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21/11/2012

(K-Drama / Pilote) Can we get married ? : un drama relationnel humain, dynamique et rafraîchissant

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Il est des séries qui ne payent pas de mine a priori, dont la lecture de leur synopsis n'éveille pas d'intérêt particulier face à une histoire qui sonne déjà trop familière au téléspectateur. Prenez Can we get married ? : avec ce titre anglophone que les dramas coréens auront bientôt décliné sous toutes ses coutures (de The Man who can't get married à The Woman who still wants to marry), c'était une série qui s'annonçait dans la lignée la plus traditionnelle des fictions relationnelles, entre romance et famille. Je l'aurais sans doute écartée sans même la tester, si je n'avais pas lu plusieurs échos positifs ça et qui ont éveillé ma curiosité jusqu'alors insensible à ce drama. Au final, heureusement que ces avis étaient là.

Précisons tout de suite que les apparences ne sont pas toujours trompeuses : il est certain que Can we get married ? ne révolutionnera pas la fiction sud-coréenne sur ces sempiternels thèmes liés à l'amour. Cependant ce drama propose des débuts aussi dynamiques que rafraîchissants, avec une sobriété et une relative justesse bienvenue dans la mise en scène des sentiments. En résumé, dans le respect des traditions du petit écran du pays du Matin calme, ce fut une jolie surprise. Diffusée sur la chaîne câblée jTBC, les lundi et mardi, cette série a débuté le 29 octobre 2012. Il était donc grand temps que j'y consacre un mercredi asiatique !

[La review qui suit a été rédigée après avoir visionné les deux premiers épisodes.]

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Can we get married ? suit les destins croisés de plusieurs couples gravitant autour des deux protagonistes principaux, Jung Hoon et Hye Yoon, qui, après trois années passées à se fréquenter, décident de sauter le pas : le drama s'ouvre sur une demande en mariage de Jung Hoon qui, si elle ne se déroule pas totalement telle que planifiée (de l'éternel danger de glisser une bague dans un aliment...), rencontre la réponse affirmative et enthousiaste de Hye Yoon. Certes, la jeune femme, au caractère bien trempé, ne manque jamais d'énoncer à voix haute ses opinions, y compris sur son petit ami, mais elle n'en est pas moins très amoureuse. Il reste désormais au couple à faire le plus difficile : organiser le mariage en lui-même, et surtout rencontrer et se faire apprécier de leurs futures belle-familles respectives.

Or Deul Ja, la mère de Hye Yoon, forte tête également, a ses propres ambitions sur le mariage idéal que doivent contracter ses filles. Matérialiste et pratique, elle entend les préserver du besoin : plus qu'un mari attentionné ou gentil, l'argent est son critère déterminant. Qu'importe que sa fille aînée, mariée à un chirurgien, vive aujourd'hui une union guère épanouissante... tant que le confort apparent est là. Or Jung Hoon, son futur gendre, n'est qu'un simple employé, sans ambition démesurée, qui veut seulement vivre une vie ordinaire. Les craintes de Deul Ja se modèrent un temps lorsqu'elle apprend la condition sociale de ses parents, mais son interventionnisme ne connaît pas de frein dans la vie de sa fille. Au risque de mettre en danger le mariage même ?

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Si Can we get married ? ne se démarque pas par l'originalité des situations relatées, il faut avant tout reconnaître au drama une énergie et une recherche d'authenticité qui fait souvent mouche. A la fois classique dans ses problématiques et rafraîchissant dans le traitement qui en est proposé, il ambitionne de décliner le thème du mariage à travers différentes approches englobant toutes les conceptions, de la plus bassement matérielle à la plus fleur bleue romantique. Le repère du récit est le couple central : celui-ci renvoie évidemment à l'archétype des jeunes fiancés amoureux, qui ont les certitudes de leurs sentiments, mais encore parfois d'ultimes hésitations face à l'engagement. Reste qu'ils suivent pour le moment parfaitement cette feuille de route modèle dessinée par la société sud-coréenne.

Pour enrichir et nuancer cette problématique sentimentale, le drama introduit opportunément tout un entourage - principalement féminin autour de Hye Yoon - dont les situations sont très diverses, et surtout loin des archétypes idéalisés. Ainsi la meilleure amie de Hye Yoon est-elle enfermée depuis 5 ans dans une relation avec un playboy allergique à tout engagement : elle s'impatiente, désespère, mais doit bien se rendre compte que l'amour a ses raisons que la raison ignore. Ils peuvent bien rompre, ses sentiments n'en disparaissent pas pour autant. La soeur de Hye Yoon, mère de famille, s'est, elle, bien mariée, mais son couple ne fonctionne plus. La tension y est palpable, et apprendre l'infidélité du mari n'est pas une surprise. Quant à la tante de Hye Yoon, confidente et alliée, elle est une éternelle célibataire qui semble avoir tiré un trait sur le mariage...

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A partir de ce kaléidoscope de portraits autour de la thématique du couple, Can we get married ? séduit parce qu'il est un vrai drama relationnel au sens traditionnel, mais aussi noble du terme. C'est-à-dire qu'il trouve le juste équilibre des tonalités : il propose un récit certes romancé, émaillé de crises de nerfs et de rebondissements propres à la fiction, mais il ne tombe jamais dans des excès soap-esques vite indigestes. Ses personnages sont entiers et hauts en couleur dans le bon sens du terme. Le rôle tenu par la mère est particulièrement révélateur de ce savant dosage : elle s'oppose dans un premier temps au mariage, puis se mêle ensuite des comptes familiaux de son futur gendre... Mais si son interventionnisme embarrasse plus d'une fois sa fille, elle ne verse pas pour autant dans la caricature des belles-mères odieuses et manipulatrices complotant pour de l'argent. Elle reste crédible dans un rôle têtu, agaçant pour Hye Yoon, mais logique vis-à-vis sa propre expérience (et déception) des hommes.

Plus généralement, la fluidité avec laquelle le drama sait si bien entremêler ces cocktails amoureux tient à la qualité de son écriture, et notamment de ses dialogues. En effet, le scénariste manie l'art des joutes oratoires avec une plume acérée, qui occasionne des échanges très rapides (l'oeil du téléspectateur doit se faire vif pour lire les sous-titres !), reposant sur un vigoureux sens de la répartie assez savoureux. Dans toutes ses explosions d'émotions, de colères sitôt venues, sitôt oubliées, ou encore de soudaine expression des sentiments, le drama conserve toujours une authenticité bien réelle, et une vraie cohérence dans sa gestion des relations. Au-delà de la dramatisation nécessaire pour mettre un peu de piment dans ces histoires, un pendant relativement sobre perdure et permet de ne pas oublier que l'essentiel reste de dresser des portraits humains, qui parlent au téléspectateur : un objectif atteint !

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Sur la forme, Can we get married ? est l'antithèse des reproches que je formulais à The King of Dramas la semaine dernière. Alors que ce dernier était saturé d'effets qui finissaient par ne plus atteindre aucun but, noyés dans une bande-son que ses excès rendaient inaudible, Can we get married ? est un drama beaucoup plus posé. Si la réalisation est classique, la photographie est relativement sobre, ce qui sied bien à une fiction essayant de retranscrire avec une certaine authenticité tous ces malentendus amoureux. Cependant, c'est surtout l'utilisation faite avec justesse de la musique qui marque : sachant impulser un dynamisme opportun lors de certaines scènes, avec des instrumentaux plus ou moins rythmés, la bande-son sait aussi s'effacer quand il le faut, c'est-à-dire durant les échanges les plus importants. Il est frappant de constater combien les confrontations reposent intégralement sur les dialogues, sans musique pour tenter artificiellement de souligner le moment. La série n'a pas besoin de ces artifices, et c'est sans doute un des meilleurs compliments que l'on puisse adresser à son écriture.

Côté casting, Can we get married ? rassemble des acteurs dans l'ensemble corrects qui, sans se démarquer vraiment, ni imposer une présence notable à l'écran, savent efficacement rentrer dans leur rôle respectif. C'est particulièrement flagrant pour les deux acteurs principaux que sont Sung Joon (précisons que cet acteur bénéficie de l'affection particulière que j'éprouverais toujours pour le casting de White Christmas) et Jung So Min (Playful Kiss) : ils créent très vite une intéressante alchimie entre eux qui passe très bien à l'écran. Bien servis par des dialogues solides, ils incarnent des personnages qui leur correspondent. A leurs côtés, on retrouve notamment Kim Sung Min, Jung Ae Yun, Lee mi Sook, Sun Woo Eun Sook, Kang suk Wo, Kim Young Kwang, Hang Groo, Kim Jin Soo ou encore Choi Hwa Jung.

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Bilan : S'inscrivant dans la plus pure tradition des dramas relationnels sud-coréens, Can we get married ? se réapproprie et assume avec une maîtrise et une assurance appréciables les ressorts classiques du genre qu'il investit. Il sait se montrer rafraîchissant et efficace dans son approche, mêlant sens de la dramatisation nécessaire à la fiction et une certaine authenticité qui préserve l'humanité des portraits dépeints. Cohérent dans sa gestion des relations, il se démarque tout particulièrement par la mise en scène de ses confrontations, explosions savoureuses bien servies par de solides dialogues, qui apportent une intensité bienvenue à l'ensemble. Le potentiel est donc là, reste à Can we get married ? à bien grandir et à confirmer ces débuts.


NOTE : 7,25/10


La bande-annonce de la série :

15/06/2011

(K-Drama) White Christmas : un magistral thriller psychologique hautement déstabilisant

Evil rolled itself in the snow and came after us.

Are monsters born? Or are they made?

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Il y a des reviews qui s'écrivent toutes seules parce que nous sommes en territoire si bien connu que notre grille de lecture est déjà rôdée ; il y en a d'autres qui se construisent spontanément dans la frustration d'une déception... Mais il existe enfin des séries qui laissent le critique presque démuni devant son écran. Celles qui marquent, interpellent, laissent sans voix. Celles pour lesquelles, encore sous le choc, on voudrait simplement pouvoir s'emparer du premier dictionnaire des synonymes venu afin de coucher sur le papier tous les superlatifs qu'on pourrait y croiser. Comment, aujourd'hui, réussir à rédiger ma critique de White Christmas ? Comment rationaliser et tenter maladroitement de mettre des mots sur ce ressenti si intense, à la fois si perturbant et si personnel, que m'a laissé cette série ? Je n'ai sans doute pas le recul nécessaire, mais je vais quand même relever le défi. 

White Christmas est un drama spécial, comportant 8 épisodes, qui a été diffusé sur KBS2 du 30 janvier au 20 mars 2011. Scénarisé par une valeur sûre du petit écran sud-coréen, Park Yun Sun (à qui l'on doit notamment Alone in Love), il n'est pas arrivé par hasard dans ma télévision ; et je remercie très fort Waxius et Xiaoshuo pour avoir su aiguiser ma curiosité. Perturbant, fascinant, glaçant, déroutant, c'est un thriller psychologique qui pousse les recettes du genre à leur paroxysme, et qui nous entraîne à ses côtés dans une expérimentation des bas instincts de la nature humaine dont on ne ressort pas complètement indemne. Bref, un drama qui tranche dans le paysage téléphagique du pays du Matin Calme. Un must-seen incontournable.

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White Christmas se déroule dans le cadre déshumanisé d'un établissement perdu dans un désert blanc enneigé. Le lycée privé de Susin High est une institution extrêmement élitiste, qui n'accueille que les plus brillants élèves de Corée du Sud. Elle est entièrement consacrée à un seul objectif : les faire rentrer dans une des plus prestigieuses universités du pays, portés par un rythme scolaire vertigineux et une compétition constante entre eux. Isolé dans les montagnes, construit suivant les plans d'un architecte dont la démesure reflète bien le projet éducatif que représente ce pensionnat, Susin High est aussi un bâtiment ultra-moderne où la surveillance se rapproche plus de celle d'une prison que d'un lieu d'apprentissage. C'est dans ce cadre très froid, dans tous les sens du terme, que vont prendre corps les événements de cette série.

L'histoire débute la veille de Noël. Les seules vacances de l'année : huit jours autorisés loin d'un lieu qui se vide de quasiment tous ses occupants à cette période. Seuls restent généralement une poignée d'élèves ne pouvant rentrer en famille ou préférant étudier (même si cela porterait malheur). Ils sont sept en ce réveillon de 2010 à avoir choisi de ne pas quitter le lycée, un de leurs professeurs restant en tant qu'adulte responsable. Mais s'ils sont si nombreux par rapport à l'année précédente où ils n'étaient que deux, c'est qu'ils ont reçu une bien glaçante lettre, accusatrice, annonçant qu'un décès interviendra prochainement... La tension monte peu à peu dans ce huis clos où d'autres acteurs inattendus vont entrer en jeu. Car dans l'ombre où se dissimulent d'autres monstres, notamment un serial killer s'étant échappé non loin de là.

Un fil rouge, question lancinante presque réthorique, va accompagner cette descente aux enfers à la découverte de soi, pleine de faux semblants, alors que soupçons et trahisons plongent chacun dans une sourde paranoïa : "naît-on monstre ou nous fait-on devenir ainsi ?"

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Thriller psychologique d'une intensité aussi constante qu'éprouvante, White Christmas façonne progressivement ses enjeux dans une atmosphère pesante, vite oppressante, dans laquelle la tension ne va cesser de croître tout au long des huit épisodes. Ce drama s'impose tout d'abord au téléspectateur par la consistance de son scénario habilement huilé, lequel nous plonge sans retenue dans les abîmes les plus sombres de l'âme humaine, dans les recoins les plus troublés et inexplorés d'une nature que l'on finit par craindre. Se construisant par le biais de rebondissements fréquents et un recours à de multiples twists, la série exploite pleinement son format relativement court pour ne jamais subir de baisse de rythme, parvenant à constamment se renouveler, redéfinissant ses enjeux et dévoilant sous une autre perspective les événements en cours.

Drama d'ambiance stylé et soigné, sa faculté à éprouver les nerfs du téléspectateur ne repose pas tant sur un suspense qu'il distille avec parcimonie, que sur sa manière d'installer une tension psychologique particulièrement éprouvante. S'il y aura des morts, l'enjeu premier n'est pas simplement la survie. Alors que l'on aurait pu un instant imaginer le récit suivre les pas d'un simple slasher movie ou autre film d'horreur, White Christmas s'approprie certains des codes narratifs propres à ce genre, tout en les dépassant rapidement. Quelque part au milieu de ces dîners tout droit sortis d'un roman d'Agatha Christie, la série fait sienne un thème bien plus ambitieux, autrement plus déstabilisant : celui d'une expérimentation sur la nature humaine, menée de manière quasi-scientifique, qui va repousser les limites jusqu'à la rupture recherchée des certitudes et fondations psychologiques des personnages.

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White Christmas n'usurpe pas en effet son qualificatif de "thriller psychologique". Car c'est autant leur intégrité mentale que physique que les élèves vont avoir à défendre. Le projet de celui qui, d'abord tapi dans l'ombre, ensuite en pleine lumière, orchestre ce cauchemar est simple, trouver la réponse à une question obsessionnelle : naît-on monstre ou peut-on nous faire devenir ainsi ? Psychologue fasciné par le fonctionnement du cerveau humain, il est aussi un serial killer qui, ayant déjà nombre de victimes à son actif, sait composer avec la mort. En plaçant ces lycéens dans un environnement particulier, propice à des jeux de laboratoire, le drama traite habilement de thématiques qui nous conduisent aux confins des sciences de l'esprit et de la criminologie, anéantissant la frontière ténue entre déterminisme et libre arbitre. C'est à la naissance d'un monstre que Kim Yo Han, le serial killer, veut assister face à des adolescents censés représentés la future élite du pays. Et c'est en sapant tant de repères qu'il va conduire chacun à se redéfinir et à s'interroger sur lui-même.

Derrière son apparence si froide de prime abord, White Christmas n'est pas un drama détaché de ses personnages. Au contraire, c'est une série profondément humaine, dont la seconde force réside justement dans l'empathie qu'elle va être en mesure de faire naître à l'égard de ses protagonistes. Car dans leur prison éducative aussi glacée qu'élitiste, ces jeunes gens sont avant tout le reflet d'une société ultra-concurrentielle, où le lien social semble rompu et où l'individualisme forcené prime sur toute autre considération. Le drame que cache la lettre morbide que chacun a reçue en est la parfaite illustration : derrière une telle base de départ, se trouve une critique aussi amère que désillusionnée de cette indifférence à l'égard d'autrui qui apparaît érigée en règle de vie. A partir de là, l'expérimentation conduite va amener à une réflexion sur leurs priorités, mais aussi sur leur identité, pour le meilleur comme pour le pire... au nom de la survie.

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Il faut dire que White Christmas va vraiment soigner la psychologie de ses personnages, explorant la genèse de ces adolescents devenus sujets d'étude à leur corps défendant. Car derrière des apparences faussement lisses ou unidimensionnelles, ils se révèlent peu à peu dans leurs ambiguïtés et leurs failles, dévoilant souvent des malaises ou blessures autrement plus profonds qui les déterminent et définissent dans leurs comportements presque malgré eux. Le téléspectateur s'attache à toutes ces personnalités si différentes, mais aussi si semblables dans leurs insécurités. Chacun a en lui un ressort qui, quelque part, semble brisé. On s'investit d'autant plus à leurs côtés que la situation de crise, exceptionnelle, à laquelle ils sont confrontés va les voir évoluer et faire prendre conscience de bien des choses, tant sur un plan individuel que collectif. L'artificielle union dans l'adversité de ces jeunes gens, qui se côtoient habituellement comme des étrangers, pose aussi bien les bases d'une incertaine confiance que les germes de la trahison. La notion de sacrifice pour la survie du groupe restera également un des thèmes récurrents les plus troublants et fascinants.

Au-delà de l'expérimentation déstabilisante à laquelle le serial killer se livre, ces quelques jours vont constituer une véritable - et traumatisante - thérapie de choc, dont tous ne sortiront pas indemnes psychologiquement. Celui qui s'impose naturellement comme le leader du groupe, Park Moo Yul, illustre bien cette progressive complexification au fil du drama. Etiqueté élève modèle, toujours prompt consciemment ou non à assumer les responsabilités, au point de voir jusqu'à l'enseignant lui accorder sa confiance pour gérer les situations de conflit pouvant éventuellement naître, il voit peu à peu son contrôle sur lui-même se fissurer à mesure que les événements dégénèrent. Le passage au révélateur des failles les plus intimes de chacun conduit à une forme de déconstruction psychologique, appuyant sur des peurs anciennes ou des blessures mal cicatrisées qui demeurent encore très vivaces. En suivant des codes de narration qui empruntent à la psychanalyse, White Christmas parvient à donner une dimension presque tragique à des personnages qui auraient pu dans n'importe quelle autres circonstances paraître banals ou anodins et qui, par leur fragilité, finissent par nous toucher au coeur. C'est ce qui permet au drama d'obtenir du téléspectateur un investissement émotionnel très important qui, couplé à la tension ambiante, rend le visionnage très éprouvant.

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En plus d'être extrêmement solide sur le fond, White Christmas est également un drama particulièrement soigné sur la forme. Le réalisateur, Kim Yong Soo, est un habitué des fictions d'horreur comme Hometown Legends, et il n'hésite pas à emprunter certaines mises en scène à ce genre, contribuant ainsi à appuyer l'atmosphère inquiétante et oppressante qui se dégage dès les premières scènes pourtant anodines. Dotée d'une photographie épurée mettant en exergue le cadre déshumanisé de ce désert blanc dans lequel est perdu ce trop vaste établissement, la série bénéficie d'une réalisation aboutie, avec des plans vraiment travaillés, jouant sur une esthétique et une symbolique derrière lesquelles on devine l'intention d'accentuer la dimension froide investie par la fiction.

De plus la bande-son ne laisse, elle non plus, rien au hasard. Offrant un mélange des styles réfléchi et parfaitement au diapason du récit, sa diversité lui permet de participer pleinement à l'installation de l'ambiance atypique de la série. Elle propose non seulement des ballades pop sud-coréenne et des chansons anglo-saxonnes, mais également des morceaux de musique classique dont le thème hantera longtemps les nuits d'un téléspectateur envoûté (pour vérifier par vous-même, allez écouter la troisième vidéo en fin d'article, qui présente des images du premier épisode en utilisant une des musiques - du Vivaldi - qui va s'imposer comme une des plus emblématiques du drama, donnant des frissons à chaque fois qu'elle retentit).

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Enfin, pour porter cette histoire si intense à l'écran, le casting, s'il est globalement inexpérimenté, se révèle à la hauteur des attentes. Au sein du groupe d'étudiants, je ne connaissais vraiment que Baek Sung Hyun (That Fool), que j'avais trouvé très attachant l'an dernier dans Running Gu. C'est un jeune acteur avec lequel j'arrive à ressentir spontanément une forme d'empathie et mon impression d'alors ne s'est pas démentie ici, dans ce rôle pourtant plus difficile qu'il tient, leader responsable dont le vernis d'"élève modèle" va peu à peu se craqueler. A ses côtés, Kim Young Kwan (More charming by the day) est très convaincant en personnage prompt à exploser, dont l'agressivité masque mal ses faiblesses et incertitudes. Lee Soo Hyuk est un "Angel" perturbé que j'attendrais avec curiosité de découvrir dans d'autres rôles (si What's up est un jour diffusé peut-être). Sung Joon (Lie to me) fait un étudiant détaché de toute émotion des plus parfaits, tandis que Hong Jong Hyun (Jungle Fish 2) incarne un adolescent effacé perdu au milieu de ces fortes personnalités. Kwak Jong Wook (Queen Seon Duk) joue un personnage resté marqué par un handicap, sa surdité. Kim Hyun Joong et ses cheveux rouges seront aussi à surveiller à l'avenir. Quant à la seule fille de la bande, Esom, elle personnifie le côté aussi défiant que mélancolique de l'adolescente.

Face à eux, on retrouve un Kim Sang Kyung pondéré, qui se cale avec beaucoup de sobriété dans ce rôle de serial killer au sang froid, presque curieux, conduisant de manière imperturbable l'expérimentation qu'il entend mener sur les étudiants. C'est un acteur que l'on a pu croiser dans des dramas tels que Lawyers ou Call of the country, mais que personnellement je connais surtout via le cinéma : il était dans le dernier film sud-coréen que je suis allée voir dans les salles obscures en mars, Hahaha, et Memories of Murder est resté gravé dans ma mémoire d'apprentie cinéphile.

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I arrived at a private high school in Gangwon-do.
There, I discovered a letter left by an angry deceased boy.
And 7 kids who didn't know what sins they had committed.
Jealousy and hatred over something that could never be theirs.
Hatred and yearning in many different colored layers.
The continuing snowstorm.
I was excited by all these things that seemed destined to suit me.
I want to know through these children.
The answer to an old question.
Is a monster born as one,
or made into one ?

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Bilan : Thriller psychologique aussi prenant que déstabilisant, White Christmas est un drama à part dans le petit écran sud-coréen. Original dans le bon sens du terme, il impose son identité bien loin des canons classiques. Au cours des huit épisodes qui le composent, il construit une réflexion à la fois sombre et éprouvante nous plongeant dans les abysses les plus noirs de la nature humaine. Sa consistance sur le fond s'allie à une étonnante empathie à l'égard de cette galerie bigarrée de personnages, ce qui rend le visionnage encore plus intense, dans ce huis clos étouffant mettant les nerfs à rude épreuve. On ressort de White Christmas un peu étourdi, presque choqué, indubitablement perturbé, voire bouleversé. C'est un de ces dramas inattendus qui marquent durablement. Un incontournable.

Peut-être aurais-je dû attendre un peu plus avant d'écrire cette review sans avoir forcément pris le temps du recul, l'ayant terminé il y a seulement trois jours. Ce visionnage m'a laissé sur un sentiment d'une intensité difficile à décrire, et j'espère malgré tout avoir su à peu près le retranscrire.


NOTE : 9/10


Le générique de la série :

 

La bande-annonce de la série :

 

Un MV avec un des morceaux de musique classique de l'OST :

 

25/05/2011

(K-Drama / Pilote) Lie to me : comédie romantique confortable tributaire de son casting

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Il y a des nouveautés que vous lancez par réflexe, parce que votre curiosité prend le dessus lorsque vous croisez un pilote tout droit sorti d'usine. Il y en a d'autres devant lesquelles vous allez vous installer en raison des chaudes recommandations des uns et des autres. Il y en a encore dont le synopsis va éveiller votre intérêt a priori. Et enfin, il y en a où un seul coup d'oeil aux noms composant le casting suffit à vous les faire cocher. Ce sont souvent des essais à double tranchant : d'une part, le concept ne paraît pas vraiment attractif ; d'autre part, vous avez très envie d'aimer... 

Diffusée sur SBS depuis le 9 mai 2011, Lie to me est un peu l'incarnation printanière de ce dilemme qui se pose invariablement une ou deux fois par saison au sériephile. C'est même mon rapport aux rom-coms qu'il interroge, tant j'ai l'impression de voir les personnages presque occulter d'une certaine façon le scénario. En résumé, après ce visionnage des deux premiers épisodes, est-ce que je compte poursuivre ? Sans nul doute. Est-ce que nous sommes face à un drama qui mérite l'investissement ? Rien ne permet de l'affirmer pour le moment. Est-ce que c'est grave ? Je n'en suis pas sûre...

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Lie to me nous raconte le rapprochement de deux êtres que rien ne pouvait a priori plus opposer. Hyun Ki Joon, héritier d'une puissante famille de chaebol, dirige, avec un soin du détail constant, un hôtel de luxe. Il est toujours célibataire pour la plus grande frustration de sa tante qui fait pression pour qu'il opte pour un mariage parfaitement arrangé avec une des jeunes femmes qu'elle a pu lui faire rencontrer. La question apparaît d'autant plus sensible au sein de la famille qu'il y a quelques années, Ki Joon avait failli se marier, mais un imprévu, dans lequel son jeune frère semble avoir une part de responsabilité, avait fait échouer le projet. Reste que si Ki Joon fait mine de suivre les conseils de sa tante, il ne semble pas non plus particulièrement s'inquiéter des menaces d'exhédération lancées en l'air.

Parallèlement, Gong Ah Jung est une fonctionnaire qui travaille pour le Ministère de la Culture, organisant des évènements. Peu épanouie dans sa vie professionnelle, contemplant effarée les ruines de sa vie amoureuse, la jeune femme va, à la suite d'un concours de circonstances forcément improbable mais à l'enchaînement très efficace, croiser le chemin des deux frères Hyun. Si elle sympathise avec le plus jeune, Sang Hee, de petits mensonges et de grands qui pro quos font naître la rumeur qu'elle serait mariée (en secret) avec l'aîné, Ki Joon. De ragots de salon de coiffure en chuchotements à l'hôtel, le doute se change rapidement en certitude, notamment pour l'ex-fiancé de Ah Jung, un avocat, et son ex-meilleure amie qui le lui ravit il y a quelques années.

Seulement si cet arrangement avec la réalité sauve provisoirement la fierté de Ah Jung, elle qui était confrontée au regard d'amis qui la considéraient presque perdue, c'est peu dire que Ki Joon ne l'entend pas vraiment ainsi.

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Lie to me est en bien des points l'archétype de la rom-com sud-coréenne traditionnelle. C'est-à-dire qu'elle investit, avec une application et un professionnalisme certains, chacune des clauses du cahier des charges propre à ce genre. Peu d'innovation donc dans des ficelles de narration pas des plus subtiles, qui ne semblent laisser place à aucune réelle spontanéité... Suivant un rythme assuré, le scénario déroule avec une prévisibilité qui, si les deux épisodes se visionnent sans déplaisir et n'ennuient pas, n'en frustre pas moins quelque peu un téléspectateur qui serait en droit, avec une telle affiche, d'attendre des ambitions plus affirmées de la part de cette série. Et pourtant, malgré toutes les limites dont le téléspectateur est conscient, presque l'air de rien, Lie to me charme peu à peu.

Ce n'est pas un intense coup de foudre qui s'opère, mais le drama va susciter et capitaliser sur un sentiment agréable de confort diffus qui va progressivement s'installer. Avec une assurance et une tranquillité communicatives, l'histoire prend son temps, distillant et mêlant les ingrédients caractéristiques d'une recette qui a fait ses preuves : il y aura ces petits twists qui sauront tout redynamiser quand il faut, mais aussi ces confrontations si attendues orchestrées pour notre plus grand plaisir, ou encore ces passages cocasses ou improbables qui prêteront à sourire... Au fond, si les débuts de Lie to me ne marquent pas, ils parviennent à fidéliser de la plus pragmatique des manières cette partie du public qui était prédisposée à se laisser conquérir, n'est-ce pas le fondement même du format série ?

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Sur la forme, Lie to me conserve un cadre à la fois soigné et posé. Sa réalisation est classique, ne s'offrant aucune réelle prise de risque, ni le moindre effet de style. Les couleurs restent dans l'ensemble dans des teintes claires, ce qui correspond à l'atmosphère que s'efforce d'investir le drama. Il manque peut-être à cet ensemble une OST qui se démarquerait. Pour le moment, si les différents morceux entendus ne dépareillent pas, ils m'ont paru un peu trop passe-partout pour retenir vraiment l'attention. Mais peut-être est-ce au fond le style général de ce drama : bien calibré, sans surprise, manquant au final de ce relief qui l'aurait démarqué des dizaines l'ayant précédé ?

Reste que Lie to me dispose d'un atout indéniable qui lui est propre et que personne ne lui enlèvera : son casting ! C'est là où toute l'efficacité de la rom-com se dévoile, et où l'on prend sans doute pleinement conscience de l'extrême subjectivité et du sentimentalisme avec lequel le téléspectateur vit bien des dramas. Parce que Lie to me reste la série qui réunit en lead-in, la pétillante Yoon Eun Hye (Coffee Prince), qui est juste merveilleuse dans ces premiers épisodes, et le non moins charmant Kang Ji Hwan (Hong Gil Dong, Capital Scandal, Coffee House), qui reste pour le moment un peu en retrait, n'ayant que peu de chose à faire. De plus, soulignons que les seconds rôles ne sont pas en reste, notamment Sung Joon (White Christmas), mais on retrouve aussi Jo Yoon Hee (Golden Fish), Hong Soo Hyun (Temptation of an angel), Ryu Seung Soo (Evasive Inquiry Agency), Oh Mii Hee, Kwon Se In, Park Ji Yoon, Kang Shin Il (President) ou encore Lee Kyung Jin.

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Bilan : Démarrant tout en douceur, Lie to me se présente comme une comédie romantique à laquelle le qualificatif "classique" sied à merveille. Mais l'adjectif constitue à la fois son atout et sa faiblesse inhérente. Au-delà du déroulement trop calibré assorti d'une relative prévisibilité, le téléspectateur retiendra et appréciera cette impression diffuse de confort qui se dégage de ces premiers épisodes agréables. L'attachement aux personnages s'opère de la plus naturelle des façons grâce au charisme des acteurs, qui occultent quelque peu (mais pas complètement) les limites narratives. La recette rom-com fonctionne en capitalisant sur ce dernier aspect, c'est-à-dire notre rapport aux protagonistes.

En fait, en ce mois de mai, Lie to me apparaît un peu comme l'opposée de la sur-vitaminée The Greatest Love en terme de choix narratifs. A suivre éventuellement, mais suivant vos affinités. 


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :


Une des chansons de l'OST :