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29/09/2013

(CAN) Aveux : des retrouvailles entre secrets, recherche de vérité et quête de soi

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Dernière étape dans mes rattrapages en séries réalisés au cours de ce mois de septembre, aujourd'hui, direction le Canada, et plus précisément, le Québec. L'an dernier, la découverte d'Unité 9 avait été autant un coup de cœur qu'une révélation sur ce petit écran. J'en avais retiré l'envie d'explorer la télévision québécoise. Faute de temps, j'ai longtemps remis à plus tard cette résolution. Septembre est heureusement arrivé pour corriger cela. Parmi les recommandations les plus fréquentes, figurait notamment Apparences, une série écrite par Serge Boucher datant de 2012. Après avoir hésité, j'ai finalement opté pour une découverte plus chronologique en commençant par la première série de cet auteur : Aveux.

Il s'agit d'une fiction, comprenant 12 épisodes de 45 minutes environ, qui a été diffusée sur Radio-Canada du 8 septembre au 24 novembre 2009. En France, la série a été projetée au Festival SeriesMania en 2010. Elle a reçu le prix de la meilleure réalisation (confiée à Claude Desrosiers) au Festival de la Rochelle. Elle a enfin été diffusée sur TV5 Monde au printemps 2013. Pour tout vous dire, je blâme un peu Aveux de me gâcher la rentrée en me faisant trouver si fades tant de nouveautés parmi celles testées ces derniers jours. Cette série n'est pas un simple coup de cœur sériephile, c'est une œuvre à l'intensité et à la justesse émotionnelle aussi rares que précieuses. Le téléspectateur n'en ressort pas complètement indemne, mais qu'est-ce que c'est bon...

[Pour préserver la force du récit à toute personne n'ayant pas visionné la série - tout en essayant d'aiguiser sa curiosité -, la review qui suit est garantie sans spoilers.]

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Carl Laplante a tout quitté à 18 ans. Il a laissé derrière lui sa famille et ses amis, sans leur donner la moindre explication, ni leur transmettre de nouvelles par la suite. Ses parents l'ont d'abord recherché, puis chacun a baissé les bras, le départ de Carl restant une blessure jamais cicatrisée dans leur cœur. Quinze ans ont passé depuis. Carl s'appelle désormais Simon. Il s'est inventé un autre passé et s'est construit une nouvelle existence auprès de Brigitte dont il partage la vie depuis huit ans. Malgré les secrets et les mensonges, il a retrouvé un équilibre, aussi précaire soit-il, aux côtés de sa belle-famille et de nouveaux amis, avec un emploi tranquille de livreur.

Tout se déroule pour le mieux jusqu'au jour où son passé ressurgit soudain, malgré lui, par le hasard d'une livraison. Sonnant à une maison pour y apporter un canapé, il tombe nez-à-nez avec Olivier, un ami d'enfance, qui le reconnaît instantanément. Ces retrouvailles inattendues obligent Carl/Simon à renouer avec son passé, et tout cet entourage qu'il avait laissé derrière lui à 18 ans. Il lui faut faire face aux interrogations et aux incompréhensions. Que s'est-il passé il y a presque deux décennies ? Pour quelles raisons le jeune homme a-t-il choisi de s'enfuir et de couper tous les ponts ? Quels secrets ont été préservés pendant tout ce temps au sein de la famille Laplante ?

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Aveux est le récit de difficiles retrouvailles familiales, et des douloureux secrets qu'elles vont conduire à exposer. Elle est traversée par une tension psychologique prenante. Derrière le mystère des raisons du départ de Carl/Simon, apparaissent peu à peu des drames intimes, des incompréhensions jamais levées et des non-dits anecdotiques sur le moment, mais déterminants sur le long terme. A mesure que l'histoire progresse, des pans du passé se dévoilent, avec toute la subjectivité des regards biaisés d'alors et des éventuels quiproquos jamais balayés. Allant de révélations en confrontations, la narration fluide et cohérente happe le téléspectateur. Chaque personnage se voit contraint de faire face à des vérités qu'il aurait voulu laisser enfouies, et pour certains, aux culpabilités qui les rongent. Car si le processus est éprouvant, il est aussi nécessaire pour définitivement solder ce passé qui pèse tant et envisager un avenir. Aveux mêle ainsi habilement les ingrédients d'une solide série à suspense et l'exploration plus personnelle d'une quête de soi, identitaire, au terme de laquelle Carl/Simon peut peut-être espérer faire la paix avec lui-même. 

Outre l'habile gestion des interrogations et des révélations rythmant le récit, Aveux marque par l'authenticité et le réalisme qui caractérisent ce portrait d'une famille dont les membres se sont perdus les uns par rapport aux autres. L'écriture est très fine, d'une rare justesse. La série repose sur ses dialogues, laissant vraiment le temps à ses personnages d'échanger. Optant pour une caractérisation fouillée et nuancée, privilégiant le naturel, elle permet aux protagonistes d'avoir des réactions qui sonnent justes. Les figures mises en scène sont ordinaires, avant tout humaines, avec toutes leurs ambivalences inhérentes, leurs craintes et leurs aspirations : elles paraissent ainsi très proches au téléspectateur, l'impliquant d'autant plus à leurs côtés. Aucune n'est oubliée dans les développements que va nous conter la série, avec une cohésion d'ensemble appréciable. Le fil rouge central reste la confrontation avec son passé de Carl/Simon : il va falloir, à lui et à ses proches, aller au-delà de ses mensonges et de sa fuite en avant permanente, qui sont autant de mécanismes de défense, de survie, qu'il a mis en place en deux décennies. C'est avec prudence et une intensité émotionnelle marquante que la série réalise cela, délivrant une histoire dense qui ne peut laisser insensible.

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Formellement, Aveux est une œuvre solide et réussie. La série se construit sa propre identité visuelle, avec une caméra dynamique qui suit les personnages et des flashbacks en noir et blanc incrustés dans le récit. La réalisation est travaillée, la photographie soignée. La bande-son est pareillement bien dosée, jamais intrusive, mais accompagnant parfaitement la tonalité des scènes concernées. Le générique, avec sa musique et ses ruptures, en devient même presque entêtant, symbolisant toutes les ambiguïtés sur laquelle la série joue. 

Enfin, Aveux réunit un casting solide et homogène qui s'efforce de respecter le souci d'authenticité de la fiction. Carl/Simon Laplante est interprété par Maxime Denommée (Un monde à part). Ses parents sont joués par Guy Nadon (Musée Eden) et Danielle Proulx (Les héritiers Duval), tandis que Evelyne Brochu (Mirador, Orphan Black) est sa soeur, Joliane. Catherine Proulx-Lemay (Unité 9) incarne sa femme. Dans leur entourage proche, Marie-Ginette Guay (Chabotte et fille) est l'ancienne directrice d'école dont le mari s'est suicidé il y a presque vingt ans, Benoît McGinnis (Les hauts et les bas de Sophie Paquin, Trauma) jouant son neveu et celui par lequel les retrouvailles ont lieu puisqu'il est le premier à retrouver Carl/Simon par hasard. Interprétant le petit ami de Joliane, Steve Laplante (Mirador, Tu m'aimes-tu ?) est parfait dans un rôle de poil-à-gratter, trop curieux, voire provocateur. On retrouve également Marie-Hélène Thibault (Providence), Vincent Bilodeau (Les Bougon : C'est aussi ça la vie), Micheline Bernard (Vice caché), Pier Paquette, mais aussi René Gagnon dans le rôle de Sandrine.

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Bilan : Récit de retrouvailles qui précipitent au grand jour de terribles secrets et des non-dits sur lesquels des quiproquos se sont bâtis, Aveux nous fait revenir sur deux décennies qui ont déchiré de l'intérieur la famille Laplante. C'est une série intense émotionnellement, qui sait jouer sur ses mystères et les questions qu'ils suscitent pour capturer l'attention du téléspectateur et construire un suspense. Misant sur une authenticité travaillée, son écriture fine et nuancée permet d'aborder sans artifice des thèmes durs et des sujets très sensibles. Elle a le souci constant de les traiter avec sincérité et beaucoup de justesse, évitant ainsi bien des écueils. Capable de passer du rire aux larmes, de moments profondément bouleversants à des passages chargés de chaleur humaine, Aveux est tout simplement un magnifique moment de télévision... et certainement mon coup de cœur sériephile des visionnages de septembre. A découvrir.


NOTE : 8,25/10


Le générique de la série :

14/10/2012

(Pilote CAN) Unité 9 : une immersion convaincante dans un milieu carcéral féminin

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En cette mi-octobre où l'heure des premiers bilans de rentrée peuvent déjà s'esquisser, il faut bien avouer que les nouveautés ne m'ont guère emballé en Amérique du Nord. Quelques concepts s'affirmeront peut-être lorsque la série en aura pris la mesure, mais l'introduction en elle-même, le fameux pilote, ne m'a que trop rarement (disons plutôt jamais) conquise. Cependant, si on élargit au-delà du cercle anglophone à l'Amérique francophone, il existe une série qui a retenu mon attention ces derniers jours : Unité 9, testée après plusieurs semaines d'échos positifs dans ma time-line de twitter qui avaient aiguisé ma curiosité (à commencer par LadyTeruki au prosélytisme souvent bien ordonné).

Le week-end dernier, je me suis donc lancée dans la télévision québécoise. Cela faisait longtemps que je tournais autour, j'ai sauté le pas avec les nouveautés de cette rentrée, et ai donc testé des fictions aussi différentes que Les Bobos, Tu m'aimes-tu et donc Unité 9. Une fois passé l'ajustement à l'accent (et reconnaître que certaines phrases m'échapperont toujours par-ci, par-là), c'est cette dernière qui m'a vraiment happé dès son premier épisode (et depuis le rattrapage s'opère avec un enthousiasme qui ne se dément pas). Écrite par Danielle Trottier, avec Geneviève Baril et Louise Danis, Unité 9 est une fiction dramatique qui a débuté sur Radio-Canada le 11 septembre 2012. Prévue pour une durée de 25 épisodes, de 42 minutes chacun, elle est diffusée tous les mardi soirs, où elle a trouvé son public.

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Unité 9 s'ouvre sur le jugement du personnage principal de la série, Marie Lamontagne, une mère de deux enfants désormais jeunes adultes, veuve et jusqu'alors sans antécédents judiciaires. Ayant avoué les faits, elle est reconnue coupable et condamnée, pour tentative de meurtre sur la personne de son père, à sept ans d'emprisonnement. En attendant son transfert, elle fait la connaissance d'une première co-détenue, Shandy, jeune femme exubérante qui connaît parfaitement les arcanes du système judiciaire, en parfait contraste avec le saut dans l'inconnu que tout cela représente pour celle qui était il y a peu une simple mère de famille sans histoires.

Marie va purger sa peine dans l'établissement carcéral pour femmes de Lietteville, où elle sera assignée à l'unité 9. On découvre, dès le premier épisode, les femmes, très différentes les unes des autres, qui vivent dans ce baraquement conçu pour six personnes. Face à des co-détenues pour certaines accueillantes, pour d'autres indifférentes, voire carrément hostiles, Marie va devoir trouver sa place et apprendre les codes de cette prison dont un nouveau responsable vient de prendre la direction. La gestion par ce dernier d'un vol anecdotique pose d'ailleurs d'emblée la rigueur qui semble devoir être sa ligne de conduite.

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L'univers carcéral est un milieu au potentiel narratif certain (sans revenir sur Oz, il faudra que je vous parle prochainement de Capadocia dont la saison 1 m'attend depuis plusieurs semaines). La vie en collectivité forcée, placée sous la surveillance constante de gardiens, sert de révélateur. Les dynamiques qui s'installent entre les personnages, qu'il s'agisse de rapports de soutien comme de pouvoir, sont capables de faire ressortir les meilleurs (telle la solidarité) comme les pires aspects de la nature humaine. L'enjeu même de la prison constitue une problématique fascinante à traiter, puisque la sentence a une dualité qui lui est inhérente, bien difficile à concilier : il s'agit de solder les comptes avec les actes commis dans le passé en punissant l'individu, mais aussi de se tourner vers le futur en ouvrant la voie à un après, à une réhabilitation, avec une vie à reconstruire une fois la peine purgée.

Pour mettre en scène son cadre particulier, Unité 9 choisit une approche dramatique, très humaine, qui privilégie avant tout ses personnages. La série n'a pas les explosions de violence à l'intensité difficilement soutenable que d'autres fictions relatant un tel sujet ont déjà mis en avant, cherchant à marquer en montrant le pire versant de l'être humain. Ces baraquements (sans barreaux) donnent même parfois la brève illusion d'oublier la prison. La série ne s'en approprie pas moins avec force les grands thèmes carcéraux. Les conditions de détention ne semblent certes en apparence pas insupportables, mais cela n'en reste pas moins une prison, aussi cliniquement régulée qu'elle puisse paraître. La privation de liberté pèse. Les quelques éclats provoqués, les expressions de mal-être ou encore les brusques rappels des limites à toute action, témoignent du poids constant, tellement pesant, que représente toutes ces exigences quotidiennes auxquelles les détenues doivent se soumettre.

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Les débuts de Unité 9 ont le grand mérite d'esquisser ses enjeux sans se précipiter. Son écriture a une sobriété naturelle qui permet de poser instantanément une proximité avec les personnages. Il y a aussi une densité émotionnelle bien présente qui frappe et suscite l'empathie. Par l'intermédiaire de Marie, qui est le repère du téléspectateur, il s'agit de suivre comment une femme ordinaire, étrangère à un milieu carcéral dans lequel elle n'avait jamais envisagé de pouvoir se retrouver, va s'adapter à ce qu'elle découvre. L'assimilation du choc de la sentence dans le pilote sonne extrêmement juste. Puis, dans le deuxième épisode, les premiers pas en prison s'inscrivent dans cette même lignée, capturant avec force le maelström d'émotions qui se forme en elle, oscillant entre la détresse d'une vie soudain privée de sens, comme suspendue, et le besoin de rationaliser ce qui lui arrive et de comprendre le fonctionnement de l'établissement. Une scène comme celle de la fouille à nue, pour le choc et l'atteinte à la dignité que cela représente pour Marie, résume bien l'intensité marquante de la série. Oui, Unité 9 saura traiter des problématiques carcérales avec authenticité et sans besoin de surenchère.

De manière générale, la grande réussite du pilote tient à sa capacité à créer des personnages auprès desquels on s'investit naturellement, sans nécessiter que l'on sache instantanément tout d'eux. De Marie, on apprend qu'elle a tenté de tuer son père, mais on ignore ses motifs. De même, ses futures co-détenues nous sont présentées par petites touches, à travers leurs relations au quotidien. Il n'y a pas d'exposition inutile, ni de surdose d'informations pour classer immédiatement chaque protagoniste dans des ses cases prédéfinies. Les quelques flashbacks de Marie, dans le pilote, servent au présent, puisqu'ils permettent de mesurer le brusque vertige qui la saisit quant la perspective de l'univers carcéral devient concret. Au final, l'écriture a cette assurance communicative qui met en confiance les téléspectateurs : il s'agit de nous donner juste ce dont nous avons besoin pour mesurer les enjeux. Cela n'empêchera pas d'accorder à la série le temps de pleinement se développer. Ce parti pris fonctionne d'autant plus que la sobriété d'ensemble pose une proximité immédiate.

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Sur la forme, Unité 9 est une série dont la réalisation est globalement de bonne facture. Visuellement, ce sont des couleurs froides, carcérales pourrait-on dire, qui dominent une photographie un peu épurée, mais résolument claire. Elle bénéficie également d'une bande-son richement pourvue en accompagnement musicaux qui pourtant ne sonnent jamais intrusifs, rythmant efficacement la narration pour ne faire qu'un avec le récit. Le générique est sobre, presque minimaliste, tout en ayant le mérite de poser immédiatement la tonalité.

Enfin si Unité 9 peut sonner si juste, elle le doit aussi aux interprétations solides et inspirées, proposées par un casting homogène. Guylaine Tremblay est le pivôt central de cette introduction : elle incarne Marie Lamontagne, capturant avec force toutes les émotions par lesquelles passe la mère de famille réalisant progressivement ce qui lui arrive et où elle va passer les prochaines années de sa vie. Pour l'accompagner dans le pilote, elle trouve un soutien dans l'énergique Suzanne Clément, qui interprète une Shandy qui a souvent tendance à faire le show plus que de raison. Les actrices sont tout aussi bien choisies à l'intérieur de la prison, avec une mention particulière à l'intense Eve Landry notamment, mais Céline Bonnier, Micheline Lanctôt, Sarah-Jeanne Labrosse et Catherine Proulx-Lemay trouvent toutes immédiatement le ton juste pour capturer leur personnage respectif. Dans le personnel, le nouveau directeur est interprété par François Papineau, tandis que Salomé Corbo et Mariloup Wolfe sont les deux gardiennes que l'on suit au grès du quotidien carcéral.

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Bilan : Unité 9 signe des débuts efficaces, posant les bases solides d'une fiction dramatique en milieu carcéral. Elle s'assure de la fidélité du téléspectateur grâce à une écriture dense, souvent juste, et plutôt habile dans sa manière d'introduire les différents personnages. L'approche est sobre, presque clinique dans la mise en scène de la prison, mais avec une intensité émotionnelle qui n'en est pas moins perceptible dans les scènes clés. Tout en entreprenant de traiter les grandes problématiques légitimement attendues du fait de son cadre, ce sont avant tout des destins de femmes que la série va nous relater. L'entrée en matière est réussie, le potentiel est là ; je serai donc au rendez-vous pour la suite de la série.

Mine de rien, Unité 9 est le premier pilote Nord-Américain de ces dernières semaines à m'avoir donné envie, sans réserves, d'enchaîner immédiatement avec l'épisode qui suit. C'est un soulagement de l'avoir trouvé. Tant mieux s'il permet de s'ouvrir à un autre petit écran, francophone cette fois.


NOTE : 7,75/10