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23/11/2014

(NOR) Dag, saison 1 : un conseiller conjugal atypique pour une comédie acerbe

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"Listen. I don't despise you, or find you to be loathsome specimens. This isn't personal to me in any way. But I've heard everything you say from a hundred other couples. So please allow me to repeat : compatible personalities do not exist. When living together for an extended period, you end up repressing the other person's personality. Do yourself a favour : get divorced. End this misery. It'll be a mercy killing." (Dag, S01E01)


Imaginez un conseiller conjugal dont la philosophie de vie repose sur l'idée que chacun devrait vivre en solitaire. Cette certitude, Dag n'hésite pas à la partager avec les clients les plus divers qui osent pousser la porte de son cabinet. En guise de consultation, son écoute se conclut invariablement par un laïus déconstruisant minutieusement la notion de couple et, plus généralement, le soi-disant besoin de socialiser présenté comme inhérent à l'être humain. Ses thérapies ont donc l'avantage d'être courtes... et le taux de divorce, vertigineux, y défie toutes les statistiques.

Ce synopsis constitue le point de départ de Dag, une comédie norvégienne qui a rencontré un joli succès aussi bien critique que public dans son pays. Elle compte à ce jour trois saisons diffusées entre 2010 et 2013 sur la chaîne TV2. Après l'expérience concluante qu'avait été le visionnage de l'inclassable -et jubilatoire- Hellfjord l'an dernier, j'étais très curieuse de poursuivre l'exploration du petit écran norvégien, ainsi que la découverte de cet humour typiquement scandinave que l'on peut y croiser. Dag était la série parfaite pour cela. C'est en une petite semaine que j'ai terminé les 10 épisodes de la première saison - d'une durée d'environ 25 minutes chacun. En attendant la suite, aujourd'hui, poussons ensemble la porte du cabinet de ce thérapeute atypique.

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Dag est une comédie noire, à l'humour caustique, parfois féroce, souvent absurde. Centrée sur son personnage principal, la série fonctionne cependant comme un ensemble au sein duquel les figures secondaires contribuent tout autant à la tonalité corrosive ambiante. Tandis que Dag a toute latitude pour développer amplement ses théories sur l'asociabilité de l'être humain et l'incompatibilité naturelle entre deux individus auxquelles se heurte fatalement tout projet de vie commune, les autres protagonistes ne sont pas en reste. Chaque épisode est ainsi le témoin des derniers désastreux choix relationnels de Benedict, le -seul- ami de Dag, qui démarre la saison en abandonnant sa compagne, sur le point d'accoucher, à la maternité, se retrouvant poursuivi par les parents bouchers serbes de celle-ci pendant une bonne partie des épisodes. Au cabinet, les remarques de Malin, secrétaire intrusive pour qui la confidentialité est une notion inconnue, et les brèves sessions avec des clients, réguliers ou nouveaux venus, toujours hauts en couleurs, parachèvent de poser l'ambiance. La série se construit par petites touches souvent mordantes et sombres sur la nature humaine en général et les relations portées à l'écran en particulier. Agrémentée de tirades désillusionnées qui font mouche, elle cultive une tonalité résolument corrosive, rafraîchissante à sa manière dans cette façon atypique et décalée d'aborder ces grands thèmes classiques que sont la vie, la mort, la solitude... et l'amour.

Pour autant, derrière ces apparences aussi désenchantées qu'acérées, la série n'en est pas moins pourvue d'une certaine sensibilité. Car, au fil de la saison, le portrait de Dag se nuance à mesure qu'il se précise. Si le conseiller conjugal tient farouchement à son indépendance, faisant tout pour que rien ne puisse ni l'atteindre, ni le toucher (en témoigne le véritable sas qu'il s'est aménagé dans son appartement entre l'extérieur et les pièces dans lesquelles il vit), des informations sur son passé et sur sa famille, dévoilées progressivement, viennent nous donner une meilleure compréhension du personnage. Mieux encore, sa carapace se fissure face à l'obstination de sa sœur, puis d'Eva rencontrée justement par son intermédiaire. En effet, Eva s'immisce dans la vie minutieusement réglée de Dag, perturbant son quotidien et faisant dérailler quelques-uns de ses principes cardinaux, sans qu'il puisse vraiment refuser quoique ce soit à cette jeune femme qui brouille les défenses qu'il a érigées autour de lui. La mort de son père vient aussi le questionner. En filigrane, une interrogation se dessine : cela vaut-il la peine de tenter de s'ouvrir au monde, ou du moins à quelqu'un d'autre ? Sa philosophie de vie solitaire, aussi rationalisée qu'elle paraisse, ne dissimule-t-elle pas surtout la peur du rejet, de l'échec, de l'aléa tout simplement inhérent à toute relation ? Construire quelque chose à deux, c'est accepter de prendre un risque. De donner et de recevoir. Dag en est-il capable ? Sans rien brusquer, cette saison 1 est ainsi une histoire d'évolutions, sans que nul ne sache vraiment où elles conduisent...

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Dotée d'un humour acerbe et mordant, Dag est une comédie noire chargée de désillusions sur la nature humaine, qui excelle dans un registre à la fois provocateur et absurde. Sa tonalité à part repose en partie sur les épaules de sa figure centrale, conseiller conjugal atypique à la philosophie de vie solitaire revendiquée, mais aussi sur une galerie de personnages secondaires qui contribuent pleinement au décalage ambiant. Souvent féroce, délicieusement corrosive, mais non dépourvue d'une humanité qui pointe derrière son désenchantement, Dag est une série qui peut faire office d'introduction parfaite dans le registre comique venu du Nord. Avis aux amateurs (et aux sériephiles curieux) !


NOTE : 7,5/10


Pour conclure, laissons le mot de la fin à Malin, la secrétaire de Dag, qui explique les raisons qui l'ont conduite à choisir son métier :

"I love human disappointment. Or, not disappointment, exactly. But suffering. People who obliterate their sense of dignity. People banging their head against the wall, their heart on their sleeve... I just love it. It's just my cup of tea." (S01E03)


Les premières minutes du pilote (sous-titrées en anglais) :


[Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania]

11/01/2013

(NOR) Torpedo (Torpille) : une enquête difficile vers un engrenage létal

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Mes programmes de ce début d'année 2013 sont placés sous le signe de la Scandinavie. Il m'a tout d'abord fallu digérer le final de Forbrydelsen et faire mon deuil de cette série danoise qui aura marqué mon ouverture au petit écran européen. Pour me changer les idées, j'ai choisi de poursuivre mes escapades scandinaves en mettant le cap plus au nord. Je suis remontée en Suède, où j'achève de rattraper la version anglaise de Wallander (sur laquelle je reviendrai très prochainement), et en Norvège, où je me suis plongée dans une mini-série intitulée Torpedo. Ce thriller s'est avéré très prenant.

Ecrite et réalisée par Trygve Allister Diesen, Torpedo (Torpille en version française) a été diffusée sur TV2 en 2007. Comprenant 4 épisodes de 48 minutes, elle a retenu l'attention en Norvège. La bonne nouvelle, c'est que cette intéressante fiction du petit écran nordique nous parvient enfin en France en ce début d'année 2013 grâce à Eurochannel qui continue d'être une voie d'accès à surveiller pour les productions européennes. La chaîne a en effet entrepris sa diffusion depuis la semaine dernière (les multi-rediffusions devraient vous permettre de la rattraper, et pour ceux qui n'ont pas Eurochannel, le service de VOD est à surveiller). Torpedo est une brève mini-série efficace que devraient apprécier les amateurs.

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Terje Jonassen, un ancien soldat et commando, s'est reconverti depuis son retour à la vie civile en homme de main, redoutable notamment pour collecter les dettes de jeu. Son professionnalisme rigoureux permet souvent d'éviter que des situations sensibles ne dégénèrent : s'il ne cherche pas la violence pour la violence, il n'hésite pas à y recourir s'il s'y estime contraint et effraie facilement plus d'un récalcitrant. Terje est marié à Sissel, une belle femme dont le portrait s'affiche actuellement sur tous les écrans publicitaires de la ville. Ils ont ensemble une petite fille, Maja. Le défi quotidien de Terje est de trouver l'équilibre entre un travail où les commanditaires sont peu conciliants, avec des horaires parfois compliqués, et une vie familiale à soigner.

Mais tout bascule brusquement un jour. Une collecte de dette dont il devait avoir la charge tourne mal, notamment en raison des prises d'initiative peu inspirées de l'acolyte auquel il avait confié la tâche de finir le travail, Terje ayant préféré pouvoir profiter pleinement de l'anniversaire de sa fille. Ce dérapage suscite la colère du boss mafieux local, Cedomir. Cependant, le bien des affaires primant, Terje pense pouvoir vite tout arranger. Mais lorsqu'il rentre chez lui avec sa fille pour organiser l'anniversaire de cette dernière, il découvre le corps sans vie de sa femme dans la salle de bain : elle a été abattue à bout portant. Connu pour sa jalousie, Terje devient immédiatement un suspect privilégié pour la police.

Se sachant innocent, il n'entend pas rester les bras croisés et entreprend sa propre enquête pour retrouver le meurtrier. Plongeant dans les bas-fonds du crime organisé norvégien, la douleur lui faisant oublier toute prudence, il prend le risque de provoquer un engrenage dangereux. Mais il va aussi découvrir qu'il ne connaissait peut-être pas Sissel aussi bien qu'il le croyait.

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Torpedo est un thriller musclé qui sait jouer sur plusieurs tableaux : c'est une série d'action, dont certains passages empruntent aux fictions de gangsters, mais qui ne néglige pas pour autant des passages plus posés permettant des développements personnels. Sa mise en scène, à la sobriété calculée, renvoie une impression de réalisme abrasif qui contribue grandement à la tension ambiante. Bénéficiant d'un scénario solide et bien huilé, la fiction sait ménager le suspense jusqu'à la fin. Elle a pour atout de se dérouler sur une durée brève (4 jours, soit un épisode par jour) : elle peut ainsi relater sans temps mort l'enchaînement rapide d'évènements qui vont complètement bouleverser la vie de son personnage principal. L'histoire nous est racontée uniquement du point de vue de ce dernier, permettant de partager ses questionnements, mais aussi de mesurer combien la situation lui échappe progressivement. Il faut dire que Treje est en bien des points le prototype du protagoniste de film d'action : sombre et efficace, il s'épanouit parfaitement dans l'atmosphère particulière de la mini-série. Avec détermination, mais aussi des limites comme ses éclats violents, il nous entraîne dans cette investigation difficile où il tente de faire preuve de la même froideur rationnelle qui lui servait tant dans son travail.

Très vite, Torpedo prend les allures d'une quête de vengeance, mais il serait bien réducteur de la cantonner uniquement à ce genre. En effet, elle est surtout l'histoire de la descente aux enfers d'un homme prêt à tout bousculer, jusqu'aux bas fonds les plus mal famés du crime norvégien, pour retrouver le meurtrier de sa femme. Avant d'envisager la revanche, il s'agit d'abord pour lui de comprendre ce qu'il s'est passé. Sur ce plan, la mini-série n'a pas son pareil pour jouer des faux semblants et des coïncidences, et nous lancer sur de multiples fausses pistes. A mesure que Terje progresse, tout ne cesse de se complexifier ; et il découvre qu'il ignorait bien des choses sur la vie de Sissel. Les doutes se multiplient alors : et si les secrets de sa femme avaient provoqué sa perte ? Au fil des rebondissements, Terje peine à faire le tri entre les mensonges et les demi-vérités que chacun consent à lui dire. Torpedo réussit très bien à nous glisser dans une ambiance tendue et paranoïaque, où il faut se méfier de tout et où rien ne doit être pris pour argent comptant. C'est un engrenage létal qui se met en branle, très bien géré jusqu'à la fin et un ultime twist qui laisse un goût chargé d'amertume en parfait accord avec le parti pris réaliste et la tonalité sombre de l'ensemble.

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L'atmosphère pleine de tension que cultive Torpedo est renforcée par les intéressants choix faits par le réalisateur, Trygve Allister Diesen (un nom qui parlera peut-être à ceux qui ont apprécié Kommissarie Winter au printemps dernier sur Arte, puisqu'il s'était chargé de la réalisation des deux premiers épisodes). Filmée caméra à l'épaule, la mini-série bénéficie d'une réalisation extrêmement nerveuse, avec des plans toujours proches des protagonistes. Comme un écho à la tonalité de la mini-série, l'image est relativement sombre, avec une photographie qui semble jouer sur le contraste glacé entre la noirceur ambiante et le paysage enneigé qui est mis en scène (soit dit en passant, cet enneignement a laissé la téléspectatrice de latitudes tempérées que je suis effarée : comment est-il possible de conduire si vite sur une route si blanche ?!). A cela s'ajoute une bande-son sobre et appropriée, à l'image du générique (cf. vidéo ci-dessous).

Enfin, le casting se met au diapason. Le rôle principal est confié à Jorgen Langhelle qui trouve avec aisance ses marques dans ce registre de rudesse efficace caractérisant son personnage. Dans son entourage, on retrouve Aksel Hennie qui interprète son compère, plus souvent source d'ennuis que d'une réelle aide. La tête la plus connue du sériephile amateur du petit écran scandinave est sans doute Dejan Cukic (Hvor svært kan det være, Nikolaj og Julie, Borgia), que j'avais apprécié l'année dernière dans la série danoise Forestillinger, qui, cette fois-ci, incarne un chef mafieux que le héros va affronter. On croise également Rebekka Karijord, Gard Eidsvold, Lisa Werlinder, Kyrre Haugen Sydness, Morten Faldaas (Hjem), Maria Schwartz Dal, Anneke von der Lippe et Sven Nordin.

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Bilan : Récit musclé et mouvementé d'une enquête qui ne cesse de se complexifier, Torpedo met en scène l'enclenchement d'un engrenage létal. Fiction à la tension efficace, prenante jusqu'à la fin, elle sait très bien entretenir les fausses pistes et multiplier les faux semblants, jusqu'à une résolution intéressante en parfait accord avec la tonalité quelque peu désillusionnée dans laquelle elle nous plonge. En résumé, il s'agit d'une mini-série intéressante dans son genre, une expérience qui devrait parler aux amateurs de suspense, d'action, comme à ceux qui ont succombé aux sirènes scandinaves.


NOTE : 7,25/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce :

10/08/2012

(Pilote DAN) Rita : une dramédie familiale attachante et rafraîchissante

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Quand un téléspectateur pense aux séries venues de Scandinavie, instinctivement s'imposent à son imagination des morceaux d'ambiance noire et glacée, de polars épurés et violents... Mais le petit écran de l'Europe du Nord, ce n'est pas seulement ça. A côté des innovations expérimentales comme Äkta Människor qui a prouvé que la Suède pouvait s'aventurer sans rougir sur le terrain de la science-fiction, figurent aussi des fictions plus traditionnelles qui méritent également un éclairage, à l'image d'une attachante dramédie dont je viens de visionner le premier épisode : Rita

Tout d'abord, il faut préciser qu'à la différence de Borgen ou de Forbrydelsen, les séries danoises les plus connues à l'international ces dernières années, nous ne sommes pas sur DR, mais sur TV2. Créée par Christian Torpe, Rita a été diffusée sur cette chaîne en début d'année 2012, à partir du 9 février (LadyTeruki y avait consacré un billet). Sa première saison compte 8 épisodes d'une quarantaine de minutes chacun. Elle a été plutôt bien accueillie par les critiques comme par le public danois, et une seconde saison a donc été commandée. C'est tant mieux car ce pilote introduit une dramédie dynamique et attachante dont j'ai envie de poursuivre le visionnage.

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Abordant la vie avec une indépendance d'esprit jalousement conservée, Rita est une femme au fort caractère qui n'a pas son pareil pour aller au conflit et dire des vérités qui ne sont pas toujours plaisantes à entendre à ceux qu'elle côtoie. Chérissant le politiquement incorrect, son quotidien se construit donc dans la confrontation. C'est aussi de cette manière qu'elle a élevé seule ses trois enfants. Deux sont désormais de jeunes adultes : Ricco, qui envisage de se marier avec sa fiancée, tandis que Molly vient tout juste de rompre avec son ami. Le dernier, Jeppe, est encore adolescent à une période où chacun se cherche.

C'est un euphémisme d'écrire que la philosophie de vie de Rita ne fait pas l'unanimité autour d'elle. Un aspect qui apparaît encore plus clairement lorsque lui est présentée la future belle-famille de Ricco (surtout lorsqu'elle découvre avec surprise qu'elle est sortie dans sa jeunesse avec le père de la fiancée de son fils). Par ailleurs, Rita est enseignante. Adorant son métier, elle exerce dans une école à deux pas de sa maison ; et ses méthodes, parfois brusques et sans diplomatie vis-à-vis de certains élèves comme des parents, lui valent également son lot de tracas quotidiens. 

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Rita est une dramédie dynamique et attachante qui entend s'intéresser aux deux univers gravitant autour de son personnage central : d'une part sa vie professionnelle avec les ennuis qui peuvent surgir à l'école, et d'autre part sa vie personnelle et sa gestion de sa famille. Le ton de la série se veut à l'image de l'héroïne : les dialogues cultivent un certain décalage et une franchise très plaisante. Cela donne un ensemble plein de vitalité et globalement léger, prêtant ainsi à plus d'un sourire.

Alors même que le pilote aborde des sujets très classiques et met en scène des figures finalement toutes assez familières au téléspectateur, il renvoie dans le même temps une vraie impression de fraîcheur. En effet, Rita détonne dans un quotidien scolaire où ses méthodes de travail et ses réparties font d'elle un véritable électron libre. C'est sans surprise qu'elle est peu appréciée des autres adultes. Mais c'est aussi grâce à cette attitude, si souvent reprochée, qu'elle trouve facilement ses marques dans son métier et auprès de la plupart des élèves - même si, comme partout, certains goûtent peu à son approche guère orthodoxe. Sans chercher à innover, la série entreprend donc surtout de dépoussiérer son cadre connu pour mieux l'exploiter. Et dans ce premier épisode, la recette fonctionne.

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La série repose logiquement en grande partie sur les épaules de Rita. L'écueil à éviter était de trop en faire et de tomber dans un one woman show vite indigeste. Mais ce premier épisode rassure, en soignant les dynamiques relationnelles entre tous les personnages. Les échanges y sont souvent, à l'image de Rita, portés par une franchise flirtant avec l'insolence. L'enseignante apporte à toutes ses interactions une authenticité propre à sa façon d'être, mêlée à une spontanéité parfois assez touchante. C'est ainsi qu'est dépeinte son aventure avec le directeur de l'école, mais on découvre que ses rapports avec ses enfants ne sont pas si différents. Elle est à la fois un soutien indéfectible pour eux, mais n'hésite pas non plus à les provoquer : l'accueil glacial réservé à la future belle-famille de Ricco, ou bien sa gestion des doutes de Jeppe sur son orientation sexuelle, l'illustrent bien.

Surtout, derrière l'attitude forte de Rita, on devine que se cachent d'autres blessures : ce registre de provocation continuelle dans lequel elle s'enferme est avant tout un mécanisme de défense, cachant tant bien que mal des incertitudes. A ce titre, un des dialogues les plus mémorables de ce pilote a lieu entre Rita et une de ses élèves, Rosa, trop sérieuse pour apprécier ses méthodes. Pour l'inviter à se dévergonder, Rita cherche à créer un électrochoc en pointant l'isolement de l'adolescente, "adulte au milieu d'adolescents". Or cette dernière réplique avec beaucoup d'acuité sur le même registre : Rita n'est pas acceptée dans le monde des adultes car elle est restée dans sa tête une jeune rebelle aux conventions. Cette remarque appuie là où cela fait mal pour Rita qui dévoile pour la première fois de l'épisode un pan beaucoup moins assuré de sa personnalité. Elle s'humanise, gagne en profondeur, et donne envie au téléspectateur d'apprendre à la connaître.

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Le dynamisme qui marque la narration de Rita est également perceptible dans la forme de la série. Cette dernière bénéficie d'une réalisation soignée, avec une photographie très claire et épurée. L'ensemble correspond bien à la tonalité du récit. La caméra sait accompagner la vitalité communicative du scénario. De plus, la série bénéficie d'une bande-son musicale plaisante, avec un thème principal entêtant et rythmé. Quant au générique, s'il ne cherche pas particulièrement à faire dans l'innovation, il reste sympathique.

Enfin, Rita réunit un casting très énergiquement conduit par Mille Dinesen (Borgen) qui trouve le juste équilibre pour imposer la personnalité forte de l'héroïne sans en faire trop et risquer de braquer les téléspectateurs. Ses enfants sont respectivement interprétés par Morten Vang Simonsen (Ricco), Sara Hjort Ditlevsen (Molly) (Forestillinger) et Nikolaj Groth (Jeppe). On retrouve à leurs côtés Carsten Bjørnlund (Forsvar, Forbrydelsen 2, Pagten) en principal qui n'est pas insensible au charme de Rita, Lise Baastrup en nouvelle enseignante qui découvre le métier, Ellen Hillingsø (Pagten, Livvagterne, Broen/Bron) en rigide conseillère encadrant les moeurs de l'établissement, ainsi que Lykke Sand Michelsen et Carsten Norgaard en futurs beaux-parents du fils aîné un brin inquiets à la perspective de rentrer dans la famille de Rita.

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Bilan : Avec son héroïne enseignante et un concept de départ qui n'ambitionne pas de révolutionner le genre investi, Rita signe un pilote extrêmement sympathique qui pose les bases solides d'une dramédie rafraîchissante, drôle à l'occasion, et que ses personnages contribuent à rendre attachante. Tout en se positionnant dans le registre du divertissement familial, la série bénéficie d'une figure principale qui apporte une fraîcheur et un dynamisme communicatifs à l'ensemble. Il est certain que les thèmes traités, scolaires comme familiaux, resteront assez classiques, mais si la série sait conserver la tonalité de ce premier épisode, son visionnage devrait être très plaisant (d'autant que ses saisons ne comptent que 8 épisodes).

En plus, c'est aussi l'occasion de découvrir un autre pan du petit écran danois. Reste donc à espérer que la série dépasse les frontières danoises et arrive jusqu'à nous (elle apparaît suffisamment fédératrice pour pouvoir être diffusée par toute chaîne).


NOTE : 7,5/10


La bande-annonce de la série :

08/04/2011

(Pilote DAN) Den som dræber (Those who kill / Traque en série) : du policier classique un peu trop froid


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Finalement, cette semaine aura été consacrée à la télévision danoise ! Après le bilan de la saison 1 de Forbrydelsen dimanche dernier, poursuivons aujourd'hui l'exploration de ce genre, souvent glacial mais cher au petit écran scandinave, le policier, avec le pilote d'une des dernières nouveautés en provenance du Danemark. Den som draeber (Those Who Kill) est une série actuellement en cours de diffusion, depuis le 13 mars 2011. Prévue pour une durée de 12 épisodes de 45 minutes (ou découpée en 6 épisodes de 90 minutes), elle doit normalement se conclure le 15 mai prochain.

D'après une idée originale de l'écrivaine Elsebeth Egholm, adaptée par le scénariste Stefan Jaworski, son premier épisode a été un succès d'audience incontestable, puisqu'il a réuni presque 1,5 millions de téléspectateurs danois devant leur petit écran le dimanche soir, avec des chiffres qui correspondent aux plus hauts scores de la chaîne pour une fiction danoise depuis décembre 2008. A noter qu'une déclinaison cinématographique de cet univers est également prévue, la sortie d'un film aura lieu au Danemark en septembre prochain.

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Construite sur les bases narratives d'un procedural show classique, 90 minutes étant consacrées à une même affaire, Den som draeber nous plonge dans le quotidien d'une unité de police spécialisée dans les homicides, avec en toile de fond le spectre de possibles serial killers. Si le service est dirigé par Magnus Bisgaard, c'est sur Katrine Ries que le récit va se concentrer. La jeune femme dispose d'un fort caractère, mais surtout de nerfs toujours à vif qui la rendent prompte à réagir instinctivement et très rapidement sur le terrain, comme l'illustrent les premières minutes de l'épisode.

C'est à une affaire particulièrement sordide que va être consacré ce pilote : la découverte des cadavres, enterrés suivant une mise en scène assez spéciale, de quatre femmes disparues au cours des six dernières années. La ritualisation du processus meurtrier s'affinant au fil des victimes, c'est sans nul doute l'oeuvre d'un serial killer. La police piétinant, Katrine n'hésite alors pas à s'adresser à un profiler. Contre l'avis de son supérieur, elle sollicite Thomas Schaeffer. Un choix qui prête à controverse au vu des antécédents de ce dernier, dont la collaboration avec la police s'est terminée dans de très mauvaises conditions. Mais s'il a désormais repris l'enseignement à l'université, les enquêtes réelles lui manquent trop pour qu'il décline bien longtemps l'offre de Katrine, en dépit des réticences de son épouse. 

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La tradition scandinave existant dans le domaine du policier, tout comme le savoir-faire l'accompagnant, n'est plus à démontrer. De la littérature au petit et au grand écran, les passerelles sont multiples et généralement bien maîtrisées. Mais le défi posé aux fictions actuelles est justement celui de savoir se renouveler et apporter une valeur ajoutée à ce genre désormais très balisé. Le pilote de Den som braeder relève difficilement le challenge de l'innovation, laissant finalement une impression assez mitigée. Calibré, il reprend des ficelles familières qui ont fait leur preuve et face auxquelles le téléspectateur ne saurait rester insensible. Exploitant ainsi cette figure toujours efficace du serial killer, intrigant par l'établissement de son profil psychologique comme par ses agissements, l'épisode sait aussi introduire des personnages faillibles et prompts à se laisser emporter par leurs enquêtes. Le duo formé par Katrine et Thomas a incontestablement du potentiel, avec une complémentarité naturelle évidente ; et ce, en dépit du sentiment de déjà vu que laisse la dynamique qui s'installe.

C'est d'ailleurs en partie par son classicisme que Den som braeder peine à trouver son identité. Indéniablement, la série respecte toutes les clauses du cahier des charges attaché au genre. Mais si sa recette a fait ses preuves, il lui manque ici le liant nécessaire pour faire la différence et prendre une dimension supplémentaire afin de s'imposer. L'univers créé manque d'épaisseur. Si l'amateur trouve facilement ses marques, l'histoire apparaît  unidimensionnelle, ne développant qu'un volet strictement policier, trop déshumanisé et sans relief. S'attachant à cultiver une atmosphère froide, parfois glaciale au sens propre du terme, l'épisode est tout entier dédié à la trame principale, ne prenant le temps de s'enrichir que de façon artificielle d'autres ingrédients qui lui auraient donné un équilibre plus consistant. Pour la suite, il apparaît notamment impératif de plus s'investir dans une dimension humaine qu'elle ne fait qu'effleurer : cela n'est pas insurmontable, puisque l'épisode pose quand même des bases intéressantes sur ce plan.

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Un peu trop froid sur le fond, Den som draeber l'est aussi sur la forme. Certes, les forêts et champs enneigés offrent un cadre glacial privilégié qui permet de poser une ambiance, et c'est toute la série qui se décline à travers ce filtre. Sans que la réalisation constitue une véritable valeur ajoutée sur laquelle la fiction capitalise vraiment, l'image est soignée et, surtout, ses teintes se révèlent toujours très épurées, qu'elles tendent vers des couleurs claires ou que l'on se trouve plongé dans l'obscurité. La bande-son s'avère en revanche assez peu inspirée : ne mettant pas en valeur la la narration, Den som draeber ne parvient jamais vraiment à en tirer parti.

Cependant, soulignons enfin que la série bénéficie d'un casting qui m'était a priori sympathique, même si le potentiel n'est peut-être pas pleinement exploité dans ce premier épisode. Si je ne connaissais pas Laura Bach, qui interprète l'inspectrice principale, j'avais plutôt apprécié Jakob Cedergren dans Morden i Sandhamn (même si cette mini-série policière est très dispensable), tandis que Lars Mikkelsen restera sans doute toujours associé à Forbrydelsen dans mon esprit. A leurs côtés, on retrouve également Lærke Winther Andersen et Frederik Meldal Nørgaard. (Je devine que si je poursuis plus avant mon exploration du petit écran danois, je vais facilement recroiser des têtes connues.)

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Bilan : Den som draeber est une série policière au sens le plus (trop?) traditionnel du terme, dotée une intrigue entièrement consacrée à la traque d'un criminel. L'enjeu n'est pas de savoir qui il est, mais bien de l'attraper à temps, ce qui permet à la série de jouer sur une tension psychologique appréciable. Cependant, le pilote se heurte à l'écueil d'une prévisibilité trop grande pour vraiment décoller. Ces 90 minutes s'avèrent globalement efficaces pour retenir l'attention du téléspectateur, mais il manque quelque chose. Il faudra non seulement que la suite sache faire preuve de plus d'inventivité, mais aussi d'une dimension humaine plus approfondie, pour donner à la série une chance de vraiment s'installer sur le long terme. 

Constituant apparemment un projet ambitieux de TV2, Den som draeber laisse donc entrevoir quelques éléments pas inintéressants, mais a indéniablement encore tout à prouver (et beaucoup d'aspects à améliorer) après ce pilote. Pour les amateurs du genre.


NOTE : 6/10


La bande-annonce de la série :