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02/08/2010

(Mini-série UK) City of Vice : sombre polar londonien du XVIIIe siècle (La naissance des Bow Street Runners)



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A l'automne dernier, BBC1 diffusait la première saison de Garrow's Law (elle en a depuis commandé une seconde). Une forme de legal drama historique, à l'écriture par déplaisante, même si un peu en retrait de mes espérances, se déroulant dans la ville de Londres au XVIIIe siècle. Malgré moi, lorsque j'avais lu le synopsis pour la première fois, j'avais inconsciemment fait le parallèle avec une autre mini-série britannique, se situant également à la croisée de l'histoire et du policier, mais qui offrit un portrait bien plus sombre et contrasté - réaliste ? - de la capitale britannique : City of Vice.

Cette fiction est une des grandes réussites télévisuelles de Channel 4. Loin du somptuaire un peu creux de The Devil's Whore par exemple, City of Vice bénéficie d'une écriture aiguisée, fascinante, faisant renouer le petit écran avec les fondations les plus profondes du polar noir.

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Diffusée début 2008 sur Channel 4, City of Vice n'est pas une simple mini-série policière historique, puisqu'elle choisit de s'inspirer de faits réels et de nous relater la naissance des Bow Street Runners, sous l'impulsion du célèbre écrivain Henry Fielding. Initiés dans le contexte d'une vague sans précédent de criminalité qui amène le Parlement à devoir s'y intéresser et à allouer des fonds pour la combattre, les efforts de Henry Fielding, combinés au soutien de son frère, conduiront à la formation de la première force de police publique de la capitale anglaise, posant les fondations d'une justice rompant avec les pratiques antérieures de corruption.

Nous plongeant dans les coulisses étouffantes d'une ville où l'insécurité règne désormais, City of Vice dresse un portrait sans complaisance, teinté de noirceur, d'une société viciée. Construite de façon classique suivant le schéma d'une affaire par épisode, elle s'intéresse à tous les aspects les plus diversifiés - et, parfois, les plus repoussants - de la délinquance de l'époque. D'un apparent simple vol au meurtre sauvage d'une prostituée, en passant par des histoires de gangs ou encore des cas de prostitution d'enfants, le tableau dressé est souvent sordide. Pourtant, aussi pessimiste que soit l'image ternie qu'elle renvoie, City of Vice ne tombe jamais dans les excès, optant pour des reconstitutions toujours détaillées, mais jamais voyeuristes ou misérabilistes.

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Polar noir dans la plus pure tradition du genre, City of Vice se nourrit de son absence de manichéisme. Tout en exposant en pleine lumière les pires penchants de la nature humaine, la mini-série impose le cadre moral de son époque, supprimant tous les points de repère d'un téléspectateur qui cherchera en vain à distinguer le blanc du noir, dans un milieu où le gris troublé domine. Peu de politiquement correct, pas de valeurs intangibles et point de happy end rassurant non plus, au terme d'enquêtes qui laissent le plus souvent un arrière-goût amer, teinté d'un malaise lancinant et d'une certaine frustration. La justice est à ce prix.

Au-delà du caractère atypique et marquant de son cadre, la force de City of Vice réside aussi dans l'épaisseur de ses personnages principaux, deux demi-frères, aux caractères et aux mentalités très différents, que leur aversion pour le crime a unis dans ce projet. S'ils se présentent comme des observateurs extérieurs, détachés ou non, des extrêmités dans lesquelles leur société sombre, ils en symbolisent également bien des aspects, illustration des paradoxes d'une époque. Les deux hommes sont très dissemblables, leur différence de religion venant s'ajouter à des tempéraments aussi complémentaires que parfois conflictuels. Protestant, Henry Fielding est un écrivain à succès. Esprit aventureux, n'hésitant pas à s'inscrire en porte-à-faux de la rigidité sociale de son temps (en témoigne son mariage), il sait se montrer d'un naturel plus conciliant, sachant faire preuve de souplesse suivant les situations. John Fielding est d'un naturel plus intransigeant. Catholique, devenu aveugle alors qu'il rentrait dans l'âge adulte, il se montre toujours très méthodique dans les affaires traitées, canalisant si besoin est les élans de son frère.

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Particulièrement aboutie sur le fond, City of Vice l'est également sur la forme, à commencer par une reconstitution minutieuse du Londres du milieu du XVIIIe siècle. Les amoureux d'Histoire et de cette ville y trouveront leur compte. La mini-série a même recours à des images en 3D pour nous faire voyager dans ses tortueuses ruelles, donnant une perspective unique de la capitale anglaise et renforçant notre impression d'une véritable immersion dans cette cité. La réalisation reste sinon assez classique, peu figée. Pour respecter la tonalité du récit, la caméra emploie des teintes sombres, ce qui donne des images assez peu colorés, mais qui accentuent cette sensatin de plonger dans les coulisses de l'époque. Le tout est accompagné d'une bande-son composée de morceaux de musique classique.

Le casting est à la hauteur du haut standing d'ensemble, réunissant, pour incarner les deux frères, le magistral Ian McDiarmid (Charles II: The Power & The Passion) et Iain Glen (Wives and Daughters, Glasgow Kiss, The Diary of Anne Franck). Impressionnant dans leurs personnifications de ces deux figures historiques que furent les Fielding, ils délivrent une performance sobre et appliquée, des plus fascinantes, qui contribue beaucoup à asseoir la portée du récit. A leurs côtés, on retrouve notamment Steve Speirs (No Heroics), Francis Magee (No Angels), Alice O'Connell ou encore Sam Spruell.

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Bilan : Reconstitution historique aboutie, polar noir sombre et intense, City of Vice nous plonge dans une ambiance aussi troublante que fascinante, dans les bas-fonds londoniens les plus sordides, en plein XVIIIe siècle. Sans jamais céder à la tentation du misérabilisme voyeuriste, derrière son cadre policier, elle dresse un portrait noir et glauque d'une cité qui dissimule derrière ses façades des moeurs troubles, mais aussi toute une partie de la population marginalisée, noyée dans une pauvreté où il n'y a pas d'échappatoire.


NOTE : 9/10


La bande-annonce de la mini-série :