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20/10/2012

(UK) Hunted : une froide fiction d'espionnage

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Orphelin de Spooks en cette rentrée télévisuelle, privé de la perspective de retrouver les missions tendues de ces agents du MI-5 qui lui ont fait perdre quelques cheveux au fil des ans, le téléspectateur se cherchait instinctivement des substituts. Il était facile d'en imaginer un dans Hunted, une série derrière laquelle on retrouve justement la boîte de production Kudos, et avec un développement confié à Frank Spotnitz dont le nom reste associé à X-Files. Diffusée sur BBC1 depuis le 4 octobre, Hunted a démarré hier soir aux Etats-Unis sur Cinemax. Malheureusement la série ne m'a toujours pas convaincu.

Il n'y a pourtant rien que j'aime tant qu'une solide fiction d'espionnage, aussi classiques soient les voies qu'elle emprunte. Vous vous souvenez peut-être de ce véritable coup de coeur  qu'a été The Sandbaggers au printemps dernier - elle reste sans doute une de mes révélations sériephiles de l'année 2012. Cette série m'a prouvé et rappelé qu'un genre connu par coeur peut toujours être aussi fascinant et excitant qu'au premier jour, sans besoin de se réinventer, à condition que l'écriture (et le casting) soit à la hauteur. Hunted s'est engouffrée sur bien des sentiers déjà battus, mais elle peine cependant à dépasser le stade de la caricature. Un léger mieux se perçoit au fil des trois épisodes, après un début poussif, mais est-ce suffisant ?

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Après une mission conduite à Tanger, Sam Hunter, agent d'une compagnie de sécurité privée, est grièvement blessée dans un bar où elle avait rendez-vous. Elle échappe de peu à la mort, mais perd l'enfant qu'elle portait. Ignorant qui l'a trahie et qui a commandité cette tentative d'assassinat, elle fait le choix de disparaître pour se rétablir en Ecosse. Une année plus tard, de nouveau sur pied, elle recontacte son ancien employeur bien décidée à découvrir le fin mot de l'histoire. Se méfiant des membres de son ancien équipe, de son supérieur, mais aussi de tous ceux qu'elle a pu croiser à Tanger, elle entend découvrir qui et pourquoi elle a été prise pour cible. Elle obtient rapidement sa réintégration pour être incluse dans une mission d'infiltration dans la maison d'un riche et trouble homme d'affaires, qui doit prendre part à des enchères qui attisent bien des convoitises. Mais ceux qui voulaient sa mort ne semblent pas l'avoir oubliée...

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Des histoires d'infiltration, de tentatives d'assassinat, de taupe, le tout dans un milieu où chacun garde jalousement ses secrets et ses atouts, et où la méfiance règne... Nul doute que Hunted entend se réapproprier bien des classiques du genre. Son approche même ne manque pas de potentiel. Fiction feuilletonnante, elle nous plonge dans les coulisses d'une compagnie de renseignements privée, ravivant un peu plus l'écho du fantôme d'Alias déjà présent dans l'inconscient du téléspectateur du seul fait de la présence de Melissa George. Conduire des missions pour d'obscurs clients, sans avoir même la perspective de se raccrocher à l'idée que ces sacrifices potentiels auront lieu "pour le bien commun du pays", voilà de quoi construire un univers particulièrement endurci. L'ensemble fonctionne par intermittence grâce à l'ambiance que ce cadre génère, par cette paranoïa excessivement froide dans laquelle la fiction se complaît. Mais le problème est que la série peine à dépasser l'enchaînement des poncifs. Son écriture, manquant trop de subtilité, a souvent du mal à maîtriser et à exposer les enjeux afin de capturer l'attention du téléspectateur. La progression des intrigues est hachée et inégale, fonctionnant par à-coup et parachutage d'informations sans réelle cohésion.

En trois épisodes, une amélioration se constate cependant, grâce à cette tension presque mécanique engendrée par moment par quelques coups d'éclat. Ou plutôt, devrais-je dire, par ces explosions de violence. La dure réalité de l'univers dans lequel évolue la série était un atout légitimement exploitable. Mais, comme pour le reste, ses scénaristes abusent de ces ressorts violents vite banalisés : leur gratuité finit par leur faire perdre tout impact. La fiction évolue dans un univers complètement désensibilisé, presque déshumanisé. Le problème est que la caractérisation des personnages en souffre : nulle émotion, encore moins d'empathie, chez des protagonistes trop unidimensionnels, peu aidés par des répliques souvent assez creuses et où manque de façon parfois criante cette dose de manipulation subtile, de non-dits, sur laquelle un vrai thriller paranoïaque doit être en mesure de jouer. La série ne s'attarde vraiment que sur l'héroïne, les autres peinant à exister par eux-mêmes et à susciter l'intérêt d'un téléspectateur qui ne trouve pas vraiment ces repères dans l'équipe dysfonctionnelle mise en scène. Et même Sam Hunter reste une figure à la psychologie à peine esquissée. On peut finir par se préoccuper de son enquête sur ses tueurs, mais on ne s'implique pas, ni ne s'attache à la jeune femme.

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Sur la forme, Hunted présente une réalisation stylée, plutôt agréable de premier abord. Elle propose également quelques plans inspirés, notamment en extérieur - les scènes en Ecosse du pilote sont tout simplement magnifiques. Mais elle a aussi tendance à trop en faire (cette façon de prendre une idée pas mauvaise sur le papier, mais de tirer ensuite trop sur la corde se retrouve comme sur le fond). La photographie, avec ses teintes bleutées - ou jaunâtres suivant les lieux, apparaît dans certains scènes vraiment trop saturée. Cela contribue à donner à l'ensemble une impression d'artificialité, mais aussi de distance avec le récit, qui n'aide pas à l'investissement du téléspectateur.

Enfin, le casting, international, rassemblé pour l'occasion ne permet pas de redresser la barre. Melissa George peut parfois être très correcte dans certains rôles, comme dans The Slap l'an dernier. Mais dans Hunted, elle peine à s'exprimer, dépeignant un personnage trop froid, dont les quelques parenthèses d'humanité sonnent superficielles ou forcées. L'ensemble du casting souffre de l'écriture trop rigide et mal agencée, qui fait que beaucoup de scènes semblent fausses. J'ai beau vouer un culte à Stephen Dillane depuis John Adams, il faut que admettre que ses quelques scènes glacées et pseudo-cryptiques en patron de cette agence tombent le plus souvent à plat. Adam Rayner, Adewale Akinnuove-Agbaje, Morven Christie ou encore Lex Shrapnel n'échappent pas à ces mêmes limites.

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Bilan : Ressassant les clichés du genre espionnage sans parvenir à se les réapproprier, Hunted est une série souvent frustrante en raison de ses difficultés à gérer le développement régulier de ses intrigues et du manque de subtilité de son écriture. Si on devine qu'elle ne souhaite pas être une simple fiction d'action, elle ne se prive pourtant pas d'explosions de violence assez gratuites. Evoluant dans un univers presque déshumanisé, dont même les personnages semblent cantonnés à une froideur peu engageante, Hunted se cherche, et sa seule réussite est de parvenir par intermittence à nous prendre au jeu de cette ambiance tendue et glacée. Le potentiel était là, je voulais vraiment l'aimer, mais la mécanique reste grippée...


NOTE : 5,5/10


La bande-annonce de la série :

17/10/2012

(J-Drama / Pilote) Going My Home : un drama humain, sincère et décalé ne laissant pas indifférent

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Quand je vous disais la semaine passée que la saison automnale au Japon s'annonçait autrement plus enthousiasmante que l'été qui s'achevait, je n'exagérais pas. En témoigne ce premier pilote visionné ce week-end. Going My Home était le drama attendu de cet automne, aussi bien par le public japonais que par moi. La raison ? Il s'agit du premier passage au petit écran, pour un renzoku, du cinéaste Koreeda Hirokazu. Ce nom ne vous est pas inconnu si vous vous intéressez un peu au cinéma japonais : Nobody knows, Still walkting, Air Doll ou encore I wish sont des films qui méritent leur visionnage. Pour couronner le tout, Going My Home présentait également un argument de casting convaincant, avec notamment la présence de Abe Hiroshi.

Autant de bonnes raisons de découvrir un drama qui a débuté sur Fuji TV le 9 octobre 2012, par un (long) pilote de rien moins qu'1h40. Qu'importe sa longueur, puisque ce premier épisode m'a conquise. S'il donne peu d'indication sur les orientations futures de cette histoire familiale parsemée d'étrange, il installe une ambiance caractéristique savoureuse. Une entrée en matière réussie, pleine de potentiel, qui ne demande qu'à être confirmée par la suite. Mais après un tel premier épisode, on ne peut être qu'optimiste !

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Expliquer le synopsis de Going My Home est en soi presque un défi, tant, au cours de ce pilote, l'univers de la série s'installe par petites touches, sans qu'une trame narrative principale ne s'impose. Une chose est certaine, pour ceux qui s'interrogeaient sur les compromissions et aménagements à adopter pour le passage du grand au petit écran, le style caractéristique de Koreeda Hirokazu s'impose d'emblée, transposé tel qu'il nous est familier. Il sera d'ailleurs intéressant de voir comment il va se développer par la suite dans un format de renzoku.

Le drama s'intéresse au quotidien, familial et professionnel, de Tsuboi Ryota. Ce père de famille a souvent du mal à s'affirmer et à trouver son registre, confronté aux jugements incessants de ceux qui l'entourent et que son attitude et ses choix ne semblent jamais satisfaire. Au travail, sa carrière professionnelle ne suit pas l'ascension espérée. Evoluant dans le milieu souvent ingrat de la publicité, il doit gérer des clients compliqués et des collègues méfiants. A la maison, son épouse a en revanche trouvé son créneau et voit sa renommée grandir : elle est une cuisinière publiant des livres de recettes. Face à ces parents débordés, leur petite fille cherche aussi sa place. Isolée, elle s'invente tout un monde imaginaire, et attire l'attention à l'école par son comportement. Le quotidien de Ryota se complique un peu plus lorsque son père fait un malaise et se retrouve dans le coma dans un hôpital de province : il renoue avec sa soeur et sa mère, deux autres fortes personnalités qui, comme lui, ne savent trop comment gérer cette situation. Dépêché pour se renseigner sur ce père aux pans de vie parfois méconnus, Ryota attérit dans une petite ville où il découvre qu'il y animait d'étranges visites.

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Going My Home est un drama d'ambiance à la saveur très particulière. Résolument intime, profondément humain, il se nourrit d'une écriture toute en subtilité et des petites intéractions qu'elle met en scène entre les personnages. La narration n'a pas son pareil pour capturer avec justesse des dynamiques familiales au sein desquelles le naturel semble être le maître-mot. Au cours de ce pilote, c'est tout particulièrement les relations entre Ryota, sa soeur et sa mère qui sont très bien mises en valeur. Le trio partage en effet quelques scènes, dépeintes avec une sincérité émotionnelle à fleur de peau, qui résonnent d'une authenticité assez unique. En effet, l'hospitalisation du père les rassemble bon gré mal gré, et, instantanément, revient la réalité de leurs rapports, avec toutes les nuances inhérentes aux sentiments humains : la tendresse comme les piques surgissent spontanément, tout comme les anecdotes du passé, au détour des conversations de ces personnes qui se connaissent par coeur.

Si les circonstances auraient pu conduire le drama sur une pente résolument dramatique, il n'en est pourtant rien : Going My Home garde résolument une tonalité légère. Cela explique en partie la chaleur humaine qui émane de l'ensemble et réchauffe le coeur du téléspectateur. De plus, le drama n'hésite pas non plus à distiller des petites touches d'humour introduites avec ce même naturel, sans jamais forcer les situations, à l'image du savoureux running gag sur la couleur des vêtements de Ryota à l'hôpital, tellement sombres que chacun lui demande s'il n'a pas pris une avance et ne s'est pas paré des couleurs du deuil alors que son père n'est pas encore mort.

De manière générale, le pilote de Going My Home prend résolument son temps, avec une approche presque contemplative. Sa construction narrative apparaît d'ailleurs originale pour la télévision, tant ces 1h40 pourraient s'apparenter à un long métrage. Le format du renzoku n'est exploité ici que de façon minimaliste : il faut attendre la toute fin de l'épisode pour voir infléchir ce récit d'instantanés et de tranches de vies, et permettre d'assister aux prémices d'une intrigue sur le plus long terme. Cette dernière ajoute d'ailleurs à l'étrangeté ambiante, avec l'introduction de créatures mythologiques, les kuna, qui vivraient dans la région du père de Ryota. S'apprêtant à osciller entre folklore fantastique et retranscriptions de relations humaines, l'univers ainsi posé, décalé à sa façon, est déjà un vrai délice, unique en son genre, dans lequel le téléspectateur s'immerge sans voir le temps passer. 

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Faisant déjà preuve d'une vraie personnalité sur le fond, Going My Home est tout aussi abouti sur la forme. La réalisation est soignée, à la fois proche des personnages, mais aussi capable de prendre du recul pour capturer, avec des plans plus larges, les scènes d'intéractions entre chaque protagoniste. La photographie reflète une certaine authenticité de l'approche choisie. La bande-son est également très agréable, contribuant à l'ambiance, avec une chanson du générique qui se détache déjà et semble parfaitement correspondre à l'atmosphère caractéristique et unique développée.

Enfin, ultime raison de découvrir Going My Home - et non des moindres -, le drama bénéficie d'un casting, alléchant sur le papier, et parfaitement à la hauteur à l'écran. Abe Hiroshi, dans un registre de père de famille faillible, remis en cause à l'occasion, fait des merveilles. Ses scènes avec YOU, qui incarne sa soeur, sont un délice dans ce premier épisode, l'actrice - que j'aime beaucoup également - retranscrivant bien l'ambivalence de son personnage. Yamaguchi Tomoko interprète sa femme, et ses quelques scènes sont tout aussi prometteuses. C'est en résumé un vrai casting cinq étoiles qui n'aurait pas pu être mieux sélectionné pour transposer à l'écran une telle histoire. On retrouve également parmi eux Miyazaki Aoi, Yasuda Ken, Arai Hirofumi, Bakarhythm, Natsuyagi Isao, Abe Sadao, Yoshiyuki Kazuko ou encore Nishida Toshiyuki.

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Bilan : Les séries trop attendues sont souvent source de déception. Il n'en est rien dans ce pilote où Going My Home réussit le tour de force de convaincre tout en permettant à son créateur de rester en tout point fidèle à sa réputation et à son univers. Pépite d'humanité et de subtilité, l'épisode propose 1h40 d'écriture fine et nuancée, rythmée par des instantanés de vie offrant des caractérisations à la sincérité bien réelle qui font toujours mouche. La pleine réappropriation du format télévisuel feuilletonnant reste à prouver sur la longueur, tout comme l'exploration d'un registre plus folklorique et fantastique. Mais il ne faut pas bouder son plaisir : le style est certes à part (et peut-être tout le monde n'y trouvera pas son compte), mais une telle immersion représente pour moi un délice qui se savoure.

Les amateurs de dramas japonais comme les familiers de l'oeuvre de Koreeda Hirokazu ne s'y tromperont pas. Tout comme tous les téléphages curieux qui voudront voir si cet univers trouve un écho en eux. Foncez.


NOTE : 8/10


Une bande-annonce (décalée) :

14/10/2012

(Pilote CAN) Unité 9 : une immersion convaincante dans un milieu carcéral féminin

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En cette mi-octobre où l'heure des premiers bilans de rentrée peuvent déjà s'esquisser, il faut bien avouer que les nouveautés ne m'ont guère emballé en Amérique du Nord. Quelques concepts s'affirmeront peut-être lorsque la série en aura pris la mesure, mais l'introduction en elle-même, le fameux pilote, ne m'a que trop rarement (disons plutôt jamais) conquise. Cependant, si on élargit au-delà du cercle anglophone à l'Amérique francophone, il existe une série qui a retenu mon attention ces derniers jours : Unité 9, testée après plusieurs semaines d'échos positifs dans ma time-line de twitter qui avaient aiguisé ma curiosité (à commencer par LadyTeruki au prosélytisme souvent bien ordonné).

Le week-end dernier, je me suis donc lancée dans la télévision québécoise. Cela faisait longtemps que je tournais autour, j'ai sauté le pas avec les nouveautés de cette rentrée, et ai donc testé des fictions aussi différentes que Les Bobos, Tu m'aimes-tu et donc Unité 9. Une fois passé l'ajustement à l'accent (et reconnaître que certaines phrases m'échapperont toujours par-ci, par-là), c'est cette dernière qui m'a vraiment happé dès son premier épisode (et depuis le rattrapage s'opère avec un enthousiasme qui ne se dément pas). Écrite par Danielle Trottier, avec Geneviève Baril et Louise Danis, Unité 9 est une fiction dramatique qui a débuté sur Radio-Canada le 11 septembre 2012. Prévue pour une durée de 25 épisodes, de 42 minutes chacun, elle est diffusée tous les mardi soirs, où elle a trouvé son public.

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Unité 9 s'ouvre sur le jugement du personnage principal de la série, Marie Lamontagne, une mère de deux enfants désormais jeunes adultes, veuve et jusqu'alors sans antécédents judiciaires. Ayant avoué les faits, elle est reconnue coupable et condamnée, pour tentative de meurtre sur la personne de son père, à sept ans d'emprisonnement. En attendant son transfert, elle fait la connaissance d'une première co-détenue, Shandy, jeune femme exubérante qui connaît parfaitement les arcanes du système judiciaire, en parfait contraste avec le saut dans l'inconnu que tout cela représente pour celle qui était il y a peu une simple mère de famille sans histoires.

Marie va purger sa peine dans l'établissement carcéral pour femmes de Lietteville, où elle sera assignée à l'unité 9. On découvre, dès le premier épisode, les femmes, très différentes les unes des autres, qui vivent dans ce baraquement conçu pour six personnes. Face à des co-détenues pour certaines accueillantes, pour d'autres indifférentes, voire carrément hostiles, Marie va devoir trouver sa place et apprendre les codes de cette prison dont un nouveau responsable vient de prendre la direction. La gestion par ce dernier d'un vol anecdotique pose d'ailleurs d'emblée la rigueur qui semble devoir être sa ligne de conduite.

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L'univers carcéral est un milieu au potentiel narratif certain (sans revenir sur Oz, il faudra que je vous parle prochainement de Capadocia dont la saison 1 m'attend depuis plusieurs semaines). La vie en collectivité forcée, placée sous la surveillance constante de gardiens, sert de révélateur. Les dynamiques qui s'installent entre les personnages, qu'il s'agisse de rapports de soutien comme de pouvoir, sont capables de faire ressortir les meilleurs (telle la solidarité) comme les pires aspects de la nature humaine. L'enjeu même de la prison constitue une problématique fascinante à traiter, puisque la sentence a une dualité qui lui est inhérente, bien difficile à concilier : il s'agit de solder les comptes avec les actes commis dans le passé en punissant l'individu, mais aussi de se tourner vers le futur en ouvrant la voie à un après, à une réhabilitation, avec une vie à reconstruire une fois la peine purgée.

Pour mettre en scène son cadre particulier, Unité 9 choisit une approche dramatique, très humaine, qui privilégie avant tout ses personnages. La série n'a pas les explosions de violence à l'intensité difficilement soutenable que d'autres fictions relatant un tel sujet ont déjà mis en avant, cherchant à marquer en montrant le pire versant de l'être humain. Ces baraquements (sans barreaux) donnent même parfois la brève illusion d'oublier la prison. La série ne s'en approprie pas moins avec force les grands thèmes carcéraux. Les conditions de détention ne semblent certes en apparence pas insupportables, mais cela n'en reste pas moins une prison, aussi cliniquement régulée qu'elle puisse paraître. La privation de liberté pèse. Les quelques éclats provoqués, les expressions de mal-être ou encore les brusques rappels des limites à toute action, témoignent du poids constant, tellement pesant, que représente toutes ces exigences quotidiennes auxquelles les détenues doivent se soumettre.

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Les débuts de Unité 9 ont le grand mérite d'esquisser ses enjeux sans se précipiter. Son écriture a une sobriété naturelle qui permet de poser instantanément une proximité avec les personnages. Il y a aussi une densité émotionnelle bien présente qui frappe et suscite l'empathie. Par l'intermédiaire de Marie, qui est le repère du téléspectateur, il s'agit de suivre comment une femme ordinaire, étrangère à un milieu carcéral dans lequel elle n'avait jamais envisagé de pouvoir se retrouver, va s'adapter à ce qu'elle découvre. L'assimilation du choc de la sentence dans le pilote sonne extrêmement juste. Puis, dans le deuxième épisode, les premiers pas en prison s'inscrivent dans cette même lignée, capturant avec force le maelström d'émotions qui se forme en elle, oscillant entre la détresse d'une vie soudain privée de sens, comme suspendue, et le besoin de rationaliser ce qui lui arrive et de comprendre le fonctionnement de l'établissement. Une scène comme celle de la fouille à nue, pour le choc et l'atteinte à la dignité que cela représente pour Marie, résume bien l'intensité marquante de la série. Oui, Unité 9 saura traiter des problématiques carcérales avec authenticité et sans besoin de surenchère.

De manière générale, la grande réussite du pilote tient à sa capacité à créer des personnages auprès desquels on s'investit naturellement, sans nécessiter que l'on sache instantanément tout d'eux. De Marie, on apprend qu'elle a tenté de tuer son père, mais on ignore ses motifs. De même, ses futures co-détenues nous sont présentées par petites touches, à travers leurs relations au quotidien. Il n'y a pas d'exposition inutile, ni de surdose d'informations pour classer immédiatement chaque protagoniste dans des ses cases prédéfinies. Les quelques flashbacks de Marie, dans le pilote, servent au présent, puisqu'ils permettent de mesurer le brusque vertige qui la saisit quant la perspective de l'univers carcéral devient concret. Au final, l'écriture a cette assurance communicative qui met en confiance les téléspectateurs : il s'agit de nous donner juste ce dont nous avons besoin pour mesurer les enjeux. Cela n'empêchera pas d'accorder à la série le temps de pleinement se développer. Ce parti pris fonctionne d'autant plus que la sobriété d'ensemble pose une proximité immédiate.

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Sur la forme, Unité 9 est une série dont la réalisation est globalement de bonne facture. Visuellement, ce sont des couleurs froides, carcérales pourrait-on dire, qui dominent une photographie un peu épurée, mais résolument claire. Elle bénéficie également d'une bande-son richement pourvue en accompagnement musicaux qui pourtant ne sonnent jamais intrusifs, rythmant efficacement la narration pour ne faire qu'un avec le récit. Le générique est sobre, presque minimaliste, tout en ayant le mérite de poser immédiatement la tonalité.

Enfin si Unité 9 peut sonner si juste, elle le doit aussi aux interprétations solides et inspirées, proposées par un casting homogène. Guylaine Tremblay est le pivôt central de cette introduction : elle incarne Marie Lamontagne, capturant avec force toutes les émotions par lesquelles passe la mère de famille réalisant progressivement ce qui lui arrive et où elle va passer les prochaines années de sa vie. Pour l'accompagner dans le pilote, elle trouve un soutien dans l'énergique Suzanne Clément, qui interprète une Shandy qui a souvent tendance à faire le show plus que de raison. Les actrices sont tout aussi bien choisies à l'intérieur de la prison, avec une mention particulière à l'intense Eve Landry notamment, mais Céline Bonnier, Micheline Lanctôt, Sarah-Jeanne Labrosse et Catherine Proulx-Lemay trouvent toutes immédiatement le ton juste pour capturer leur personnage respectif. Dans le personnel, le nouveau directeur est interprété par François Papineau, tandis que Salomé Corbo et Mariloup Wolfe sont les deux gardiennes que l'on suit au grès du quotidien carcéral.

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Bilan : Unité 9 signe des débuts efficaces, posant les bases solides d'une fiction dramatique en milieu carcéral. Elle s'assure de la fidélité du téléspectateur grâce à une écriture dense, souvent juste, et plutôt habile dans sa manière d'introduire les différents personnages. L'approche est sobre, presque clinique dans la mise en scène de la prison, mais avec une intensité émotionnelle qui n'en est pas moins perceptible dans les scènes clés. Tout en entreprenant de traiter les grandes problématiques légitimement attendues du fait de son cadre, ce sont avant tout des destins de femmes que la série va nous relater. L'entrée en matière est réussie, le potentiel est là ; je serai donc au rendez-vous pour la suite de la série.

Mine de rien, Unité 9 est le premier pilote Nord-Américain de ces dernières semaines à m'avoir donné envie, sans réserves, d'enchaîner immédiatement avec l'épisode qui suit. C'est un soulagement de l'avoir trouvé. Tant mieux s'il permet de s'ouvrir à un autre petit écran, francophone cette fois.


NOTE : 7,75/10

12/10/2012

(Pilote FR) Ainsi soient-ils : le paradoxe d'une approche sécularisée d'un sujet qui ne l'est pas

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Depuis des mois, les échos positifs que suscite Ainsi soient-ils chez ceux qui ont eu l'occasion de voir quelques épisodes de cette nouvelle série d'Arte avaient plus qu'éveillé ma curiosité. J'ai cessé de lire des articles sur la série il y a des semaines, voulant l'aborder sans préjugés, ni préconceptions. Trop d'attente est souvent synomyme de déception. Elle a enfin débuté hier soir, en prime-time, accompagnée d'une promotion importante et de critiques accueillantes. Et ce matin, je dois vous dire que j'étais sincèrement heureuse en découvrant ses audiences : elle a parfaitement réussi son démarrage, et c'est vraiment bien de voir la chaîne récompensée de ses ambitions en terme de fiction et capter ainsi l'attention du public. De mon côté, j'ai passé une soirée intéressante devant les deux premiers épisodes. Mais... Parce qu'il y a un "mais". Ainsi soient-ils n'est pas la série que j'espérais.

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Au cours de ces deux premiers épisodes, après un pilote qui tire parfois un peu trop sur la corde de l'exposition, mais qui dans l'ensemble remplit efficacement son office, le second vient confirmer les équilibres et initier les intrigues. Chaque personnage correspond de manière assumée à certains stéréotypes, cependant on devine dans leurs personnalités un potentiel narratif indéniable ne demandant qu'à s'affirmer et se développer au fil du récit et des épreuves à surmonter. Chacun représente une problématique particulière à exploiter à l'épreuve du séminaire, pour voir s'il peut - et dans quelles conditions - conserver sa résolution d'embrasser cette vocation particulière. C'est une histoire sur l'engagement et la persévérance qui nous est proposée.

La construction de l'histoire, tout en restant souvent prévisible - la création du bouc-émissaire dans le second épisode par exemple -, s'opère très correctement. On assiste au récit classique de cinq jeunes adultes qui choisissent une voie professionnelle qui, dans le monde moderne, ne se comprend pas toujours, ne suscitera pas d'unanimité. Cette idée a en soi un réel intérêt, et je me suis laissée sans difficulté prendre au jeu d'une narration où chacun cherche encore sa place. Le rythme est efficace, et on s'implique très facilement auprès de ses protagonistes que l'on a envie d'apprendre à mieux connaître. Seulement dans cette synthèse se situe aussi le coeur du problème d'Ainsi soient-ils : cette voie professionnelle qu'elle est censée nous raconter, c'est la prêtrise. Or voilà un aspect que l'écriture semble avoir presque écartée, toute entière tournée vers une structure dramaturgique paradoxalement... sécularisée.

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Se saisir de l'espace d'un séminaire n'est pas un choix neutre au départ. Il faut comprendre que cela ne peut pas se réduire uniquement à la mise en scène de rituels religieux, ni à l'évocation parsemée des problématiques actuelles traversant l'institution ecclésiastique (qu'il s'agisse d'évocation directe ou indirecte, des questions matérielles aux affaires de moeurs). Ces éléments ne représentent que la surface des enjeux, ils ne peuvent permettre de retranscrire les dynamiques propres à un domaine qui touche ici au spirituel. Apparaît dans la série une forme de décalage irréductible : le choix d'une approche sécularisée pour traiter d'enjeux qui n'en sont pas. Oui, l'idée même de la foi religieuse est un concept qu'il est très difficile de retranscrire à l'écran. Mais les dynamiques de doutes, de certitudes, le poids de l'éducation ou de son rejet, qui sont inhérents à un tel cheminement sont soit passées sous silence, soit caricaturés à l'extrême.

Tout au long de ces deux premiers épisodes, se manifeste le refus des scénaristes de concevoir et d'appréhender la vie au séminaire au-delà des ressorts narratifs humains les plus basiques. Ces derniers ont leur légitimité, mais ils font que la série aurait pu se dérouler dans n'importe quelle institution de formation professionnelle. La spécificité du cadre et des enjeux qu'il soulève ne se traduira que par quelques références d'anecdotes évènementielles attendues (prêtres réfractaires, Vatican II). Si la mise en scène de la campagne de réélection à la tête de la conférence des évêques pourra prêter à sourire par ses excès, elle démontre surtout, par la manière dont elle introduit l'opposition caricaturale entre l'archevêque et Fromenger, ancien prêtre-ouvrier, la limite de l'approche choisie : le risque de s'enfermer dans des poncifs peu habiles dès que la série ne se concentre plus sur l'initiation de ces cinq jeunes séminaristes.

Au final, tout se déroule comme si, aussi bien chez les dignitaires que chez les aspirants, il semblait inconcevable aux scénaristes de dépasser les simples problématiques humaines les plus cyniques (ambition...) pour envisager l'existence d'une conscience religieuse (surtout chez des jeunes pour qui le "feu sacré" est encore théoriquement la source de leur vocation). La façon dont est gérée la crise que traverse un séminariste dans le deuxième épisode, mal retranscrite et mal expliquée, est symptomatique du problème. "Est-ce que le monde change ? Est-ce que nous ne pouvons plus le comprendre ?" s'interroge Fromenger : la problématique aurait été passionnante à traiter, elle reste pour le moment une question purement rhétorique.

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Bilan : Ainsi soient-ils n'est pas la série que son concept laissait imaginer. Elle part certes sur des bases intéressantes, avec des choses à dire sur l'importance des choix de ses personnages et la manière dont ils vont embrasser cette vocation professionnelle atypique dans la société française actuelle. Cependant c'est aussi une série qui n'a pas compris l'enjeu de son sujet. Nul ne lui demandait d'être un documentaire dans les coulisses d'un séminaire (surtout pas d'ailleurs !). Seulement vouloir parler de croyance religieuse impliquait malgré tout d'élargir l'approche narrative au-delà des ressorts classiques sur la formation professionnelle au sein d'une institution qui ploie sous le poids de ses traditions. Il s'agit certes d'un choix volontaire de la part des scénaristes. Sans doute aussi cela lui permet-il de toucher plus universellement le public français. Mais elle laisse une impression d'inachevé, car elle oublie de traiter une partie non négligeable de son thème. C'est dommage.

Reste que je pense poursuivre la suite de la série pour pouvoir la juger dans sa durée, et en tout cas j'espère voir Arte continuer sur cette voie des fictions originales ambitieuses.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la série :


10/10/2012

(J-Drama) Ningen no Shoumei : le poids du passé

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La saison estivale a été assez morose au Japon. Peu de dramas avaient aiguisé ma curiosité a priori, et les quelques-uns que j'ai tentés n'ont pas pu retenir mon attention plus d'une poignée d'épisodes. Heureusement l'hiver s'annonce autrement plus fournie et alléchante, et soyez certain que j'y reviendrai de manière plus détaillée (des présentations à consulter par , ou ). En attendant, ces dernières semaines, j'ai donc eu l'occasion de ressortir ma liste de séries japonaises "à voir" (liste qui, il faut bien l'avouer, atteint une telle longueur qu'elle me fait douter en venir un jour à bout). J'avais initialement mis de côté le drama du jour dans le cadre mon cycle "explorons la filmographie de Takenouchi Yutaka", puis une review publiée cet été par Asa avait achevé de me convaincre de lui laisser sa chance.

Ningen no Shoumei (aka Proof of the Man) a été diffusé au cours de l'été 2004 sur Fuji TV. Il compte en tout 10 épisodes de 45 minutes environ (sauf le pilote qui avoisine 1 heure). Adapté d'un roman de Seiichi Morimura, il faut savoir que cette histoire a déjà été portée sur grand écran, au cinéma, en 1977 dans un film du même nom (Un article ici sur le film permet d'apprécier la liberté prise par le drama par rapport aux thèmes originaux). Cette version télévisée a été scénarisée par Maekawa Yoichi. Si j'ai découvert Ningen no Shoumei grâce à son casting, son histoire m'intriguait tout autant. Plus qu'une simple enquête policière, elle explore toute une galerie de portraits ambivalents et humains de personnages forts sur lesquels le passé a laissé une empreinte indélébile. Le genre de fiction à entrées multiples susceptible de me plaire.

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Suite à une arrestation réalisée de manière musclée mais efficace au cours d'une descente de police dans un club de Tokyo, Munesue Ichiro obtient une promotion dans un nouveau service relevant du commissariat central. Policier obstiné et instinctif, ses compétences sont reconnues par ses collègues, mais son impulsivité et ses excès de violence lui valent régulièrement des ennuis. Il va avoir l'occasion de faire ses preuves au cours de la première grande affaire à laquelle il est confronté : le meurtre d'un jeune Afro-Américain, dont le cadavre poignardé est retrouvé sur un pont de la ville.

Remontant le fil des indices et des fausses pistes, l'enquête conduit Ichiro de la campagne japonaise jusqu'au sud profond des Etats-Unis, en passant par sa ville d'enfance qu'il avait sans regret laissée derrière lui. Sa route croise également la route de nombreuses personnalités toutes connectées d'une façon ou d'une autre, de la romancière célèbre envisageant une carrière politique à une ancienne activiste d'extrême-gauche, en passant par un mari infirme et l'amant de son épouse unis tous deux dans la recherche de la femme qu'ils aiment et qui a disparu.

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Le premier attrait de Ningen no Shoumei tient à la densité de son récit. Exploitant parfaitement un caractère feuilletonant qui lui permet de se démarquer du format du simple procedural show, trop restrictif, le drama s'attache au contraire à construire et à tisser, tout au long de ses dix épisodes, une seule intrigue extrêmement foisonnante. Il éclate volontairement son histoire en de multiples storylines parallèles dont les liens n'apparaissent qu'au fur et à mesure de la progression de l'affaire. L'enquête policière principale, restant le fil rouge immédiat le plus accessible pour le téléspectateur, est classiquement mais efficacement construite, avec son lot de fausses pistes, de rebondissements et de découvertes. Elle est non seulement prétexte à voyager pour les enquêteurs, mais elle conduit aussi à remonter le temps aux origines des faits qui ont scellé les destinées de chacun.

Dans cette optique, Ningen no Shoumei est une série qui joue beaucoup sur la symbolique. Elle fait la part belle aux coïncidences permettant de parvenir à un toutélié voulu qui aurait pu sonner artificiel dans toute autre circonstance, mais que le scénario sait bâtir patiemment et surtout légitimer. En effet, le drama fait le choix opportun de ne pas se contenter d'être une simple quête du meurtrier - lequel se devine de toute façon rapidement. Esquissant une galerie de portraits ambigüs qui sont autant de personnages marqués pour beaucoup par des blessures indélébiles, c'est un récit qui parle avant tout de l'humanité, dans tout ce qu'elle contient d'espoir mais aussi dans sa dimension la plus sombre et désespérée. Au gré des tranches de vie qui défilent, l'objet de l'histoire s'impose peu à peu : obliger chacun à faire face à lui-même pour trouver, s'il le peut, une forme de paix.

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Le thème central de Ningen no Shoumei tourne ainsi autour du poids du passé. Ce dernier agit comme une ombre pesante, prédéterminant les actions des protagonistes et forgeant leurs ambivalences. La figure centrale qu'est Menesue Ichiro représente bien tout cela : sa défiance instinctive envers quiconque, ses explosions de violence dans certaines situations, ou encore cette froideur efficace qui le caractérise, trouvent leur source dans un traumatisme plus lointain qui hante sa mémoire. Le passé encore est ce qui régit les actions de Koori Kyoko, cette femme célèbre qui cultive une apparence policée de réussite mais qui porte en elle des stigmates d'une toute autre nature. Au fil du récit, Ningen no Shoumei dessine les contours de figures cabossées par la vie, qui poursuivent comme elles peuvent leur existence tout en gardant un oeil sur un passé dont ils ne peuvent se défaire. Cela permet de créer de vrais personnages de fiction, difficiles à cerner et intriguants.

Même les histoires plus connexes, peut-être non vitales à l'intrigue, contribuent à cette ambiance en mettant en scène des figures un peu perdues qui cherchent une direction : qu'il s'agisse de ce fils s'enfonçant irrémédiablement dans une spirale autodestructrice qu'il a lui-même initiée, ou de ce rapprochement hésitant et presque contre-nature auquel on assiste entre un mari et l'amant de sa femme pour rechercher celle qu'ils aiment et qui a disparu. Quant à l'approche peu flatteuse réservée aux Etats-Unis, qu'il s'agisse de l'évocation du racisme dans le Sud ou des dérives autour des bases militaires américaines sur le sol japonais, elle semble s'inscrire aussi dans cette ambiance un peu amère pour aboutir à une même conclusion : la nécessité de regarder vers l'avenir.

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Sur la forme, Ningen no Shoumei dispose d'une réalisation correcte, déjà quelque peu datée (le drama remonte à 2004). Assez paradoxalement, c'est lors de ses escapades aux Etats-Unis que la série trahit particulièrement son âge : l'oeil du téléspectateur opère alors la comparaison naturelle et immédiate, au vu de cet environnement familier, avec des séries américaines. Face à cette reconstitution du sud profond de l'Amérique, la photographie et les cadrages paraissent nous ramener encore une décennie supplémentaire en arrière. Mais la fluidité du récit ne souffre pas de ces quelques limites que l'on occulte facilement tout heureux que nous sommes d'avoir l'occasion de voyager par-delà les continents. Et puis le drama peut s'appuyer sur une intéressante bande-son composée par Iwashiro Taro : il dispose notamment d'un thème principal assez marquant qui contribue à rythmer l'enchaînement des situations.

Enfin, Ningen no Shoumei bénéficie d'un solide casting (je n'ai pas oublié que c'était d'abord lui qui m'avait permis de découvrir ce drama). S'il joue un rôle assez traditionnel, celui du flic sombre, torturé et efficace, Takenouchi Yutaka (Ryuuten no Ouhi - Saigo no Koutei, BOSS, Fumou Chitai) se montre convaincant, se réappropriant pleinement les ambivalences de son personnage. L'acteur remporte également l'examen de maîtrise de langue étrangère, son anglais étant assez compréhensible, ce que l'on ne peut pas vraiment dire pour les quelques mots phonétiquement hésitants prononcés dans la langue de Shakespeare par Natsukawa Yui (Kekkon Dekinai Otoko), qui interprète une journaliste déterminée, soutien amical constant pour Ichiro, et par Matsuzaka Keiko (Atsu-hime), qui joue la troublante Koori Kyoko. On retrouve aussi à l'affiche d'autres têtes familières du petit écran japonais, comme Ogata Ken, Osugi Ren ou encore Tanabe Seiichi. Mon seul réel regret est que Sato Jiro ait été cantonné à un rôle caricatural qui tient plus du comique maladroit de répétition qu'autre chose.

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Bilan : Suivant en fil rouge une enquête policière complexe et à tiroirs multiples, Ningen no Shoumei est un drama dense, choral par sa mise en scène d'une large galerie de personnages ambivalents. Il interroge sur le poids du passé - qu'il soit personnel, ou étroitement mêlé à celui du Japon - et sur la manière dont il est possible, ou non, de refermer des blessures qui semblent ne pouvoir se cicatriser. Son récit gagne en force au fil d'une narration qui bénéficie d'une construction méthodique et efficace, sans précipitation. Une série donc très intéressante à plus d'un titre.


NOTE : 7,5/10