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12/06/2013

(K-Drama / Pilote) Cruel City (Heartless City) : un polar noir musclé qui s'assume

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Restons en Corée du Sud en ce mercredi asiatique, pour nous intéresser à une autre nouveauté de ces dernières semaines : Cruel City (Heartless City). Le premier intérêt de cette série tient au genre investi, celui du polar noir aux accents de thriller et sur lequel flotte un parfum diffus d'Infernal Affairs revendiqué dès sa scène d'ouverture qui voit un policier infiltré se faire balancer du toit d'un immeuble. Outre mon inclinaison pour ce type d'histoire, Cruel City signe aussi le retour (post-service militaire) d'un acteur que j'apprécie, Jung Kyung Ho.

J'étais donc doublement impatiente de découvrir cette série qui, sur le papier, avait plus d'une raison de susciter quelques parallèles, dans l'esprit du téléspectateur, avec Time between Dog and Wolf, fiction prenante malgré ses défauts. Proposé par la chaîne jTBC depuis le 27 mai 2013, les lundi et mardi soirs, Cruel City signe des débuts intéressants. Leur efficacité tient à la manière dont la série assume et s'approprie pleinement son genre sombre, laissant entrevoir un potentiel indéniable (mais aussi des limites).

[Cette review a été rédigée après le visionnage des quatre premiers épisodes.]

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Suite à la mort d'un agent infiltré à laquelle on assiste en ouverture, la police décide d'intensifier sa lutte contre le crime organisé et les trafics de drogue dont ce dernier tire d'importants bénéfices. Cela conduit à la création d'une unité spécialisée. L'objectif posé initialement est clair : il s'agit de faire tomber celui que leurs informations placent tout en haut de l'organigramme mafieux, un gangster surnommé Scale. La direction de l'enquête est confiée à Ji Hyung Min. Ce fils de bonne famille (son père est procureur) choisit de délaisser le barreau pour mener une croisade contre les trafiquants de drogue, une décision prise après l'overdose de son frère. Hyung Min retrouve dans l'unité Lee Kyung Mi, jeune policière dont il est amoureux et qu'il souhaite demander en mariage.

Cependant, l'objectif des policiers va vite évoluer du fait des bouleversements que connaît l'organisation de Scale. En effet, Jung Shi Hyun, un lieutenant de Scale surnommé le Doctor's Son, fomente un véritable coup d'Etat pour renverser son patron et prendre le contrôle de la drogue. En faisant cela, il provoque un engrenage létal d'affrontements qui va avoir des conséquences sur les gangsters comme sur les policiers. Shi Hyun se retrouve soudain dans la peau de l'homme à faire tomber, quitte à instrumentaliser la police pour y arriver. Or, envoyée sous couverture pour essayer de le localiser, Kyung Mi n'a que le temps de découvrir que derrière ce pseudonyme du Doctor's Son se trouve un ami d'enfance : elle est froidement abattue par un tireur inconnu. Suite à ce drame, Soo Min, une aspirante policière dont elle était proche, accepte de prendre la relève.

Entre quêtes de vengeance, manipulations et trahisons, c'est un jeu létal entre policiers et gangsters qui va prendre place. Mais les lignes séparant les camps sont bien plus troubles que d'aucuns le soupçonnent.

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Cruel City assume et revendique son inscription dans une certaine tradition du polar noir. Ses premiers épisodes posent ainsi efficacement un univers qui échappe à toute approche manichéenne : tout y est résolument gris et sombre. Dans un cadre où toutes les allégeances sont fluctuantes, la série prend vite un malin plaisir à troubler les lignes de démarcations entre les camps. Elle réalise un travail appliqué pour construire son atmosphère, marquée par des éclats de violence, des passages de détresse, des confrontations inégales, des injustices... Par contraste, cela souligne avec plus de force les rares moments d'insouciance, issus du passé ou de projets futurs, qui sont autant de petites bouffées d'oxygène humanisant les froides figures qui s'affrontent sous les yeux du téléspectateur.

Chacun agit suivant des intérêts qui lui sont propres. Les motivations restent parfois à éclaircir, faisant intervenir pêle-mêle, ambitions, sentiments, loyauté, revanche et vengeance. Le traitement du personnage de Shi Hyun représente bien cette approche. Il est le plus intéressant car, en quatre épisodes, ce sont des facettes extrêmement différentes, pour ne pas dire contradictoires, qu'il laisse entrevoir. L'image de l'assassin produite en ouverture se nuance progressivement. L'humanisation s'opère certes par des ressorts classiques dans un k-drama, utilisant son passé entre l'orphelinat et la rue, puis sa douleur de perdre un être cher. Mais à défaut d'être original, cela fonctionne, parvenant à créer un personnage fort, dont l'ambivalence intrigue et fascine.

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L'ambiguïté, c'est d'ailleurs le maître-mot des débuts de Cruel City. Non seulement les camps sont mal définis, mais en plus, nul n'est épargné par la noirceur ambiante. Outre la corruption et autres querelles d'égos qui parsèment la police, même les potentiels "chevaliers blancs" dévoilent des versants peu reluisants, à l'image de Hyung Min. Les enquêtes qu'il poursuit sont en effet fondées sur des motivations purement personnelles qui le conduisent à facilement s'affranchir de certains interdits, qu'il s'agisse d'interrogatoires musclés de suspects... ou bien de l'envoi d'une jeune recrue inexpérimentée en infiltration. Cette dernière proposition, s'apparentant plus à du chantage qu'à un acte responsable de policier, montre à quel point chacun suit son agenda. La morale est celle-ci : la fin justifie les moyens, qu'importe les sacrifices.

Ces premiers épisodes posent donc un univers dense. Pour bien prendre la mesure des confrontations en jeu, ils insistent sur le relationnel, présentant les liens passés ou présents qui unissent les différents protagonistes et transcendent les camps. S'annonçant comme une suite de manipulations et de trahisons, la série bénéficie d'une narration rythmée, riche en twists et en rebondissements qui lui permettent d'atteindre un niveau de complexité appréciable, même si cette surenchère se fait parfois au détriment de sa crédibilité (le destin de Soo Min étant assez emblématique). Cruel City a le mérite d'annoncer franchement ses ambitions en se réappropriant sans nuance les codes du genre gangsters, n'hésitant pas à l'occasion à se complaire à l'excès dans un récital d'actions et de violence. L'ensemble est prenant, c'est le principal. Il ne faut cependant pas s'illusionner sur les limites évidentes d'une approche qui peut à tout moment perdre l'équilibre précaire dans lequel elle s'est installée.

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Côté réalisation, Cruel City joue pleinement la carte du polar, avec une photographie assez sombre. La perspective gangster explique les efforts faits pour mettre en scène la violence du milieu : la série assume tellement ce genre que même les scènes où elle en fait trop, comme par exemple lorsque Shi Hyun élimine dans un corridor une bonne dizaine d'hommes de main, fonctionnent crânement à l'écran. Côté floutage, on pourra peut-être discuter des lames floutées tandis que l'on peut montrer sans souci un homme massacré à coup de club de golf (ne pas sous-estimer les golfeurs, ces dangereux criminels en puissance !), mais ce qui est clairement à retenir, c'est la tonalité d'ensemble que les choix formels effectués parviennent à dégager. Quant à la bande-son, elle n'est pas toujours dosée avec toute la justesse que l'on pourrait espérer, mais l'accompagnement musical reste correct.

Enfin, Cruel City rassemble un casting au sein duquel il va pouvoir s'appuyer sur Jung Kyung Ho (Time Between Dog and Wolf, Smile, You). Ce dernier se révèle convaincant dans un rôle qui implique de multiples facettes, tour à tour impitoyable puis déchiré. Son jeu a l'intensité et la présence requises pour un tel personnage. Côté policier, Lee Jae Yoon (Ghost) s'en tire assez honorablement dans ce rôle de détective qui mène ses croisades personnelles contre le crime organisé, au risque de le conduire à des extrêmités inattendues. Là où les choses deviennent plus glissantes, c'est pour la suite du drama qui va notamment reposer sur Nam Gyu Ri (Life is Beautiful, 49 Days), peu présente dans les premiers épisodes, et que l'on découvre à partir de la mort de son amie policière (Go Na Eun). Il y a deux façons d'analyser son casting : en premier lieu, on peut se dire que son personnage étant lui-même difficilement crédible, le fait qu'elle ait ce rôle suivrait une certaine logique..? Plus pragmatiquement, son personnage ayant une introduction laborieuse, le défi à relever est d'autant plus difficile. Il faudra également compter avec Son Chang Min (Horse Doctor) et Kim Yoo Mi.

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Bilan : Cruel City a pour lui d'être un polar noir qui s'assume : c'est très plaisant à retrouver dans le petit écran sud-coréen. La densité de ses intrigues, la manière dont il s'investit pleinement dans ce registre de "fiction de genre" - au risque de tomber dans certains excès -, retiennent indéniablement l'attention. Cependant, cela ne masque pas la fragilité de l'édifice : outre certains raccourcis narratifs, le drama a une tendance dangereuse à sacrifier la crédibilité de ses histoires pour atteindre le résultat souhaité, lequel devant permettre de poursuivre le développement des dynamiques ambivalentes. Cruel City doit aussi se méfier des surenchères, aussi revendiquées soient-elles. Reste que l'ensemble fonctionne pour le moment. Il ne tient qu'à la suite de prouver qu'un polar engageant peut se bâtir sur cette base prenante, mais quelque peu branlante. En tout cas, le potentiel est là : à suivre !


NOTE : 6,75/10


Un teaser de la série :

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