19/11/2010
(Pilote UK) The Indian Doctor : rafraîchissante dramédie sur fond de choc des cultures dans les sixties
Ce que je chéris plus que tout dans la téléphagie, ce sont les surprises. Ces soirs où, l'air de rien, vous lancez un pilote à l'aveugle, sans trop savoir ce qui vous attend, et vous vous retrouvez finalement à passer une heure très agréable devant votre petit écran, vous disant qu'il s'en est fallu de peu pour que vous ratiez quelque chose. Et bien, c'est ce qu'il s'est passé hier avec The Indian Doctor. Parce que j'avoue ne pas faire toujours très attention aux programmes hors soirées, il m'aura fallu une piqûre de rappel salvatrice pour y consacrer ma soirée.
Cette mini-série, composée de cinq épisodes, est actuellement diffusée sur BBC1, depuis le lundi 15 novembre, chaque jour de la semaine en début d'après-midi. Si on a beaucoup débattu de la question des mises en scène de chocs culturels (et de ses travers) en cette rentrée téléphagique en raison de la série Outsourced aux Etats-Unis, The Indian Doctor n'a de commun avec sa consoeur américaine que l'Inde et son actrice principale qui jouait dans le film dont la série américaine est une adaptation. Car, avec une facilité désarmante et beaucoup de fraîcheur, The Indian Doctor se joue de bien des écueils de ce genre pour s'imposer comme une dramédie très sympathique flirtant bon un doux parfum nostalgique des sixties.
The Indian Doctor se déroule en 1963. Elle a pour cadre un petit village minier du Pays de Galles, Trefelin. Son médecin généraliste, qui attendait son remplaçant, vient de décéder. Cependant le ministre de la santé britannique de l'époque, Enoch Powell, a lancé une vaste campagne de recrutement de médecins indiens venant s'installer au Royaume-Uni afin de pourvoir à tous ces postes vacants dans le domaine de la santé. C'est dans ce contexte que Prem Sharma est affecté à ce petit village. Le pilote s'ouvre sur son arrivée par le train, avec son épouse, Kamini que la perspective de se perdre au fin fond de la campagne britannique ne réjouit guère, toute à ses rêves londoniens qu'elle est.
Il faut dire que les habitants de Trefelin, s'ils font dans l'ensemble preuve de bonne volonté pour accueillir ces nouveaux venus, gardent leurs idées préconçues, quelque peu folkloriques, sur l'Inde. D'autant que c'est la projection du film Les dessous d'un millionnaire, avec Sophia Loren et Peter Sellers, qui fait office de document d'information. Voilà qui n'est pas pour balayer l'image qu'ils se font de ce grand territoire inconnu du bout du monde. Tout cela débouchera sur quelques scènes savoureuses venant agrémenter une dynamique des chocs culturels qui sous-tend l'ensemble de façon étonnamment rafraîchissante. Jouant sur les attentes du téléspectateur, la série s'amusera souvent à le prendre à contre-pied. Prem et Kamini sont en effet issus d'un milieu très aisé, avec des relations dans la haute société britannique à donner le vertige à ces provinciaux dont la simplicité de vie perturbe grandement une Kamini habituée à son confort et qui n'a rapidement qu'une envie : quitter au plus vite cet endroit perdu pour retrouver la "civilisation".
Ce qui séduit rapidement, devant le pilote de The Indian Doctor, c'est cette forme de charme quelque peu désuet, mais tellement rafraîchissant, qui se dégage de l'ensemble. La série propose une mise en scène de la vie d'un petit village du fin fond de la campagne britannique qui flirte bon une simplicité provinciale désarmante à laquelle vient s'ajouter, de manière plus incidente, une douce nostalgie des sixties. Suivant une narration rythmée et résolument légère, la série fait pourtant preuve d'une réelle densité, en mesure d'alterner, sans transition, des passages plus pesants, voire dramatiques - le passé récent du couple indien ayant été marqué par une tragédie -, et des scènes qui exploitent parfaitement un comique de situation de circonstances. Le tout bénéficie pleinement de dialogues habilement ciselés qui parviennent à mettre en valeur tant l'anecdotique quotidien des villageois, que la grandiloquence de la savoureuse et imposante Kamini.
C'est cette tonalité quelque peu volatile, dans laquelle le téléspectateur se sent instantanément confortable, qui fait de The Indian Doctor une fiction excessivement sympathique, à la bonne humeur globale communicative. Abordant logiquement la thématique des chocs de cultures, la série va habilement éviter tous les écueils et lourdeurs du genre, pour prendre un malin plaisir à se jouer des préjugés et autres idées préconçues des uns et des autres ; qu'elles soient flatteuses (telle la vénération de Gandhi et la généralisation de son action à toute la société indienne) ou caricaturalement folkloriques (la préparation du repas où les Sharma sont invités, avec la question de la nourriture et des chaises). Les incompréhensions linguistiques, conséquences de l'accent local, en assureront l'aspect le plus léger.
Au final, si The Indian Doctor reste une fiction divertissante qui n'a pas d'ambitions sociologiques démesurées, elle surprend agréablement par la finesse et la subtilité d'une écriture réfléchie qui va permettre à la série d'investir avec une sobriété louable des plus plaisantes, ce registre parfois glissant de la comédie mettant en scène des chocs culturels.
L'attachement que l'on éprouve rapidement devant The Indian Doctor s'explique également en grande partie par sa dimension très humaine. Tout d'abord, la série parvient à capturer en quelques scènes l'âme de ce petit village minier du Pays de Galles, caractérisant plus précisément quelques individualités très colorées qui donnent immédiatement le ton. La première scène d'ouverture sur cette assemblée bigarée que l'on informe de l'arrivée du nouveau docteur est très révélatrice. Il émane de l'ensemble un sentiment de proximité qui rend la découverte de ces vies, somme toute anodines, étonnamment plaisante à suivre. Car si ce portrait de village du début des sixties ne se prétend en rien une reconstitution historique rigoureuse, c'est cette atmosphère proche et confortable qui lui confère son charme.
De plus - et surtout -, l'atout maître de The Indian Doctor réside dans la dynamique qui s'installe rapidement au sein du couple venant d'Inde pour se perdre dans le pays rural britannique. L'épouse, Kamini, bénéficie sans aucun doute des meilleures réparties, grâce à un style direct inimitable et une franchise désarmante. Au-delà de sa mine horrifiée à la perspective de faire des tâches domestiques, elle qui avait auparavant à sa disposition plus d'une dizaine de serviteurs, elle prend opportunément à rebours toutes les idées préconçues des villageois. Tout au long de ce pilote, ses interventions, souvent tranchantes, sont absolument savoureuses. Son fort tempérament offre un parfait pendant au calme et à l'attitude posée, assez flegmatique, de son époux, passé maître dans l'art du compromis. Une tragédie récente, évoquée filigrane, marque encore le couple, sans que l'épisode ne s'attarde véritablement là-dessus. Cependant ces informations permettent d'éclairer sous un autre jour, plus nuancé, leur relation des plus rafraîchissantes, qui sonne décidément très juste à l'écran.
Sur la forme, si la série ne bénéficie pas d'un budget suffisant pour assurer une reconstitution qui marquerait esthétiquement, il faut cependant saluer le résultat auquel elle parvient avec ses moyens modestes. N'ayant pas son pareil pour mettre en scène le quotidien bigarré de ce petit village rural, elle va utiliser à bon escient sa bande-son pour poser une atmosphère résolument sixties. Recourrant à des morceaux classiques de l'époque, s'amusant volontairement à piocher dans tous les genres, ces musiques apportent à l'ensemble une vitalité dynamique et légère contagieuse.
Enfin, le casting, à commencer par le couple central, se révèle des plus convaincants pour porter cette histoire à l'écran. Sanjeev Bhaskar (Mumbai Calling) offre une performance sobre très crédible en médecin calme et posé ; tandis que Ayesha Dharker (Coronation Street) s'impose parfaitement, avec un théâtralisme de circonstances, en épouse au fort tempérament. A leurs côtés, parmi les visages connus, le téléspectateur reconnaîtra notamment Mark Williams (Harry Potter, Sense & Sensibility).
Bilan : Sympathique et attachante dramédie, The Indian Doctor se révèle être une bonne surprise cachée dans les fictions programmées en journée sur BBC1. Dotée d'un charme un peu désuet, presque nostalgique, elle porte à l'écran une bonne humeur communicative, tout en bénéficiant d'une écriture plutôt fine et inspirée qui lui permet d'exploiter cette thématique du choc des cultures avec une fraîcheur assez désarmante et très plaisante à suivre. Sans ambition démesurée, ce pilote se révèle ainsi être un divertissement simple, à visionner sans arrière-pensée, sachant toucher et faire sourire le téléspectateur. Ce qui est déjà en soi, une première victoire.
NOTE : 7/10
La bande-annonce de la série :
12:10 Publié dans (Mini-séries UK), (Pilotes UK) | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bbc, the indian doctor, sanjeev bhaskar, ayesha dharker, mark williams | Facebook |