Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/02/2015

[Divers #2] Une semaine en séries : The Americans, Banana & une fin de week-end en musique


Poursuivons pour ce week-end (et peut-être encore pour le prochain) la nouvelle rubrique "Divers". Qu'est-ce qui a marqué ma semaine sériephile ?


TheAmericans_zps88aebe0f.jpg


Mon événement sériephile de la semaine était le retour de The Americans aux États-Unis. La deuxième saison avait su complexifier à merveille l'univers de la série, entremêlant toujours plus les loyautés pour mieux les briser, tout en rappelant durement aux Jennings qu'aucune frontière n'existait entre le monde létal de l'espionnage auquel ils appartenaient et le cocon familial qu'ils avaient créé, ce fameux alibi initial dont le statut demandait plus que jamais à être défini. La troisième saison démarre dans la continuité directe des dilemmes sur lesquels la série nous avait quitté. Elle nous montre à nouveau que le danger est toujours là, permanent, capable de surgir sans prévenir au détour d'une soirée a priori anodine. Dans leur rôle d'espions, comme dans leur rôle de parents, les Jennings sont contraints de prendre, dans la précipitation, diverses décisions, peut-être déterminantes, jamais pleinement satisfaisantes, arbitrant tant bien que mal leurs priorités. La manière dont l'épisode souligne la précarité de leur situation apparaît comme un écho au contexte géopolitique qui voit l'URSS s'embourber en Afghanistan. À toutes ces tensions internes au bloc russe, qui contraignent les agents à prendre plus de risques pour mettre la main sur des informations vitales, s'ajoutent celles inhérentes à cette famille atypique où trop de choses demeurent irrésolues. Elizabeth et Philip n'ont jamais été totalement en phase sur ces questions ; confrontés à de nouveaux choix, les voilà pris dans une situation difficile à dénouer, qui dépendra sans doute aussi beaucoup de Paige. J'ai hâte de découvrir la suite.

vlcsnap-2015-02-01-20h44m27s232_zpse5469fdf.jpg


Pour le deuxième événement de la semaine, retraversons l'Atlantique. Seize ans après Queer as Folk, Russell T. Davies est revenu à la télévision britannique, en ce mois de janvier, avec deux nouveautés : Cucumber et Banana. Diffusée sur C4, Cucumber suit Henry, un quadragénaire qui voit le (relatif) calme de sa vie conjugale avec Lance bouleversé par différents événements. Banana, à destination d'un public plus jeune sur E4, propose plusieurs histoires courtes, indépendantes, s'inscrivant dans l'univers créé par Cucumber et jetant un éclairage sur d'autres protagonistes. La diffusion en parallèle de ces deux séries, avec la complémentarité permise par le double visionnage, est vraiment une intéressante expérience narrative. Le téléspectateur mesure ainsi comment un même thème peut être exploré et décliné à travers des tonalités et des approches différentes. Par-delà ces jeux d'écriture, je voudrais saluer cette semaine le deuxième épisode de Banana. En moins d'une demi-heure, il nous relate l'histoire de Scotty, une jeune lesbienne qui tombe éperdument amoureuse d'Yvonne, une femme mariée croisée dans le supermarché où elle travaille. C'est une passion soudaine qui surgit, aussi incontrôlable qu'incontrôlée. Elle ébranle la jeune femme, l'entraînant sur une dangereuse pente obsessionnelle qui menace de la perdre. Ce récit aurait pu prendre une tournure inquiétante, dramatique. Il se révèle avant tout simple et touchant, juste ce qu'il faut. Il émane de l'ensemble une sincérité surprenante, étrangement désarmante, portée par une écriture bien dosée et qui sonne juste. L'interprète de Scotty, Letitia Wright, capture parfaitement son personnage. Un épisode qui réussit donc à faire vibrer une corde sensible enfouie dans le cœur du téléspectateur - et c'est déjà beaucoup.
 


Enfin, pour terminer le week-end sur une note musicale, je vous laisse avec un petit extrait de la soundtrack de Banana qui ne manque pas de chansons parfaitement choisies. My Hands, par Grey Reverend :

05/05/2013

(US) The Americans, saison 1 : jeux de miroirs faussés entre soviétiques et américains

 
theamericans0_zpsa988ba6c.jpg

Retour aux Etats-Unis en ce dimanche ! Il faut dire que cette première moitié d'année 2013 est assez positive dans le petit écran américain. Il y a les valeurs sûres pour me confirmer tout le bien que je pense d'elles, avec une saison 4 de Justified qui a été à la hauteur (et sur laquelle il faut vraiment que je prenne le temps de revenir prochainement). Côté nouveautés, j'ai été agréablement surprise par une nouvelle venue dans le monde des séries, Sundance Channel, qui m'a conquise avec Rectify. Et j'ai même replongé dans les grands networks US grâce à Hannibal (qui, au vu de ses audiences, risque de ne pas échapper à la malédiction frappant invariablement toute nouveauté de networks que j'aime...).

En attendant de revenir sur toutes ces fictions, le billet du jour est consacré à une série dont j'ai déjà parlé il y a plusieurs mois, et dont la première saison s'est achevée ce mercredi aux Etats-Unis : The Americans. Le pilote s'était révélé très convaincant, les 12 épisodes qui ont suivi ont-ils confirmé les promesses entrevues ? Si je me suis beaucoup attachée à cette série, que j'ai suivie sans jamais prendre le moindre retard (un signe qui ne trompe pas), il aura cependant manqué quelque chose à cette première saison pour faire d'elle une fiction incontournable. Elle n'en reste pas moins une bonne série, solide, enthousiasmante à l'occasion. Nul doute que je serai au rendez-vous pour la saison 2.

theamericans5h_zps2dd864e0.jpg

Rappelons brièvement l'histoire : se déroulant dans les années 80, The Americans met en scène un couple d'Américains en apparence ordinaires, Phillip et Elizabeth Jennings, qui derrière leur vie de famille bien rangée sont en réalité des agents soviétiques infiltrés aux Etats-Unis. Ils accomplissent pour leurs supérieurs diverses missions - de la collecte de renseignements à la capture ou à l'assassinat d'individus -, tout en tentant de préserver une façade de normalité qui leur permet de donner le change face au monde extérieur. Ce concept de départ a pour conséquence de fusionner vie privée et responsabilités professionnelles, chacune étant emboîtée dans l'autre, et la première servant à mener à bien les secondes. Cela permet un intéressant mélange : derrière le récit d'espionnage aux codes narratifs classiques pour ce genre, The Americans est une fiction relationnelle. User des sentiments pour parvenir professionnellement à ses fins se généralise d'ailleurs au fil de la saison, une relation prenant même un tournant inattendu au cours duquel les rapports de force s'inversent.

Cependant, c'est le couple Jennings qui demeure le sujet principal. Si la série échoue à exploiter de manière convaincante le parallèle potentiel entre ces derniers et leurs voisins, le couple de l'agent du FBI restant trop superficiel et plat pour intéresser, la caractérisation des deux agents soviétiques est en revanche autrement plus soignée et inspirée. Il faut dire que les divergences existant entre Elizabeth et Phillip avaient clairement été établies dès le pilote : ils abordent différemment aussi bien leur mariage, que leur mission en général. A partir de là, cette première saison joue sur ces deux ressorts pour rendre leur relation très mouvante, chacun semblant s'accrocher à ses certitudes ou chercher des repères par trop vacillants. Ce qui explique que The Americans renvoie parfois l'impression d'avancer d'un pas, pour ensuite reculer de deux, et enfin en sauter trois. Cependant sa grande réussite est de parvenir à capturer les dilemmes et les dualités de ce couple atypique. Bénéficiant d'une écriture engageante, assez fine psychologiquement, la série surprend ainsi tout particulièrement par sa faculté à nous impliquer dans les retombées personnelles de ces jeux d'espions qui n'en demeurent pas moins létaux.

theamericans5c_zpsbce31d5c.jpg

The Americans aborde certes le thème du couple - avec une base de départ assez unique -, mais elle reste une série d'espionnage. Elle gère d'ailleurs plutôt bien le dosage entre ces deux éléments. Les missions mises en scène ont ce côté besogneux, parfois anecdotique ou inutile, des fictions d'espionnage qui refusent de glamouriser cette profession. Le spectaculaire n'est pas le quotidien des protagonistes, et c'est tant mieux. Ce qui est au coeur de The Americans, c'est l'idée de l'infiltration : opérer en sol étranger et s'y fondre. Il s'ensuit un véritable jeu de miroirs faussé entre russes et américains. Cet aspect est un des éléments les plus intéressants de la série - même si elle ne l'exploite pas toujours pleinement. Autour d'une trame commune, elle nous fait vivre en parallèle plusieurs visions subjectives distinctes, des divergences se faisant jour au sein même de chaque camp.

Un des épisodes les plus intéressants de la saison est le quatrième, In Control. Il traite de la manière dont les soviétiques reçoivent et analysent un fait historique bien réel, la tentative d'assassinat sur le président Reagan. L'épisode montre combien chacun extrapole alors sur le futur des Etats-Unis, à partir d'informations parcellaires, avec des outils d'analyse personnels biaisés par une culture et par une compréhension des fondations du pays qui lui est propre. Ce thème des différences de mentalités revient également dans la relation qui se noue entre l'agent du FBI, Stan, et sa taupe à la rezidentura, Nina : il est perceptible dans leurs échanges, mais aussi dans l'évolution que connaît leur rapport. Le concept choisi par la série l'oblige à éviter tout manichéisme dans la mise en scène des deux camps. Par ses incursions dans les différences de perception de chacun - mais aussi en montrant leurs similitudes (l'écho que trouvent les différentes morts auprès des protagonistes), The Americans tient un sujet fascinant d'ambivalence, qui mériterait vraiment d'être exploré jusqu'au bout.

theamericans5g_zpsfdc8bbcc.jpg

Si ce ne sont ni les bonnes idées, ni le potentiel d'ensemble, qui font défaut à The Americans, il manque quelque chose à la série pour faire d'elle une grande. En premier lieu, c'est l'intensité qui pose problème dans certains épisodes. La série suit des intrigues souvent bien construites et exécutées de façon fluide, mais tout y semble toujours très calibrée, avec une relative prévisibilité qui empêche la tension de monter. De plus, on a l'impression que la fiction, du fait de son concept, se voit contrainte de préserver un statu quo qu'elle n'ose remettre en cause : il ne peut être envisagé que les protagonistes principaux (les Jennings et Stan) soient en danger, du moins pour le moment. Peut-être rejoint-on aussi ici une limite de l'historique : faire revivre la Guerre froide est intéressant, mais tout ne peut pas arriver. Si la série a démontré sa capacité à intégrer grande et petites histoires, il lui reste à montrer qu'elle saura quand il le faudra redistribuer les cartes. L'épisode final est assez révélateur des forces et limites de The Americans : il amène remarquablement le danger sur le couple - avec deux premiers tiers assez magistraux -, pour ensuite déjouer le tout par une simple course poursuite, avec des conséquences limitées sur la situation de chacun.

Le choix d'une retenue qui peut s'interpréter comme de la sobriété se retrouve dans le visuel de la série : pour nous plonger dans une ambiance 80s', outre une bande sonore marquée par cette époque (mais dont les chansons emblématiques restent utilisées avec une parcimonie bienvenue), The Americans fait le choix d'un esthétique un peu terne qui, visuellement, se rattache à cette période, loin de toute reconstitution flamboyante. Enfin, la série a le mérite de pouvoir s'appuyer sur un casting convaincant. Keri Russell (Felicity) et Matthew Rhys (Brothers & Sisters, The Mystery of Edwin Drood, The Scapegoat) n'y sont pas pour rien dans l'attachement et l'implication que leurs personnages peuvent susciter. En soutien, Margo Martindale délivre une prestation comme toujours admirable de maîtrise dans un rôle très ambigu qui, jusqu'au bout, prendra le contre-pied de bien des attentes et saura révéler de nouvelles facettes. Face à eux, Noah Emmerich dispose d'un personnage moins attrayant qui, cependant, forme un pendant assez naturel aux agents du KGB qu'il traque.

theamericans5e_zps4531aa4e.jpg
theamericans5a_zpsc38d14c3.jpg

Bilan : The Americans signe une première saison très solide et intéressante. La série a réussi son premier objectif : celui d'impliquer le téléspectateur auprès de son couple central, agents du KGB qu'elle est parvenue à humaniser, entremêlant habilement problématiques relationnelles et jeux d'espions. Elle laisse cependant l'impression de ne pas avoir toujours su exploiter pleinement le potentiel extrêmement riche de son concept et de toutes les thématiques qu'il permet d'aborder. C'est une bonne série à laquelle je me suis beaucoup attachée, mais elle demeure certainement perfectible. J'attendrai la saison 2 avec impatience, en espérant que les scénaristes auront appris de leurs limites au cours de cette première saison pour que The Americans acquiert toute l'intensité et l'ampleur qu'elle mérite, et qui est certainement à sa portée.


NOTE : 7,75/10


Le générique de la série :

BONUS - La chanson sur laquelle cette saison se conclut (Games without frontiers) :


02/02/2013

(Pilote US) The Americans : agents infiltrés et conflits de loyautés sur fond de Guerre froide

theamericans0_zpsa988ba6c.jpg

La première fois que j'ai entendu parler de The Americans, j'avoue avoir surligné le projet avec un peu d'excitation, laquelle n'a cessé de croître depuis. L'espionnage figure en très bonne place parmi mes genres de prédilection. A fortiori lorsque la fiction se déroule dans LE cadre par excellence pour une telle histoire : celui de la Guerre froide. Certes la télévision a pu nous proposer de solides oeuvres ces dernières années traitant de périodes plus récentes, comme Spooks ou Rubicon ; mais rien ne remplacera jamais la mise en scène de la confrontation Est-Ouest. Je serai éternellement fascinée par ce parfum caractéristique qui flotte dans les grands chefs d'oeuvres d'espionnage que sont des séries comme The Sandbaggers ou Tinker, Tailor, Soldier, Spy (La Taupe).

Avec The Americans, qui a débuté ce mercredi 30 janvier 2013 aux Etats-Unis, nul besoin d'aller exhumer des productions des décennies précédentes : c'est FX qui nous renvoie directement au début des années 80, alors que la Guerre froide est relancée par différentes décisions. Sur le papier, cette série, créée par Joe Weisberg, rassemblait théoriquement tous les ingrédients pour me plaire, de son sujet jusqu'à son casting. Si le pilote reste avant tout un premier contact, inutile d'entretenir le suspense : l'introduction est parfaitement réussie ! Cela faisait quelques temps que je n'avais pas apprécié un premier épisode de série américaine autant que j'ai aimé celui de The Americans. Et cela fait du bien.

theamericansi_zpsd3c63fec.jpg

The Americans s'ouvre aux Etats-Unis en 1981. L'URSS est intervenue en Afghanistan l'année précédente, Reagan débute tout juste son premier mandat... L'atmosphère s'apprête à se glacer une dernière fois, conduisant à une ultime escalade avant que l'un des deux acteurs de l'opposition qui aura scindé le monde en deux pendant plusieurs décennies ne disparaisse. Et il y a quelque chose d'assez ironique, trois décennies plus tard, à voir une série américaine se replonger dans cette période en adoptant le point de vue d'agents... du KGB.

En effet, The Americans met en scène un couple d'Américains ordinaires, Phillip et Elizabeth Jenning, qui semblent vivre une vie calme, rangée et heureuse. Habitant en banlieue résidentielle, mariés et ayant deux enfants, pour le monde extérieur, ils apparaissent tout simplement comme les représentants parfaits de l'american way of life de ce début des années 80. Mais derrière le poster, la réalité est tout autre : agents russes arrivés sur le sol américain dans les années 60, ils ont surtout tout fait pour se fondre sciemment dans le décor.

Jusqu'à présent, ils ont pu construire leur vie américaine et mener leurs missions sans éveiller de soupçons. Cependant, dans un contexte de recrudescence des tensions entre les Etats-Unis et l'URSS, et avec les inquiétudes des services du contre-espionnage américain dont un agent du FBI vient même s'installer dans leur voisinage au cours du pilote, ils vont voir leurs vies se compliquer un peu plus.

theamericansz_zpsa9a3ac9d.jpg

The Americans signe un pilote extrêmement efficace dont le grand mérite est de très bien introduire l'univers et les enjeux de la série. L'écriture est solide, profitant pleinement de la durée relativement longue - 1h10 - pour soigner les détails du cadre et des personnages. Si le rythme n'est pas égal tout au long de l'épisode, sa construction assurée met habilement l'accent sur un des grands attraits de son concept : l'intéressant mélange des genres qu'il va occasionner. Tour à tour drame familial, questionnement identitaire et fiction d'espionnage, la série a pour elle une richesse potentielle de thèmes et d'approches qui s'annonce extrêmement prometteuse. Au cours de ce pilote, elle se montre convaincante et solide dans chacune de ces différentes facettes, retenant sans faillir l'attention du téléspectateur. Assez logiquement au vu du synopsis, ce sont d'abord les bases d'un divertissement d'espionnage efficace qui sont posées au cours d'une séquence introductive parfaitement exécutée. En quelques scènes clés, se voulant représentatives, on y suit nos deux protagonistes principaux au cours d'une mission qui sera finalement un échec. L'épisode en profite pour également délivrer quelques brèves scènes d'action qui prouvent que la série n'aura pas de difficulté à intervenir dans ce registre lorsque son histoire et ses rebondissements le nécessiteront.

Après un tel démarrage, la tension reste ensuite constante en arrière-plan, chaque petit détail du quotidien rappelant la réalité de la situation des Jennings. Elle ressurgit tout particulièrement au cours de quelques passages qui font office de piqûres de rappel des scénaristes. En effet, au-delà du danger représenté par les missions (souligné dès le départ), existe aussi celui d'être exposé par les autorités américaines. Pour pimenter les choses, le pilote use ici d'une coïncidence qui peut sembler dans un premier temps excessive : l'emménagement en face des Jennings d'un agent du FBI du contre-espionnage. Mais la présentation progressive de ce personnage légitimise peu à peu cette ficelle narrative. Ayant récemment terminé une longue mission d'infiltration, où il a cultivé sa paranoïa, il est un écho parfait au couple principal. Ayant aussi appris que la procédure n'est pas toujours la voie à suivre, il nous offre une dernière scène du pilote hautement symbolique. Elle met en exergue la précarité de la vie bien ordonnancée des Jennings, tout en montrant combien ces derniers restent sur leurs gardes, déterminés à protéger leur existence. Un simple plan de caméra dévoilant Phillip, dans l'ombre, armé et prêt à abattre l'agent s'il avait découvert quoique ce soit pour étayer ses soupçons, l'illustre à merveille. En résumé, la série semble être en mesure d'assumer et de manier tension et divertissement d'espionnage avec brio.

theamericanso_zpse17715e7.jpg

Cependant The Americans ne saurait se limiter à un simple récit d'espionnage, et c'est là sa grande richesse. La situation dépeinte dans ce pilote est atypique, soulevant des conflits originaux dont le traitement s'annonce très intéressant. Nous avons là deux agents, réunis professionnellement pour une mission au long cours. Dans ce but, ils ont eu des enfants et entretiennent l'illusion de la cellule familiale américaine type. Première question soulevée d'emblée, en découvrant Elizabeth en train de soutirer des informations à un haut placé américain en plein ébat sexuel : au sein de ce couple artificiellement créé par les ordres de leurs supérieurs, où se positionnent Phillip et Elizabeth l'un par rapport à l'autre ? A un moment donné, avec tout ce qu'ils ont partagé, le jeu des apparences est-il devenu réalité ? Des sentiments sont-ils nés entre eux ? De plus, avoir fondé une famille a introduit une nouvelle priorité à prendre en considération. Deux loyautés peuvent potentiellement entrer en confrontation : entre le pays et les enfants, qui doit avoir la primauté, un vieux serment prêté il y a deux décennies ou la réalité de la situation actuelle ? Toutes ces problématiques s'annoncent centrales au sein de la série, et l'approche psychologique et nuancée avec laquelle l'écriture les traite dans ce pilote rend optimiste pour la suite.

Car Phillip et Elizabeth sont très dissemblables, avec chacun leurs propres aspirations, leurs propres interrogations et leurs propres hiérarchies des priorités. Elizabeth a conservé ses certitudes et son nationalisme, profondément fidèle à son pays. Elle en peine même à admettre que ses enfants se transforment sous ses yeux en adolescents américains moyens. A l'opposé, Phillip nourrit beaucoup de doutes : c'est la famille qu'ils ont fondée qu'il veut d'abord préserver. Il rêve de voir cette illusion se transformer en réalité et d'en finir avec cette double vie : pourquoi ne pas, comme tant d'autres, faire défection ? Si la caractérisation des deux personnages est soignée, le plus fascinant dans ce pilote est la dynamique de couple introduite. Nourri d'ambivalences, un lien fort n'unit pas moins les deux personnages. Phillip est certes celui qui est le plus investi dans cette relation, mais la manière dont le couple se retrouve à la fin, partageant un degré de compréhension et une alchimie rares, démontre la complexité de leurs rapports.

theamericansy_zps1564ca51.jpg

Solide sur le fond, The Americans convainc également sur la forme. La reconstitution des années 80 est appliquée, qu'il s'agisse du cadre comme de l'utilisation d'une bande-son qui fleure bon cette période : qu'il s'agisse de passages uniquement musicaux (la course-poursuite du début par exemple est assez jubilatoire) ou bien le recours à quelques chansons parfaitement en adéquation (Phil Collins flotte In the air tonight après avoir vu ce pilote). Les quelques scènes d'action sont également bien réalisées : sans que la série ne bascule dans ce genre, elle impose d'emblée une crédibilité appréciable aux différentes facettes de la vie des espions. Si le générique n'apparaît au cours de ce pilote, il a cependant été dévoilé par ailleurs (cf. la deuxième vidéo ci-dessous) et se révèle très bon : il partage avec d'autres fictions récentes ayant pour thème l'infiltration - à savoir Sleeper Cell et Homeland - une approche où se mêlent images d'archives/d'actualité et images des protagonistes de la fiction. Recontextualisant avec nombre de symboles les enjeux de la série, il se montre des plus attrayants pour donner le ton.

Enfin The Americans a aussi pour elle de bénéficier d'un casting tout simplement impeccable, avec un duo central qui sait tirer le meilleur parti des solides personnages qui sont introduits. Keri Russell (Felicity) propose un personnage intense, armée de ses certitudes. Tandis que Matthew Rhys (Brothers & Sisters - qui retraverse l'Atlantique après une année passée outre-Manche dans The Mystery of Edwin Drood ou encore The Scapegoat) dévoile plus de doutes, mais partage ce même froid professionnalisme notamment durant les scènes d'action. Jouant dans des registres à la fois différents et complémentaires, et dotés d'une très bonne alchimie, les deux acteurs trouvent immédiatement le ton juste. Face à eux, c'est Noah Emmerich (récemment croisé dans quelques épisodes de White Collar ou de The Walking Dead) qui interprète leur nouveau voisin du FBI instinctivement soupçonneux, avec pour collègue de travail un agent joué par Maximiliano Hernandez. Keidrich Sellati et Holly Taylor jouent les enfants du couple Jennings. Du côté des protagonistes secondaires, on retiendra tout particulièrement la présence annoncée de Margo Martindale.

theamericansa_zpsbc27d46e.jpg
theamericans2b_zps58602f21.jpg

Bilan : Doté d'une écriture solide et nuancée, The Americans signe un pilote maîtrisé et convaincant. Tout en esquissant des portraits intéressants, tout en finesse psychologique, de ses personnages principaux, il laisse entrevoir le potentiel prometteur de son concept de départ, positionnant la fiction à la croisée de différents genres. Au-delà du récit d'espionnage, c'est une déclinaison très particulière du drama familial qui se dessine. Dans une fiction où la dualité est maître-mot, les différents rapports mis en scène semblent destinés à rester ambigus ; et dans cette optique, de nombreuses problématiques méritent d'être explorées. Il faudra voir comment la série maintiendra son équilibre entre ces genres à moyen terme, mais, assurément, je serai devant mon petit écran pour l'apprécier ! A suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la série :

Le générique de la série :