Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/02/2013

(Pilote US) The Americans : agents infiltrés et conflits de loyautés sur fond de Guerre froide

theamericans0_zpsa988ba6c.jpg

La première fois que j'ai entendu parler de The Americans, j'avoue avoir surligné le projet avec un peu d'excitation, laquelle n'a cessé de croître depuis. L'espionnage figure en très bonne place parmi mes genres de prédilection. A fortiori lorsque la fiction se déroule dans LE cadre par excellence pour une telle histoire : celui de la Guerre froide. Certes la télévision a pu nous proposer de solides oeuvres ces dernières années traitant de périodes plus récentes, comme Spooks ou Rubicon ; mais rien ne remplacera jamais la mise en scène de la confrontation Est-Ouest. Je serai éternellement fascinée par ce parfum caractéristique qui flotte dans les grands chefs d'oeuvres d'espionnage que sont des séries comme The Sandbaggers ou Tinker, Tailor, Soldier, Spy (La Taupe).

Avec The Americans, qui a débuté ce mercredi 30 janvier 2013 aux Etats-Unis, nul besoin d'aller exhumer des productions des décennies précédentes : c'est FX qui nous renvoie directement au début des années 80, alors que la Guerre froide est relancée par différentes décisions. Sur le papier, cette série, créée par Joe Weisberg, rassemblait théoriquement tous les ingrédients pour me plaire, de son sujet jusqu'à son casting. Si le pilote reste avant tout un premier contact, inutile d'entretenir le suspense : l'introduction est parfaitement réussie ! Cela faisait quelques temps que je n'avais pas apprécié un premier épisode de série américaine autant que j'ai aimé celui de The Americans. Et cela fait du bien.

theamericansi_zpsd3c63fec.jpg

The Americans s'ouvre aux Etats-Unis en 1981. L'URSS est intervenue en Afghanistan l'année précédente, Reagan débute tout juste son premier mandat... L'atmosphère s'apprête à se glacer une dernière fois, conduisant à une ultime escalade avant que l'un des deux acteurs de l'opposition qui aura scindé le monde en deux pendant plusieurs décennies ne disparaisse. Et il y a quelque chose d'assez ironique, trois décennies plus tard, à voir une série américaine se replonger dans cette période en adoptant le point de vue d'agents... du KGB.

En effet, The Americans met en scène un couple d'Américains ordinaires, Phillip et Elizabeth Jenning, qui semblent vivre une vie calme, rangée et heureuse. Habitant en banlieue résidentielle, mariés et ayant deux enfants, pour le monde extérieur, ils apparaissent tout simplement comme les représentants parfaits de l'american way of life de ce début des années 80. Mais derrière le poster, la réalité est tout autre : agents russes arrivés sur le sol américain dans les années 60, ils ont surtout tout fait pour se fondre sciemment dans le décor.

Jusqu'à présent, ils ont pu construire leur vie américaine et mener leurs missions sans éveiller de soupçons. Cependant, dans un contexte de recrudescence des tensions entre les Etats-Unis et l'URSS, et avec les inquiétudes des services du contre-espionnage américain dont un agent du FBI vient même s'installer dans leur voisinage au cours du pilote, ils vont voir leurs vies se compliquer un peu plus.

theamericansz_zpsa9a3ac9d.jpg

The Americans signe un pilote extrêmement efficace dont le grand mérite est de très bien introduire l'univers et les enjeux de la série. L'écriture est solide, profitant pleinement de la durée relativement longue - 1h10 - pour soigner les détails du cadre et des personnages. Si le rythme n'est pas égal tout au long de l'épisode, sa construction assurée met habilement l'accent sur un des grands attraits de son concept : l'intéressant mélange des genres qu'il va occasionner. Tour à tour drame familial, questionnement identitaire et fiction d'espionnage, la série a pour elle une richesse potentielle de thèmes et d'approches qui s'annonce extrêmement prometteuse. Au cours de ce pilote, elle se montre convaincante et solide dans chacune de ces différentes facettes, retenant sans faillir l'attention du téléspectateur. Assez logiquement au vu du synopsis, ce sont d'abord les bases d'un divertissement d'espionnage efficace qui sont posées au cours d'une séquence introductive parfaitement exécutée. En quelques scènes clés, se voulant représentatives, on y suit nos deux protagonistes principaux au cours d'une mission qui sera finalement un échec. L'épisode en profite pour également délivrer quelques brèves scènes d'action qui prouvent que la série n'aura pas de difficulté à intervenir dans ce registre lorsque son histoire et ses rebondissements le nécessiteront.

Après un tel démarrage, la tension reste ensuite constante en arrière-plan, chaque petit détail du quotidien rappelant la réalité de la situation des Jennings. Elle ressurgit tout particulièrement au cours de quelques passages qui font office de piqûres de rappel des scénaristes. En effet, au-delà du danger représenté par les missions (souligné dès le départ), existe aussi celui d'être exposé par les autorités américaines. Pour pimenter les choses, le pilote use ici d'une coïncidence qui peut sembler dans un premier temps excessive : l'emménagement en face des Jennings d'un agent du FBI du contre-espionnage. Mais la présentation progressive de ce personnage légitimise peu à peu cette ficelle narrative. Ayant récemment terminé une longue mission d'infiltration, où il a cultivé sa paranoïa, il est un écho parfait au couple principal. Ayant aussi appris que la procédure n'est pas toujours la voie à suivre, il nous offre une dernière scène du pilote hautement symbolique. Elle met en exergue la précarité de la vie bien ordonnancée des Jennings, tout en montrant combien ces derniers restent sur leurs gardes, déterminés à protéger leur existence. Un simple plan de caméra dévoilant Phillip, dans l'ombre, armé et prêt à abattre l'agent s'il avait découvert quoique ce soit pour étayer ses soupçons, l'illustre à merveille. En résumé, la série semble être en mesure d'assumer et de manier tension et divertissement d'espionnage avec brio.

theamericanso_zpse17715e7.jpg

Cependant The Americans ne saurait se limiter à un simple récit d'espionnage, et c'est là sa grande richesse. La situation dépeinte dans ce pilote est atypique, soulevant des conflits originaux dont le traitement s'annonce très intéressant. Nous avons là deux agents, réunis professionnellement pour une mission au long cours. Dans ce but, ils ont eu des enfants et entretiennent l'illusion de la cellule familiale américaine type. Première question soulevée d'emblée, en découvrant Elizabeth en train de soutirer des informations à un haut placé américain en plein ébat sexuel : au sein de ce couple artificiellement créé par les ordres de leurs supérieurs, où se positionnent Phillip et Elizabeth l'un par rapport à l'autre ? A un moment donné, avec tout ce qu'ils ont partagé, le jeu des apparences est-il devenu réalité ? Des sentiments sont-ils nés entre eux ? De plus, avoir fondé une famille a introduit une nouvelle priorité à prendre en considération. Deux loyautés peuvent potentiellement entrer en confrontation : entre le pays et les enfants, qui doit avoir la primauté, un vieux serment prêté il y a deux décennies ou la réalité de la situation actuelle ? Toutes ces problématiques s'annoncent centrales au sein de la série, et l'approche psychologique et nuancée avec laquelle l'écriture les traite dans ce pilote rend optimiste pour la suite.

Car Phillip et Elizabeth sont très dissemblables, avec chacun leurs propres aspirations, leurs propres interrogations et leurs propres hiérarchies des priorités. Elizabeth a conservé ses certitudes et son nationalisme, profondément fidèle à son pays. Elle en peine même à admettre que ses enfants se transforment sous ses yeux en adolescents américains moyens. A l'opposé, Phillip nourrit beaucoup de doutes : c'est la famille qu'ils ont fondée qu'il veut d'abord préserver. Il rêve de voir cette illusion se transformer en réalité et d'en finir avec cette double vie : pourquoi ne pas, comme tant d'autres, faire défection ? Si la caractérisation des deux personnages est soignée, le plus fascinant dans ce pilote est la dynamique de couple introduite. Nourri d'ambivalences, un lien fort n'unit pas moins les deux personnages. Phillip est certes celui qui est le plus investi dans cette relation, mais la manière dont le couple se retrouve à la fin, partageant un degré de compréhension et une alchimie rares, démontre la complexité de leurs rapports.

theamericansy_zps1564ca51.jpg

Solide sur le fond, The Americans convainc également sur la forme. La reconstitution des années 80 est appliquée, qu'il s'agisse du cadre comme de l'utilisation d'une bande-son qui fleure bon cette période : qu'il s'agisse de passages uniquement musicaux (la course-poursuite du début par exemple est assez jubilatoire) ou bien le recours à quelques chansons parfaitement en adéquation (Phil Collins flotte In the air tonight après avoir vu ce pilote). Les quelques scènes d'action sont également bien réalisées : sans que la série ne bascule dans ce genre, elle impose d'emblée une crédibilité appréciable aux différentes facettes de la vie des espions. Si le générique n'apparaît au cours de ce pilote, il a cependant été dévoilé par ailleurs (cf. la deuxième vidéo ci-dessous) et se révèle très bon : il partage avec d'autres fictions récentes ayant pour thème l'infiltration - à savoir Sleeper Cell et Homeland - une approche où se mêlent images d'archives/d'actualité et images des protagonistes de la fiction. Recontextualisant avec nombre de symboles les enjeux de la série, il se montre des plus attrayants pour donner le ton.

Enfin The Americans a aussi pour elle de bénéficier d'un casting tout simplement impeccable, avec un duo central qui sait tirer le meilleur parti des solides personnages qui sont introduits. Keri Russell (Felicity) propose un personnage intense, armée de ses certitudes. Tandis que Matthew Rhys (Brothers & Sisters - qui retraverse l'Atlantique après une année passée outre-Manche dans The Mystery of Edwin Drood ou encore The Scapegoat) dévoile plus de doutes, mais partage ce même froid professionnalisme notamment durant les scènes d'action. Jouant dans des registres à la fois différents et complémentaires, et dotés d'une très bonne alchimie, les deux acteurs trouvent immédiatement le ton juste. Face à eux, c'est Noah Emmerich (récemment croisé dans quelques épisodes de White Collar ou de The Walking Dead) qui interprète leur nouveau voisin du FBI instinctivement soupçonneux, avec pour collègue de travail un agent joué par Maximiliano Hernandez. Keidrich Sellati et Holly Taylor jouent les enfants du couple Jennings. Du côté des protagonistes secondaires, on retiendra tout particulièrement la présence annoncée de Margo Martindale.

theamericansa_zpsbc27d46e.jpg
theamericans2b_zps58602f21.jpg

Bilan : Doté d'une écriture solide et nuancée, The Americans signe un pilote maîtrisé et convaincant. Tout en esquissant des portraits intéressants, tout en finesse psychologique, de ses personnages principaux, il laisse entrevoir le potentiel prometteur de son concept de départ, positionnant la fiction à la croisée de différents genres. Au-delà du récit d'espionnage, c'est une déclinaison très particulière du drama familial qui se dessine. Dans une fiction où la dualité est maître-mot, les différents rapports mis en scène semblent destinés à rester ambigus ; et dans cette optique, de nombreuses problématiques méritent d'être explorées. Il faudra voir comment la série maintiendra son équilibre entre ces genres à moyen terme, mais, assurément, je serai devant mon petit écran pour l'apprécier ! A suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Le générique de la série :


20/01/2013

(Mini-série UK) Spies of Warsaw : jeux d'espions dans la Varsovie d'avant-guerre

spiesofwarsaw0_zps768881e5.jpg

Spies of Warsaw figurait en bonne place parmi les nouveautés que j'attendais en ce début d'année. Cette mini-série, composée de 2 parties de 90 minutes chacune, a été diffusée ces deux dernières semaines en Angleterre sur BBC4. Adaptation d'un roman du même titre d'Alan Furst, cette fiction d'espionnage se déroulant à la veille de la Seconde Guerre Mondiale avait en plus comme atout d'offrir un intéressant rôle à David Tennant. Ce dernier a parfaitement relevé le défi. Je serais en revanche beaucoup plus réservée sur la mini-série elle-même. Si les thèmes et les ingrédients sont là, il aura manqué quelque chose, dans le rythme, dans la solidité du scénario, pour se réapproprier ce sujet au potentiel certain.

spiesofwarsaws_zps5f32cc4f.jpg

Le colonel Jean-François Mercier, un soldat décoré de la Première Guerre Mondiale, devient attaché militaire à l'ambassade de France à Varsovie. L'enjeu que représente la Pologne dans une Europe où la tension ne cesse de croître durant cette deuxième moitié des années 30 en fait un terrain d'espionnage privilégié, où l'on entrevoit les stratégies des grandes puissances de l'époque. Au-delà des services de renseignement locaux alliés, il faut en effet composer et se méfier aussi bien des espions soviétiques que des agents de l'Allemagne nazie. La proximité de ce dernier pays fait aussi de Varsovie une base importante pour surveiller les manoeuvres ayant cours de l'autre côté de la frontière.

Des salons diplomatiques et mondains aux opérations de renseignement sur le terrain, Mercier navigue à vue dans un univers dangereux, rythmé au gré des intrigues, des trahisons et des assassinats. Il s'efforce notamment d'en apprendre plus sur les opérations militaires allemandes dans l'hypothèse où la guerre éclaterait, ou plutôt - car c'est pour lui inévitable - lorsque la guerre éclatera. Au cours d'une soirée, il rencontre Anna, une jeune femme d'origine polonaise travaillant pour la Société des Nations, organisation qui démontre désormais toutes ses limites. Si elle fréquente déjà un dissident russe, elle n'est pas insensible au colonel français. Sauront-ils sortir indemnes, avec leurs sentiments intacts, de ces premiers tourbillons préparant la tempête à venir ? 

spiesofwarsawn_zps98b1b5ed.jpg

Spies of Warsaw disposait a priori de différents atouts. Les missions de son personnage principal n'ont rien d'anecdotiques, et même si l'on sait que ses efforts seront vains, les enjeux mis en scène sont d'importance. Il s'agit tout d'abord d'identifier la stratégie envisagée par l'Allemagne pour mener une guerre en Europe, notamment face à la France. Sur ce point, la mini-série n'a pas son pareil pour retranscrire l'aveuglement qui fut celui des élites françaises, et l'illusion créée par la ligne Maginot. Puis, une fois l'invasion polonaise inéluctable, l'exfiltration de l'or de sa banque centrale pour le faire échapper aux nazis est aussi une tâche à haute responsabilité. Malheureusement ces histoires n'acquièrent jamais l'ampleur dramatique qu'elles auraient méritée. Le scénario souffre en effet de récurrentes inégalités dans sa narration : il est capable de faire preuve d'une minutie d'orfèvre à certains instants, pour ensuite grossièrement esquisser des rebondissements convenus et téléphonés à d'autres. Au suspense de plusieurs passages, succèdent des raccourcis frustrants, des facilités dispensables, qui plombent la crédibilité du récit. Face à une mise en scène trop figée, peinant à atteindre l'intensité attendue, ce n'est que progressivement que le téléspectateur rentre dans l'histoire.

Cependant, il parvient à se prendre peu à peu à ces jeux d'espions en cours : il le fait en s'investissant dans les destinées personnelles des personnages, et non dans les missions relatées. Spies of Warsaw repose en fait entièrement sur les épaules du colonel Mercier. Figure aristocratique quelque peu idéalisée à laquelle il manque peut-être l'ambivalence recherchée dans ce type de fiction, ses développements restent intéressants tout au long de la mini-série. Il sait impliquer le téléspectateur à ses côtés. Mais la mini-série souffre ici du syndrome du "héros" : il lui manque une approche plus chorale, qui aurait été la bienvenue pour mieux apprécier les enjeux et faire gagner la fiction en homogénéité. Si Mercier s'impose comme un repère convaincant pour le téléspectateur, les personnages qui l'entourent peinent eux à acquérir une vraie consistance, à l'image des oppositions rencontrées au sein de la hiérarchie française où les officiers renvoient à des caricatures frustrantes qui servent avant-tout de faire-valoir à Mercier. Dans un registre plus personnel, son histoire d'amour avec Anna est calibrée, mais n'aura pas su capturer l'intensité des sentiments et des déchirements vécus.

spiesofwarsawt_zps285e9a98.jpg

Sur la forme, Spies of Warsaw bénéficie d'une réalisation correcte, mais un peu figée, à laquelle manque parfois ce souffle et cette tension que l'histoire relatée aurait dû permettre d'attendre. Il est manifeste que la mini-série a privilégié une sobriété, ce qui parfaitement légitime. Cela rend l'ensemble globalement bien adapté pour son genre. C'est une fiction sérieuse et classique, qui n'éblouit pas, ni ne prend le moindre risque sur ce plan.

En réalité, c'est avant tout le casting qui permet de s'investir dans cette mini-série. Plus précisément Spies of Warsaw doit beaucoup à un David Tennant (Doctor Who, Single Father) impeccable, qui tient là un rôle fort et intéressant, de maître-espion amoureux, dans lequel il trouve pleinement à s'exprimer (une fois que l'on admet qu'il interprète un officier français, ce qui a nécessité pour moi un léger temps d'ajustement). Les autres personnages sont moins fouillés, et les acteurs ne sont pas toujours très sollicités. Janet Montgomery (Human Target, Made in Jersey, Dancing on the edge) interprète Anna, la jolie Polonaise qui séduira le colonel Mercier. S'il n'y a rien à redire sur son jeu, l'écriture ne donne pas à son personnage une grande ampleur. A leurs côtés, on retrouve un casting international, composé notamment de Marcin Dorocinski (Gleboka woda, Pitbull), Miroslaw Zbrojewicz, Burn Gorman, Ellie Haddington, Piotr Baumann, Jan Pohl, Radoslaw Kaim, Linda Bassett, Allan Corduner, Anton Lesser, Julian Glover, Richard Lintern, Tuppense Middleton, Tusse Silberg et Fenella Woolgar.

spiesofwarsawv_zps238320b0.jpg

Bilan : Proposant une immersion dans les jeux d'espions d'avant-guerre en Europe continentale, et plus précisément autour de la question de la Pologne, Spies of Warsaw est une honnête mini-série historique d'espionnage qui ne rebutera pas les amateurs du genre. Mais elle laissera quelques regrets, n'ayant pas réussi à rendre à ses enjeux le souffle dramatique et la tension qu'ils méritaient. Se reposant que sur les destinées personnelles de ses personnages, et surtout, de sa figure centrale, elle doit ici beaucoup à David Tennant pour avoir su apporter consistance et intensité à un officier dont on aurait pu craindre une idéalisation trop unidimensionnelle. Spies of Warsaw reflète aussi peut-être les difficultés qui peuvent se rencontrer lorsque l'on entreprend de transposer certains aspects d'un roman à l'écran. Au final, si j'en garde une impression mitigée, je ne regrette certainement pas de l'avoir regardée (mon inclinaison naturelle pour ce type d'histoire s'exprime sans doute ici).


NOTE : 6,75/10


Une bande-annonce de la mini-série :

05/01/2013

(Mini-série UK) Restless : un beau portrait de femme sur fond de jeux d'espions paranoïaques

restless0_zps25ea6e1b.jpg

Au cours de la période des fêtes en Angleterre, outre des épisodes spéciaux de diverses séries, on retrouve aussi des fictions originales prévues pour l'occasion. Une réussite notable est à signaler pour cette fin 2012, venant conclure de belle manière une année qui aura été assez mitigée. BBC1 a en effet proposé à ses téléspectateurs Restless, une mini-série, en deux parties d'1h30, diffusée les 27 et 28 décembre 2012. Il s'agit de l'adaptation d'un livre de William Boyd (publié en France sous le titre La vie aux aguets), écrivain dont on se souvient que Channel 4 avait diffusé l'adaptation d'un autre de ses romans fin 2010, Any Human Heart. Bénéficiant d'une belle mise en scène, Restless dresse un prenant portrait de femme, tout en renouant avec les codes les plus efficaces des fictions d'espionnage (oui, ce début d'année est placé sous le signe de l'espionnage !). Un bien plaisant visionnage pour commencer 2013 !

restlessg_zpscc3ecfee.jpg

Restless débute dans les années 1970. Ruth Gilmartin, une doctorante de Cambridge, est en route pour rendre visite à sa mère, Sally. Mais cette dernière est particulièrement nerveuse et fébrile lorsque Ruth arrive avec son fils. Paranoïaque, elle est persuadée que, depuis que sa photo a été publiée dans un journal local, elle a été placée sous surveillance. Elle pense même sa vie en danger. Ruth balaie ces inquiétudes d'un revers de main sans les comprendre. Pour justifier ses craintes, Sally décide qu'il est temps de confier à sa fille des secrets issus d'un passé qu'elle a laissé depuis longtemps derrière elle. Elle lui remet un dossier dont le récit commence en 1939, à Paris. Elle s'appelait alors Eva Delectorskaya...

Réfugiée russe en France à la veille de la Seconde Guerre Mondiale, elle est recrutée, après le meurtre de son frère par des fascistes, par Lucas Romer qui lui propose de rejoindre les services de renseignements britanniques. Un entraînement en Ecosse plus tard, elle est affectée à une compagnie du nom de AAS Ltd qui s'occupe de désinformation sur le continent européen. Que s'est-il donc passé pour Eva durant la Seconde Guerre Mondiale qui lui fait craindre pour sa vie trois décennies après ? Au fil de sa lecture, Ruth découvre une facette de sa mère dont elle ignorait tout, tout en essayant de l'aider à apaiser ses inquiétudes dans le présent. Le temps semble venu de solder le passé, à moins de risquer de rester à jamais aux aguets en attendant que le couperet tombe.

restlessl_zpse874e275.jpg

Restless est un thriller qu'entoure un parfum de sourde paranoïa. C'est une fiction qui prend le temps de construire son ambiance, ne dévoilant ses cartes et les dessous de ses intrigues que progressivement. On aurait pu craindre que les constants aller-retours entre les années 40 et les années 70 portent atteinte à l'homogénéité du récit, il n'en est rien : dans l'ensemble, la mini-série parvient à bien gérer cette double construction en parallèle. Même si, en terme d'intensité et d'intérêt suscité, il faut reconnaître que les évènements qui se déroulent durant la Seconde Guerre Mondiale l'emportent du fait de leur force dramatique.

Ils sont l'occasion pour Restless de se réapproprier efficacement les codes classiques des fictions d'espionnage, en éclairant un enjeu particulier : celui de la maîtrise de l'information, ou plutôt de la désinformation. Partant de Belgique, sa mission entraînera Eva jusqu'aux Etats-Unis, durant les mois qui précèdent Pearl Harbor, pour tenter de rallier l'opinion publique américaine à l'idée d'entrer en guerre. Si cet éclairage est assez original, les développements suivent, eux, une approche autrement plus classique, jusqu'à l'ultime twist. Sans être exempt de reproche dans la manière dont l'intrigue se met en place, l'histoire reste rondement menée, ponctuée de passages de forte tension particulièrement réussis. Elle se révèle ainsi des plus prenantes.

restlessp_zps7d40d5f1.jpg

Au-delà du thriller, l'attrait de Restless doit aussi beaucoup à ses personnages. La partie se déroulant dans les années 40 permet d'apprécier le développement d'Eva : c'est un portrait assez fascinant qui s'esquisse sous les yeux du téléspectateur. Celui d'une jeune femme ordinaire qui se transforme et mûrit face à l'extraordinaire : de l'innocente réfugiée endeuillée, hésitante, manquant de confiance, elle devient peu à peu une espionne aguerrie. Son entraînement lui fait prendre conscience de ses capacités, tandis que les épreuves qu'elle devra ensuite affronter achèvent de l'endurcir. Des jeux d'espion aux jeux des sentiments, elle fait ses choix et les assument, gagnant en ampleur au fil de ces trois heures. Pleine de ressources, volontaire, mais avec aussi ses points vulnérables, notamment face à son supérieur hiérarchique, elle est une belle figure de fiction auprès de laquelle le téléspectateur va s'investir.

Dans les années 70, la paranoïa est également là, mais la tension se fait plus psychologique. Les craintes de Sally/Eva mettent du temps à être explicitées. Si bien que ce versant de la mini-série vaut surtout pour son traitement des rapports mère/fille, évoquant notamment l'impact des révélations relatives à la véritable identité de sa mère sur Ruth. Restless offre sans doute ici un récit plus limité, mais elle s'en sort pourtant relativement bien dans un registre plus intimiste. C'est à nouveau dans sa manière d'éclairer les fortes personnalités de ces deux femmes que la mini-série se démarque, d'autant qu'elles développent une dynamique très intéressante. Leur histoire offre un fil rouge complémentaire aux évènements des années 40, culminant dans une confrontation finale vers laquelle toute la mini-série est construite.

restlessd_zps6a03e437.jpg

Si le récit est efficace et retient l'attention de bout en bout, c'est aussi parce qu'il se dégage une atmosphère particulière de Restless qui sait parfaitement happer le téléspectateur : la mini-série doit ici beaucoup à une mise en scène très soignée. Le récit est globalement superbement porté à l'écran, renforçant l'implication du téléspectateur dans la destinée d'Eva. Non seulement la réalisation est appliquée, offrant quelques plans très inspirés, mais c'est aussi toute la reconstitution, des années 40 comme des années 70, qui est particulièrement belle. La photographie trouve les bonnes teintes ; les tenues des personnages sont très bien choisies. Et la bande-son parachève de poser l'ambiance de la plus convaincante des manières.

Enfin, Restless bénéficie d'un très solide casting. Pour ses passages se déroulant dans les années 40, la mini-série réunit dans ces jeux d'espion létaux une Hayley Atwell (The Prisoner, Les Piliers de la Terre, Any Human Heart) tout simplement rayonnante et un Rufus Sewell (Eleventh Hour, Les Piliers de la Terre) intriguant et mystérieux à souhait, tous deux ayant trouvé immédiatement le ton juste pour leurs personnages respectifs. Quant aux années 70, si elles tiennent malgré tout très bien, elles le doivent beaucoup à l'assurance de Michelle Dockery (Downton Abbey) et à la sobriété de Charlotte Rampling, interprétant Eva plus âgée, qui apportent une vraie classe à leurs personnages. Michael Gambon (Perfect Strangers, Wives & Daughters) joue alors Lucas Romer devenu un Lord anglais. Chacun de ces acteurs délivre une prestation impeccable, qui contribue à la force du récit. Parmi les rôles plus secondaires, notez également la présence notamment d'Adrian Scarborough (Cranford, Upstairs Downstairs) ou encore de Thekla Reuten (Sleeper Cell, Hidden).
restlesst_zps0e74ebc6.jpg

Bilan : Restless est une mini-série efficacement construite, à l'esthétique soignée et aboutie. Elle nous plonge dans une diffuse ambiance paranoïaque, retranscrivant des jeux d'espion qui gagnent en ampleur et en force au fil du récit. Portée par un très solide casting, elle fait preuve d'une intéressante maîtrise pour conduire le double récit mis en scène entre les années 40 et les années 70. Cependant elle reste aussi un superbe portrait de femme, évoquant une héroïne, marquée par les bouleversements européens du XXe siècle, que l'on voit s'affirmer sous nos yeux. Sans être exempt de tout reproche dans certains des choix narratifs faits, Restless offre 3 heures prenantes qui devraient plaire à plus d'un téléspectateur, amateur d'espionnage et au-delà.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la série :


16/12/2012

(UK) Callan : l'espion récalcitrant

callan0_zpse2349d60.jpg

Vous connaissez mon faible pour les fictions d'espionnage. Pas le clinquant glamour d'un James Bond, mais plutôt ces récits sombres, riches en manipulations, en jeux d'espions froids et calculés, où la frontière morale est toujours floue. La télévision anglais a produit au fil des décennies plusieurs perles appartenant à ce genre à rapprocher des romans de John Le Carré. Dans les années 70, Tinker, Tailor, Soldier, Spy (La Taupe) sur la BBC et The Sandbaggers sur ITV restent deux bijoux, incontournables, dont je vous ai déjà parlé. Au printemps dernier, j'avais eu un vrai coup de coeur pour The Sandbaggers qui demeure une des meilleures séries que j'ai eu l'occasion de voir en cette année 2012. Logiquement, j'ai donc voulu poursuivre mes explorations, et j'ai continué à remonter le temps, changeant encore de décennie : direction les années 60 !

Après avoir vu The Sandbaggers, j'avais demandé quelques conseils : un grand merci à Thierry Attard pour m'avoir suggéré la série, inédite en France, dont je vais vous parler aujourd'hui. Créée par James Mitchell, Callan a été diffusée sur ITV de 1967 à 1972, comptant 44 (seuls 3 épisodes restent conservés de la première saison). Le personnage sera porté sur grand écran en 1974, et fera une ultime apparition dans un téléfilm de 1981. Initialement proposée en noir et blanc pour ces deux premières saisons, les dernières seront en revanche en couleur. Plusieurs éditions DVD sont disponibles en Angleterre, séparant ces deux périodes : The Monochrome Years d'une part, The Colour Years d'autre part. J'ai investi dans le premier coffret, et c'est comme ça que j'ai donc découvert une série dont le pilote a été diffusée pour la première fois en... février 1967 !

callanf_zps6948c998.jpg

Dans le pilote de la série, intitulé A Magnum for Schneider, David Callan est rappelé par son ancien chef, le colonel "Hunter". Longtemps considéré comme un des meilleurs agents d'une mystérieuse organisation gouvernementale connue sous le nom de "The Section", il a été renvoyé parce qu'il avait pris l'habitude de trop s'intéresser à ses cibles, enquêtant sur elles et questionnant les missions qui lui étaient confiées. Or The Section a pour but de faire disparaître toute personne posant un danger pour les sujets britanniques ; elle ne recule devant aucun moyen, qu'il s'agisse de chantage, d'extorsion ou bien d'exécution. En résumé, elle est celle qui se salit les mains quand aucune autre agence gouvernementale ne souhaite intervenir.

Le colonel "Hunter" s'interroge sur le statut de Callan, qui est à la fois leur plus efficace tueur, mais aussi un agent trop instable et un risque permanent qu'il n'est pas certain de vouloir prendre. La saison 1 illustre bien cette ambivalence : dans le premier, Hunter confie à Callan la mission de tuer un homme d'affaires échappant aux autorités, avec comme objectif de mettre son agent à l'épreuve, quitte à s'en débarrasser au cours de l'opération en le précipitant entre les mains de la police. Dans le second épisode, Hunter revient vers Callan cette fois-ci en jouant carte sur table : ou il remplit la mission confiée (délivrer un ex-SS aux Israéliens), ou il devient lui-même une cible pour l'agence.

calland_zps7c7396d0.jpg

Une bonne part de la fascination qu'exerce immédiatement la série tient au personnage de Callan, véritable modèle d'anti-héros, difficilement classable pour le téléspectateur tant son ambivalence apparaît exacerbée. Tueur rompu à ce métier, doté d'un savoir-faire clinique remarquable, il a toutes les qualités requises pour être un agent d'exception pour The Section. Mais il pense et réfléchit trop au goût de ses supérieurs. Le masque de froideur grâce auquel il peut mener à bien les infiltrations et les manipulations les plus dangereuses se fissure parfois brusquement pour laisser place à ses questionnements. Il est d'ailleurs capable de développer une profonde empathie envers ces cibles, oscillant alors dangereusement sur la ligne entre professionnalisme et humanité. Sa versatilité d'état d'esprit permet d'entrevoir avec une intensité marquante tous les doutes qui l'assaillent. Vulnérable dans ces moments où sa détermination vascille, l'homme dévoile au fil des épisodes une psychologie complexe et nuancée proprement captivante.

De manière générale, l'ambiguïté semble être le maître-mot de la série. Le colonel Hunter se méfie de lui, mais dans le même temps, il reconnaît sans mal qu'il est leur meilleur tueur. Toute la question est de savoir jusqu'où peut-il utiliser les talents de Callan, et à partir de quand le risque pris devient-il trop important. Dès le deuxième épisode, les menaces se font directes : si Callan n'exécute pas la tâche confiée, il deviendra lui-même l'objet d'une des missions d'élimination de The Section. Sans aucun statut officiel - il a été renvoyé -, l'homme est forcé d'agir sous la contrainte. Pourtant, excellant dans ce qu'il fait, ses réflexes reviennent toujours comme une seconde nature. Il tente d'ailleurs à l'occasion de s'émanciper, démontrant à Hunter toute sa dangerosité, mais aussi - paradoxalement - pourquoi il reste un agent incontournable qui, si les bonnes pressions sont exercées, reste utile à l'agence. Si Callan se découvre encore avec plaisir aujourd'hui, c'est aussi justement parce que la noirceur de l'univers dépeint, qui ne dépaillerait pas parmi les anti-héros dits "modernes", lui a permis de tgrès bien traverser les décennies. Les épisodes demeurent construits efficacement et, en dépit de quelques lenteurs propres à son époque, la solidité de l'écriture est intacte : la série sait générer une tension et une nervosité qui fonctionnent toujours.

scallani_zps89a6049f.jpg

Sur la forme, nul doute que ces premiers épisodes trahissent leur âge. Si  le thème musical récurrent les hante avec toujours autant de force, la qualité de la vidéo est aléatoire, le transfert sur DVD des originaux laissant entrevoir quelques limites. Pensez que The Monochrome Years nous fait remonter en 1967 et 1969, pour les deux premières saisons. Certains épisodes paraissent tout juste sortis des obscures archives d'où on les a exhumées, avec leurs défauts techniques, ce qui ajoute un certain cachet d'authenticité face à un tel support. Et tant que le scénario s'apprécie pareillement, l'effort fait pour nous proposer de découvrir de telles séries mérite avant tout d'être salué : c'est une sorte de plongeon dans les archives sériephiles.

Enfin, il faut terminer par rendre un hommage appuyé à la performance délivrée par Edward Woodward (plus connu sans doute dans les mémoires internationales -notamment auprès du public américain- pour The Equalizer). Si le personnage de Callan a tant pu marquer, c'est non seulement dû à l'écriture teintée d'ambivalence des scénaristes, mais c'est aussi grâce à l'impressionnante interprétation de l'acteur. Il parvient à capturer, en imposant une présence très intense à l'écran, toute l'ambiguïté de ce maître-assassin dos au mur, trop doué pour pouvoir être rendu à la vie civile et exécutant avec un savoir-faire à part les missions qui lui sont confiées. 

callane_zps639c8e18.jpg

Bilan : Découvrir Callan en 2012, c'est se retrouver happé par la figure d'un anti-héros ambivalent, évoluant dans un univers extrêmement sombre où chacun manipule l'autre. C'est se laisser capturer par les rouages d'un scénario remarquable d'ambiguïtés, magnifiquement sublimé par une performance d'acteur qui se savoure. Il faut noter que la construction globale des missions reste d'une efficacité rarement prise en défaut, en dépit d'un rythme avec quelques lenteurs signe l'âge de la série. Quant à la mise en scène datée, elle n'est pas un obstacle à l'appréciation de la série.

Dans la lignée des grandes fictions d'espionnage (ou plutôt, parmi les oeuvres de référence d'origine !), Callan fait preuve d'une nuance et d'une noirceur maîtrisées qui n'ont pas pris une ride et s'avèrent bien plus aboutis que certains ersatz indigestes récents comme Hunted cet automne. Pour qui apprécie le genre espionnage, il s'agit d'une découverte qui mérite d'être curieux (à condition d'être anglophone, les DVD ne comportant pas de piste de sous-titres anglais) !


NOTE : 7,5/10


Pour un aperçu, un extrait qui pose bien le ton de la série :


20/10/2012

(UK) Hunted : une froide fiction d'espionnage

hunted0.jpg

Orphelin de Spooks en cette rentrée télévisuelle, privé de la perspective de retrouver les missions tendues de ces agents du MI-5 qui lui ont fait perdre quelques cheveux au fil des ans, le téléspectateur se cherchait instinctivement des substituts. Il était facile d'en imaginer un dans Hunted, une série derrière laquelle on retrouve justement la boîte de production Kudos, et avec un développement confié à Frank Spotnitz dont le nom reste associé à X-Files. Diffusée sur BBC1 depuis le 4 octobre, Hunted a démarré hier soir aux Etats-Unis sur Cinemax. Malheureusement la série ne m'a toujours pas convaincu.

Il n'y a pourtant rien que j'aime tant qu'une solide fiction d'espionnage, aussi classiques soient les voies qu'elle emprunte. Vous vous souvenez peut-être de ce véritable coup de coeur  qu'a été The Sandbaggers au printemps dernier - elle reste sans doute une de mes révélations sériephiles de l'année 2012. Cette série m'a prouvé et rappelé qu'un genre connu par coeur peut toujours être aussi fascinant et excitant qu'au premier jour, sans besoin de se réinventer, à condition que l'écriture (et le casting) soit à la hauteur. Hunted s'est engouffrée sur bien des sentiers déjà battus, mais elle peine cependant à dépasser le stade de la caricature. Un léger mieux se perçoit au fil des trois épisodes, après un début poussif, mais est-ce suffisant ?

huntedb.jpg

Après une mission conduite à Tanger, Sam Hunter, agent d'une compagnie de sécurité privée, est grièvement blessée dans un bar où elle avait rendez-vous. Elle échappe de peu à la mort, mais perd l'enfant qu'elle portait. Ignorant qui l'a trahie et qui a commandité cette tentative d'assassinat, elle fait le choix de disparaître pour se rétablir en Ecosse. Une année plus tard, de nouveau sur pied, elle recontacte son ancien employeur bien décidée à découvrir le fin mot de l'histoire. Se méfiant des membres de son ancien équipe, de son supérieur, mais aussi de tous ceux qu'elle a pu croiser à Tanger, elle entend découvrir qui et pourquoi elle a été prise pour cible. Elle obtient rapidement sa réintégration pour être incluse dans une mission d'infiltration dans la maison d'un riche et trouble homme d'affaires, qui doit prendre part à des enchères qui attisent bien des convoitises. Mais ceux qui voulaient sa mort ne semblent pas l'avoir oubliée...

huntedn.jpg

Des histoires d'infiltration, de tentatives d'assassinat, de taupe, le tout dans un milieu où chacun garde jalousement ses secrets et ses atouts, et où la méfiance règne... Nul doute que Hunted entend se réapproprier bien des classiques du genre. Son approche même ne manque pas de potentiel. Fiction feuilletonnante, elle nous plonge dans les coulisses d'une compagnie de renseignements privée, ravivant un peu plus l'écho du fantôme d'Alias déjà présent dans l'inconscient du téléspectateur du seul fait de la présence de Melissa George. Conduire des missions pour d'obscurs clients, sans avoir même la perspective de se raccrocher à l'idée que ces sacrifices potentiels auront lieu "pour le bien commun du pays", voilà de quoi construire un univers particulièrement endurci. L'ensemble fonctionne par intermittence grâce à l'ambiance que ce cadre génère, par cette paranoïa excessivement froide dans laquelle la fiction se complaît. Mais le problème est que la série peine à dépasser l'enchaînement des poncifs. Son écriture, manquant trop de subtilité, a souvent du mal à maîtriser et à exposer les enjeux afin de capturer l'attention du téléspectateur. La progression des intrigues est hachée et inégale, fonctionnant par à-coup et parachutage d'informations sans réelle cohésion.

En trois épisodes, une amélioration se constate cependant, grâce à cette tension presque mécanique engendrée par moment par quelques coups d'éclat. Ou plutôt, devrais-je dire, par ces explosions de violence. La dure réalité de l'univers dans lequel évolue la série était un atout légitimement exploitable. Mais, comme pour le reste, ses scénaristes abusent de ces ressorts violents vite banalisés : leur gratuité finit par leur faire perdre tout impact. La fiction évolue dans un univers complètement désensibilisé, presque déshumanisé. Le problème est que la caractérisation des personnages en souffre : nulle émotion, encore moins d'empathie, chez des protagonistes trop unidimensionnels, peu aidés par des répliques souvent assez creuses et où manque de façon parfois criante cette dose de manipulation subtile, de non-dits, sur laquelle un vrai thriller paranoïaque doit être en mesure de jouer. La série ne s'attarde vraiment que sur l'héroïne, les autres peinant à exister par eux-mêmes et à susciter l'intérêt d'un téléspectateur qui ne trouve pas vraiment ces repères dans l'équipe dysfonctionnelle mise en scène. Et même Sam Hunter reste une figure à la psychologie à peine esquissée. On peut finir par se préoccuper de son enquête sur ses tueurs, mais on ne s'implique pas, ni ne s'attache à la jeune femme.

huntedk.jpg

Sur la forme, Hunted présente une réalisation stylée, plutôt agréable de premier abord. Elle propose également quelques plans inspirés, notamment en extérieur - les scènes en Ecosse du pilote sont tout simplement magnifiques. Mais elle a aussi tendance à trop en faire (cette façon de prendre une idée pas mauvaise sur le papier, mais de tirer ensuite trop sur la corde se retrouve comme sur le fond). La photographie, avec ses teintes bleutées - ou jaunâtres suivant les lieux, apparaît dans certains scènes vraiment trop saturée. Cela contribue à donner à l'ensemble une impression d'artificialité, mais aussi de distance avec le récit, qui n'aide pas à l'investissement du téléspectateur.

Enfin, le casting, international, rassemblé pour l'occasion ne permet pas de redresser la barre. Melissa George peut parfois être très correcte dans certains rôles, comme dans The Slap l'an dernier. Mais dans Hunted, elle peine à s'exprimer, dépeignant un personnage trop froid, dont les quelques parenthèses d'humanité sonnent superficielles ou forcées. L'ensemble du casting souffre de l'écriture trop rigide et mal agencée, qui fait que beaucoup de scènes semblent fausses. J'ai beau vouer un culte à Stephen Dillane depuis John Adams, il faut que admettre que ses quelques scènes glacées et pseudo-cryptiques en patron de cette agence tombent le plus souvent à plat. Adam Rayner, Adewale Akinnuove-Agbaje, Morven Christie ou encore Lex Shrapnel n'échappent pas à ces mêmes limites.

huntede.jpg

Bilan : Ressassant les clichés du genre espionnage sans parvenir à se les réapproprier, Hunted est une série souvent frustrante en raison de ses difficultés à gérer le développement régulier de ses intrigues et du manque de subtilité de son écriture. Si on devine qu'elle ne souhaite pas être une simple fiction d'action, elle ne se prive pourtant pas d'explosions de violence assez gratuites. Evoluant dans un univers presque déshumanisé, dont même les personnages semblent cantonnés à une froideur peu engageante, Hunted se cherche, et sa seule réussite est de parvenir par intermittence à nous prendre au jeu de cette ambiance tendue et glacée. Le potentiel était là, je voulais vraiment l'aimer, mais la mécanique reste grippée...


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la série :