11/01/2013
(NOR) Torpedo (Torpille) : une enquête difficile vers un engrenage létal
Mes programmes de ce début d'année 2013 sont placés sous le signe de la Scandinavie. Il m'a tout d'abord fallu digérer le final de Forbrydelsen et faire mon deuil de cette série danoise qui aura marqué mon ouverture au petit écran européen. Pour me changer les idées, j'ai choisi de poursuivre mes escapades scandinaves en mettant le cap plus au nord. Je suis remontée en Suède, où j'achève de rattraper la version anglaise de Wallander (sur laquelle je reviendrai très prochainement), et en Norvège, où je me suis plongée dans une mini-série intitulée Torpedo. Ce thriller s'est avéré très prenant.
Ecrite et réalisée par Trygve Allister Diesen, Torpedo (Torpille en version française) a été diffusée sur TV2 en 2007. Comprenant 4 épisodes de 48 minutes, elle a retenu l'attention en Norvège. La bonne nouvelle, c'est que cette intéressante fiction du petit écran nordique nous parvient enfin en France en ce début d'année 2013 grâce à Eurochannel qui continue d'être une voie d'accès à surveiller pour les productions européennes. La chaîne a en effet entrepris sa diffusion depuis la semaine dernière (les multi-rediffusions devraient vous permettre de la rattraper, et pour ceux qui n'ont pas Eurochannel, le service de VOD est à surveiller). Torpedo est une brève mini-série efficace que devraient apprécier les amateurs.
Terje Jonassen, un ancien soldat et commando, s'est reconverti depuis son retour à la vie civile en homme de main, redoutable notamment pour collecter les dettes de jeu. Son professionnalisme rigoureux permet souvent d'éviter que des situations sensibles ne dégénèrent : s'il ne cherche pas la violence pour la violence, il n'hésite pas à y recourir s'il s'y estime contraint et effraie facilement plus d'un récalcitrant. Terje est marié à Sissel, une belle femme dont le portrait s'affiche actuellement sur tous les écrans publicitaires de la ville. Ils ont ensemble une petite fille, Maja. Le défi quotidien de Terje est de trouver l'équilibre entre un travail où les commanditaires sont peu conciliants, avec des horaires parfois compliqués, et une vie familiale à soigner.
Mais tout bascule brusquement un jour. Une collecte de dette dont il devait avoir la charge tourne mal, notamment en raison des prises d'initiative peu inspirées de l'acolyte auquel il avait confié la tâche de finir le travail, Terje ayant préféré pouvoir profiter pleinement de l'anniversaire de sa fille. Ce dérapage suscite la colère du boss mafieux local, Cedomir. Cependant, le bien des affaires primant, Terje pense pouvoir vite tout arranger. Mais lorsqu'il rentre chez lui avec sa fille pour organiser l'anniversaire de cette dernière, il découvre le corps sans vie de sa femme dans la salle de bain : elle a été abattue à bout portant. Connu pour sa jalousie, Terje devient immédiatement un suspect privilégié pour la police.
Se sachant innocent, il n'entend pas rester les bras croisés et entreprend sa propre enquête pour retrouver le meurtrier. Plongeant dans les bas-fonds du crime organisé norvégien, la douleur lui faisant oublier toute prudence, il prend le risque de provoquer un engrenage dangereux. Mais il va aussi découvrir qu'il ne connaissait peut-être pas Sissel aussi bien qu'il le croyait.
Torpedo est un thriller musclé qui sait jouer sur plusieurs tableaux : c'est une série d'action, dont certains passages empruntent aux fictions de gangsters, mais qui ne néglige pas pour autant des passages plus posés permettant des développements personnels. Sa mise en scène, à la sobriété calculée, renvoie une impression de réalisme abrasif qui contribue grandement à la tension ambiante. Bénéficiant d'un scénario solide et bien huilé, la fiction sait ménager le suspense jusqu'à la fin. Elle a pour atout de se dérouler sur une durée brève (4 jours, soit un épisode par jour) : elle peut ainsi relater sans temps mort l'enchaînement rapide d'évènements qui vont complètement bouleverser la vie de son personnage principal. L'histoire nous est racontée uniquement du point de vue de ce dernier, permettant de partager ses questionnements, mais aussi de mesurer combien la situation lui échappe progressivement. Il faut dire que Treje est en bien des points le prototype du protagoniste de film d'action : sombre et efficace, il s'épanouit parfaitement dans l'atmosphère particulière de la mini-série. Avec détermination, mais aussi des limites comme ses éclats violents, il nous entraîne dans cette investigation difficile où il tente de faire preuve de la même froideur rationnelle qui lui servait tant dans son travail.
Très vite, Torpedo prend les allures d'une quête de vengeance, mais il serait bien réducteur de la cantonner uniquement à ce genre. En effet, elle est surtout l'histoire de la descente aux enfers d'un homme prêt à tout bousculer, jusqu'aux bas fonds les plus mal famés du crime norvégien, pour retrouver le meurtrier de sa femme. Avant d'envisager la revanche, il s'agit d'abord pour lui de comprendre ce qu'il s'est passé. Sur ce plan, la mini-série n'a pas son pareil pour jouer des faux semblants et des coïncidences, et nous lancer sur de multiples fausses pistes. A mesure que Terje progresse, tout ne cesse de se complexifier ; et il découvre qu'il ignorait bien des choses sur la vie de Sissel. Les doutes se multiplient alors : et si les secrets de sa femme avaient provoqué sa perte ? Au fil des rebondissements, Terje peine à faire le tri entre les mensonges et les demi-vérités que chacun consent à lui dire. Torpedo réussit très bien à nous glisser dans une ambiance tendue et paranoïaque, où il faut se méfier de tout et où rien ne doit être pris pour argent comptant. C'est un engrenage létal qui se met en branle, très bien géré jusqu'à la fin et un ultime twist qui laisse un goût chargé d'amertume en parfait accord avec le parti pris réaliste et la tonalité sombre de l'ensemble.
L'atmosphère pleine de tension que cultive Torpedo est renforcée par les intéressants choix faits par le réalisateur, Trygve Allister Diesen (un nom qui parlera peut-être à ceux qui ont apprécié Kommissarie Winter au printemps dernier sur Arte, puisqu'il s'était chargé de la réalisation des deux premiers épisodes). Filmée caméra à l'épaule, la mini-série bénéficie d'une réalisation extrêmement nerveuse, avec des plans toujours proches des protagonistes. Comme un écho à la tonalité de la mini-série, l'image est relativement sombre, avec une photographie qui semble jouer sur le contraste glacé entre la noirceur ambiante et le paysage enneigé qui est mis en scène (soit dit en passant, cet enneignement a laissé la téléspectatrice de latitudes tempérées que je suis effarée : comment est-il possible de conduire si vite sur une route si blanche ?!). A cela s'ajoute une bande-son sobre et appropriée, à l'image du générique (cf. vidéo ci-dessous).
Enfin, le casting se met au diapason. Le rôle principal est confié à Jorgen Langhelle qui trouve avec aisance ses marques dans ce registre de rudesse efficace caractérisant son personnage. Dans son entourage, on retrouve Aksel Hennie qui interprète son compère, plus souvent source d'ennuis que d'une réelle aide. La tête la plus connue du sériephile amateur du petit écran scandinave est sans doute Dejan Cukic (Hvor svært kan det være, Nikolaj og Julie, Borgia), que j'avais apprécié l'année dernière dans la série danoise Forestillinger, qui, cette fois-ci, incarne un chef mafieux que le héros va affronter. On croise également Rebekka Karijord, Gard Eidsvold, Lisa Werlinder, Kyrre Haugen Sydness, Morten Faldaas (Hjem), Maria Schwartz Dal, Anneke von der Lippe et Sven Nordin.
Bilan : Récit musclé et mouvementé d'une enquête qui ne cesse de se complexifier, Torpedo met en scène l'enclenchement d'un engrenage létal. Fiction à la tension efficace, prenante jusqu'à la fin, elle sait très bien entretenir les fausses pistes et multiplier les faux semblants, jusqu'à une résolution intéressante en parfait accord avec la tonalité quelque peu désillusionnée dans laquelle elle nous plonge. En résumé, il s'agit d'une mini-série intéressante dans son genre, une expérience qui devrait parler aux amateurs de suspense, d'action, comme à ceux qui ont succombé aux sirènes scandinaves.
NOTE : 7,25/10
Le générique de la série :
Une bande-annonce :
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17/02/2012
(Pilote NOR/US) Lilyhammer : un gangster new-yorkais en Norvège
Les séries s'affranchissent peu à peu de leur cadre traditionnel. De nouveaux modèles économiques sont à inventer ; et internet a sa place dans ces expérimentations. En ce mois de février, une nouvelle étape vient d'être franchie : Netflix et Hulu, deux grandes plates-formes de streaming, marchent sur les plate-bandes des chaînes de télévision classiques en lançant toutes deux leurs premières productions originales : Lilyhammer pour la première, Battleground pour la seconde. Et cela n'est que le début, puisque Netflix a d'autres projets en cours, comme House of Cards.
Lilyhammer, la première du genre, est une série américano-norvégienne, qui a été diffusée tout d'abord en Norvège, sur NRK1, le 25 janvier 2012 (avec un score d'audience impressionnant). Depuis, depuis le 6 février 2012, la fiction est désormais disponible dans son intégralité sur Netflix. La saison 1 comporte 8 épisodes ; une saison 2 a d'ores et déjà été commandée. Si elle pose les premières bases d'une révolution de l'industrie par son origine et son mode de diffusion, Lilyhammer reste une comédie douce-amère très classique sur le clash des cultures. Cependant son pilote n'en est pas moins sympathique.
Frank Tagliano, surnommé "the Fixer", appartient à la mafia new-yorkaise. Mais un conflit avec le nouveau boss de l'organisation le conduit à accepter l'offre des autorités américaines de témoigner dans un procès contre lui. Logiquement, il doit intégrer un programme de protection des témoins, sa vie étant désormais en danger. Or Frank veut quitter les Etats-Unis. Il avait été très marqué par la ville de Lillehammer lorsqu'il avait suivi les Jeux Olympiques de 1994 à la télévision : il demande donc à être envoyé en Norvège.
C'est ainsi qu'un gangster new-yorkais aguerri débarque dans la campagne enneigée scandinave, avec en poche de faux papiers fabriqués par le FBI et quelques économies qui devraient lui permettre de débuter une nouvelle existence. Evidemment, la vie à Lillehammer n'a pas grand chose à voir avec les habitudes quotidiennes qu'avait Frank ; il faut dire qu'on y craint plus le loup rôdeur que le potentiel délinquant. Il va falloir apprendre à s'intégrer, tandis que le rêve de l'Américain est d'ouvrir son propre bar.
Au-delà de ses enjeux linguistiques omniprésents (l'anglais et le norvégien s'entremêlent constamment dans les dialogues) et des vieux réflexes de Frank, prêt à intimider ou à corrompre avec la même aisance qu'il respire, le charme du pilote de Lilyhammer tient beaucoup à la simplicité avec laquelle il entreprend de nous conter les aventures norvégiennes colorées d'un pur new-yorkais. Si l'épisode cède très vite à quelques clins d'oeil incontournables, il le fait avec une douce ironie à laquelle le téléspectateur ne reste pas insensible. Comment résister à cette scène du premier réveil de Frank à Lillehammer au cours de laquelle il découvre, abandonnée devant chez lui, une tête d'animal, écho à une autre tête mythique, celle du cheval du Parrain ? Tandis que le téléspectateur partage l'incrédulité passagère du personnage, la chute qui suit, en découvrant qu'il s'agit simplement de la voisine qui a égaré par mégarde son futur déjeuner, tombe parfaitement.
Cette anecdote est vraiment représentative de la tonalité d'ensemble de ce premier épisode. Sans chercher à innover, Lilyhammer propose un pilote, certes classique dans ses dynamiques, mais sympathique. La série investit pleinement - mais sans paraître pour autant forcée, ou artificielle - ce terrain si bien connu du choc des cultures, toujours prompt à susciter confrontation et décalages improbables. Restant très sobre, avec une retenue qu'on pourrait presque qualifier de scandinave, il s'agit d'une comédie noire, un peu douce-amère, qui dépayse et prête à sourire, et à laquelle on s'attache facilement. Certes, on pourra sans doute reprocher à ce pilote d'exposition son côté par trop convenu, mais il s'agit d'un épisode qui remplit sa mission d'introduction. Par la suite, il faudra donc voir si la série est capable de faire preuve de plus d'initiative (et peut-être d'ambition ?) pour exploiter toutes les facettes de son cadre.
Sur la forme, Lilyhammer bénéficie d'une réalisation très classique, capitalisant sur ce ressenti un peu old school. Si l'introduction new yorkaise est expédiée sans chercher à rendre particulièrement crédibles des passages comme la fusillade déterminante du bar, l'arrivée en Norvège permet ensuite à la série de trouver progressivement son style. Tout en restant très simple et sobre, la caméra n'en sait pas moins mettre en valeur le décor enneigé qui sert de cadre à la fiction, offrant un dépaysement garanti au téléspectateur.
Enfin, Lilyhammer rassemble un casting qui sonne très authentique, puisqu'entièrement norvégien à l'exception de l'acteur principal, une tête bien identifiable pour tout sériephile, puisqu'associé à jamais aux séries mafieuses, Steven Van Zandt (The Sopranos), qui est évidemment parfaitement taillé pour ce rôle (et, je l'avoue, sa présence n'a pas été sans éveiller en moi quelque nostalgie). A ses côtés, pour ma première (!) incursion en terres téléphagiques norvégiennes, nous croisons Trond Fausa Aurvåg, Marian Saastad Ottesen, Steinar Sagen, Fridtjov Såheim, Sven Nordin, Anne Krigsvoll, Mikael Aksnes-Pehrson, Kyrre Hellum, Tommy Karlsen Sandum, Greg Canestrari ou encore Tim Ahern.
Bilan : Comédie sombre au parfum scandinave aussi dépaysant que rafraîchissant (dans tous les sens du terme), Lilyhammer propose un pilote de facture très classique, mais qui n'en est pas moins sympathique. Les dynamiques du clash culturel mis en scène fonctionnent, et, sans révolutionner ce terrain familier, on y retrouve toutes les recettes qui ont su faire leur preuve. Pour huit épisodes, on a donc envie de découvrir comment la série va grandir !
NOTE : 6,5/10
Une bande-annonce de la série :
17:03 Publié dans (Pilotes US), (Séries européennes autres) | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : norvège, lilyhammer, nrk, netflix, steven van zandt, trond fausa aurvag, marian saastad ottesen, steinar sagen, fridtjov saheim, sven nordin, anne krigsvoll, mikael aksnes-pehrson, kyrre hellum, tommy karlsen sandum, greg canestrari, tim ahern | Facebook |