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02/08/2010

(Mini-série UK) City of Vice : sombre polar londonien du XVIIIe siècle (La naissance des Bow Street Runners)



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A l'automne dernier, BBC1 diffusait la première saison de Garrow's Law (elle en a depuis commandé une seconde). Une forme de legal drama historique, à l'écriture par déplaisante, même si un peu en retrait de mes espérances, se déroulant dans la ville de Londres au XVIIIe siècle. Malgré moi, lorsque j'avais lu le synopsis pour la première fois, j'avais inconsciemment fait le parallèle avec une autre mini-série britannique, se situant également à la croisée de l'histoire et du policier, mais qui offrit un portrait bien plus sombre et contrasté - réaliste ? - de la capitale britannique : City of Vice.

Cette fiction est une des grandes réussites télévisuelles de Channel 4. Loin du somptuaire un peu creux de The Devil's Whore par exemple, City of Vice bénéficie d'une écriture aiguisée, fascinante, faisant renouer le petit écran avec les fondations les plus profondes du polar noir.

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Diffusée début 2008 sur Channel 4, City of Vice n'est pas une simple mini-série policière historique, puisqu'elle choisit de s'inspirer de faits réels et de nous relater la naissance des Bow Street Runners, sous l'impulsion du célèbre écrivain Henry Fielding. Initiés dans le contexte d'une vague sans précédent de criminalité qui amène le Parlement à devoir s'y intéresser et à allouer des fonds pour la combattre, les efforts de Henry Fielding, combinés au soutien de son frère, conduiront à la formation de la première force de police publique de la capitale anglaise, posant les fondations d'une justice rompant avec les pratiques antérieures de corruption.

Nous plongeant dans les coulisses étouffantes d'une ville où l'insécurité règne désormais, City of Vice dresse un portrait sans complaisance, teinté de noirceur, d'une société viciée. Construite de façon classique suivant le schéma d'une affaire par épisode, elle s'intéresse à tous les aspects les plus diversifiés - et, parfois, les plus repoussants - de la délinquance de l'époque. D'un apparent simple vol au meurtre sauvage d'une prostituée, en passant par des histoires de gangs ou encore des cas de prostitution d'enfants, le tableau dressé est souvent sordide. Pourtant, aussi pessimiste que soit l'image ternie qu'elle renvoie, City of Vice ne tombe jamais dans les excès, optant pour des reconstitutions toujours détaillées, mais jamais voyeuristes ou misérabilistes.

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Polar noir dans la plus pure tradition du genre, City of Vice se nourrit de son absence de manichéisme. Tout en exposant en pleine lumière les pires penchants de la nature humaine, la mini-série impose le cadre moral de son époque, supprimant tous les points de repère d'un téléspectateur qui cherchera en vain à distinguer le blanc du noir, dans un milieu où le gris troublé domine. Peu de politiquement correct, pas de valeurs intangibles et point de happy end rassurant non plus, au terme d'enquêtes qui laissent le plus souvent un arrière-goût amer, teinté d'un malaise lancinant et d'une certaine frustration. La justice est à ce prix.

Au-delà du caractère atypique et marquant de son cadre, la force de City of Vice réside aussi dans l'épaisseur de ses personnages principaux, deux demi-frères, aux caractères et aux mentalités très différents, que leur aversion pour le crime a unis dans ce projet. S'ils se présentent comme des observateurs extérieurs, détachés ou non, des extrêmités dans lesquelles leur société sombre, ils en symbolisent également bien des aspects, illustration des paradoxes d'une époque. Les deux hommes sont très dissemblables, leur différence de religion venant s'ajouter à des tempéraments aussi complémentaires que parfois conflictuels. Protestant, Henry Fielding est un écrivain à succès. Esprit aventureux, n'hésitant pas à s'inscrire en porte-à-faux de la rigidité sociale de son temps (en témoigne son mariage), il sait se montrer d'un naturel plus conciliant, sachant faire preuve de souplesse suivant les situations. John Fielding est d'un naturel plus intransigeant. Catholique, devenu aveugle alors qu'il rentrait dans l'âge adulte, il se montre toujours très méthodique dans les affaires traitées, canalisant si besoin est les élans de son frère.

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Particulièrement aboutie sur le fond, City of Vice l'est également sur la forme, à commencer par une reconstitution minutieuse du Londres du milieu du XVIIIe siècle. Les amoureux d'Histoire et de cette ville y trouveront leur compte. La mini-série a même recours à des images en 3D pour nous faire voyager dans ses tortueuses ruelles, donnant une perspective unique de la capitale anglaise et renforçant notre impression d'une véritable immersion dans cette cité. La réalisation reste sinon assez classique, peu figée. Pour respecter la tonalité du récit, la caméra emploie des teintes sombres, ce qui donne des images assez peu colorés, mais qui accentuent cette sensatin de plonger dans les coulisses de l'époque. Le tout est accompagné d'une bande-son composée de morceaux de musique classique.

Le casting est à la hauteur du haut standing d'ensemble, réunissant, pour incarner les deux frères, le magistral Ian McDiarmid (Charles II: The Power & The Passion) et Iain Glen (Wives and Daughters, Glasgow Kiss, The Diary of Anne Franck). Impressionnant dans leurs personnifications de ces deux figures historiques que furent les Fielding, ils délivrent une performance sobre et appliquée, des plus fascinantes, qui contribue beaucoup à asseoir la portée du récit. A leurs côtés, on retrouve notamment Steve Speirs (No Heroics), Francis Magee (No Angels), Alice O'Connell ou encore Sam Spruell.

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Bilan : Reconstitution historique aboutie, polar noir sombre et intense, City of Vice nous plonge dans une ambiance aussi troublante que fascinante, dans les bas-fonds londoniens les plus sordides, en plein XVIIIe siècle. Sans jamais céder à la tentation du misérabilisme voyeuriste, derrière son cadre policier, elle dresse un portrait noir et glauque d'une cité qui dissimule derrière ses façades des moeurs troubles, mais aussi toute une partie de la population marginalisée, noyée dans une pauvreté où il n'y a pas d'échappatoire.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la mini-série :

20/07/2010

(Mini-série UK) The Silence : à la frontière du thriller et du drame familial, la figure fragile d'une héroïne poignante

 

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Il n'y a pas que des fictions légères, chaudes et ensoleillées, à la télévision, durant l'été. Ainsi, la semaine passée, BBC1 consacrait quatre de ses soirées (du 12 au 15 juillet 2010) à la diffusion d'une mini-série intitulée The Silence. Construite autour de thématiques classiques, cette fiction nous a proposé un mélange des genres assez atypique, mêlant à son format efficacement calibré de thriller policier à suspense, un drame familial plus subtile et intimiste.

Sans se démarquer des productions britanniques du genre de ces dernières années, The Silence a gagné progressivement en intensité et en maîtrise des éléments de son scénario, allant crescendo, pour se conclure de façon très abrupte sur un choix narratif, peut-être discutable, en tout cas un brin frustrant, de ses scénaristes.

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Au-delà de son histoire de départ, c'est à travers le choix de son personnage principal que The Silence impose d'emblée sa part d'originalité. Amelia a jusqu'alors mené une vie sur-protégée par des parents omni-présents ; car cette jeune fille de 18 ans est sourde, une vulnérabilité particulière qui explique la façon dont son entourage s'occupe d'elle. Cependant sa vie dans le silence s'est terminée récemment, à la suite d'une intervention chirurgicale où elle s'est vue aposée un implant qui lui permet d'entendre, pour la première fois, des sons. L'adaptation à la cacophonie ambiante, ainsi que l'attention dont elle doit soudain faire preuve à son environnement, est aussi difficile qu'épuisant. Pour ce faire, elle suit une thérapie afin d'apprendre à maîtriser ce nouveau sens qui s'ouvre à elle.

Les séances chez sa spécialiste étant fréquentes, elle passe une partie de la semaine auprès de ses cousins, chez son oncle Jim, un policier dont le domicile est plus proche du cabinet médical que celui de ses parents. Mais un soir, le quotidien d'Amelia va être complètement boueversé. Alors qu'elle est sortie promener le chien dans le parc en bas de la rue, elle assiste, tétanisée, à la scène d'un meurtre dans les allées. Une joggeuse est renversée, volontairement, par une voiture, occupée par deux individus. Tapie dans la pénombre, Amelia distingue les traits d'un d'entre eux.

Profondément choquée, elle commence par se taire, effrayée. Puis, alors que son oncle est chargé de l'affaire, la victime étant une policière, elle finit par se confier à lui. Craignant pour sa nièce qu'il considère particulièrement vulnérable en raison de son état, Jim va devoir arbitrer ses priorités entre impératifs familiaux et vie professionnelle. Malheureusement, l'aide d'Amelia expose peu à peu une situation dont la complexité, mais aussi la dangerosité, entraîne toute la famille dans le tourbillon des moeurs peu recommandables de l'unité anti-drogue de la police de la ville.

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Par la richesse et la diversité des thèmes abordés, The Silence surprend. Si sa structure narrative s'apparente à celle d'un thriller, dont la tension se construit, montant au fil des épisodes, tandis que les pièces du puzzle se découvrent progressivement, la mini-série n'hésite pas à s'appesantir et développer des aspects plus personnels aux personnages, nous intéressant aux dynamiques internes à la famille d'Amelia, ainsi qu'à la situation particulière de cette dernière. Ce dernier aspect, plus psychologique, confère une très forte dimension humaine à une fiction dont il s'agit sans doute du principal élément d'originalité.

The Silence fait donc preuve de réelles ambitions, allant au-delà du simple thriller, en visant une double exploitation parallèle de ces deux volets. La difficulté inhérente à ce choix n'est pas pleinement surmontée : jouer sur les deux tableaux entraîne en effet quelques ruptures du rythme narratif soulignant la maîtrise parfois approximative de la structure d'ensemble. Plus que dans le récit lui-même, c'est le contraste entre les tonalités qui place certains passages en porte-à-faux, dichotomie déséquilibrée reflétant l'hésitation de scénaristes qui peinent, durant la première partie de la mini-série, à trouver un liant d'ensemble. Dans la seconde partie, le suspense aidant, les deux derniers épisodes sont plus homogènes, permettant une alternance beaucoup plus naturelle entre le thriller et le drame familial, qui en deviennent même complémentaires.

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Si ce fragile équilibre des tonalités met un peu de temps à s'établir, c'est sans doute aussi en partie parce que le volet thriller peine à s'affirmer immédiatement, restant quelque peu en retrait. L'univers policier de Jim est d'abord cantonné en arrière-plan. Puis, à mesure que l'enquête prend de l'importance et gagne en complexité, le téléspectateur finit par se prendre au jeu de la tension ambiante. Cependant, le fait que l'affaire progresse par saccades irrégulières n'aide pas, dans un premier temps, à renvoyer une apparence de maîtrise du scénario. Cependant, à mesure que les enjeux prennent corps, l'intrigue se révèle de plus en plus convaincante. La rafraîchissante sobriété dont la mini-série use lui confère au final une légitimité supplémentaire.

Reste que, plus que dans cet aspect thriller, c'est dans un créneau, plus personnel et psychologique, que The Silence se démarque et impose son style. Le volet familial, s'il n'échappe pas à certains poncifs du genre, est plus abouti, bénéficiant d'une écriture assez subtile, où l'émotionnel transparaît à fleur de peau, permettant à la mini-série de s'inscrire dans une tradition de drame où la dimension humaine, centrale, surprend agréablement le téléspectateur. Dans ce registre, la retenue avec laquelle est présenté le traumatisme d'Amelia est particulièrement appréciable. Le meurtre dont elle est témoin s'ajoute à toutes les difficultés personnelles qui la troublent depuis la pose de son implant auditif. Tous ces ajustements nécessaires se cumulent, expliquant et justifiant des états d'âme poignants, sur lesquels la mini-série choisit opportunément de se concentrer.

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The Silence est-il un thriller flirtant avec le drama familial ? Ou bien l'inverse ? La question n'a sans doute pas vraiment lieu d'être, dans la mesure où la réponse relève du domaine du ressenti propre à chaque téléspectateur. Cette capacité à mêler les deux genres est, il faut le préciser, une voie relativement classique à la télévision britannique. Cependant, la particularité de The Silence réside peut-être dans le fait que le drame familial est l'élément qui s'en détache le plus.

Pour illustrer cette affirmation, le premier élément qui me vient à l'esprit est sans doute la conclusion de The Silence qu'il me semble difficile de ne pas évoquer. En effet, la mini-série se termine de la plus abrupte des manières, un choix narratif assumé, mais qui peut décontenancer. En se concentrant sur Amelia, et sur le chemin que la jeune fille a parcouru depuis le début de cette aventure, pour parvenir à faire la paix avec elle-même et accepter les bouleversements (auditifs) récents de sa vie, The Silence délaisse ses accents de thriller, relégant cet aspect au second plan. La fin consacre - presque a posteriori - le choix du drame familial.

C'est comme si cette plongée mouvementée dans les arcanes corrompues de la police locale n'avait constitué qu'un prétexte, un parcours initiatique pour Amelia, lui permettant de s'ajuster à son nouveau rapport à ce qui l'entoure, à ses parents, mais aussi au monde des entendants dans sa globalité. Si bien que derrière cette symbolique de l'épreuve, unissant dans l'adversité les membres d'une même famille, le thriller va finalement se résoudre en simple toile de fond quasiment anecdotique. The Silence laissera ainsi le soin au téléspectateur d'extrapoler, à partir des dernières indications qui lui sont données, sur la conclusion de l'affaire, préférant se désintéresser de toutes ses ramifications qu'elle a pourtant savamment construit, pour consacrer le rôle de pivôt central du personnage d'Amelia.

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Sur la forme, The Silence est une mini-série soignée, dont la réalisation classique n'hésite pas à jouer sur les teintes et les cadres. Sans se démarquer, elle s'avère en tout cas efficace.

Enfin, le casting, très solide, permet d'asseoir le scénario. Genevieve Barr y tient, avec une certaine naïveté et beaucoup d'assurance non dépourvue d'une touche de nuance, un premier rôle-titre très convaincant ; et il convient de saluer sa performance. Douglas Henshall (Primeval, Collision) en fait parfois un peu trop dans l'émotionnel, mais il impose une présence forte à l'écran, qui contre-balance celle d'Amelia. A leurs côtés, on retrouve également Gina McKee, Hugh Bonneville (Lost in Austen), Dervla Kirwan (55 Degrees North, Material Girl), Harry Ferrier, Tom Kane, Rebecca Oldfield ou encore Richie Campbell (The Bill).

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Bilan : A si bien vouloir mêler les genres, The Silence se révèle au final plus difficile à catégoriser que son synopsis ne le laissait penser. Derrière son apparence de thriller savamment orchestré, le téléspectateur garde surtout l'impression qu'il assiste à la quête de soi d'une héroïne qui voit son rapport à l'extérieur bouleverser par son implant auditif. Si le suspense de l'affaire principale rythme les péripéties de la mini-série, c'est le drame familial qui se joue sous nos yeux qui finit par l'emporter, la conclusion paraissant symboliser le choix des scénaristes de privilégier cette dimension humaine, plus personnelle et intimiste.

S'inscrivant dans la lignée de divers thrillers proposés en mini-séries à la télévision britannique ces dernières années, The Silence ne révolutionne pas ce genre. Cependant, il contient quelques éléments qui lui sont propres, à commencer par son héroïne, admirable, qui mérite qu'on prenne le temps de s'intéresser à cette fiction.


NOTE : 6,75/10

17/06/2010

(Mini-série UK / IRL) Father & Son : le chemin d'un père vers la rédemption sur fond de guerre des gangs


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La semaine passée, ITV diffusait sur plusieurs soirées (à la manière de Collision, il y a quelques mois) une mini-série coproduite avec la chaîne publique irlandaise RTÉ : Father & Son. Tournée fin 2008 et diffusée en Irlande au cours du mois de juillet 2009, cette fiction avait longtemps traîné inexplicablement égarée dans les cartons de ITV, avant que cette dernière ne se décide finalement à la programmer à l'antenne. Avouons-le, ces tergiversations pouvaient générer quelques inquiétudes sur le résultat, ITV n'étant pas la chaîne la plus fiable qui soit en ce qui concerne sa politique de fictions. Pour autant, les échos des critiques irlandaises n'étaient pas inintéressants, ce qui a suffi à éveiller ma curiosité. Un générique d'ouverture sur fond de chanson de Johnny Cash plus tard, c'est au bout du compte l'intégralité de cette mini-série que j'aurais suivie sans déplaisir.

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Derrière son décor nous plongeant dans le crime organisé du nord de l'Angleterre et de l'Irlande, Father & Son est une série sur la rédemption. L'histoire qu'elle va nous conter est celle de deux personnes, unies par les liens du sang, mais devenues étrangères l'une à l'autre en raison d'une tragédie. C'est un père et son fils qui vont d'une certaine façon se retrouver... pour mieux se perdre à nouveau ?

La mini-série débute à Manchester. Dans une banlieue déchirée par les guerres de gangs, Sean O'Connor est un adolescent apparemment sans histoire, vivant avec sa tante Connie, officier de police. Un jour, une fusillade éclate devant la maison ; une connaissance de sa petite amie est abattue. Ils sont pourchassés par les deux jeunes tueurs jusque dans l'hôpital où ils ont trouvé refuge. En état de légitime défense, Stacey abat l'un d'eux alors qu'il s'apprêtait à viser Sean. Refusant de laisser la jeune fille endosser la responsabilité des évènements, Sean se saisit de son revolver. La police, alertée par les détonations, l'arrêtera ainsi, l'arme du crime en main, se tenant aux côtés du corps ensanglanté de l'adolescent qui les avait poursuivis. Ne réalisant pas vraiment la gravité de la situation, jouant les chevaliers blancs envers Stacey sans apprécier toutes les conséquences, Sean se laisse embarquer par les forces de l'ordre.

Mais, au-delà du flagrant délit apparent, l'adolescent a un autre lourd passif qui ne plaide pas en sa faveur aux yeux des policiers : son père. Michael O'Connor a en effet longtemps été une figure du grand banditisme local, ayant contribué au climat de violence qui prévaut désormais dans les quartiers comme celui où vit son fils. Arrêté en Irlande alors que Sean était encore enfant, il y a purgé une peine de prison de six années. Mais trois jours après son arrestation, sa femme, Lynne, était abattue à leur domicile. L'enquête conclut à des représailles contre Michael. La soeur de Lynne, Connie, recueillit Sean chez elle... et aucun ne revit Michael qui ne rentra pas en Angleterre une fois sa peine finie. C'est dans un petit bourg irlandais, auprès d'une nouvelle femme, enceinte, que Michael entend refaire sa vie. Mais le coup de téléphone de Connie l'informant des évènements de Manchester le précipite dans un passé qu'il aurait préféré derrière lui, alors qu'il décide de rentrer au pays pour essayer d'aider son fils.

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Father & Son dresse tout d'abord un portrait appliqué d'une banlieue de Manchester gangrénée par les guerres de gangs. S'essayant à une approche sociale, elle s'efforce de capter et retranscrire l'ambiance régnant dans ces quartiers. Elle parvient d'ailleurs à mettre en scène de façon assez convaincante ce climat d'insécurité instable, soulignant les engrenages létaux qui conduisent aux tragédies rythmant la mini-série. Si Sean fait ici figure de victime collatérale du milieu dans leque il vit, n'ayant pu se maintenir en marge de tout cela en dépit des efforts de Connie, Father & Son prend toute sa dimension en pointant la responsabilité de Michael O'Connor, et de ses anciens acolytes, dans la détérioration du lien social. Ce sont eux qui ont introduit les moeurs du crime organisé, mais aussi les moyens de les mettre en oeuvre avec la circulation des armes à feu.

Désormais, le mal s'est propagé, hors de contrôle. La violence suit un cercle vicieux qui se perpétue et se nourrit lui-même, sacrifiant les jeunes générations plongées dans ces préoccupations dès leur plus jeune âge. L'illustration de ce mal donnera d'ailleurs lieu à l'une des scènes les plus marquantes de la mini-série : celle où le petit frère d'une des victimes amène un revolver à son école et, en pleine salle de classe, le sort pour le pointer sur Imani, la fille de Connie. Combien d'adolescents ainsi perdus dans les méandres impitoyables de ces appels à la vengeance ?

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Au-delà de cette approche plus sociale du pan policier, reflet d'essais télévisés modernes, Father & Son marche aussi sur les pas du genre thriller. Des manipulations aux mensonges par omission, la mini-série révèle peu à peu que le hasard et la fatalité n'ont pas grand chose à voir avec l'enfer dans lequel Sean a été projeté. Derrière la tragédie qui se joue sous nos yeux, diverses personnes tirent les ficelles, dans l'ombre, qu'il s'agisse de vieux règlements de compte ou d'intérêts personnels à promouvoir. Qui manipule qui, la question se glisse rapidement dans l'esprit du téléspectateur, à mesure qu'il découvre la complexité réelle de l'affaire.

Father & Son n'est donc pas une simple fiction policière. La fusillade qui déclencha l'enchaînement des évènements s'inscrit dans un tableau plus vaste, où les enjeux se révèlent petit à petit. Aspect attrayant d'un scénario donc plus ambitieux que l'on aurait pu le penser aux premiers abords, la mini-série ne parvient cependant pas à totalement s'imposer dans ce créneau. Globalement un peu trop  prévisible pourrait-on dire, ou un peu trop calibrée, elle n'échappe pas à des raccourcis dommageables ou à quelques facilités scénaristiques. Reste que même si ce traitement laisse quelques regrets au téléspectateur, l'ensemble demeure efficace dans l'ensemble.

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L'élément le plus perfectible de Father & Son réside sans doute dans sa dimension humaine. Cette mini-série utilise son cadre policier pour nous relater une histoire personnelle, celle de deux personnes que leurs choix et les drames de la vie ont séparées. Michael O'Connor n'a pas revu son fils depuis son arrestation, il y a plusieurs années. Trois jours après, sa femme était abattue à bout portant, un meurtre dont tout le monde s'accorde à penser qu'il est du aux activités criminelles de son époux. Sean a grandi élevé par sa tante, la soeur de sa mère. Un fossé s'est créé entre lui et Michael, chargé de ressentiments, de non-dits. L'intensité de ces sentiments s'est peu à peu muée en une forme de haine de la part de l'adolescent qui, désormais, ne veut plus, ne peut plus, entendre parler de cette figure paternelle absente.

Mais s'il a choisi la fuite en avant, à sa sortie de prison, Michael se retrouve désormais face à ses diverses responsabilités. Celle de père, pour n'avoir pas osé revoir Sean après le drame. Celle d'un ancien gangster qui n'y est pas pour rien dans le climat de violence et de guerre des gangs régnant dans la banlieue de Manchester. En retrouvant le chemin du nord de l'Angleterre, le voilà de nouveau confronté à un passé qu'il aurait souhaité oublier. Toutes ses actions sont orientées dans un seul but : aider son fils. Finalement, par ses confrontations avec ses anciens acolytes, avec son père, c'est le difficile chemin de la rédemption qu'il suit. Il a payé sa dette à la société en purgeant sa peine de prison. Il a une dette à payer envers cet enfant qui a grandi sans lui, profondément traumatisé par un évènement dont il n'a jamais parlé, la mort de sa mère.

Father & Son disposait donc de bases intéressantes pour construire un drama intense sur un plan émotionnel. Certains passages fonctionnent bien. Les paradoxes de Michael, la lassitude de Connie, sont des aspects bien décrits. Cependant, la mini-série ne va pas au bout de cette mise en valeur de sa dimension humaine, parfois un peu excessive ou maladroite. L'ensemble est certes prenant, mais elle avait les cartes pour faire mieux.

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Il faut souligner que si Father & Son fonctionne assez bien, c'est en grande partie dû à son casting. Autant Dougray Scott avait semblé aux abonnés absents, en début d'année, dans The Day of the Triffids, autant, ici, il est pleinement impliqué dans la complexité de son personnage, qu'il va incarner d'une façon très intense parfaitement maîtrisée. A ses côtés, on retrouve des valeurs sûres du petit écran britannique, comme Sophie Okonedo (Criminal Justice), Ian Hart (Dirt, Five Daughters) ou encore Stephen Rea. Enfin, Reece Noi incarne avec beaucoup de défiance et de versatilité Sean.

Sur un plan technique, Father & Son reste plutôt en retrait. Elle dispose d'une réalisation classique, correcte mais sans réelle identité, en dépit de quelques plans intéressants. Elle ne se démarque pas non plus par sa bande-son. En revanche, il faut souligner son splendide générique, superbe esthétiquement et opportunément construit sur une chanson de Johnny Cash, God's Gonna Cut You Down. Il donne immédiatement le ton et nous plonge dans une ambiance sombre, chargée de regrets, qui correspond parfaitement à la tonalité de la mini-série.

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Bilan : Jouant sur plusieurs tableaux, Father & Son comporte plusieurs bonnes idées, tant dans la lignée du thriller que du drame humain, le tout en dressant un portrait appliqué des escalades de violence au sein de la banlieue de Manchester. Elle se suit dans déplaisir, bien aidée par un rythme solide. Cependant, la mini-série ne concrétisera pas toutes ses promesses, sa dimension humaine ne parvenant pas toujours à s'exprimer avec justesse et sobriété. De plus, si elle réussit à faire efficacement monter la tension ambiante, les résolutions finales, presque trop calibrées, pourront laisser un arrière-goût d'inachevé.

Au final, Father & Son s'avère être une mini-série intéressante à plus d'un titre, notamment en raison de l'environnement mis en scène. Elle mérite ainsi d'être découverte, mais le téléspectateur pourra nourrir quelques regrets au vu d'un potentiel entre-aperçu qu'elle n'aura pas toujourss réussi à pleinement exploiter.


NOTE : 7/10

04/06/2010

(Mini-série UK) Terry Pratchett's Going Postal : les Annales du Disque-Monde


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En début de semaine (les 30 et 31 mai), Sky One portait à l'écran une nouvelle adaptation issue des célèbres Annales du Disque-Monde, ensemble de romans hilarants, qui offrent un plongeon grisant dans une fantasy burlesque et animée, écrites par l'écrivain britannique Terry Pratchett. Going Postal (Timbré en version française) est la troisième incursion télévisée dans les méandres agitées du Disque-Monde. Construite sur le même format que les précédentes, Hogfather (2006) et The Colour of Magic (2007), il s'agit d'une mini-série composée de deux parties de 90 minutes chacune, monopolisant donc deux soirs à la suite la chaîne câblée.

La grande amatrice de fantasy que je suis - doublée d'une téléphage compulsive - attendais avec beaucoup d'impatience Going Postal, même si les précédentes transpositions à l'écran de l'univers de Terry Pratchett avaient pu me laisser des impressions mitigées. La réserve initiale laissée par Hogfather avait cependant été effacée par The Colour of Magic qui avait su retranscrire avec une certaine réussite cette magie teintée d'émerveillement qui émane des romans d'origine.

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Le héros dont Going Postal nous conte les aventures porte le nom - improbable - de Moist von Lipwig. Habile manipulateur doté d'un esprit très vif , ce dernier s'est construit une vie d'arnaques et de fraudes diverses et variées. De la vente maquillée d'un vieux cheval boîteux jusqu'à forger des faux bonds du trésor qui précipiteront les instituts monétaires dans la crise financière, ce cher Moist a rapidement excellé dans une carrière dont il maîtrise à présent tous les rouages. Ou du moins, pensait les maîtriser. Car, un jour, l'escroquerie de trop entraîne son arrestation. Avec un tel passif, il est condamné à mort par pendaison. La sentence est aussitôt exécutée, en public... mais il se réveille devant le seigneur des lieux. Lord Vetinari lui propose alors un curieux marché : la mort ou bien remettre sur pied le service postal d'Ankh-Morpork. Ce service, moribond, s'est mué en archives des lettres initialement en transit ; son existence-même a été oubliée par les habitants d'une ville où le système des "clacks" exerce désormais un monopole sur l'ensemble des communications.

Le défi à relever est de taille, mais Moist estime pragmatiquement que cela reste préférable à la mort. Flanqué d'un Golem, Mr Pump, qui fait office de surveillant imperturbable - et, surtout, incorruptible -, il découvre cependant rapidement que le challenge pourrait se révéler plus dangereux qu'il ne l'avait imaginé. Les différents postiers qui l'ont précédé ont tous connu une fin tragique prématurée, dans des circonstances bien mystérieuses. Mesurant avec effarement l'étendue des ruines du service, Moist va devoir faire appel à toutes ses ressources pour redresser la situation et espérer sortir vivant du bureau de Poste.

Pour l'aider dans sa tâche, il est assisté des deux derniers employés du service : Tolliver Groat, un vieil homme fidèle rêvant de promotion, et le jeune Stanley Howler, un collectionneur compulsif de cette dangereuse addiction (!) que constituent les épingles. Face à lui, la compagnie des "clacks" est gérée avec autoritarisme par l'amoral Reacher Grit, inquiétant entrepreneur borgne. Ce dernier entend bien conserver le monopole qu'il détient  et voit d'un très mauvais oeil l'arrivée d'une concurrence. Devant la confrontation qui s'annonce, c'est la troublante Adora Belle Dearheart, la régisseuse du Gollem Trust qui rêve de se venger de Reacher Grit, qui va sans doute s'ériger en arbitre.

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Going Postal, c'est donc tout d'abord l'histoire d'une rédemption. Tout escroc qu'il soit, Moist n'a pas mauvais fond ; et si sa morale élastique ne l'a pas toujours conduit à faire les bons choix, il n'a jamais voulu consciemment causé du tort et n'a jamais vraiment réfléchi aux conséquences humaines de ses arnaques. A travers la réhabilitation du service public postal, c'est à sa propre réhabilitation à laquelle le téléspectateur assiste. Si on ne doute pas un instant de la résolution finale, tout l'attrait de la mini-série va résider dans les péripéties à surmonter pour y parvenir. Dans cette optique, Moist se révèle être un héros attachant, avec sa part de complexité et d'ambivalences. On suit avec un intérêt jamais démenti les lieux où le conduit son sens de l'initiative jamais pris au dépourvu (de l'ingénieuse invention des timbres, à la compétition avec les "clacks"). La résurrection du service postal ne pouvait d'ailleurs pas être confiée à des mains plus expertes que les siennes, tant cette mission semble nécessiter une réactivité constante, une bonne dose de flexibilité et un ingénieux pragmatisme, trois des qualités premières de notre héros-escroc.

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Au-delà de l'affection que l'on éprouve rapidement pour les personnages, le charme opère sans difficulté sur la mini-série toute entière. Adoptant un rythme de croisière plaisant à suivre, elle transpose à l'écran la richesse de l'univers des Annales du Disque-monde, tout en en respectant l'esprit. On y retrouve donc une bonne dose d'humour ; le style de Terry Pratchett excelle en effet dans cet art du décalage et de l'inattendu, flirt constant avec un savoureux surréalisme. Going Postal est ainsi rythmée par des dialogues décalés, ponctués de réparties cinglantes. Elle s'anime au fil des situations incongrues mises en scène, recélant des petits détails les plus improbables (comme l'univers des collectionneurs d'aiguilles) qui forgent son identité.

J'ai vraiment apprécié l'effort fait pour recréer cette ambiance atypique qui règne dans les Annales du Disque-Monde. De ce point de vue, cette mini-série se révèle plutôt bien inspirée et les différents ingrédients se mélangent finalement de façon assez homogène. En adoptant un ton léger, elle propose un confortable récit d'aventures, dans lequel le téléspectateur trouvera aussi une bonne dose de rebondissements et un soupçon de faux suspense appréciable.

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Se déroulant au sein d'une civilisation d'apparence post-moyen-âgeuse, on perçoit pourtant derrière ce décor classique de fantasy le reflet de notre société moderne et de ses préoccupations. Alors qu'Ankh-Morpork porte les premiers stigmates d'une entrée dans l'ère de l'industrialisation, à travers le mécanisme des "clacks" et de ses tours télégraphiques, Going Postal aborde, par la métaphore, des thématiques aux accents très actuels. La modernité, et plus précisément tout l'enjeu des télécommunications, symbolisé par la lutte entre les deux entreprises, sont bien entendu au coeur du récit. On peut voir dans le réseau de "clacks", qui abolit les distances - mais qui s'enraye aussi fréquemment (sympathique clin d'oeil) -, une version d'internet façon Disque-Monde. La mini-série lui emprunte même une partie de son champ lexical, lorsqu'il est question de "pirater" le signal émis par ses tours. Les remarques, voire les critiques, émises à l'encontre du système trouvent d'ailleurs un écho particulier dans notre réalité moderne. Si le format trop court de Going Postal l'empêche d'approfondir ces thèmes comme le roman d'origine avait pu prendre le temps de le faire, les parallèles demeurent, rappel appréciable de l'universalité de certains enjeux. Le cadre global de fantasy et le merveilleux qui en émane n'interdisent pas à la fiction de proposer aussi ses propres réflexions sur notre société actuelle. La métaphore demeure un outil prisé.

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La richesse de Going Postal se retrouve également dans la forme ; Sky One s'était financièrement donné les moyens de ses ambitions, l'objectif est réussi car l'investissement se voit à l'écran. Il y a un même souci de transposition du merveilleux de l'univers du Disque-Monde. Les reconstitutions en costumes sont assez soignées ; et Ankh-Morpork s'anime sous nos yeux. Certes, l'histoire ne prête pas vraiment à une débauche d'effets spéciaux - The Colour of Magic était dans cette perspective logiquement beaucoup plus spectaculaire -, le style reste donc assez sobre. Mais la fluidité de la narration n'est jamais remise en cause ; on finit même par s'habituer aux figés Golems, transposition des robots au Disque-Monde.

La réalisation est de très bon standing, avec un certain nombre de jolis plans d'ensemble et une belle image, donnant parfois un peu l'impression de feuilleter les pages d'un conte ou autre récit fantastique. La bande-son accompagne parfaitement l'histoire. Et, cherry on the cake, il y a même un petit rythme musical récurrent qui se révèle des plus entraînants !

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Enfin, pour porter l'ensemble, le casting est à la hauteur des attentes. Richard Coyle (Coupling, The Whistleblowers) s'investit pleinement dans son personnage pour incarner, avec énergie et un certain charisme, Moist von Lipwig ; Claire Floy (Little Dorrit) met en scène avec classe la froide rage d'Adore Belle Dearheart. Charles Dance (Bleak House) joue un imperturbable Lord Vetinari, et David Suchet (aka Hercule Poirot), un machiavélique Reacher Gilt. A leurs côtés, on retrouve Marnix Van Den Broeke, Steve Pemberton, Andrew Sachs, Ian Bonar ou encore Tamsin Greig. Et, petit bonus à classer dans les anecdotes sympathiques : Terry Pratchett effectue même un passage éclair sous les traits d'un postier, une brève apparition qui constitue un bel hommage.

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Bilan : Going Postal est au final une mini-série très plaisante à suivre. Le téléspectateur est rapidement charmé par l'ambiance unique transposée des Annales du Disque-monde. C'est un délicieux mélange indéfinissable de merveilleux, d'aventures, de surréalisme, saupoudré d'un soupçon d'innocence qui emprunte à la sphère des contes. A la croisée des genres, reprenant des codes scénaristiques du fantastique comme du western, Going Postal propose une fable sur la modernité et les moyens de communication, qui se suit avec plaisir. En dépit de quelques longueurs, il est impossible de bouder son plaisir : on se laisse emporter de bonne grâce par le souffle de merveilleux qui traverse cette fiction, pour passer un bon moment devant son petit écran.


NOTE : 8,5/10


La bande-annonce de la mini-série :

13/05/2010

(Mini-série UK) Strike Back, episodes 1 et 2 : un condensé d'action, en quête de rédemption


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Mercredi dernier a débuté sur Sky One une nouvelle mini-série, plutôt orientée action, Strike Back. Adaptée des romans de Chris Ryan, elle comportera six épisodes, dont la diffusion sera regroupée sur trois soirées (les épisodes 3 et 4 étaient diffusés hier soir). La chaîne de Rupert Murdoch semblait avoir vu les choses en grand pour cette fiction, dont le casting était également des plus accrocheurs. Les téléspectateurs friands de fiction militaire et de géopolitique musclée y retrouvent ainsi Richard Armitage (actuellement dans Spooks sur BBC One) ; même si, à titre personnel, je vous avoue que j'étais plus curieuse de découvrir le rôle attribué à Andrew Lincoln. Reste qu'en dépit de toute cette débauche de moyens, Strike Back peine cependant à justifier ses ambitions affichées.

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Aucun doute n'est laissé au téléspectateur sur le genre dans lequel Strike Back entend s'inscrire. Elle s'impose d'emblée, dès les premières scènes, comme une série résolument tournée vers l'action, en nous plongeant dans l'extraction mouvementée d'un otage, en pleine guerre d'Irak, en 2003. La réalisation est fluide, l'adrénaline monte, les balles volent, l'hémoglobine gicle : aucun effet n'est épargné au téléspectateur pour bien établir le créneau que la mini-série va investir. La construction scénaristique de ces deux premiers épisodes (qui forment ensemble une aventure) se déroule sans anicroche. Mais on garde cependant un arrière-goût de frustration, tant les schémas suivis sont d'un classique qui confine presque au cliché.

Tout débute donc en 2003, au cours d'une opération qui va mal tourner et marquer un tournant dans la vie de John Porter. Lors d'une mission derrière les lignes ennemies, John se contente de mettre hors d'état de nuire un jeune garçon portant une ceinture d'explosif, l'assommant sans le tuer. Or, quelques minutes plus tard, une fusillade retentit. John n'assiste pas à la scène, mais sur les quatre soldats l'accompagnant, seul l'officier de renseignement, Hugh Collinson, échappe aux balles fatales. Deux hommes sont laissés pour mort, un troisième est grièvement blessé et ne s'en remettra jamais. Hugh confirme les craintes de John, affirmant avoir vu le gamin, que ce dernier n'avait pu tuer, se déplacer avec une mitraillette.

S'ensuit une logique descente aux enfers progressive pour John Porter. Ejecté de l'armée, où ses compagnons d'armes ont perdu toute confiance en lui, incapable de se ré-adapter à la vie civile, sa famille se désagrège sous son regard impuissant, tandis que les regrets le rongent de l'intérieur. Sept années passent ainsi. Ne vivant plus avec les siens, John travaille désormais dans la sécurité des bâtiments du MI-6. Mais un évènement va finalement provoquer l'électrochoc attendu et offrir cette possibilité d'expiation espérée. Une journaliste britannique, Alexandra Porter, fille d'un ancien ministre des Affaires étrangères anglais, est en effet enlevée en Irak, dans la zone où l'opération fatale avait eu lieu en 2003. La jeune femme n'a que le temps d'envoyer la photo d'un de ses kidnappeurs : un jeune homme portant une cicatrice très distinctive sur un côté du visage. Or, John n'a jamais oublié cette marque, que l'enfant-kamikaze arborait sept ans plus tôt. Il reconnaît en lui le meurtrier de ses trois hommes ; mais aussi le gamin qui lui doit une dette d'honneur pour ne pas l'avoir abattu cette nuit-là.

Recontactant Hugh Collinson, désormais en charge d'une division spéciale au MI-6, John Porter obtient d'être envoyé sur place, pour aider au sauvetage de la journaliste. Sa quête de rédemption peut commencer.

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C'est donc presque un euphémisme que d'affirmer que Strike Back se situe sur des sentiers balisés. Suivant des développements prévisibles, les grandes lignes de l'histoire semblent déjà être écrites à l'avance. Certes, l'ensemble est efficace, mené énergiquement et sans temps mort inutile. Le téléspectateur n'a aucun souci pour accrocher à l'intrigue. Mais reste un regret principal : Strike Back peine à se démarquer des dizaines de fictions similaires qui l'ont précédé. Trop convenue dans ses grandes lignes, elle réussit seulement à s'affirmer par intermittence. Ainsi, les scènes entre la journaliste otage et le chef de ses ravisseurs figurent parmi les plus réussies, à la fois glaçantes et étrangement ambivalentes, elles traduisent efficacement la force des antagonismes et les excès suscitées par la radicalisation de chaque camp. Et la réaction du groupe terroriste à la demande de rançon fait figure d'électroc.

En fait, sur le plan du scénario, en dépit de quelques petits tressautements, le réel démarrage de la mini-série semble s'opérer à la toute fin du deuxième épisode (ce qui implique une certaine patience). Le twist final, salvateur, ré-injecte un intérêt à l'ensemble et donne finalement une raison au téléspectateur pas certain de vouloir poursuivre l'aventure, de découvrir où la confrontation ainsi promise va nous conduire.

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Cependant, au-delà de ces quelques passages qui sortent du lot, la mini-série se contente de suivre les actions du personnage principal, héros brisé par les évènements, mais dont la compétence à gérer ces situations de crise ne saurait être remise en cause. John Porter ne se démarque pas vraiment de ses prédécesseurs dans ce créneau : il leur emprunte les blessures passées et le traumatisme, comme le sens des responsabilités et une éthique professionnelle chevillée au corps. En somme, une psychologie binaire des plus classiques qui donne un héros parfaitement calibré, mais sans originalité particulière. Il est entouré par des personnages secondaires peu développés pour le moment, en apparence très monolithiques. Chacun s'insère dans un stéréotype, correspondant à des protagonistes trop souvent rencontrés dans des fictions de ce genre. Seule la journaliste tire réellement son épingle du je, sans doute en raison des épreuves qu'elle doit affronter et qui lui offrent l'occasion de s'affirmer dans l'adversité.

Reste qu'au final, Strike Back souffre d'un important déficit de dimension humaine. Certes, dans le cadre d'une mini-série d'action, cet élément n'était sans doute pas un des objectifs des scénaristes, qui ont préféré se concentrer sur les grandes lignes de l'intrigue, plutôt que de développer la psychologie des personnages. Cependant, il en résulte une impression de fiction quelque peu déshumanisée, alors qu'il y avait matière intéressante pour étayer cet aspect. Derrière ses recettes de blockbuster télévisuel, Strike Back aurait probablement gagné en prenant le temps de se construire une identité propre.

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Sur la forme, la mini-série s'inscrit dans la lignée du côté calibré et épuré qui ressort de son contenu. La réalisation est de bonne facture. Si les angles choisis par la caméra sont classiques, les images sont  de qualité, propres, avec des couleurs qui ressortent bien à l'écran. En somme, tout est fait pour proposer un esthétique abouti et plutôt attractif.

Enfin, Strike Back rassemble un casting des plus solides, dont on ne doute pas qu'ils puissent mener à bien l'intrigue, si tant est qu'on leur propose un scénario à la hauteur. En tête d'affiche, on retrouve Richard Armitage (Robin Hood, Spooks) dans un créneau qui lui convient bien : un rôle d'action, où il incarne un héros brisé en quête de rédemption et qui va probablement mûrir sa vengeance. A ses côtés, Laura Greenwood (Echo Beach) incarne la journaliste Alexandra Porter ; elle profite pleinement d'être sans doute celle qui dispose des scènes les plus marquantes de ce double épisode. Le très lisse Hugh Collinson est joué par Andrew Lincoln (This Life, Teachers, Afterlife) qui n'a pour le moment pas grand chose à faire. La confrontation qui s'esquisse à la fin du deuxième épisode entre ces deux anciens amis de combats promet cependant beaucoup. Parmi les autres têtes connues, on croise également Shelley Conn (Party Animals, Dead Set, Mistresses), Colin Salmon (Hex, Party Animals), Jodhi May (The Amazing Mrs Pritchard, Emma) ou encore Nicola Stephenson (Northern Lights, The Chase).

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Bilan : Strike Back est une honnête série d'action tout autant qu'un efficace divertissement. Mais tout aussi huilés que ses rouages scénaristiques apparaissent, elle se révèle frustrante pour le téléspectateur qui pouvait légitimement en attendre plus qu'une simple reproduction de stéréotypes du genre soigneusement calibrés. La mini-série ne surprend que trop rarement. Elle se contente le plus souvent de dérouler un scénario très convenu, manquant d'une réelle valeur ajoutée par rapport à toutes les déclinaisons de la fiction d'action militaire, sans prendre le moindre risque. Au final, on ne passe pas un moment  désagréable, mais c'est très léger au vu des ambitions initialement affichées. Le twist final qui conclut ces deux épisodes permettra-t-il d'injecter un peu de piment dans cet ensemble ?


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la mini-série :