petit écran de son pays : de la leucémie au thème de la corruption des élites, les ressorts sont familiers et le téléspectateur ne doute pas un seul instant être installé devant un drama sud-coréen. Au point de sonner par moment très "déjà vu" et de frustrer quelque peu par manque d'innovation. Le concept de départ pose cependant un mélange intriguant et prometteur, permettant de jouer sur plusieurs tableaux en oscillant entre émotion dramatique et thriller à suspense. Tout l'enjeu va être de parvenir à trouver le bon dosage et de marier ces tonalités. Sur ce point, les premiers épisodes sont corrects, même si l'écriture laisse entrevoir ses limites.
Le grand atout du drama, ce qui renforce la curiosité d'un téléspectateur qui mettrait un peu de temps à s'acclimater, est qu'il s'agit d'une histoire construite comme un compte-à-rebours, avec l'opération programmée pour sauver la fille de Tae San en guise d'échéance. Les objectifs sont donc clairement définis, on sait où l'on va : l'enjeu est, pour Tae San, d'arriver en vie (et si possible libre) au terme du récit. Le tout s'anime suivant un rythme narratif régulier, sans précipitation artificielle, même si le drama tire parfois un peu trop sur la corde en gagnant du temps face à certains développements, ce qui cause quelques longueurs.
A partir de ce cadre, Two Weeks dispose d'un autre atout d'importance : le personnage de Tae San. Représentant l'anti-héros par excellence et toute l'ambivalence qui s'y rattache, il s'est enfermé dans une spirale sans lendemain, jouant les irresponsables et les gigolos d'un soir. Traité avec mépris par ceux qui l'entourent, il a parfaitement conscience de sa situation et n'est pas loin de partager leur opinion. L'arrivée de son ex-amie, la découverte de sa paternité et, surtout, pour la première fois, la possibilité qui lui est offerte de réaliser une action qui compte, changent soudain la donne. Alors qu'il avait baissé les bras, c'est une voie possible de rédemption qui lui est ouverte. Ne laissant pas indifférent, il implique le téléspectateur dans cette quête hésitante vers le rachat.
Malheureusement, Tae San est isolé : les autres personnages sont moins soignés, avec un problème au niveau des figures féminines unidimensionnelles et souvent faibles. Plus qu'In Hye, lisse et passive, dans un rôle pour l'instant limité, c'est la procureure Park Jae Kyung qui signe l'entrée la moins convaincante. Alors que son personnage a un fort potentiel - elle est la seule parmi les autorités à pouvoir comprendre ce qui s'est passé -, elle se révèle inconsistante et vaguement hystérique. Cette inégalité générale de traitement est assez frustrante, car si le drama repose à juste titre sur les épaules de Tae San, il se retrouve déséquilibré par l'absence de pendant à cette figure centrale.
Sur la forme, Two Weeks déçoit un peu : sa réalisation moyenne, et assez générique, ne parvient pas à insuffler le souffle dramatique que l'histoire devrait pouvoir générer. Si le réalisateur amuse par quelques clins d’œil cinématographiques (en incluant des images de films comme Le Fugitif), les effets de style tentés tombent souvent à plat. La bande-son n'est pas non plus particulièrement marquante, à part quelques fulgurances : elle est un arrière-plan sonore pas toujours bien utilisé, alors même que la chanson principale de l'OST est correcte (cf. la deuxième vidéo ci-dessous).
Enfin, Two Weeks rassemble un casting qui m'est a priori sympathique, mais qui souffre un peu des limites de l'écriture et de la mise en scène. Une question de réglage au démarrage peut-être. Lee Jun Ki (Time between Dog and Wolf, Iljimae, Arang and the Magistrate) entraîne sans difficulté le téléspectateur dans les dilemmes de son personnage sombre pour lequel le téléspectateur cherche et espère instinctivement une voie vers la rédemption. Park Ha Sun (Dong Yi) évolue pour le moment dans un rôle larmoyant assez limité de mère inquiète pour son enfant, épaulée par Ryu Soo Young (Ojagkyo Brothers, The Lawyer of the Great Republic Korea), à la fois policier et futur beau-père. Mais celle qui m'a le moins convaincu est Kim So Yeon (IRIS, Prosecutor Princess, Doctor Champ). J'écris cela avec regret car je l'apprécie, mais les excès de son personnage n'ont pas posé une assise crédible à une figure pourtant prometteuse. L'actrice sur-joue trop et rate le coche. Quant aux opposants, si Kim Hye Ok s'impose en politicienne retorse cachant bien son jeu, Jo Min Ki est bien transparent pour devenir un méchant d'envergure.
Bilan : Empruntant des ingrédients narratifs éprouvés du thriller comme du mélodrame, Two Weeks a pour lui un concept efficace, avec un vrai potentiel. Le drama peut en plus s'appuyer sur une figure centrale convaincante, anti-héros ambivalent dont le téléspectateur va guetter l'éventuel rachat. Cependant, l'écriture assez balisée laisse entrevoir des limites dès ces premiers épisodes. Plus problématiques, les personnages féminins déséquilibrent pour le moment le récit. La réalisation n'a pas non plus l'apport attendu dans ce type de fiction qui prêtant mêler tension et émotion. Two Weeks signe donc une introduction en demie teinte, et je ne suis pas certaine de me prendre au jeu longtemps si elle ne corrige pas certains aspects.
NOTE : 5,75/10
Une bande-annonce du drama :
Une chanson de l'OST :
18:00 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : k-drama, mbc, two weeks, lee jun ki, park ha sun, kim so yeon, ryu soo youn | Facebook |
31/07/2013
(K-Drama / Première partie) The Blade and Petal (Sword and Flower) : un amour impossible sur fond de chute d'un royaume
"Flowers wither like love, only blades are eternal."
Retour en Corée du Sud en ce mercredi asiatique pour parler sageuk (série historique). Tandis que War of the Flowers - Cruel Palace se poursuit sur jTBC, de nouveaux dramas de ce genre ont été lancés ces dernières semaines sur les grandes chaînes. Certains sont malheureusement plutôt à oublier, comme Jung Yi, the Goddess of Fire sur MBC, en dépit de la présence de Moon Geun Young. Un autre a en revanche autrement retenu mon attention : The Blade and Petal. Cette série a débuté le 3 juillet 2013 sur KBS2. Diffusée les mercredi et jeudi soirs, elle est prévue pour le moment pour une durée de 20 épisodes. Etant donné ses mauvaises audiences, il est peu probable qu'elle soit rallongée (espérons qu'elle ne soit pas raccourcie).
Initialement, c'est un intéressant article publié sur The Vault au sujet de son storytelling qui a aiguisé ma curiosité pour cette fiction. Sur le papier, son synopsis s'inscrit en effet dans les canons classiques du genre, en revanche, visuellement, The Blade and Petal offre autre chose. Sa réalisation a été confiée à Kim Yong Soo, dont certains parmi vous se souviennent certainement du travail d'ambiance assez fascinant réalisé dans White Christmas. En somme, si The Blade and Petal n'innove pas sur le fond, la forme se montre bien plus entreprenante, voire expérimentale. Tout n'est pas parfait, mais il y a un vrai souffle qui anime ce drama, dans lequel je me suis laissée emporter avec plaisir.
[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des huit premiers épisodes.]
The Blade and Petal se déroule au VIIe siècle, à la fin de la période que l'on désigne sous le nom des Trois Royaumes, qui étaient composés de Silla, Baekje et Goguryeo. C'est au sort de ce dernier, le royaume de Goguryeo, que le drama s'intéresse : il va nous relater sa chute, face à la dynastie chinoise Tang et au royaume de Silla, lequel unifiera la péninsule coréenne. Dès les premières scènes, le cadre est posé avec la narration de la princesse Moo Young qui, à côté des ruines fumantes de ce qui fut Goguryeo, s'interroge sur les raisons qui ont précipité son royaume vers sa perte, se remémorrant l'engrenage d'évènements qui allait être fatal. Le drama nous ramène alors au début des tensions avec les Tang, alors que la perspective d'une guerre semble de plus en plus inévitable et que le royaume est de plus en plus divisé.
Tandis que le général Yeon Gae So Mun, le plus haut dignitaire militaire, presse à prendre les armes et à répondre aux provocations chinoises, le roi Young Ryu s'efforce au contraire de freiner ses ardeurs guerrières, estimant que Goguryeo doit se préparer et ne pas se précipiter vers la manière forte. L'opposition entre ces deux hommes qui sont les plus puissants du royaume ne cesse de croître. C'est dans ce contexte déjà difficile que Moo Young fait la rencontre de Yeon Choong. Les deux jeunes gens s'éprennent instantanément l'un de l'autre. Habile combattant, Choong entre même au service de la princesse. Seulement, Moo Young ignore sa réelle identité : il est en fait le fils illégitime du général Yeon, renié par ce dernier, mais venu à la capitale pour rencontrer ce père absent.
L'amour naissant entre Moo Young et Yeon Choong se retrouve pris au piège de la rivalité qui oppose leurs pères. Lorsque l'inéluctable confrontation se produit, les liens du sang et les liens des sentiments se brouillent... La vengeance va-t-elle succéder à l'amour ?
The Blade and Petal se réapproprie une thématique classique : celle de l'amour impossible, déchirant voire autodestructeur, dans la droite lignée d'un Roméo et Juliette. Les sentiments se heurtent violemment à la loyauté familiale, les deux personnages se trouvant écartelés par l'antagonisme de leurs pères. Au cours de ce premier tiers, la série s'attarde sur leurs tiraillements, sur les dilemmes si difficiles à trancher auxquels ils sont confrontés, soulignant combien l'amour semble toujours finir par guider leurs pas, malgré eux, parfois même en dépit de leur raison. Le téléspectateur s'implique sans difficulté dans ce double destin croisé, inachevé et chargé de regrets. Tout se ressent de manière très intense, et l'émotion n'est jamais loin. L'écriture n'a guère à forcer le trait pour acquérir des accents tragiques shakespeariens : le poids des sentiments devient bien douloureux à porter lorsque l'affrontement sort du seul cadre politique et que les complots visant à éliminer le clan adverse prennent forme.
Ces huit premiers épisodes forment une escalade : l'apogée annoncé est le coup d'Etat aboutissant à l'élimination d'un des deux camps - il se réalise finalement dans le huitième. La narration trouve le bon dosage pour nous plonger dans des jeux de cour létaux et dans une montée inéluctable des tensions, tout en ne négligeant jamais les incidences de ces évènements sur les deux jeunes gens placés au centre de l'histoire. Les enjeux sentimentaux sont imbriqués aux luttes de pouvoir en cours. Ironiquement, c'est alors qu'il semblait avoir été définitivement rejeté par son père, que la filiation de Choong acquiert une toute autre dimension : il est un pion projeté sur l'échiquier du royaume, un enjeu pour le roi, mais aussi pour son général de père. Ce lien familial n'est pas appréhendé de la même manière par Moo Young qui, elle, remet en cause ses sentiments, tout en retenant la fidélité manifeste de Choong. Un tournant définitif dans leur relation est cependant franchi lors du coup d'Etat qui signe la mort du roi de la main du général. Le basculement a lieu, le Rubicon est franchi : le désir de vengeance peut désormais se mêler à l'amour, et troubler encore un peu plus ce duo principal.
The Blade and Petal développe donc une histoire classique, entre romance et pouvoir, qui s'inscrit parfaitement dans les canons d'un sageuk. L'originalité du drama ne tient pas à son fond, mais à la manière dont cette histoire va être racontée et mise en scène. Si certaines fictions présentent une réalisation neutre et calibrée, que l'on qualifierait aisément d'interchangeable, ce n'est pas du tout le cas de celle proposée par Kim Yong Soo. En effet, ce dernier se montre particulièrement interventionniste, multipliant des effets de style qui peuvent un temps dérouter, voire surprendre, avant que le téléspectateur ne se prenne au jeu. C'est la caméra qui rythme ici le récit, proposant presque sa propre narration qui se substitue aux dialogues : elle appuie sur les regards, répète certaines scènes, repasse des moments en suivant différentes perspectives, et plus généralement joue sur une théâtralisation de l'écran qui est poussée à son paroxysme.
Les épisodes semblent trouver leur propre souffle sous la direction d'un réalisateur orchestrant images et musique. Il use dans cette optique d'une bande-son omni-présente qui donne une dynamique à l'ensemble. L'utilisation d'instrumentaux modernes souvent entraînants, loin de toute musique traditionnelle, ainsi que de la chanson phare de l'OST (cf. la 2ème vidéo ci-dessous), tombe le plus souvent juste. The Blade and Petal limite les dialogues et raccourcit les échanges, parlant au téléspectateur visuellement et musicalement. Les scènes paraissent parfois des tableaux s'animant sous nos yeux, poussant la symbolique à son maximum, voire au-delà. La caméra devient un acteur à part entière du récit, dépassant le seul scénario pour aposer sa marque sur la narration. Si bien que l'exécution de l'histoire apparaît presque prendre le pas sur son contenu, un choix dans lequel tous les publics ne s'y retrouveront pas. Signe que la réalisation reste à un stade expérimental, elle ne transforme pas toutes ses tentatives : elle a notamment quelques longueurs, et cède parfois à des répétitions de scènes un peu trop excessives. Mais l'ensemble constitue un effort aussi louable qu'intéressant.
Enfin, The Blade and Petal peut s'appuyer sur un assez solide casting. Concernant les deux représentants de cette romance qui ne peut pas être, c'est Kim Ok Bin (Hello God, Over the rainbow) qui interprète la princesse Moo Young ; tandis que Uhm Tae Woong (Resurrection, The Devil, Dr Champ, The Equator Man) joue Yeon Choong. Leurs scènes communes fonctionnent, et la caméra n'a pas à forcer artificiellement le lien qui se noue entre leurs peronnages. Ensuite, pour incarner leurs pères respectifs, on retrouve Kim Young Chul (IRIS, The Princess' Man), qui interprète le roi, et Choi Min Soo (The Sandglass, The Legend, Warrior Baek Dong Soo) qui joue le général Yeon. Il faut reconnaître à ce dernier une certaine tendance au sur-jeu de la stoïcité au cours des premiers épisodes. Mais les deux forment de solides adversaires à l'écran, et ils délivrent notamment une marquante ultime confrontation. Du côté des rôles plus secondaires, Ohn Joo Wan (Chosun Police) incarne ce cousin royal qui trahit son oncle pour un trône et un pouvoir placé sous la dépendance militaire du général. On retrouve également Lee Jung Shin (du groupe CNBLUE), ou encore Park Soo Jin (My Girlfriend is a Gumiho, Flower Boy Next Door).
Bilan : The Blade and Petal est l'histoire d'une romance impossible, sur laquelle se superpose la fin d'un royaume qui s'apprête à disparaître. Cela confère au récit une dimension émotionnelle, aux accents forcément tragiques, qui happe le téléspectateur. Le scénario est classique, bien huilé mais prévisible. La valeur ajoutée de ce drama vient de la manière dont cette histoire est racontée et portée à l'écran : la caméra très interventionniste orchestre et mène à la baguette un récit auquel elle donne vie et ampleur, se faisant acteur à part entière de la narration. L'initiative est intéressante, même si l'expérience n'est pas toujours parfaite, avec quelques excès. Peut-être que tous les publics ne parviendront pas à adhérer à ce style, mais The Blade and Petal n'en est pas moins un solide sageuk dont le souffle saura emporter plus d'un téléspectateur curieux. Un sageuk qui aura aussi très bien réussi son premier apogée constitué par le coup d'Etat attendu. A découvrir.
NOTE : 7,5/10
Une bande-annonce du drama :
La chanson principale de l'OST (Dear love, de WAX) [Vidéo sous-titrée anglais] :
10:54 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : k-drama, kbs, the blade and petal, sword and flower, kim ok bin, uhm tae woong, kim young chul, choi min soo, ohn joo wan, lee jung shin, park soo jin | Facebook |
17/07/2013
(K-Drama / Pilote) Empire of Gold : ton univers impitoyable
En ce mercredi asiatique, je vous propose de rester en Corée du Sud. Il est en effet temps de jeter un oeil aux nouveautés de ces dernières semaines, et plus précisément, sur celle qui, comme je vous l'avais annoncée, aiguisait le plus ma curiosité : Empire of Gold et ses promesses de confrontations implacables, parsemées de twists.
Ce drama est diffusé sur SBS, les lundi et mardi soirs, depuis le 1er juillet 2013. Côté coulisses, on retrouve à l'écriture Park Kyung Soo, à la réalisation Jo Nam Kook, et à la production Lee Hyun Jik. Ces derniers n'en sont pas à leur coup d'essai ensemble, puisqu'il s'agit de l'équipe à qui l'on doit The Chaser, un drama diffusé l'an dernier également sur SBS. L'occasion de me rappeler que je n'ai toujours pas vu The Chaser... Mais il figure en bonne place parmi ma liste sud-coréenne à visionner ! Une envie de rattrapage d'autant plus accentuée par les débuts très prometteurs que signe Empire of Gold : c'est aussi sombre et impitoyable qu'attendu, mais c'est aussi très prenant en dépit de l'aridité du monde des affaires dans lequel le téléspectateur est entraîné.
[La review qui suit a été rédigée après le visionnage des 4 premiers épisodes de la série.]
Empire of Gold s'ouvre au début des années 90. Jang Tae Joo est alors un simple étudiant, issu d'un milieu modeste. Son père, travailleur infatigable, espérait pouvoir ouvrir un petit restaurant, objectif pour lequel il a travaillé toute sa vie. Malheureusement, un mauvais investissement immobilier le laisse ruiné, pion impuissant dans une bataille d'enjeux financiers autour de la reconstruction de quartiers. Dans les incidents qui émaillent les protestations qui suivent, il est mortellement brûlé. Tae Joo sacrifiera vainement son avenir pour quelques liquidités qui devaient permettre de lui offrir un traitement nécessaire à sa survie. Avec une mère et une soeur endeuillées et devant se débrouiller seules, Tae Joo se retrouve en prison. Cet enchaînement d'évènements va le conduire à redéfinir ses priorités et à reconsidérer les opportunités qui méritent d'être saisies...
Le puissant groupe Sungjin qui a broyé la famille de Tae Joo dans ces affaires immobilières appartient à la famille Choi, mais, dévorée par les ambitions et les égos de chacun, l'entente est loin d'y régner en interne. Tandis que le patriarche décline et doit affronter la maladie, tous les coups sont permis entre cousins, voire même entre frères et soeurs, pour prévaloir, avec des décisions prises qui seront fatales à certains. Fille de l'actuel président, Choi Seo Yoon l'assiste armée d'une détermination sans faille. Son principal rival est son cousin, Choi Min Jae : les deux perpétuent la relation conflictuelle de leurs pères respectifs. Min Jae est justement celui qui était responsable du projet immobilier qui a brisé la famille de Tae Joo.
Lorsqu'il sort de prison en exploitant un drame dans la famille Choi, Tae Joo décide de se glisser à son tour dans le monde des affaires immobilières, se montrant aussi audacieux que résolu. Il bâtit une entreprise qui le conduit à se heurter aux différents représentants de la famille Choi...
Empire of Gold démarre sur un ressort narratif le plus classique qui soit dans le petit écran sud-coréen : celui de l'antagonisme social entre riches et pauvres, puissants et faibles. Mais à partir de cette base de départ, il se démarque vite en ne s'enfermant pas dans une approche manichéenne. C'est un drama résolument sombre, impitoyable dans tous les sens du terme, dans lequel aucun personnage n'incarnera une figure de chevalier blanc. Tandis que les Choi s'affrontent pour les commandes du groupe dans une lutte où tous les coups sont permis, Tae Joo intègre vite les codes de ce milieu qu'il abhorre. Mieux, il se prend au jeu de l'adrénaline et des confrontations. Il lui aurait été possible de se retirer après un premier coup réussi, ayant offert à sa mère le restaurant dont elle rêvait tant. Mais il ne peut se résoudre à se détourner de cette voie qui a le potentiel de lui ouvrir les sommets. Poussant le parallèle jusqu'au bout, les affaires immobilières sont ici assimilées aux jeux d'argent : les projets sont autant de paris où on peut, à chaque fois, perdre entièrement sa mise initiale, voire bien plus.
Décidé à prendre sa destinée en main, Tae Joo évolue à partir du moment où il goûte au parfum de la force et du pouvoir. Il peut certes un temps opposer à ses détracteurs qu'il a, lui, conscience du mal qu'il est capable de faire aux plus faibles pour avoir été dans leur situation, seulement il dérive rapidement vers la même gestion brutale que celle de ses adversaires. De manière générale, Empire of Gold est en effet une fiction dure qui présente la vie comme un rapport de forces permanent : il s'agit d'écraser ou d'être écrasé. Dès le quatrième épisode, la compromission définitive de Tae Joo semble actée par une confrontation symbolique avec une jeune femme dont il vient de briser la vie du père : il est renvoyé dos à dos avec les Choi. La noirceur ambiante domine donc véritablement l'ensemble du drama. Chaque protagoniste agit par calcul, selon ses intérêts et sans le moindre scrupule même familial, avec un apparent détachement émotionnel qui n'est remis en cause que lors d'une poignée de situations exceptionnelles.
Fiction presque désensibilisée par le décor ainsi posé, Empire of Gold doit en plus composer avec l'aridité du monde des affaires dépeint. Les jeux immobiliers, entre spéculations et manipulations, sont des problématiques peu accessibles à l'observateur extérieur. La réussite du drama est de savoir les intégrer à la tension ambiante, avec des enjeux et des confrontations qui sont, eux, clairement identifiés. Le téléspectateur s'implique donc, happé par un rythme de narration très vif, qui ne laisse aucun temps mort. Il faut vraiment saluer une écriture qui fait preuve d'une intensité jamais prise en défaut. Les numéros de duettistes et autres confrontations s'enchaînent, parfaitement orchestrés. C'est d'ailleurs dès les premières scènes de l'épisode 1 que la série avait frappé fort et placé la barre très haut. Le contrat est par conséquent parfaitement rempli pour ce qui est de retenir l'attention. Un seul bémol sur ces développements, ou plutôt un avertissement : Empire of Gold doit se méfier du sur-régime et de la tentation d'une surenchère que ces 4 épisodes, solides, frôlent parfois. A elle de savoir s'inscrire dans la durée.
Si l'écriture est homogène et convaincante, avec plusieurs passages mêmes franchement enthousiasmants, Empire of Gold reste extrêmement académique sur la forme. La réalisation a tendance à privilégier les plans serrés, et il y a peu d'initiatives de la part de la caméra. Le drama retrouve cependant du souffle et une ampleur grâce à son ambiance musicale : il bénéficie d'une bande-son riche en instrumentaux, avec quelques envolées de musique classique qui accompagnent parfaitement la montée des tensions. En résumé, c'est un drama musicalement happant, mais visuellement un peu plat.
Enfin, côté casting, au sein du trio principal, on retrouve tout d'abord Go Soo (My Fair Lady, Will it snow for Christmas ?), à qui est confié le rôle de Tae Joo. Il a la présence qu'il faut à l'écran pour imposer son personnage - et il le prouve dès la marquante scène d'ouverture avec la confrontation face au politicien et puis sa gestion des conséquences. Je vous avoue en plus que c'est un acteur que j'ai tendance à apprécier : cela me fait donc plaisir de le retrouver ! Face à lui, Son Hyun Joo (The Chaser) est impeccable : glaçant en adversaire imperturbable et machiavélique, mais aussi capable de souligner les déchirements auxquels il se résout, notamment dans sa vie maritale. Lee Yo Won (Queen Seon Deok, 49 days) reprend, elle, le rôle de l'héritière, pour l'instant froide et déterminée, pour lequel elle délivre une interprétation honnête qu'il faudra juger dans la durée. Parmi les rôles plus secondaires, on croise également notamment Ryu Seung Soo (Sirius), ou encore Jang Shin Young (The Empress), en associée de Tae Joo, deux acteurs qui figuraient également dans The Chaser.
Bilan : Plongeant le téléspectateur dans une atmosphère aussi sombre que prenante, Empire of Gold signe des débuts convaincants. L'écriture est assurée, et le rythme narratif rapide, avec une bonne exploitation des diverses rivalités. L'intensité du récit et la noirceur ambiante contrebalancent efficacement l'aridité certaine des affaires immobilières mises en scène. Dans ce milieu calculateur où les émotions semblent comme proscrites et où les sentiments ne sont pas une donnée prise en considération, le flashforward du début du premier épisode annonce un développement (un mariage) qui aiguise la curiosité sur ses motivations réelles, d'autant que pour le moment Tae Joo et Seo Yoon sont au mieux indifférents l'un l'autre, au pire adversaires. En résumé, ce sont là des débuts prometteurs qui savent retenir l'attention du téléspectateur. A surveiller... en espérant que le drama assure dans la durée !
NOTE : 7,25/10
Une bande-annonce de la série :
20:25 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : k-drama, sbs, empire of gold, go soo, lee yo won, son hyun joo, ryu seung soo, jang shin young | Facebook |
03/07/2013
(K-Drama) The End of the World : un magistral thriller pandémique
Du point de vue du téléspectateur occidental, le fonctionnement du petit écran sud-coréen semblerait avoir au moins un avantage, celui de proposer des séries complètes, sans risquer de voir une fiction s'échouer tristement sur l'écueil de son non-renouvellement nous abandonnant devant un cliffhanger frustrant. Cependant la logique économique et le règne des audiences y sont tout aussi tranchants. Passons les cas des allongements impromptus où l'on va ajouter quelques épisodes à un drama en cours de diffusion, en raison de son succès, voire parce que la production de celui censé lui succéder a pris du retard. Il arrive aussi que les chiffres soient trop bas pour laisser à la série le nombre d'épisodes initialement commandés. C'est ce qui est arrivé ce printemps à The End of the World. Sauf que ce drama mériterait d'être connu pour bien d'autres raisons que la relative indifférence du public sud-coréen.
The End of the World a été diffusé sur la chaîne jTBC, du 16 mars au 5 mai 2013. Il devait initialement compter 20 épisodes, nombre qui a été ramené à 12 du fait de la faiblesse de ses audiences. S'inscrivant dans le genre classique du thriller pandémique, comme une autre série de ce printemps, The Virus, il s'agit d'une adaptation d'un roman de Bae Young Ik (au titre anglophone "Infectious Disease"). On retrouve à la réalisation, Ahn Pan Seok, qui a fait les beaux jours de jTBC l'an dernier avec la superbe A Wife's Credentials, tandis que le scénario a été confié à Park Hye Ryeon. Malgré son brutal raccourcissement, The End of the World reste une série vraiment intéressante : déjouant consciencieusement les mille et un clichés qui parsèment le petit écran sud-coréen, elle délivre une histoire solide et intense, sobre et cohérente, qui est à saluer.
The End of the World débute sur des bases très proches de l'autre drama printanier du genre, The Virus. Un virus inconnu fait plusieurs victimes, alertant le centre de lutte épidémiologique du pays. Ne figurant sur aucune des bases de données internationales et ne répondant à aucun des traitements existants, cette maladie atteint un taux de mortalité de 100% : aucun des patients n'en réchappe une fois que les symptômes se sont manifestés. Pire, si elle n'affecte que les êtres humains, elle est extrêmement contagieuse. Le risque de pandémie est d'autant plus important que la source de cette épidémie semble être un homme porteur du virus, mais dont le système immunitaire est parvenu à lui résister. Or, toujours contagieux et bouleversé par ce qui lui arrive, il fuit les autorités, refusant l'isolement qui lui est promis.
The End of the World, c'est donc l'histoire de plusieurs courses contre-la-montre. Les enjeux mis en scène sont d'envergure : il s'agit d'éviter que ne se propage une terrible pandémie. Non seulement il importe d'organiser l'isolement de tous les malades et d'établir des zones de quarantaine, mais c'est aussi sur le plan de la recherche d'un traitement que la course est engagée. Pour nous faire vivre ces storylines qui s'entrecroisent, le drama met en scène différents protagonistes, des membres d'une équipe d'intervention sur le terrain jusqu'aux dirigeants du centre de lutte épidémiologique, en passant par les scientifiques qui tentent de mettre au point un médicament. Les évènements mettront à rude épreuve l'éthique professionnelle, les loyautés et les principes de chacun.
Sur le papier, The End of the World a tout du traditionnel et familier thriller pandémique, avec la double tension sous-jacente reposant d'une part sur la propagation du virus, et d'autre part sur la mise au point d'un traitement médical. Ce qui permet au drama de se démarquer, ce n'est pas une originalité, mais le style choisi pour aborder un tel sujet. On y retrouve un souci de réalisme pointilleux et rigoureux : nulle surenchère, nulle hystérie, le scénario déjoue méticuleusement toute tentation d'artifice (le contraste avec The Virus est saisissant). L'objectif est de dérouler une histoire solide et cohérente. Le rythme est volontairement lent, faisant preuve d'un sens du détail très appréciable. La tension se construit peu à peu, permettant d'entrapercevoir une gestion de crise qui se veut authentique : cette dernière ne passe pas seulement par des interventions sur le terrain, c'est aussi tout un appareil administratif qu'il faut mobiliser. Ce sont donc des conciliabules, des compromis de hiérarchie, mais aussi de personnes... Il faut du temps pour que ces officiels prennent pleinement la mesure de ce qui est en train d'échapper à leur contrôle, et la série décrit avec rigueur tout le processus suivi.
Car la situation est bel et bien très grave : le titre du drama ("la fin du monde") n'est pas usurpé. Seulement, avant d'arriver à ce pic annoncé de la crise pandémique, The End of the World fait preuve d'une belle maîtrise d'ensemble pour poser un à un ses jalons narratifs. C'est sur ce plan que la réduction de 20 à 12 épisodes laisse bien des regrets. En entrant dans le dernier quart (au moment où le raccourcissement a été connu), le rythme se fait soudain plus rapide, avec un temps d'exposition et de mise en contexte réduit au minimum. Cependant, l'équipe créative parvient à préserver la cohérence de l'histoire. Elle est aussi capable de rester fidèle à l'arc prévu, en extrayant les éléments les plus importants. Le drama atteint dans ses derniers épisodes une intensité durablement marquante. Non seulement la pandémie entre dans un seuil critique, mais surtout la mutation du virus rend les malades doublement dangereux : la maladie agit sur leur personnalité, et la contamination de ceux qui sont censés les soigner devient un de leurs buts. Les raisonnements se font alors de plus en plus glaçants, les plans envisagés de plus en plus désespérés... Les déchirements et les deuils s'enchaînent, au cours d'une apothéose dramatique au souffle extrêmement puissant.
Série donc rigoureuse, donnant la priorité à un traitement réaliste de ses storylines, The End of the World paraît au premier abord assez froide. Pourtant, ce n'est pas un drama déshumanisé par ses enjeux. C'est même l'inverse, car, au fil du récit, il devient en plus en plus évident que par-delà le cadre de la lutte pandémique, le coeur de son sujet est en fait l'humanité. Une humanité qui n'est certainement pas placée sous son meilleur jour : elle est justement dépeinte humaine, donc faillible. Elle se fait souvent égoïste, établissant ses priorités en fonction des intérêts et attachements personnels de chacun. L'humanité, c'est cet individu infecté et contagieux qui refuse de se rendre, incapable de digérer le sort injuste qui s'acharne sur lui et d'admettre que ses efforts pour payer ses études ont été vains, tout comme les sacrifices faits sur ce bâteau de malheur. Ce sont aussi ces dirigeants du centre de lutte épidémiologique qui naviguent dans les eaux troubles des jeux politiques et carriéristes, cherchant des compromis pour préserver l'intérêt collectif sans nuire à leurs intérêts propres. De même, ce sont encore ces scienfiques qui cèdent aux querelles des égos et aux machinations alors que la survie de la société est en jeu...
Plus généralement, ce sont tous ces êtres humains frappés personnellement par la maladie, ou bien marqués par celle d'un être cher, et qui se retrouvent capables d'actes que leur raison aurait combattu en toutes autres circonstances. Cela peut les conduire aux pires extrêmités : être prêt à sacrifier les autres pour se donner une chance, ou tout simplement pour se venger de n'avoir déjà plus cette chance. Mais derrière ce tableau sombre, The End of the World éclaire aussi ce que cette humanité a de précieux : la faculté de se dépasser en temps de crise, à l'image du plongeon dans le fleuve de Kang Joo Hun pour sauver celui qui peut être la clé vers un éventuel traitement, et par ricochet pour peut-être sauver la jeune femme dont il s'est pris d'affection. Le développement de la relation entre Joo Hun et Na Hyun est d'ailleurs traité avec beaucoup de justesse, sans jamais compromettre la progression de l'intrigue, tout en offrant une accroche émotionnelle au téléspectateur. Le choix de l'authenticité au niveau du développement de la pandémie se retrouve ainsi dans les portraits dressés, ne négligeant rien des pires ressorts de la nature humaine, mais montrant aussi comment l'assemblage de ces individus, portés par des motivations très différentes, peut permettre de continuer à aller de l'avant et, à terme, préserver l'essentiel malgré tout.
En plus d'un scénario solide et abouti, c'est aussi grâce au soin porté à la forme que The End of the World se démarque : le drama a une identité visuelle très travaillée. La réalisation est superbe, avec une caméra capable de jouer dans le registre de l'intime, comme dans celui des scènes de crise. Du fait du rythme de narration relativement lent, ce sont les images qui prennent le relais pour immerger le téléspectateur dans l'histoire. Le drama se signale également par sa très bonne gestion de son ambiance musicale. Sur ce point, j'ai tendance à penser que l'on reconnaît un bon k-drama dans ce registre à sa capacité à conserver des plages de silence, à l'inverse de ces (trop nombreuses) fictions où la musique est constamment envahissante. Or The End of the World sait utiliser le silence, alternant également des instrumentaux plus rythmés et des morceaux de musique classique. Signe de cette maîtrise, un des moments presque magiques est celui où Kang Joo Hun entraîne une Lee Na Hyun malade au bord du fleuve et se met à entonner une chanson : c'est juste, touchant comme il faut. Un éphémère instant de grâce, tout simplement.
Enfin, The End of the World a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un solide casting qui a parfaitement pris la mesure de la tonalité particulière de la série : le maître-mot du jeu d'acteur est donc la sobriété, misant sur cette proximité naturelle qui s'établit avec des figures qui régissent si normalement jusque dans leurs défauts à la situation extraordinaire à laquelle elles sont confrontées. Le duo de l'équipe d'intervention qui se rapproche au fil du drama, composé de Yoon Je Moon (Tree with Deep Roots) - qui interprète le responsable de l'équipe - et de Jang Kyung Ah (Rock Rock Rock) - une nouvelle arrivante -, est parfaitement représentatif de cette approche. La complicité qui s'établit, et le glissement vers la prise de conscience de sentiments, sont superbement retranscrits, avec une fraîcheur qui va droit au coeur du téléspectateur. Et à leur côté, nul ne dépareille. On croise notamment Jang Hyun Sung (Jejoongwon, A Wife's Credentials), Kim Chang Wan (White Tower), Park Hyuk Kwon (Tree with Deep Roots, A Wife's Credentials) - qui a peut-être le rôle le moins dosé -, Yoon Bok In, Gil Hae Yun, Lee Hwa Ryong, Song Sam Dong, Kim Yong Min ou encore Park In Young.
Bilan : Parti sur les bases classiques du thriller pandémique, The End of the World est un drama d'ambiance qui fait preuve d'une rigueur et d'une authenticité remarquables tout au long de ses 12 épisodes. Privilégiant cohérence et sobriété à toute dérive artificielle, la série propose un récit soigné et appliqué, jamais précipité, où la tension monte progressivement, à mesure que la situation empire. Au fil de cette gestion de crise ainsi dépeinte, il apparaît vite que l'objet central du drama, ce sont avant tout les hommes. Dans le portrait nuancé mais sans complaisance qu'il dresse, il éclaire leur faillibilité, leur égoïsme, mais aussi cette persévérance et cette force qui leur permettent, malgré tout, de réaliser des miracles.
Par ses thèmes et la manière dont ils sont traités, The End of the World reste indéniablement une rareté dans le petit écran sud-coréen. Comme A Wife's Credentials dans un autre registre, elle est une de ces pépites dont on aimerait qu'elles ouvrent une voie dans laquelle poursuivre pour la création télévisuelle du pays du Matin Calme. En attendant, voici 12 épisodes qui méritent assurément l'investissement.
NOTE : 8,25/10
Une bande-annonce de la série :
18:17 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : k-drama, the end of the world, jtbc, yoon je moon, jang kyung ah, jang hyun sung, kim chang wan, park hyuk kwon, yoon bok in, gil hae yun, lee hwa ryong, son sam dong, kim yong min, park in young | Facebook |