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20/01/2013

(Mini-série UK) Spies of Warsaw : jeux d'espions dans la Varsovie d'avant-guerre

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Spies of Warsaw figurait en bonne place parmi les nouveautés que j'attendais en ce début d'année. Cette mini-série, composée de 2 parties de 90 minutes chacune, a été diffusée ces deux dernières semaines en Angleterre sur BBC4. Adaptation d'un roman du même titre d'Alan Furst, cette fiction d'espionnage se déroulant à la veille de la Seconde Guerre Mondiale avait en plus comme atout d'offrir un intéressant rôle à David Tennant. Ce dernier a parfaitement relevé le défi. Je serais en revanche beaucoup plus réservée sur la mini-série elle-même. Si les thèmes et les ingrédients sont là, il aura manqué quelque chose, dans le rythme, dans la solidité du scénario, pour se réapproprier ce sujet au potentiel certain.

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Le colonel Jean-François Mercier, un soldat décoré de la Première Guerre Mondiale, devient attaché militaire à l'ambassade de France à Varsovie. L'enjeu que représente la Pologne dans une Europe où la tension ne cesse de croître durant cette deuxième moitié des années 30 en fait un terrain d'espionnage privilégié, où l'on entrevoit les stratégies des grandes puissances de l'époque. Au-delà des services de renseignement locaux alliés, il faut en effet composer et se méfier aussi bien des espions soviétiques que des agents de l'Allemagne nazie. La proximité de ce dernier pays fait aussi de Varsovie une base importante pour surveiller les manoeuvres ayant cours de l'autre côté de la frontière.

Des salons diplomatiques et mondains aux opérations de renseignement sur le terrain, Mercier navigue à vue dans un univers dangereux, rythmé au gré des intrigues, des trahisons et des assassinats. Il s'efforce notamment d'en apprendre plus sur les opérations militaires allemandes dans l'hypothèse où la guerre éclaterait, ou plutôt - car c'est pour lui inévitable - lorsque la guerre éclatera. Au cours d'une soirée, il rencontre Anna, une jeune femme d'origine polonaise travaillant pour la Société des Nations, organisation qui démontre désormais toutes ses limites. Si elle fréquente déjà un dissident russe, elle n'est pas insensible au colonel français. Sauront-ils sortir indemnes, avec leurs sentiments intacts, de ces premiers tourbillons préparant la tempête à venir ? 

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Spies of Warsaw disposait a priori de différents atouts. Les missions de son personnage principal n'ont rien d'anecdotiques, et même si l'on sait que ses efforts seront vains, les enjeux mis en scène sont d'importance. Il s'agit tout d'abord d'identifier la stratégie envisagée par l'Allemagne pour mener une guerre en Europe, notamment face à la France. Sur ce point, la mini-série n'a pas son pareil pour retranscrire l'aveuglement qui fut celui des élites françaises, et l'illusion créée par la ligne Maginot. Puis, une fois l'invasion polonaise inéluctable, l'exfiltration de l'or de sa banque centrale pour le faire échapper aux nazis est aussi une tâche à haute responsabilité. Malheureusement ces histoires n'acquièrent jamais l'ampleur dramatique qu'elles auraient méritée. Le scénario souffre en effet de récurrentes inégalités dans sa narration : il est capable de faire preuve d'une minutie d'orfèvre à certains instants, pour ensuite grossièrement esquisser des rebondissements convenus et téléphonés à d'autres. Au suspense de plusieurs passages, succèdent des raccourcis frustrants, des facilités dispensables, qui plombent la crédibilité du récit. Face à une mise en scène trop figée, peinant à atteindre l'intensité attendue, ce n'est que progressivement que le téléspectateur rentre dans l'histoire.

Cependant, il parvient à se prendre peu à peu à ces jeux d'espions en cours : il le fait en s'investissant dans les destinées personnelles des personnages, et non dans les missions relatées. Spies of Warsaw repose en fait entièrement sur les épaules du colonel Mercier. Figure aristocratique quelque peu idéalisée à laquelle il manque peut-être l'ambivalence recherchée dans ce type de fiction, ses développements restent intéressants tout au long de la mini-série. Il sait impliquer le téléspectateur à ses côtés. Mais la mini-série souffre ici du syndrome du "héros" : il lui manque une approche plus chorale, qui aurait été la bienvenue pour mieux apprécier les enjeux et faire gagner la fiction en homogénéité. Si Mercier s'impose comme un repère convaincant pour le téléspectateur, les personnages qui l'entourent peinent eux à acquérir une vraie consistance, à l'image des oppositions rencontrées au sein de la hiérarchie française où les officiers renvoient à des caricatures frustrantes qui servent avant-tout de faire-valoir à Mercier. Dans un registre plus personnel, son histoire d'amour avec Anna est calibrée, mais n'aura pas su capturer l'intensité des sentiments et des déchirements vécus.

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Sur la forme, Spies of Warsaw bénéficie d'une réalisation correcte, mais un peu figée, à laquelle manque parfois ce souffle et cette tension que l'histoire relatée aurait dû permettre d'attendre. Il est manifeste que la mini-série a privilégié une sobriété, ce qui parfaitement légitime. Cela rend l'ensemble globalement bien adapté pour son genre. C'est une fiction sérieuse et classique, qui n'éblouit pas, ni ne prend le moindre risque sur ce plan.

En réalité, c'est avant tout le casting qui permet de s'investir dans cette mini-série. Plus précisément Spies of Warsaw doit beaucoup à un David Tennant (Doctor Who, Single Father) impeccable, qui tient là un rôle fort et intéressant, de maître-espion amoureux, dans lequel il trouve pleinement à s'exprimer (une fois que l'on admet qu'il interprète un officier français, ce qui a nécessité pour moi un léger temps d'ajustement). Les autres personnages sont moins fouillés, et les acteurs ne sont pas toujours très sollicités. Janet Montgomery (Human Target, Made in Jersey, Dancing on the edge) interprète Anna, la jolie Polonaise qui séduira le colonel Mercier. S'il n'y a rien à redire sur son jeu, l'écriture ne donne pas à son personnage une grande ampleur. A leurs côtés, on retrouve un casting international, composé notamment de Marcin Dorocinski (Gleboka woda, Pitbull), Miroslaw Zbrojewicz, Burn Gorman, Ellie Haddington, Piotr Baumann, Jan Pohl, Radoslaw Kaim, Linda Bassett, Allan Corduner, Anton Lesser, Julian Glover, Richard Lintern, Tuppense Middleton, Tusse Silberg et Fenella Woolgar.

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Bilan : Proposant une immersion dans les jeux d'espions d'avant-guerre en Europe continentale, et plus précisément autour de la question de la Pologne, Spies of Warsaw est une honnête mini-série historique d'espionnage qui ne rebutera pas les amateurs du genre. Mais elle laissera quelques regrets, n'ayant pas réussi à rendre à ses enjeux le souffle dramatique et la tension qu'ils méritaient. Se reposant que sur les destinées personnelles de ses personnages, et surtout, de sa figure centrale, elle doit ici beaucoup à David Tennant pour avoir su apporter consistance et intensité à un officier dont on aurait pu craindre une idéalisation trop unidimensionnelle. Spies of Warsaw reflète aussi peut-être les difficultés qui peuvent se rencontrer lorsque l'on entreprend de transposer certains aspects d'un roman à l'écran. Au final, si j'en garde une impression mitigée, je ne regrette certainement pas de l'avoir regardée (mon inclinaison naturelle pour ce type d'histoire s'exprime sans doute ici).


NOTE : 6,75/10


Une bande-annonce de la mini-série :

18/01/2013

(FR) L'Invention de Morel : aux frontières de l'illusion et de la réalité

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Au printemps dernier, j'avais initié dans ces colonnes ce que j'avais appelé un "cycle ORTF". Cela avait été l'occasion de se pencher sur le petit écran français d'il y a plusieurs décennies, et surtout d'y découvrir quelques perles rares récompensant la curiosité du sériephile qui s'aventure dans ce patrimoine télévisuel extrêmement riche. On avait alors croisé tous les genres : de l'historique aventurier avec Ardéchois coeur fidèle au fantastique policier dans La Brigade des Maléfices, en passant par des paradoxes temporels savoureux avec Le Voyageur des siècles. Je ne comptais pas en rester là.

Après quelques mois de pause - et quelques achats de DVD supplémentaires - me voilà repartie explorer le petit écran français d'avant. Etant donné les belles trouvailles déjà faites dans Les Inédits Fantastiques, édités par Ina Editions, qui m'ont rappelé que notre télévision avait su s'approprier le genre du fantastique avec brio par le passé, j'ai logiquement poursuivi dans cette collection. La fiction du jour est L'Invention de Morel : c'est un téléfilm d'une durée d'1h35, réalisé par Claude-Jean Bonnardot. Il s'agit de l'adaptation d'un roman d'Adolfo Bioy Casares. Diffusé le 8 décembre 1967 sur la deuxième chaîne de l'ORTF, il est notable de signaler qu'il a été tourné en couleur. Une fois encore, il s'agit d'une oeuvre valant le détour qui s'est révélée vraiment fascinante à visionner.

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Le protagoniste principal de L'Invention de Morel se nomme Luis. Evadé de prison, il se réfugie sur une île perdue conseillée par l'Italien de Calcutta. Il a été prévenu : les voyageurs évitent avec soin ces lieux, car, dit-on, plusieurs personnes ont été retrouvées mortes sur ces côtes, atteintes d'un mal mystérieux. Voulant fuir la justice, Luis espère y disparaître. Il découvre sur place une immense villa, autrefois luxueuse, et aujourd'hui abandonnée. Puis il prend peu à peu ses marques et entreprend de tenir un journal détaillé de son séjour sur l'île.

Mais un jour, surgit de nulle part un groupe d'individus, bourgeois festifs venus passer du bon temps. Ils s'approprient les lieux, obligeant Luis à s'éloigner. De loin, l'ancien prisonnier les observe profiter d'un quotidien d'insouciance. Parmi ces intrus, une jeune femme retient tout particulièrement son attention : la troublante Faustine. Puis, après plusieurs jours, Luis retrouve soudain un matin la villa abandonnée telle qu'elle était lorsqu'il est arrivé : décrépie et en mauvais état, loin du luxe et du confort avec lequel elle a accueilli le groupe d'amis.

Par amour pour Faustine, Luis va chercher à percer le mystère de sa présence et comprendre ainsi les secrets que cache l'île.

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L'Invention de Morel commence semblable à une sorte de Robinson Crusoé : elle met d'abord en scène un individu, en bout de course, qui souhaite écrire et préciser ses réflexions sur le monde et la société contre laquelle il s'insurge. Puisqu'il ne peut dialoguer avec quiconque, c'est par une opportune voix off, posée et rationnelle, que Luis partage avec le téléspectateur ses états d'âme et consigne méthodiquement les évènements qui ont lieu dans un journal. A l'arrivée des intrus, la fiction change de registre, glissant peu à peu dans un étrange inclassable. Les questions se bousculent, d'abord naturelles pour Luis : ces gens sont-ils à sa poursuite pour le ramener en prison ? Mais les découvertes qu'il fait sont de plus en plus déroutantes et déconcertantes. Lorsqu'ils le croisent, pourquoi ces individus l'ignorent-ils, semblant vivre leur quotidien en marge de son existence ? Pourquoi la villa délabrée et insalubre s'anime-t-elle luxueusement lorsqu'ils y festoient et s'éteint-elle à leur départ ? Et d'ailleurs, comment viennent-ils et où repartent-ils, puisqu'aucune embarcation n'est jamais visible à proximité de l'île ?

Intrigué, Luis est aussi vite fasciné par une figure inaccessible, celle de la si belle Faustine. Qui est-elle ? se tourmente-t-il. Et, plus généralement, qui sont ces gens paraissant revivre, de façon imperturbable et immuable, une même semaine passée sur l'île ? Un doute germe dans son esprit, comme dans celui du téléspectateur : s'ils ne peuvent pas le voir, existent-ils seulement ? Ne sont-ils que des illusions créées par son cerveau saturé par l'isolement et le défaut de nourriture ? Ou bien est-ce que Luis, déjà mort, n'est en fait que le témoin privilégié d'une vie à laquelle il n'appartiendrait plus ? A mesure que le mystère s'épaissit, L'Invention de Morel nous entraîne aux limites des perceptions et d'une réalité qui semblent se diluer, défiant les sens et la raison. Ses sentiments poussent pourtant Luis à résoudre l'énigme. Une fois découverte l'invention géniale et glaçante de Morel, puis son plan compris, le spectacle auquel il assiste prend alors tout son sens. Entre l'éternité illusoire de ces invités confinés dans la vacuité de leur existence futile et la réalité vivante, oppressante et sans futur, Luis fera un choix. Au rythme de marées, rejoindra-t-il Faustine ?

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Sur la forme, L'Invention de Morel bénéficie d'une réalisation qui parvient à capturer l'atmosphère particulière qui caractérise l'histoire mise en scène. Elle a de plus le grand avantage de bénéficier de la couleur. Cela permet d'apprécier pleinement le cadre offert par l'île, qui peut être aussi bien paradisiaque qu'hostile, escapade dorée ou prison sans issue. Par ailleurs, la couleur n'en souligne que plus, de manière paradoxale et troublante, la vitalité qui émane de ces intrus insouciants et la beauté de Faustine, comme autant d'instantanés parfaitement capturés mais à jamais glacés et figés.

Enfin, côté casting, c'est Alain Saury qui interprète Luis. Il retranscrit très bien les troubles de son personnage, incertain et égaré, face à ce spectacle dont il ne saisit pas encore le sens. Offrant le contraste parfait par rapport à l'ambiance de plus en plus déroutante qui s'installe, sa voix calme et monocorde fait office de narrateur, rythmant le récit à sa manière : le ton relativement calme dont elle ne se départit jamais, en dépit de tous les questionnements qui peuvent se bousculer, en fait un repère solide. Juliette Mills joue l'ensorcellante Faustine, tandis que Didier Conti incarne l'inquiétant Morel. On croise également Ursula Vian-Kubler, Dominique Vincent, Eric Sinclair, Max Vialle, Robert Rimbaud, Florence Musset, Anne Talbo, Jean Martin, Paule Dehelly, Guy d'Arcanques, Maurice Cieutat et Tony Sandro.

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Bilan : Oeuvre envoûtante, presque hantée à sa manière, L'Invention de Morel fascine et captive, se réappropriant plusieurs thématiques du fantastique. Tour à tour fable existentielle, métaphysique, elle égare les certitudes et les repères de son personnage principal, et par ricochet du téléspectateur, troublant les frontières entre réalité et illusion, vie et mort, fin actée et éternité hors du temps... Bénéficiant d'un récit très bien construit, qu'il s'agisse de poser le mystère ou d'aboutir à sa résolution et à la conclusion choisie par Luis, le téléfilm se révèle prenant de bout en bout, à la fois intriguant et déroutant. En résumé, c'est une belle expérience télévisuelle, qui ne demande pas trop d'investissement en temps (1h30), et mérite assurément le détour. A conseiller au-delà même des seuls amateurs de fantastique.


NOTE : 7,75/10


Lien vers une bande-annonce : Bande-annonce DVD Ina Editions (Dailymotion).

16/01/2013

(J-Drama) Hitori Shizuka : un intriguant et fascinant drama

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Je poursuis mes rattrapages de séries de la saison automnale au Japon, alors même que les premiers épisodes des j-dramas de l'hiver 201 3 nous parviennent déjà et qu'il sera bientôt temps de s'y pencher. Après Double Face mercredi dernier, je ne change pas de chaîne et reste sur WOWOW (avouons que si elle n'existait pas, ma consommation de séries japonaises serait bien moindre !) pour cette fois-ci revenir sur un autre des dramas prenants de la saison dernière, Hitori Shizuka.

Adaptation d'un roman du même titre de Honda Tetsuya, il s'agit d'un renzoku comptant 6 épisodes d'une cinquantaine de minutes chacun. Il a été diffusé les dimanche soirs du 21 octobre au 25 novembre 2012. Bénéficiant d'une écriture solide, c'est une fiction extrêmement intriguante et mystérieuse qui aura subtilement et habilement exploité une histoire qu'il n'était pourtant pas si facile que cela de transposer à l'écran.

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Il est difficile de proposer un résumé de ce drama sans gâcher la saveur qu'acquiert progressivement cet enchaînement d'histoires qui, peu à peu, apparaissent de plus en plus liées les unes aux autres. Hitori Shizuka relate en effet successivement, au fil de ses différents épisodes, plusieurs meurtres, en apparence sans connexion entre eux. Mais derrière lesquels se cache une seule présence, celle d'une jeune portée disparue, Ito Shizuka, belle-fille d'un haut gradé de la police. Ce sont les actions, la vie et les motivations mystérieuses de cette fille que ce drama va entreprendre de nous raconter.

Le premier épisode s'ouvre en 1996. Un gangster est alors abattu dans un appartement d'un quartier résidentiel. Règlement de comptes, vengeance, les mobiles possibles ne manquent pas étant donné la victime... Un des officiers patrouilleurs, Kizaki, arrivé parmi les premiers sur les lieux, est adjoint à l'équipe menant l'enquête. Il s'interroge sur la non-prise en compte d'un rapport d'autopsie et les non-dits de son supérieur qui en sait peut-être plus qu'il ne veut bien le dire. Un suspect est cependant arrêté. Or il affirme que la victime n'était pas seule dans l'appartement et qu'une jeune fille, en tenue de lycéenne, s'y trouvait également.

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Hitori Shizuka est tout d'abord un drama qui marque par la construction maîtrisée de son histoire, laquelle acquiert peu à peu toute son ampleur. Il se dégage de l'ensemble une solidité et une cohérence jamais prises en défaut. La première partie de la série est avant tout très intriguante, aiguisant la curiosité du téléspectateur devant le mystère, pour l'instant seulement effleuré, que représente Ito Shizuka et toutes les questions que suscitent les actes qu'elle commet ou provoque. Se réappropriant avec une efficacité redoutable les codes classiques des fictions policières, les premiers épisodes ont l'apparence d'enquêtes déconnectées entre elles, derrière lesquelles plane l'ombre inquiétante et déroutante de la jeune femme. La série se révèle extrêmement convaincante dans sa manière de capturer, avec beaucoup de rigueur, le fonctionnement des unités d'investigation au sein de la police japonaise. Capable d'introduire à chaque fois de nouveaux protagonistes policiers avec une aisance qu'il faut saluer, l'approche narrative est ambitieuse : c'est d'abord d'un point de vue extérieur, et de manière incidente, que la série amène le téléspectateur à s'interroger sur Ito Shizuka.

Puis, un recentrage s'opère progressivement sur la jeune femme : de façon particulièrement glaçante, est alors véritablement mise en lumière la dangerosité machiavélique dont elle est capable de faire preuve. Ce personnage inclassable fascine d'autant plus que l'écriture, habilement, fait le choix de ne jamais trop en dire. Le drama fait toujours preuve de beaucoup de retenu, disséminant les indices et les informations, mais évitant tout long discours explicatif ou autres scènes de pure exposition. Le scénariste suggère, mais fait confiance au téléspectateur pour déduire et apprécier les situations comme il se doit. Tout en se montrant parfois très forte et dense, la narration adopte un style presque minimaliste, où prévaut une grande sobriété. Il s'agit d'un des grands atouts du drama, même si cela sera aussi source d'un léger flottement lors de sa conclusion : cette dernière se voit en effet précédée d'un saut temporel de plus d'une décennie qui nous ramène dans le présent, sans qu'aucune indication ne soit donnée à l'écran. Il faut quelques minutes au téléspectateur pour retrouver ses marques et comprendre qui et à quelle époque sont les protagonistes mis en scène. Il est possible que le roman soit ici en cause, le texte d'origine ayant peut-être voulu entretenir un temps la confusion. Reste que la chute de la série n'en demeure pas moins d'une logique et d'une légitimité parfaites par rapport à la tonalité de l'histoire, refermant parfaitement la boucle de vie qui aura été relatée.

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La sobriété bien huilée de Hitori Shizuka se retrouve sur la forme. Sa réalisation est globalement soignée et maîtrisée, accompagnée d'une bande-son uniquement composée de thèmes musicaux instrumentaux qui est opportunément choisie et qui accompagne très bien le récit. Si, comme je l'ai dit, la gestion des sauts temporels aurait mérité d'être un peu plus soulignée (juste indiquer l'année à l'écran !), je retiendrais surtout de ce drama sa mise en scène des fusillades. Il faut dire que ces dernières semblent tout d'abord vouloir poser une vérité : personne ne sait manifestement tirer au pistolet quand il s'agit d'abattre froidement quelqu'un ! Surtout, elles traduisent une certaine surenchère avec un sur-jeu qui décontenance, au point que la première scène du drama déstabilise vraiment. Ce n'est que lorsqu'est venue la grande fusillade de l'épisode 4 que j'ai véritablement compris ce que le réalisateur essayait de faire. Car si la première prend trop au dépourvu pour fonctionner, la seconde d'une ampleur toute autre est assez jubilatoire par la distance qu'elle introduit.

Enfin Hitori Shizuka bénéficie d'un solide casting choral, puisque nombre d'acteurs occupent le devant de la scène le temps d'un épisode seulement. Le rôle d'Ito Shikuza est confié à Kaho (Diplomat Kuroda Kousaku), autour de laquelle tout le récit tourne, mais qui n'a cependant pas une présence aussi importante que l'affiche du drama aurait pu le laisser supposer. Interprétant un personnage froid, peu expressif, ou se contentant de préserver sobrement les apparences, l'actrice s'en sort très bien dans ce registre. Autour d'elle, vont graviter plusieurs têtes plus ou moins familières du petit écran japonais, tel Murakami Jun, Arai Hirofumi (Shokuzai, Going my Home), Nagatsuka Keishi, Takahashi Issei, Matsushige Yutaka (Shinya Shokudou, Unmei no Hito, Kodoku no Gurume) (que j'ai retrouvé avec beaucoup de plaisir !), Tokiwa Takako (Tenchijin), Takito Kenichi, Nukumizu Yoichi (BOSS), Ikeda Narushi, Kurosawa Asuka, Nikado Satoshi, Midori Mako ou encore Kishibe Ittoku.

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Bilan : Tour à tour mystérieux, puis inquiétant, voire glaçant, Hitori Shizuka est un intriguant drama dont l'histoire se déploit peu à peu pour se révéler extrêmement solide. Sa construction, avec une progressive mise en pleine lumière de la jeune femme et ses secrets, est très bien gérée. Le style d'écriture retient l'attention en raison de l'assurance avec laquelle le drama choisit de faire confiance au téléspectateur pour déduire certains faits, comprendre les silences et les liens à opérer, évitant les passages d'exposition et les longs discours pesants qui peuplent trop souvent ce genre de fiction. En résumé, Hitori Shizuka est un drama habile, subtile, qui relate de façon ordinaire une histoire qui ne l'est pas, chargée de non-dits dans lesquels se trouve toute sa force. Seule la mise en scène de la conclusion suscitera quelques réserves, mais qui ne remettent pas en cause les qualités de l'ensemble. A voir.


NOTE : 8/10

13/01/2013

(UK) Wallander, saisons 1 à 3 : Tram wires cross northern skies...

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Comme je vous le disais vendredi en évoquant la norvégienne Torpedo, il flotte sur mon début d'année comme un parfum scandinave très prononcé. La série dont je vais vous parler aujourd'hui en est une nouvelle illustration, nous transportant cette fois en Suède. Wallander est le principal protagoniste d'une suite de romans de l'écrivain Henning Mankell (disponibles en France, mais que je n'ai jamais eu l'occasion de lire jusqu'à présent). L'inspecteur avait déjà connu des adaptations sur petit et grand écran dans sa Suède natale (il est fort possible que je revienne sur cette série ultérieurement), cependant en 2008, c'est la BBC qui a, à son tour, proposé sa propre version des romans de Mankell.

Tournée en Suède, Wallander est probablement la plus nordique des séries britanniques actuelles. Chacune de ses saisons est composée de 3 épisodes de 90 minutes. Elle compte pour le moment 3 saisons, soit 9 épisodes en tout. En France, c'est Arte (ainsi que sur 13e Rue) qui s'est chargée de la diffusion. En ce qui me concerne, j'ai vraiment savouré cette belle découverte (à raison d'un épisode par soir depuis le début de l'année). Wallander est une série à l'ambiance soignée, à l'esthétique magnifique, reposant sur une écriture solide et de bons acteurs.

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La série est entièrement centrée sur le personnage de Kurt Wallander, un détective de police officiant dans la petite ville d'Ystad, en Suède. Chaque épisode est l'occasion de partager avec lui ses doutes, ses réactions horrifiés et ses intuitions en suivant une enquête particulière, durant laquelle il est assisté par une équipe qui connaîtra des changements au cours de la série, principalement lors du passage de la deuxième à la troisième saison. S'investissant de façon démesurée dans les affaires qu'il doit résoudre, faisant souvent preuve d'une empathie qui menace à tout moment de le submerger, Wallander vit par et dans son travail.

La place occupée par son métier a logiquement des conséquences sur sa vie privée. Au début de la première saison, récemment séparé de son épouse, il a du mal à tourner la page et à envisager de reconstruire sa vie. De manière générale, ses relations familiales restent compliquées, aussi bien avec sa fille, Linda, qu'avec son père, Povel, qui n'a jamais approuvé son choix de carrière et dont la maladie diagnostiquée amène Kurt à se questionner sur leurs rapports. Si les épisodes proposent des enquêtes indépendantes, en revanche, les développements privés du personnage sont un fil rouge qui rythme chaque saison.

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Wallander se déroule dans une petite ville perdue dans la campagne suédoise, coincée entre ces champs aux couleurs changeantes peuplés d'éoliennes à perte de vue, et une mer étendant son horizon bleuté. Intégrant pleinement dans le récit ce décor, entre terre et mer, à la beauté et à la tranquillité apparentes, la fiction ne cessera de souligner le contraste apporté par l'horreur des faits divers qui viennent troubler ces lieux. Wallander est une oeuvre policière d'ambiance, dans laquelle le téléspectateur s'immerge. La durée des épisodes - 90 minutes - lui permet de trouver le juste équilibre dans son rythme de narration : tout en proposant des enquêtes généralement très solides, parfois particulièrement intenses, la série prend son temps pour développer une approche plus introspective inhérente à son parti pris de se centrer sur un personnage principal aux états d'âme multiples et fréquents, qui réfléchit beaucoup sur sa vie et sur tout ce que son métier l'amène à croiser.

Les intrigues sont ancrées dans la société suédoise moderne (immigration, fanatisme), ou conduisent à s'interroger sur la nature humaine. Elles ne sont étrangères ni aux excès de violence, ni à la surenchère de sordide. Pourtant Wallander marque avant tout le téléspectateur par l'investissement que va susciter chez lui ce détective usé, physiquement et mentalement, par un métier qu'il ne peut pourtant pas envisager de quitter. La série en dresse un portrait fascinant, nuancé, dépeignant les forces mais aussi les défauts et les failles. On s'attache à lui pour son humanité, pour sa capacité à refuser de finir désensibilisé par l'habitude de côtoyer des horreurs à la différence de certains de ses collègues, pour sa faculté à être toujours en mesure de se révolter, ou encore pour l'implication sans mesure dont il fait preuve dans ses affaires. Il porte en lui comme une déchirure, à la fois désabusé mais essayant de continuer d'aller de l'avant, incapable pourtant de ne pas répéter les mêmes erreurs. Son empathie et son entêtement professionnel restent les deux caractéristiques qui le définissent.

Signe de cette priorité donnée à cette figure centrale, durant certains épisodes, les enquêtes semblent presque en retrait, la série s'intéressant avant tout à la manière dont Wallander vit l'affaire à résoudre. On a l'impression de voir vasciller sous nos yeux ses dernières certitudes sur la nature humaine. Chaque saison apporte des développements consistants pour le personnage, explorant différentes thématiques. Il y a tout d'abord celle de la famille qui demeure un fil rouge constant : la série met en scène ses rapports difficiles avec sa fille, laquelle oscille entre la volonté de soutenir son père et la frustration que provoquent son ordre des priorités. La fiction revient aussi sur l'incompréhension qui sépare Wallander de son père, avec des blessures que la maladie de ce dernier va faire ressortir. La deuxième saison introduit un arc supplémentaire en plaçant Wallander face à sa conscience, à la responsabilité d'avoir dû tuer un homme. Quelque chose semble alors définitivement brisé en lui. Inlassablement il repart pourtant, reproduisant les mêmes schémas. La construction des saisons est cependant habile, à l'image du final de la troisième et du repos relatif qu'il semble trouver à la fin.

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Si cette série britannique capture à merveille l'ambiance scandinave de son sujet, elle le doit aussi aux moyens mis dans la forme. Tout d'abord il faut saluer le fait que Wallander ait été filmée dans la région de la ville de son héros, Ystad en Suède. Et même lorsque la fiction nous entraîne dans d'autres pays, comme durant la saison 3 où un épisode permet une incursion en Lettonie, le tournage s'y déplace. Nous avons donc droit à d'authentiques décors nordiques. Surtout, la réalisation, parfaitement maîtrisée, prend le temps d'inscrire les histoires dans les paysages dans lesquels se déroule l'action. Ces derniers sont superbement mis en valeur par une photographie absolument sublime qui laissera plus d'une fois le téléspectateur rêveur. Wallander respire la Suède et nous en offre une vue des plus belles.

Par ailleurs, la série est accompagnée d'une bande-son parfaite pour l'occasion. Rien n'y est laissé au hasard pour construire avec soin cette ambiance particulière : les thèmes récurrents, notamment au piano, se confondent à merveille avec le récit. Il faut dire que le ton est posé dès le générique, au cours duquel retentit une superbe chanson, teintée d'une douce mélancolie qui correspond si bien à la figure centrale de la série. A noter qu'elle a vu ses paroles spécialement réadaptées pour l'occasion, puisque dans sa version originale, elle ne parle pas du ciel du nord, mais de celui de... Melbourne. (Je vous renvoie à deux des vidéos ci-dessous ; puisque j'ai mis en bonus la chanson d'origine.)

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Enfin, Wallander ne serait pas ce qu'elle est sans le casting solide qu'elle ressemble. Kenneth Branagh porte véritablement la série grâce à une justesse d'interprétation et de nuances, où perce une force particulièrement impressionnante. Il s'est vraiment approprié ce personnage complexe qu'est Wallander, pour en proposer au téléspectateur une version crédible et solide. Comme il est la figure la plus importante, celle qu'on suit tout au long de chaque épisode, les autres restent logiquement plus en retrait. Au sein de sa famille, Jeany Spark (A Touch of Cloth) interprète sa fille, Linda, avec laquelle il entretient des rapports difficiles. David Warner (Masada, Marco Polo, Conviction, The Secret of Crickley Hall) joue durant les deux premières saisons son père.

Du côté de la police, les officiers qui l'entourent connaissent un renouvellement progressif au fil des trois saisons. Sarah Smart (Jane Hall, Five Days, The Secret of Crickley Hall), dans le rôle de Anne-Britt, a cependant quelques occasions d'être mise en avant, tout comme Tom Hiddleston (Suburban shotout, The Hollow Crown ; présent dans les deux premières saisons, l'acteur étant ensuite parti jouer les Dieux nordiques en colère sur grand écran). On croise également Sadie Shimmin et Richard McCabe. La saison 3 voit un renouvellement plus marqué, avec l'arrivée de Rebekah Staton, Mark Hadfield ou encore Barnaby Kay. De plus, Wallander, c'est aussi un joli défilé de guest-stars de luxe, avec de solides représentants du petit écran britannique et même... danois, puisque Soren Malling (Forbrydelsen, Borgen) est de passage dans le deuxième épisode de la saison 3.

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Bilan : Nous transportant dans des paysages sudéois sublimés par une magnifique photographie, Wallander propose une version particulièrement réussie du polar scandinave. Plus que ses enquêtes, la série interpelle grâce à l'intensité de son personnage central, qui partage avec le téléspectateur tous ses doutes et ses états d'âme, marqué par les atrocités qu'il a chaque jour à résoudre. Avec son casting très convaincant au sein duquel Kenneth Branagh tient là un de ses plus beaux rôles, et une écriture solide, il s'agit d'une série chaudement recommandée aux amateurs de policiers nordiques, et au-delà.


NOTE : 8/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce (pour la saison 3) :

BONUS - La chanson qui retentit dans le générique en intégralité ("Nostalgia", par Emily Barker) :

11/01/2013

(NOR) Torpedo (Torpille) : une enquête difficile vers un engrenage létal

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Mes programmes de ce début d'année 2013 sont placés sous le signe de la Scandinavie. Il m'a tout d'abord fallu digérer le final de Forbrydelsen et faire mon deuil de cette série danoise qui aura marqué mon ouverture au petit écran européen. Pour me changer les idées, j'ai choisi de poursuivre mes escapades scandinaves en mettant le cap plus au nord. Je suis remontée en Suède, où j'achève de rattraper la version anglaise de Wallander (sur laquelle je reviendrai très prochainement), et en Norvège, où je me suis plongée dans une mini-série intitulée Torpedo. Ce thriller s'est avéré très prenant.

Ecrite et réalisée par Trygve Allister Diesen, Torpedo (Torpille en version française) a été diffusée sur TV2 en 2007. Comprenant 4 épisodes de 48 minutes, elle a retenu l'attention en Norvège. La bonne nouvelle, c'est que cette intéressante fiction du petit écran nordique nous parvient enfin en France en ce début d'année 2013 grâce à Eurochannel qui continue d'être une voie d'accès à surveiller pour les productions européennes. La chaîne a en effet entrepris sa diffusion depuis la semaine dernière (les multi-rediffusions devraient vous permettre de la rattraper, et pour ceux qui n'ont pas Eurochannel, le service de VOD est à surveiller). Torpedo est une brève mini-série efficace que devraient apprécier les amateurs.

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Terje Jonassen, un ancien soldat et commando, s'est reconverti depuis son retour à la vie civile en homme de main, redoutable notamment pour collecter les dettes de jeu. Son professionnalisme rigoureux permet souvent d'éviter que des situations sensibles ne dégénèrent : s'il ne cherche pas la violence pour la violence, il n'hésite pas à y recourir s'il s'y estime contraint et effraie facilement plus d'un récalcitrant. Terje est marié à Sissel, une belle femme dont le portrait s'affiche actuellement sur tous les écrans publicitaires de la ville. Ils ont ensemble une petite fille, Maja. Le défi quotidien de Terje est de trouver l'équilibre entre un travail où les commanditaires sont peu conciliants, avec des horaires parfois compliqués, et une vie familiale à soigner.

Mais tout bascule brusquement un jour. Une collecte de dette dont il devait avoir la charge tourne mal, notamment en raison des prises d'initiative peu inspirées de l'acolyte auquel il avait confié la tâche de finir le travail, Terje ayant préféré pouvoir profiter pleinement de l'anniversaire de sa fille. Ce dérapage suscite la colère du boss mafieux local, Cedomir. Cependant, le bien des affaires primant, Terje pense pouvoir vite tout arranger. Mais lorsqu'il rentre chez lui avec sa fille pour organiser l'anniversaire de cette dernière, il découvre le corps sans vie de sa femme dans la salle de bain : elle a été abattue à bout portant. Connu pour sa jalousie, Terje devient immédiatement un suspect privilégié pour la police.

Se sachant innocent, il n'entend pas rester les bras croisés et entreprend sa propre enquête pour retrouver le meurtrier. Plongeant dans les bas-fonds du crime organisé norvégien, la douleur lui faisant oublier toute prudence, il prend le risque de provoquer un engrenage dangereux. Mais il va aussi découvrir qu'il ne connaissait peut-être pas Sissel aussi bien qu'il le croyait.

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Torpedo est un thriller musclé qui sait jouer sur plusieurs tableaux : c'est une série d'action, dont certains passages empruntent aux fictions de gangsters, mais qui ne néglige pas pour autant des passages plus posés permettant des développements personnels. Sa mise en scène, à la sobriété calculée, renvoie une impression de réalisme abrasif qui contribue grandement à la tension ambiante. Bénéficiant d'un scénario solide et bien huilé, la fiction sait ménager le suspense jusqu'à la fin. Elle a pour atout de se dérouler sur une durée brève (4 jours, soit un épisode par jour) : elle peut ainsi relater sans temps mort l'enchaînement rapide d'évènements qui vont complètement bouleverser la vie de son personnage principal. L'histoire nous est racontée uniquement du point de vue de ce dernier, permettant de partager ses questionnements, mais aussi de mesurer combien la situation lui échappe progressivement. Il faut dire que Treje est en bien des points le prototype du protagoniste de film d'action : sombre et efficace, il s'épanouit parfaitement dans l'atmosphère particulière de la mini-série. Avec détermination, mais aussi des limites comme ses éclats violents, il nous entraîne dans cette investigation difficile où il tente de faire preuve de la même froideur rationnelle qui lui servait tant dans son travail.

Très vite, Torpedo prend les allures d'une quête de vengeance, mais il serait bien réducteur de la cantonner uniquement à ce genre. En effet, elle est surtout l'histoire de la descente aux enfers d'un homme prêt à tout bousculer, jusqu'aux bas fonds les plus mal famés du crime norvégien, pour retrouver le meurtrier de sa femme. Avant d'envisager la revanche, il s'agit d'abord pour lui de comprendre ce qu'il s'est passé. Sur ce plan, la mini-série n'a pas son pareil pour jouer des faux semblants et des coïncidences, et nous lancer sur de multiples fausses pistes. A mesure que Terje progresse, tout ne cesse de se complexifier ; et il découvre qu'il ignorait bien des choses sur la vie de Sissel. Les doutes se multiplient alors : et si les secrets de sa femme avaient provoqué sa perte ? Au fil des rebondissements, Terje peine à faire le tri entre les mensonges et les demi-vérités que chacun consent à lui dire. Torpedo réussit très bien à nous glisser dans une ambiance tendue et paranoïaque, où il faut se méfier de tout et où rien ne doit être pris pour argent comptant. C'est un engrenage létal qui se met en branle, très bien géré jusqu'à la fin et un ultime twist qui laisse un goût chargé d'amertume en parfait accord avec le parti pris réaliste et la tonalité sombre de l'ensemble.

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L'atmosphère pleine de tension que cultive Torpedo est renforcée par les intéressants choix faits par le réalisateur, Trygve Allister Diesen (un nom qui parlera peut-être à ceux qui ont apprécié Kommissarie Winter au printemps dernier sur Arte, puisqu'il s'était chargé de la réalisation des deux premiers épisodes). Filmée caméra à l'épaule, la mini-série bénéficie d'une réalisation extrêmement nerveuse, avec des plans toujours proches des protagonistes. Comme un écho à la tonalité de la mini-série, l'image est relativement sombre, avec une photographie qui semble jouer sur le contraste glacé entre la noirceur ambiante et le paysage enneigé qui est mis en scène (soit dit en passant, cet enneignement a laissé la téléspectatrice de latitudes tempérées que je suis effarée : comment est-il possible de conduire si vite sur une route si blanche ?!). A cela s'ajoute une bande-son sobre et appropriée, à l'image du générique (cf. vidéo ci-dessous).

Enfin, le casting se met au diapason. Le rôle principal est confié à Jorgen Langhelle qui trouve avec aisance ses marques dans ce registre de rudesse efficace caractérisant son personnage. Dans son entourage, on retrouve Aksel Hennie qui interprète son compère, plus souvent source d'ennuis que d'une réelle aide. La tête la plus connue du sériephile amateur du petit écran scandinave est sans doute Dejan Cukic (Hvor svært kan det være, Nikolaj og Julie, Borgia), que j'avais apprécié l'année dernière dans la série danoise Forestillinger, qui, cette fois-ci, incarne un chef mafieux que le héros va affronter. On croise également Rebekka Karijord, Gard Eidsvold, Lisa Werlinder, Kyrre Haugen Sydness, Morten Faldaas (Hjem), Maria Schwartz Dal, Anneke von der Lippe et Sven Nordin.

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Bilan : Récit musclé et mouvementé d'une enquête qui ne cesse de se complexifier, Torpedo met en scène l'enclenchement d'un engrenage létal. Fiction à la tension efficace, prenante jusqu'à la fin, elle sait très bien entretenir les fausses pistes et multiplier les faux semblants, jusqu'à une résolution intéressante en parfait accord avec la tonalité quelque peu désillusionnée dans laquelle elle nous plonge. En résumé, il s'agit d'une mini-série intéressante dans son genre, une expérience qui devrait parler aux amateurs de suspense, d'action, comme à ceux qui ont succombé aux sirènes scandinaves.


NOTE : 7,25/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce :