Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

20/10/2012

(UK) Hunted : une froide fiction d'espionnage

hunted0.jpg

Orphelin de Spooks en cette rentrée télévisuelle, privé de la perspective de retrouver les missions tendues de ces agents du MI-5 qui lui ont fait perdre quelques cheveux au fil des ans, le téléspectateur se cherchait instinctivement des substituts. Il était facile d'en imaginer un dans Hunted, une série derrière laquelle on retrouve justement la boîte de production Kudos, et avec un développement confié à Frank Spotnitz dont le nom reste associé à X-Files. Diffusée sur BBC1 depuis le 4 octobre, Hunted a démarré hier soir aux Etats-Unis sur Cinemax. Malheureusement la série ne m'a toujours pas convaincu.

Il n'y a pourtant rien que j'aime tant qu'une solide fiction d'espionnage, aussi classiques soient les voies qu'elle emprunte. Vous vous souvenez peut-être de ce véritable coup de coeur  qu'a été The Sandbaggers au printemps dernier - elle reste sans doute une de mes révélations sériephiles de l'année 2012. Cette série m'a prouvé et rappelé qu'un genre connu par coeur peut toujours être aussi fascinant et excitant qu'au premier jour, sans besoin de se réinventer, à condition que l'écriture (et le casting) soit à la hauteur. Hunted s'est engouffrée sur bien des sentiers déjà battus, mais elle peine cependant à dépasser le stade de la caricature. Un léger mieux se perçoit au fil des trois épisodes, après un début poussif, mais est-ce suffisant ?

huntedb.jpg

Après une mission conduite à Tanger, Sam Hunter, agent d'une compagnie de sécurité privée, est grièvement blessée dans un bar où elle avait rendez-vous. Elle échappe de peu à la mort, mais perd l'enfant qu'elle portait. Ignorant qui l'a trahie et qui a commandité cette tentative d'assassinat, elle fait le choix de disparaître pour se rétablir en Ecosse. Une année plus tard, de nouveau sur pied, elle recontacte son ancien employeur bien décidée à découvrir le fin mot de l'histoire. Se méfiant des membres de son ancien équipe, de son supérieur, mais aussi de tous ceux qu'elle a pu croiser à Tanger, elle entend découvrir qui et pourquoi elle a été prise pour cible. Elle obtient rapidement sa réintégration pour être incluse dans une mission d'infiltration dans la maison d'un riche et trouble homme d'affaires, qui doit prendre part à des enchères qui attisent bien des convoitises. Mais ceux qui voulaient sa mort ne semblent pas l'avoir oubliée...

huntedn.jpg

Des histoires d'infiltration, de tentatives d'assassinat, de taupe, le tout dans un milieu où chacun garde jalousement ses secrets et ses atouts, et où la méfiance règne... Nul doute que Hunted entend se réapproprier bien des classiques du genre. Son approche même ne manque pas de potentiel. Fiction feuilletonnante, elle nous plonge dans les coulisses d'une compagnie de renseignements privée, ravivant un peu plus l'écho du fantôme d'Alias déjà présent dans l'inconscient du téléspectateur du seul fait de la présence de Melissa George. Conduire des missions pour d'obscurs clients, sans avoir même la perspective de se raccrocher à l'idée que ces sacrifices potentiels auront lieu "pour le bien commun du pays", voilà de quoi construire un univers particulièrement endurci. L'ensemble fonctionne par intermittence grâce à l'ambiance que ce cadre génère, par cette paranoïa excessivement froide dans laquelle la fiction se complaît. Mais le problème est que la série peine à dépasser l'enchaînement des poncifs. Son écriture, manquant trop de subtilité, a souvent du mal à maîtriser et à exposer les enjeux afin de capturer l'attention du téléspectateur. La progression des intrigues est hachée et inégale, fonctionnant par à-coup et parachutage d'informations sans réelle cohésion.

En trois épisodes, une amélioration se constate cependant, grâce à cette tension presque mécanique engendrée par moment par quelques coups d'éclat. Ou plutôt, devrais-je dire, par ces explosions de violence. La dure réalité de l'univers dans lequel évolue la série était un atout légitimement exploitable. Mais, comme pour le reste, ses scénaristes abusent de ces ressorts violents vite banalisés : leur gratuité finit par leur faire perdre tout impact. La fiction évolue dans un univers complètement désensibilisé, presque déshumanisé. Le problème est que la caractérisation des personnages en souffre : nulle émotion, encore moins d'empathie, chez des protagonistes trop unidimensionnels, peu aidés par des répliques souvent assez creuses et où manque de façon parfois criante cette dose de manipulation subtile, de non-dits, sur laquelle un vrai thriller paranoïaque doit être en mesure de jouer. La série ne s'attarde vraiment que sur l'héroïne, les autres peinant à exister par eux-mêmes et à susciter l'intérêt d'un téléspectateur qui ne trouve pas vraiment ces repères dans l'équipe dysfonctionnelle mise en scène. Et même Sam Hunter reste une figure à la psychologie à peine esquissée. On peut finir par se préoccuper de son enquête sur ses tueurs, mais on ne s'implique pas, ni ne s'attache à la jeune femme.

huntedk.jpg

Sur la forme, Hunted présente une réalisation stylée, plutôt agréable de premier abord. Elle propose également quelques plans inspirés, notamment en extérieur - les scènes en Ecosse du pilote sont tout simplement magnifiques. Mais elle a aussi tendance à trop en faire (cette façon de prendre une idée pas mauvaise sur le papier, mais de tirer ensuite trop sur la corde se retrouve comme sur le fond). La photographie, avec ses teintes bleutées - ou jaunâtres suivant les lieux, apparaît dans certains scènes vraiment trop saturée. Cela contribue à donner à l'ensemble une impression d'artificialité, mais aussi de distance avec le récit, qui n'aide pas à l'investissement du téléspectateur.

Enfin, le casting, international, rassemblé pour l'occasion ne permet pas de redresser la barre. Melissa George peut parfois être très correcte dans certains rôles, comme dans The Slap l'an dernier. Mais dans Hunted, elle peine à s'exprimer, dépeignant un personnage trop froid, dont les quelques parenthèses d'humanité sonnent superficielles ou forcées. L'ensemble du casting souffre de l'écriture trop rigide et mal agencée, qui fait que beaucoup de scènes semblent fausses. J'ai beau vouer un culte à Stephen Dillane depuis John Adams, il faut que admettre que ses quelques scènes glacées et pseudo-cryptiques en patron de cette agence tombent le plus souvent à plat. Adam Rayner, Adewale Akinnuove-Agbaje, Morven Christie ou encore Lex Shrapnel n'échappent pas à ces mêmes limites.

huntede.jpg

Bilan : Ressassant les clichés du genre espionnage sans parvenir à se les réapproprier, Hunted est une série souvent frustrante en raison de ses difficultés à gérer le développement régulier de ses intrigues et du manque de subtilité de son écriture. Si on devine qu'elle ne souhaite pas être une simple fiction d'action, elle ne se prive pourtant pas d'explosions de violence assez gratuites. Evoluant dans un univers presque déshumanisé, dont même les personnages semblent cantonnés à une froideur peu engageante, Hunted se cherche, et sa seule réussite est de parvenir par intermittence à nous prendre au jeu de cette ambiance tendue et glacée. Le potentiel était là, je voulais vraiment l'aimer, mais la mécanique reste grippée...


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la série :

Commentaires

Hé oui ALIAS... On n'en sort pas !!

C'est ce que je reprocherais aux séries britanniques, cette froideur qu'on retrouve dans la plupart de leurs séries. Ca manque cruellement de chaleur humaine, souvent ! Alors oui, ça donne un ALIAS plus réaliste peut-être (et encore, ça reste à démontrer... ) mais s'ils pensent accrocher le téléspectateur avec ça...

Et puis je ne comprends pas ce besoin, à part pour appâter le client (et vendre peut-être plus facilement leurs séries à l'export ?) d'aller chercher des talents américains pour leurs séries.

Écrit par : KNIGHT | 20/10/2012

@ KNIGHT : C'est marrant ta remarque sur les séries anglaises et le reproche que tu formules à Hunted.
Puisque le problème de cette série, à mon avis, c'est justement d'avoir voulu trop s'américaniser. Mais aller chercher des talents internationaux est normal ici puisque c'est une co-production avec Cinémax (qui est une chaîne américaine).

Pour le reste de ta remarque, j'avoue ne pas comprendre ton reproche de froideur (mais je crois qu'on a des vues très différentes sur les fictions UK). Les séries anglaises établissent pour moi une authenticité et une proximité avec leurs personnages, que les séries américaines actuelles échouent souvent à retranscrire - surtout les séries des grands networks du moment, où la plupart des protagonistes sont des clichés ambulants où il manque justement cette sincérité et cette humanité qui font la force des séries anglaises à mes yeux.
Dans son savoir-faire, Hunted n'a rien d'une série anglaise en dehors d'une partie de son casting, de son lieu et de ses actions. De Spooks à The Sandbaggers, les bonnes séries d'espionnage UK ne manquent pas, et le contraste est saisissant.

Pour ce qui est d'accrocher le téléspectateur, je ne sais pas. Les scores sur BBC1 sont décents, sans être extraordinaires. A priori, les critiques américaines semblent mieux accueillir la série que les médias anglais (ce qui me semble une conséquence de ce que j'ai expliqué plus haut), on verra ce que la série donne sur Cinémax.

Écrit par : Livia | 20/10/2012

De plus il me semble que Melissa George est australienne.

Écrit par : Ricrac | 20/10/2012

@ Ricrac : Très juste, d'où mon qualificatif d'"international" pour le casting, même si c'est vrai que parmi les acteurs secondaires, la plupart sont britanniques, sauf Melissa George. D'ailleurs, je pense que dans la perception de son personnage, cela joue aussi en sa défaveur : s'il y a bien une chose à laquelle le public anglophone peut être très sensible (trop parfois, d'ailleurs), c'est aux accents, et elle n'a pas un accent anglais naturel. De plus, la modification des accents pèse parfois sur le jeu d'acteur quand ces derniers le maîtrisent mal. Il y a un peu toute une série de facteurs qui font qu'il lui est bien difficile de s'exprimer pleinement dans ce rôle en particulier.

Écrit par : Livia | 20/10/2012

Je suis sans doute trop malléable, mais j'accepte sans moufter que les histoires n'avancent pas aux même rythme (surtout dans une trame d'espionnage),

La fiction anglaise a cet avantage de ne pas laisser traîner ses saisons sur une vingtaine d'épisodes.

J'ai pour ma part apprécié cette distance qu'il y a entre les personnage, l'intrigue ne nous les révèle pas...ce qui est un avantage pour une série d'espionnage..

Tout le monde parle d'Alias pour faire un parallèle entre l’héroïne et le thème de la série, ce qui est profondément injuste pour Hunted...j'ai adoré Alias lors de sa diffusion, mais à l'époque je ne regardais pas une série d'espionnage, mais un Soap Opera...

Même si je n'ai encore vu que les deux premiers épisodes, je les ai vraiment appréciés.

Écrit par : Ricrac | 20/10/2012

@ Ricrac : "Je suis sans doute trop malléable" : Je m'insurge ! ^^ Chacun est parfaitement légitime quand il apprécie une série, et c'est tant mieux (pour eux) si certains adhèrent à l'univers et à l'identité propre que Hunted a construit.
Je sais que sur les réseaux d'échange et de partage, on a souvent tendance à écrire des sentences qui sonnent comme des pseudos vérités, mais il ne faut quand même pas oublier que cela reste une simple appréciation sur des séries, et que c'est un exercice de partage personnel et subjectif, suivant nos goûts et nos expériences. La série m'a déçue, pour les raisons exprimées, mais ce n'est que mon opinion. ;)

Sinon, concernant le parallèle avec Alias, ou même La Femme Nikita, que certains font, je pense qu'il est surtout encouragé par le fait que nous avons une héroïne centrale, une espionne dans ce milieu si dur (+ le fait que cela soit Melissa George). Alias, dans ses deux premières saisons (pour après, cela a un peu déraillé), faisait de l'espionnage high tech-fun, plutôt bien construit, sans prétendre un instant toucher à une forme de réalisme vers lequel Hunted tend plus. De plus, en effet, le format et la construction narrative sont très différents.

A mes yeux, le 3e épisode est pour le moment le plus réussi (même si tous ces problèmes énoncés m'empêchent de rentrer dans l'univers), donc Hunted devrait poursuivre sur une progression que ses amateurs apprécieront. ;)

Écrit par : Livia | 20/10/2012

"Melissa George peut parfois être très correcte dans certains rôles"

Elle peut aussi être exceptionnellement bouleversante comme dans la première saison d'In treatment.
Et rien que pour cela, tout, je dis bien tout, lui sera pardonné.

Bon sinon, j'attends la fin de la diffusion pour regarder tout d'un bloc.
Sans attentes particulières.
Mais je dois dire que tes reproches de froideur et de distance sont plutôt de nature à aiguiser ma curiosité (c'est plutôt quand tu parles d'empathie et d'émotion que j'ai tendance à me méfier :) ) .

Écrit par : Fred | 20/10/2012

Oyo,
+ 1 pour la qualité d interprétation dans in treatement de Melissa G. elle m avait littéralement retourné le problème de cette actrice c'est qu'elle n'est pas polymorphe les films d actions elle passe plus que moyennement alors que dans des rôles plus subtile et romantique elle montre tout son potentiel.
quand à la série en elle même cela se laisse voir sans prétention le script avance parfois de manière chaotique et le coté froid et désincarné et partiellement dû à la faiblesse du scénario.
pour info très bonne interview de David Simon pour les connaisseurs le papa spirituel de the wire toujours aussi culte pour moi
http://www.lemouv.fr/diffusion-way-down-in-the-hole
ride on

Écrit par : Dibs | 21/10/2012

Je l'avais sur ma "to watch list" mais comme les avis sont mitigés j'hésite. Et puis j'ai Spooks à finir de toute façon.

Écrit par : Jessica | 23/10/2012

Je l'ai mis aussi sur ma liste comme Jessica, mais bon ton avis m'a un peu refroidi...

Écrit par : Nephthys | 31/10/2012

@ Fred : "Mais je dois dire que tes reproches de froideur et de distance sont plutôt de nature à aiguiser ma curiosité (c'est plutôt quand tu parles d'empathie et d'émotion que j'ai tendance à me méfier :) )" :
Tu as inventé la lecture a contrario de blog ^_^ Je trouve quand même qu'il y a un problème de construction d'ensemble. Dibs résume le sentiment général, "cela se laisse voir sans prétention". Et pour ce qui est des fictions d'espionnage, j'ai tendance à être exigeante !


@ Dibs : "polymorphe les films d actions elle passe plus que moyennement alors que dans des rôles plus subtile et romantique elle montre tout son potentiel."
Tu résumes parfaitement cette actrice ; et c'est pour cela que justement Hunted ne lui rend pas justice. Ce n'est pas le type de rôle dans lequel elle peut s'épanouir. Mais il y a aussi un souci global de direction dans l'écriture, parce que le casting dans l'ensemble est assez en retrait (alors même que l'on a là quelques valeurs sûres !).


@ Jessica & Nephthys : Comme souvent, j'ai tendance à considérer qu'il faut se faire sa propre opinion si la série vous intéressait a priori. Ce n'est pas "invisionnable". Mais peut-être ne pas l'aborder avec de trop hautes attentes. ;)

Écrit par : Livia | 02/11/2012

Je la tenterais peut-être mais disons que j'ai d'autres séries à voir avant si ca n'est pas LA découverte de cette rentrée...

Écrit par : Nephthys | 02/11/2012

Vu le premier épisode.
J'avoue être admiratif devant ta capacité à écrire un article aussi long et détaillé sur ce truc complètement quelconque.

Bon sinon, pour écrire quand même quelque chose sur la série, je dirais qu'au contraire de ce que tu écris, j'aurais voulu que la série soit encore beaucoup plus froide, beaucoup plus déshumanisée, qu'elle assume l'opacité contre l'empathie.
Genre, j'aurais voulu quelque chose comme du De Lillo et pas ce gloubiboulga hyper calibré au cahier des charges vu et revu des zillions de fois.

Ah oui tiens, j'ai aussi commencé Shokuzai.
Voilà quelque chose qui, s'il n'est pas nécessairement exempt de tout défaut, possède néanmoins une réelle personnalité.

Écrit par : Fred | 15/11/2012

@ Fred : "J'avoue être admiratif devant ta capacité à écrire un article aussi long et détaillé sur ce truc complètement quelconque."
= C'est une déformation professionnelle parfois utile, parfois source déraisonnable de perte de temps. ^^

Hunted se réapproprie juste de façon beaucoup trop superficiel ses thèmes. La série a fait un flop en Angleterre et la BBC l'a annulé, mais il semble que Cinemax veuille la sauver. Je pense aussi qu'on a peut-être là le résultat d'un mariage mal abouti suite à la différence d'écriture qu'il peut exister entre l'Angleterre et les Etats-Unis.


"Ah oui tiens, j'ai aussi commencé Shokuzai.
Voilà quelque chose qui, s'il n'est pas nécessairement exempt de tout défaut, possède néanmoins une réelle personnalité."
= Oh! :D Je serais très curieuse de lire tes impressions sur Shokuzai. Pour l'identité, je pense que nul ne pourra le contester : c'est du Kurosawa Kiyoshi, avec une histoire s'inscrivant dans la lignée des romans marquants de Minato Kanae.

Écrit par : Livia | 18/11/2012

J'ai vu trois épisodes de Hunted à présent.
Ce truc ne ressemble absolument à rien.
C'en devient drôle tellement ça ne ressemble à rien.

Pour Shokuzai, j'ai été franchement impressionné par le troisième épisode (avec la fille qui se compare à un ours).
Mais bon, Kiyoshi Kurosawa, ça fait une petite quinzaine d'années que je suis fan (depuis la découverte de son film "Cure" au Festival du film fantastique de Bruxelles).
Je ne connais pas Kanae Minato, par contre.
Quand j'aurai fini le visionnage, j'écrirai peut-être un petit avis sur la page de la chronique dédiée à la mini-série.

Écrit par : Fred | 19/11/2012

Les commentaires sont fermés.