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07/10/2012

(Pilote UK) The Paradise : au bonheur de l'amateur de period drama ?

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Je me souviens que lorsque BBC1 avait annoncé la commande de The Paradise, j'avais souligné la news avec un plus d'insistance qu'à l'accoutumée. La raison ? Si les cours de français du lycée ont pu m'écoeurer d'un certain nombre d'auteurs classiques dont je suis désormais incapable d'ouvrir un livre (adieu les Maupassant, Balzac et autres), ils m'ont aussi introduit dans les oeuvres de mon auteur du XIXe siècle préféré, Emile Zola, par l'intermédiaire d'un premier roman qui fut justement Au bonheur des Dames. Je me souviens de ces longues descriptions colorées nous immergeant dans les coulisses d'un grand magasin et éveillant mille étoiles dans les yeux de l'adolescente que j'étais.

Autant prévenir tout de suite cependant : The Paradise est une adaptation très libre, dont le point à retenir est surtout qu'elle a été confiée à Bill Gallagher, plus connu pour le period drama Lark Rise to Candleford, avec lequel The Paradise partage certainement plus de points communs et d'influence qu'avec son oeuvre d'origine qu'est Au Bonheur des Dames. La série a débuté le 25 septembre 2012. Elle comptera 8 épisodes. Au terme de son pilote (j'avoue ne pas avoir résisté et avoir enchaîné directement avec le deuxième), il est clair que l'approche sera extrêmement classique et calibrée. Mais je suis une grande incorrigible, car je me suis aisément prise au jeu de l'ambiance et de l'univers créés.

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The Paradise suit l'arrivée en ville d'une jeune campagnarde, Denise, qui espère venir travailler pour son oncle, propriétaire d'un petit magasin en ville. Mais les temps sont durs pour le commerçant qui est contraint d'expliquer à sa nièce qu'il ne peut l'engager pour le moment. En effet, face à lui, s'est installé et développé un immense magasin qui ne cesse de s'étendre et de gagner en activité, comme en clientèle. La concurrence est rude pour la petite entreprise familiale. Ne pouvant envisager de rester inactive en attendant que la situation s'arrange, Denise décide de prendre sa destinée professionnelle en main : elle postule pour une position de vendeuse dans cette gigantesque entreprise qu'est le Paradise.

Embauchée pour une période d'essai, elle découvre, fascinée comme toutes les jeunes femmes du magasin, le maître de lieu, Moray. Veuf depuis la mort accidentelle - et quelque peu suspecte aux yeux de certains - de sa femme, c'est un entrepreneur ambitieux, magnétique et séducteur, qui a de très grands projets pour son magasin. Il est actuellement très proche de Katherine Glendenning, la fille d'un riche Lord, et il se murmure que le mariage serait dans l'air. Denise découvre également l'envers du décor de ce milieu très concurrentiel, avec ses règles et des employés qui ont pour objectif de saisir toutes les opportunités qui s'offrent à eux dans leur travail. La jeune provinciale qu'est Denise, et qui a encore beaucoup à apprendre, va tenter de trouver sa place dans ce nouveau monde.

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Ce dont je me souviens le plus clairement dans l'oeuvre d'origine est son atmosphère, caractérisée notamment par de longues descriptions méticuleuses d'étalages de produits à perte de vue. Dès la première incursion dans le magasin, The Paradise capture parfaitement ce mélange de luxe et d'abondance qui assaille les sens des clients et affole les porte-monnaies. La reconstitution de cet intérieur trop riche en couleurs chatoyantes et remplis de produits jusqu'à l'excès donne un aperçu de ce qui fait l'attractivité - et en un sens, l'âme - des lieux. L'impression faite sur les clients, cet enchantement des sens qui confine à l'émerveillement, est bien retranscrite. Lieu de passage, mais aussi lieu de vie, ce vaste bâtiment est un centre commercial animé qui est le cadre adéquat pour mettre en scène toute une galerie de protagonistes, de toutes conditions et de toutes ambitions. Les employés y travaillent, y mangent et y dorment : en quasi-huis clos, la série peut donc s'épanouir au rythme de la frénésie des journées au sein du magasin.

Si le téléspectateur - comme le visiteur - peut se laisser un temps emporter par ces débordements de luxe, The Paradise présente ces lieux pour ce qu'ils sont : un temple du consumérisme, où tout est fait justement pour faire tourner la tête du client. Les passages concernant la gestion de l'entreprise sont intéressants, mais sur ce point, la série se contente d'un traitement très superficiel des thèmes abordables, en retrait par rapport à l'oeuvre d'origine. Grâce à l'oncle de Denise et à quelques réflexions par-ci, par-là, on mesure globalement la révolution que représente, dans le commerce, la montée de ce grand magasin. On devine également la concurrence avec le modèle familial qui ne peut lutter à armes égales. Mais The Paradise ne fait aucun effort particulier de recontextualisation sociale, n'insistant pas non plus sur la condition des employés. Il s'agit d'un period drama qui s'appuie prioritairement sur le relationnel, ne conservant que le sujet principal, sans la richesse des thèmes de la fiction d'origine.

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Ce parti pris volontaire, quelque peu réducteur de la part du scénariste, peut générer des regrets : celui de voir évoluer la série dans un registre un peu trop lisse et policé. Mais si elle repose sur des dynamiques assez convenues, il faut reconnaître qu'il n'en demeure pas moins très facile de se prendre au jeu. En effet, l'ambiance fonctionne : pas seulement pour nous entraîner dans les rayonnages débordants du magasin, mais aussi pour nous donner envie de suivre cet ensemble de personnages, dont les rapports, les confrontations et les sentiments promettent. Dans son pilote, The Paradise vend avant tout un potentiel : ses protagonistes restent dans l'ensemble encore très stéréotypés, un peu trop calibrés, mais avec sept épisodes à venir, il sera temps, après cette introduction, de soigner leurs caractérisations. Ainsi, par exemple, concernant Denise : elle est pour l'instant l'archétype de la jeune provinciale, avec sa part de naïveté et de sérieux. On attend d'elle qu'elle gagne en assurance et en audace, dépassant cette image un peu pâle.

Au cours du premier épisode, c'est sans surprise le personnage de Moray (anglicisation de Mouret) qui se détache et intrigue le plus fortement. Le portrait qui s'esquisse sous nos yeux a en effet sa part d'ambivalence. C'est un homme d'affaires, avec une vision, une de ces ambitions démesurées qui menace à tout moment de partir hors de contrôle et de réduire à néant ce qu'il a déjà réalisé. C'est quelqu'un qui est à la fois prêt à tout pour parvenir à ses fins, mais qui semble aussi suivre un certain code de conduite un peu flou. Il est un commercial conscient qu'il faut plaire à des clients ; seulement tout aussi arriviste qu'il soit, il n'en conserve pas moins une certaine conscience de classe qui le conduira plus naturellement à se ranger du côté de la plèbe que de l'aristocratie. C'est un homme à femmes, un séducteur... qui reste pourtant inaccessible et fidèle au fantôme de sa défunte épouse, dont la mort accidentelle jette une ombre sur les rumeurs qui l'entourent. Il joue sur les sentiments d'une riche héritière, sans que l'on puisse déterminer quel degré d'honnêteté il y a dans son attitude. Difficile à cerner, se laissant emporter et emportant le téléspectateur dans ses projets et desseins, il est celui que l'on retient de ces débuts.

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Sur la forme, The Paradise est un period drama qui sait exploiter les atouts de l'environnement dans lequel l'histoire évolue : la mise en scène du cadre luxueux du magasin répond aux attentes, insistant sur la chotayance des costumes comme des produits exposés. La réalisation reste cependant posée et très classique, sans prise de risque particulière. La flamboyance du décor en magasin contraste d'ailleurs avec la photographie beaucoup plus sombre dès que l'on quitte les rayonnages. A noter la présence d'un générique plutôt bien pensé, qui reflète la tonalité de la série (cf. la première vidéo ci-dessous).

Enfin, la série bénéficie d'un casting où l'on retrouve beaucoup de têtes familières du petit écran britannique. Les performances d'ensemble sont correctes, même s'il manque encore cette petite étincelle qui fait la différence. Seul Emun Elliott (Paradox, Lip Service, Threesome) dispose du script nécessaire pour vraiment s'imposer à l'écran, et il réussit à capturer les différentes facettes de son personnage et des ambiguïtés qui l'entourent, sans pour autant encore complètement marquer. Denise est interprétée par Joanna Vanderham (The Runaway, Young James Herriot, Above suspicion : silent scream) qui apporte l'innocence qui convient à cette figure. Les amateurs de Lark Rise to Candleford retrouveront notamment Sarah Lancashire. On croise également Matthew McNulty, David Hayman, Laura Power, Peter Wight, Stephen Wight, Sonya Cassidy, Ruby Bentall, Elaine Cassidy, Finn Burridge, Jenna Russell ou encore Patrick Malahide.

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Bilan : Cherchant à retranscrire l'ambiance particulière qui est celle d'un grand magasin de la seconde moitié du XIXe siècle, jouant pleinement sur un décor où l'abondance se dispute au luxe pour faire tourner bien des têtes, The Paradise est un period drama de facture classique qui, par-delà son cadre et l'atmosphère cultivés, mise avant tout sur les dynamiques relationnelles entre ses personnages. On pourra lui reprocher de présenter un ensemble convenu et finalement assez générique dans son genre, ayant évacué en grande partie toute recontextualisation sociale et l'apport qu'aurait pu représenter une adaptation plus fidèle de l'oeuvre d'origine. Mais aussi familière que sonne la recette, elle n'en conserve pas moins ses attraits.

Une fiction qui devrait éveiller la curiosité des amateurs de period dramas.


NOTE : 7/10


Le générique de la série :

La bande-annonce de la mini-série :

06/10/2012

(Mini-série UK) Parade's End : la fin des parades

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Figurant en bonne place parmi les period dramas de la rentrée, Parade's End, diffusée sur BBC2 à partir de la fin du mois d'août (elle compte 5 épisodes), laissait entrevoir d'intéressantes promesses sur le papier. Adaptée d'une oeuvre écrite par Ford Madox Ford, scénarisée par Tom Stoppard, cette co-production BBC/HBO/VRT bénéficiait d'un sujet fort, mêlant amour et Grande Guerre, avec pour tableau de fond les mutations de la haute société anglaise. Elle rassemblait aussi un casting qui retenait l'attention, emmené par Benedict Cumberbatch. Malheureusement, après des débuts quelque peu maladroits, elle n'aura jamais su dépasser sa froideur initiale, offrant un beau visuel peinant à capturer l'intensité des émotions pourtant entrevues.

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Parade's End disposait pourtant d'une histoire qui n'aurait pas dû pouvoir laisser indifférent. Elle met en scène le développement d'un triangle amoureux dans la haute société britannique du début du XXe siècle, en proie à bien des mutations. Sylvia Satterthwaite et Christopher Tietjens, un aristocrate, se rencontrent dans un train, au cours d'un trajet qui finit en ébats amoureux passionés. Peu de temps après, Sylvia annonce qu'elle est enceinte, même si elle ne peut être certaine que Christopher est le père. En homme de principes, respectable et responsable, ce dernier accepte cependant de l'épouser.

Leur mariage n'est pas heureux, tant leurs tempéraments diffèrent. Sylvia se montre de plus en plus provocatrice, au point de le tromper, et même de partir avec un autre homme. Campant sur ses positions vis-à-vis de sa femme, Christopher fait cependant la rencontre d'une jeune suffragette, Valentine, auprès de laquelle il semble être lui-même. S'il ressent quelque chose de fort, il ne peut concevoir d'être infidèle, ni de divorcer. Mais parallèlement, d'autres évènements plus graves s'annoncent en Europe qui vont venir remettre un peu plus cause ses certitudes : la Première Guerre Mondiale s'apprête à éclater.

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Parade's End est, sur fond d'histoire d'amour impossible, un récit sentimental initiatique parlant de passions réprimées et de la douleur de ne pouvoir les assouvir. C'est aussi le portrait des bouleversements et des traumatismes provoqués par la Grande Guerre, notamment au sein d'une société aristocratique arrivée à un tournant. La richesse des thématiques abordées est indéniable. Mais en cherchant à relater le poids des conventions sociales sur l'autel desquelles sont sacrifiées tant d'émotions, la mini-série tombe dans le propre piège qu'elle devait raconter. Elle délivre un récit d'une froideur presque hautaine, avec des personnages enfermés dans leur rôle et peinant à susciter la moindre empathie. Parade's End a voulu relater la distance avec laquelle un certain milieu percevait le monde, elle aura appliqué cette même distance à sa tonalité ambiante. Le récit en devient peu accessible, souffrant en plus de maladresses de construction et de longueurs dommageables - particulièrement durant les premiers épisodes.

Cette histoire a pourtant une intensité sous-jacente qui se perçoit par intermittence. Elle entreprend de nous raconter comment, par quelles épreuves, Christopher va progressivement parvenir à s'affranchir de toutes ses préconceptions de classe pour accepter ses sentiments. Malheureusement l'ensemble du récit semble ployer sous une chape de plomb, figeant et ayant du mal à retranscrire avec justesse les réactions des personnages. Les seules étincelles d'humanité proviennent de Sylvia, dont les éclats et la flamboyance insolente en deviennent savoureux, correspondant aux rares moments où Parade's End s'anime et retrouve de la vie. L'ascendant pris par la jeune femme contribue à déséquilibrer le triangle amoureux esquissé, tant la fadeur de Valentine contraste, à des années-lumières des fortes individualités de la brillance - très différente - de Sylvia et de Christopher. La suffragette n'a ni la complexité, ni l'ambivalence des deux autres, et reste une figure trop unidimensionnelle, en retrait. Ces déséquilibres expliquent en partie pourquoi l'histoire peine à convaincre, peu aidée par un rythme trop lent : Parade's End est en fait une fiction inconstante, qui a ses fulgurances, mais manque d'homogénéité et de cohésion.

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Si elle peut être critiquée sur le fond, Parade's End est en revanche une belle réussite visuelle. La réalisation est particulièrement soignée, avec une photographie travaillée qui sublime un certain nombre de larges plans nous plongeant dans la campagne aristocratique anglaise. Cette esthétique que l'on pourrait qualifier de cinématographique confère ainsi une assise bienvenue au récit de la mini-série, même si elle ne permet pas d'occulter les problèmes liés à la construction de la narration. D'ailleurs, ce period drama donne parfois presque l'impression de privilégier une superbe reconstitution et les effets de caméra au détriment du soin à apporter au fond. Au moins les yeux du téléspectateur ne s'en plaignent-ils pas.

Enfin, le casting de Parade's End souffre également d'un manque d'homogénéité qui pèse sur la crédibilité du triangle amoureux mis en scène. Au cours de ces 5 épisodes, la lumière sera venue de l'interprétation de Rebecca Hall, magnifique dans un personnage de Sylvia qui reste impossible à clairement cerner. Ennuyée des convenances, provocatrice, amoureuse, elle apporte à ses scènes une vitalité qui tranche agréablement avec la plate froideur qui domine le reste du récit. Face à elle, Benedict Cumberbatch (Sherlock) fait un travail très correct dans un registre qui lui est familier, et dans un rôle qui convient à son jeu. Malheureusement Adelaide Clemens peine, elle, à offrir un contre-poids à ces deux fortes présences. Le script ne lui donne peut-être aussi pas suffisamment de matière. A leurs côtés, on retrouve notamment Rupert Everett, Stephen Graham, Miranda Richardson, Anne-Marie Duff, Roger Allam, Janet McTeer, Freddie Fox, Jack Huston ou encore Tom Mison.

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Bilan : Magnifique visuellement, inaboutie sur le fond tout en s'offrant quelques fulgurances et scènes marquantes, Parade's End est une oeuvre froide et distante qui laisse une impression d'inachevée. Elle s'apprécie sur la forme, mais frustre sur le fond (qui semble parfois être un prétexte pour permettre une telle mise en scène). Son histoire avait un potentiel certain, mais elle n'aura pas su l'exploiter de manière cohérente et convaincante. C'est une mini-série qui se laisse suivre mais dans laquelle le téléspectateur peine à s'investir. Apparaissant décevante par rapport aux ambitions affichées et aux moyens mis en oeuvre, elle est à réserver aux amateurs de period drama, et à ceux que son approche un peu glacée ne décontenancera pas.


NOTE : 6,5/10


La bande-annonce de la mini-série :


03/10/2012

(K-Drama) Reply 1997 (Answer me 1997) : un drama attachant et sincère pour un portrait nostalgique d'adolescence


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J'ai pour habitude de facilement évoquer les débuts d'un drama tout juste visionnés, mais j'y reviens plus rarement une fois mon visionnage achevé. Souvent par manque de temps face à toutes ces séries dont j'ai envie de parler dans ses colonnes, parfois aussi par déception devant une fiction qui n'a pas tenu ses promesses. Et puis il y a ces autres fois, où le besoin d'écrire un bilan s'impose de lui-même du fait de l'enthousiasme éprouvé devant une oeuvre qui va tout droit trouver sa place parmi mes préférées de l'année. C'est ce qui me pousse à reprendre la plume en ce mercredi asiatique pour revenir sur Reply 1997 (aka Answer me 1997).

J'avais déjà rédigé une review enthousiaste sur ce drama en août dernier après avoir vu les premiers épisodes. Arrivée au terme des 16 épisodes (d'une durée variant de 45 minutes à plus d'une heure), je suis toujours plus que jamais sous le charme de cette série. Si l'évolution du dernier tiers - et l'entrée dans le XXIe siècle, en quittant le lycée et les années 90 - aura peut-être légèrement déstabilisé l'harmonie régnant depuis le début du récit, Reply 1997 a conservé - et c'est le plus important - une authenticité et une chaleur humaine intense qui en fait un des plus attachantes fictions qu'il m'ait été donné de voir.

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Reply 1997, c'est sur le papier une histoire très simple (pour plus de détails, consulter ma review des premiers épisodes), celle d'un groupe d'amis que l'on suit, de l'adolescence à l'âge adulte, au fil d'un récit qui alterne des scènes principalement issues du passé - notamment de leur dernière année de lycée - et quelques passages dans le présent, à l'occasion d'une réunion d'anciens élèves. Il faut en premier lieu saluer la maîtrise d'ensemble de ce cadre temporel vaste. Alors que tant de dramas s'égarent en flashback et flashforward artificiels car inutiles, ou bien coupant le rythme de l'histoire et égarant ainsi le téléspectateur, ce drama prouve qu'il est possible de raconter, de manière homogène et fluide, en utilisant ces mécanismes d'aller-retours temporels, une histoire couvrant plus d'une décennie. La réussite de cette construction s'explique par le fait que, tout au long du récit, le passé et le présent (et même le futur à un moment donné) se répondent comme en écho, se complétant l'un l'autre pour ne former qu'une seule histoire dont le fil narratif ne se perd jamais entre les époques.

La simplicité de Reply 1997 est finalement son principal atout. Il y a dans l'écriture de ce drama une sincérité émotionnelle, dépourvue d'artifice, qui, tout en se réappropriant pleinement les codes les plus classiques des séries sud-coréennes relationnelles qui l'ont précédée - avec ses triangles amoureux et ses hésitations sentimentales éternelles -, parvient dans le même temps à faire souffler comme un vent de fraîcheur sur le genre. Si le téléspectateur s'investit tellement dans la destinée de cette bande d'amis et de leur entourage adulte, c'est parce que ces personnages lui parlent. En privilégiant l'émotion à l'état brut et l'authenticité des réactions et des anecdotes relatées, la série donne l'impression d'avoir à faire à des protagonistes instantanément familiers, dans des scènes qui nous semblent également déjà connues parce que, d'une façon ou d'une autre, on a tous vécu des moments ressemblant à ceux dépeints. Que les traits soient parfois forcés pour jouer sur un ressort comique bienvenu ne change rien à la chaleur humaine qui émane de cette mise en scène. Il s'agit d'un drama précieux qui touche au coeur, dans les rires qu'il provoque comme dans les larmes des épreuves de la vie qu'il n'occulte pas.

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Reply 1997 parle avec une sincérité parfois presque désarmante de la vie, de ces instants d'innocence passée et de la maturation progressive qui nous fait tous grandir au fil des expériences et des difficultés à surmonter sur notre chemin. Le fait que l'adolescence reste racontée comme une rétrospective par rapport à la réunion qui se déroule dans le présent apporte une forme de recul qui nous fait encore plus mesurer combien ces petits instants du quotidien passé ont pu compter pour façonner les vies actuelles de chacun. Pendant ses deux premiers tiers, le drama gère parfaitement une approche d'ensemble du groupe visant à nous montrer comment ils sont devenus ce qu'ils sont et quelle vie ils se sont construits. Dans le dernier tiers, un glissement s'opère. Les amis se séparent du fait des entrées dans différentes universités ; et l'équilibre entre les personnages évoluant, Reply 1997 retrouve des réflexes plus artificiels en se concentrant sur le triangle amoureux principal et en capitalisant sur le "mystère" consistant à se demander qui est le père de l'enfant que porte l'héroïne. Or le suspense n'en est pas vraiment un, car la réponse s'est imposée d'elle-même dès le départ. En se recentrant sur cet enjeu très rom-com, la série perd un peu de l'homogénéité qu'elle avait initialement. Elle conserve cependant inchangée la saveur que suscite chaque épisode.

Parallèlement à ce passage de l'adolescence à l'âge adulte, Reply 1997 est aussi une oeuvre qui cherche à faire vibrer une fibre nostalgique. Dans sa reconstitution de la fin des années 90, elle recrée l'ambiance d'une époque à travers mille et un petits détails, notamment technologiques, avec ces connexions internet par modem au débit si aléatoire, ces tamagochi ou encore l'engouement pour certains jeux vidéos comme Starcraft I. Et puis, il y a aussi son univers musical. Car il est important de rappeler que, par l'intermédiaire de Shin Won, Reply 1997 propose un autre portrait : celui des fans de certains boysband, et plus particulièrement d'une époque de tension entre les soutiens de H.O.T. et ceux des Sechs Kies. En montrant la dévotion, frôlant l'obsession dangereuse de ces fans "modernes", avec des activités entièrement tournées vers leurs idoles, qu'il s'agisse d'enregistrer une émission ou de camper devant leur maison, le drama dresse en filigrane un portrait de passionnées qui, en dépit de certaines extrêmités, sont, surtout au début, jeunes et sans recul, mais portées par un feu qui saura être la source de bien des motivations. L'entrée à l'université de Shin Won grâce à une fanfic initialement écrite sur ses idoles démontre le propos d'une série qui, sans cacher les excès, parle aussi avec affection de la manière dont ce genre de passion peut conduire certains à se sublimer.

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A ce jeu de la nostalgie, il faut souligner l'importance occupée par l'ambiance musicale qui accompagne le récit, dépassant la seule évocation des groupes fétiches des personnages. Reply 1997 accorde en effet une grande place à une OST extrêmement riche. Et si la musique y est omniprésente, elle apparaît pourtant toujours employée à bon escient. D'une part, la dimension musicale conserve une légitimité bien réelle puisqu'elle fait partie intégrante du scénario nous faisant remonter aux débuts de la k-pop. Et, plus globalement, cela lui permet d'évoquer la perception par les protagonistes des différents d'artistes de la fin des 90s'. D'autre part, la série propose des tubes d'époque, mêlant les origines et les registres, de façon à offrir un arrière-plan musical très diversifié. Cette page recensant une partie des chansons entendues (bien pratique pour permettre au téléspectateur non coréen, n'ayant pas forcément la culture musicale complète de cette période) montre la richesse du drama sur ce plan.

Côté casting, Reply 1997 s'apparente à une suite de paris, que rien ne garantissait sur le papier, mais qui ont été payants. La révélation du drama restera sans doute Jung Eun Ji : la jeune actrice est admirable de justesse et d'énergie dans un rôle dont elle capture aussi bien la passion que la vitalité. Dans son adolescence de fan de H.O.T. comme dans un registre plus adulte, elle sait jouer sur une certaine ambivalence pour offrir un portrait dynamique mais non sans nuances, extrêmement attachant. De manière générale, Reply 1997 est un drama où chacun semble avoir obtenu le rôle qui lui convient, renvoyant l'image d'un casting homogène où tout le monde trouve sa place et où la cohésion d'ensemble occulte toute faiblesse individuelle éventuelle. Chacun investit un registre qui lui correspond. C'est particulièrement marquant pour Seo In Gook (Love Rain), Shin So Yool (Jungle Fish 2), Eun Ji Won et Hoya. Lee Shi Un est lui plus dans un excès volontaire justifié par le ressort souvent comique de son personnage. Dans les adultes, Sung Dong Il (Fugitive : Plan B, Can't Lose) et Lee Il Hwa auront formé un couple vivant et solide avec une intéressante alchimie. Tandis que Soon Jong Ho (The Princess' Man) aura eu un rôle un peu lisse pour pleinement trouver à s'exprimer.   

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Bilan : Récit nostalgique et authentique, faisant revivre une adolescence pour nous relater ensuite les bases d'une maturation jusqu'à l'âge adulte, Reply 1997 est un drama profondément attachant, bénéficiant d'une écriture à la sincérité précieuse et n'ayant pas son pareil pour évoquer avec naturel ces années passées ayant façonné la vie présente de ses personnages. S'il n'aura pas réussi à maintenir l'équilibre qu'il avait trouvé au cours de ses deux premiers tiers, il sera resté jusqu'au bout une série capable d'enthousiasmer, de toucher et d'émouvoir.

Plus que tout, je crois que Reply 1997 m'a tout simplement rappelé une des raisons majeures pour lesquelles j'aime autant les dramas sud-coréens, et pourquoi ils complètent ma passion pour les séries de façon incontournable en apportant quelque chose qu'eux seuls parviennent à me faire ressentir : ce sont ces quelques instants d'émotion brute et de chaleur humaine, à la simplicité souvent désarmante, qu'aucun autre petit écran ne peut capturer avec autant d'empathie que des dramas comme Reply 1997.


NOTE : 8,5/10


Une chanson de l'OST :

01/10/2012

(NL) Overspel, saison 1 : une infidélité, des trahisons et déchirements intimes et judiciaires

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Nouvelle étape de mon tour d'Europe en séries, avec une escale aujourd'hui dans un nouveau pays jamais encore traité sur ce blog : les Pays-Bas ! Ces dernières années, la télévision néerlandaise a en effet vu plusieurs de ses fictions retenir l'attention internationale. Penoza, datant de 2010, connaîtra début 2013 un remake américain prévu pour être diffusé sur ABC à la mi-saison sous le titre de Red Widow. Quant à la série dont je vais vous parler aujourd'hui, un projet de remake est aussi actuellement à l'étude aux Etats-Unis (mais je ne suis pas certaine qu'il existe un seul concept étranger intéressant dont le remake n'est pas envisagé en ce moment outre-Atlantique...).

Mais pour partir, nous, à la découverte des originaux, il faut franchir la barrière linguistique néerlandaise. Pour l'instant, une seule solution : prier pour que les coffrets DVD locaux contiennent une piste de sous-titres anglais. Ce n'est malheureusement pas le cas pour Penoza... Mais le téléspectateur est plus chanceux avec Overspel. Scénarisée par Frank Ketelaar et Robert Kievit, cette série - dont le titre signifie "Adultère" - a été diffusée à l'automne 2011 sur VARA. Inutile de faire durer le suspense la concernant : je l'ai beaucoup aimée. Après un temps d'exposition nécessaire, elle nous plonge dans un récit aussi prenant que très fort émotionnellement.

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Overspel débute par le coup de foudre inattendu entre deux adultes mariés, ayant chacun travail, famille et enfants. Leur adultère va venir bouleverser et remettre en cause bien des choses dans leur quotidien ordonné. Iris mène alors une vie tranquille de mère - elle a un fils de six ans - et de photographe en devenir dont la carrière décolle peu à peu. Elle est mariée à Pepijn, un représentant du ministère public en quête de la grande affaire qui pourra lui ouvrir les portes d'une promotion. Au cours d'une soirée où elle expose ses photos, Iris fait par hasard la connaissance de Willem, un avocat avec qui le courant passe instantanément.

Très vite, ils se recontactent, entamant une aventure extraconjugale en secret, nourrissant des sentiments l'un pour l'autre qui se renforcent au fil des jours. Cependant ils ignorent que, parallèlement, Pepijn réussit à mettre la main sur l'affaire qu'il attendait tant : essayer faire tomber Huub Couwenberg, un patriarche magnat de l'immobilier à la réputation trouble. Or Willem est non seulement l'avocat de la famille Couwenberg, mais il est également marié à la fille de Huub. Les choses prennent un tournant dangereux lorsque le beau-frère de Willem, qui souffre de séquelles neurologiques suite à un accident de voiture, est suspecté dans une mort touchant de près les Couwenberg.

A partir de ces évènements judiciaires sur lesquels vient s'ajouter en toile de fond l'adultère d'Iris et de Willem, c'est dans un jeu dangereux de trahisons et de déchirement intimes que vont glisser tous les protagonistes de la série.

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Dans sa construction, Overspel fait preuve d'une maîtrise très appréciable. C'est en effet une série qui sait tout d'abord prendre son temps : elle démarre par des épisodes qui cherchent à bien poser son univers et les enjeux, familiaux mais aussi professionnels, qui animent chaque protagoniste. Le scénario est dense, développant des histoires construites indépendamment en parallèle, destinées à se rejoindre d'une façon ou d'une autre à terme. Puis, très vite, le rythme de narration s'accélère. Une fois entrée dans le vif de son sujet, la série démontre au téléspectateur que son investissement était mérité. Elle va savoir exploiter pleinement tous les thèmes et toutes les facettes de son concept de départ. Gagnant constamment en tension et en intensité, l'histoire emprunte alors les codes narratifs du thriller, jouant sur un suspense bien réel et sur un sens du cliffhanger à saluer. Elle se fait de plus en plus prenante, conduisant sans temps mort jusqu'au solde final des comptes dans un dernier épisode qui fait office d'apogée des confrontations.

Le thème central du scénario est celui de la loyauté, ou, plus précisément, de son absence dans certaines circonstances. L'adultère n'est qu'une illustration et un évènement parmi d'autres dans un engrenage plus vaste. Cependant, il a pour conséquence de briser la frontière entre les sphères professionnelles et personnelles de chacun. L'originalité de Overspel est ainsi d'aborder, sur un registre beaucoup plus intime et donc émotionnel, un affrontement judiciaire classique qui oppose un patriarche aux affaires suspectes, tentant de protéger les siens, et les autorités souhaitant le faire définitivement tomber. A mesure que l'histoire progresse, elle se fait le récit d'implosions familiales et de déchirements. Les trahisons sentimentales mènent à d'autres trahisons dans la sphère professionnelle, tandis que la situation échappe au contrôle des différents protagonistes. Les mesures devenant plus désespérées et les arbitrages plus tranchés, bientôt, rien ne garantit plus qu'un drame ne viendra pas entacher cette escalade.

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Par ailleurs, la force de Overspel réside également dans ses personnages. L'écriture s'attache en effet à humaniser chaque individu, capturant ses failles, soignant la crédibilité et l'authenticité de ses réactions. Ce ne sont pas des figures unidimensionnelles ou caricaturales auxquelles on a à faire. Au contraire, chacun apparaît nuancé, avec ses ambivalences, ses principes, mais aussi ses cordes sensibles qui le rendent capable de décisions qu'il n'aurait jamais osées normalement. La série met l'accent sur les conflits internes, de plus en plus importants, qui marquent des protagonistes tiraillés entre plusieurs loyautés : les liens du sang, les sentiments, mais aussi le devoir. Les dilemmes qui les traversent créent peu à peu une solide empathie à leur profit que la série va habilement exploiter.

C'est tout particulièrement par l'intermédiaire du couple central, infidèle, et des épreuves qu'il affronte que Overspel orchestre une partition émotionnelle à l'intensité croissante. En effet la série ne fait pas durer longtemps le secret de leur histoire. Très vite, elle les place face à leurs responsabilités, les obligeant à assumer les conséquences de leurs actes auprès de leur entourage, et surtout, à choisir. Il est impossible de rester insensible devant le basculement auquel on assiste dans la vie de ces deux adultes dépassés par leurs sentiments, qui se laissent ennivrer par un amour naissant, au risque de mettre en danger tout ce qu'ils ont construit jusqu'à présent. Dans sa seconde partie, la série devient particulièrement éprouvante, relatant avec une dimension sentimentale à fleur de peau, des épreuves de plus en plus difficiles à surmonter, où aucun retour en arrière ne sera possible, et d'où personne ne sortira complètement indemne.

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Sur la forme, Overspel est une série maîtrisée. Sa réalisation est solide, avec une photographie qui sied bien à une histoire où les passions troublent les évènements et occasionnent tant de déchirements. Dans le travail d'ambiance effectué, la musique joue aussi un rôle important. Tout d'abord, il y a l'utilisation opportune d'un thème musical nerveux, écho à cette impression d'un engrenage qui se referme sur chacun. De plus, la série prend l'habitude de conclure ses épisodes sur un morceau musical - souvent un vinyle qui se lance, extrait de la collection de Huub - qui permet de passer en revue, les balayant en quelques images, les situations complexes dans lesquelles se trouve chaque protagoniste. C'est une orchestration du cliffhanger qui fonctionne, accompagnée de musiques souvent bien choisies.

Enfin Overspel bénéficie d'un casting qui se montre dans l'ensemble convaincant. Sylvia Hoeks (Vuurzee, Bloedverwanten) est la clé d'entrée du téléspectateur dans l'univers de la série : elle sait susciter de l'empathie, et laisse parfaitement transparaître les conflits qui parcourent son personnage tout au long de l'histoire. Face à elle, Fedja van Huêt (Penoza) interprète une figure d'un abord beaucoup plus ambivalent. A mesure que les choses lui échappent, il va cependant pareillement être en mesure d'impliquer le téléspectateur dans ses dilemmes émotionnels. Ramsey Nasr a lui un rôle plus difficile, celui de l'homme trompé, blessé, qui ne va pas rester sans réagir : son glissement face à la trahison retranscrit bien la perte de repères et de certitudes qu'il connaît. Kees Prins (Jiskefet) est très convaincant en patriarche devant gérer un mélange affaires-famille des plus explosifs, protecteur de son fils, incarné par Guido Pollemans (Wolfseinde). On retrouve également Rifka Lodeizen (Evelien), Trudy de Jong, Bert Luppes, Hidde Maas, Jeffrey Hamilton, Sigrid ten Napel, Nanette Drazic, Kenneth Herdigein ou encore Redmar Siegertsz.

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Bilan : Prenante série dont la construction se rapproche du thriller, Overspel entremêle les genres, le registre sentimental et le judiciaire, de façon convaincante. Loin d'être une simple histoire d'adultère, elle exploite habilement son angle d'approche particulier : l'infidélité vient s'ajouter et menacer d'enrayer à sa manière l'engrenage judiciaire plus classique dans lesquels les autres protagonistes sont pris. Lier la femme du procureur et l'avocat de la défense était un choix intéressant qui nécessitait de soigner la crédibilité de la relation ; mais la série négocie très bien cette dificculté. Conséquence immédiate, une charge émotionnelle importante accompagne un récit qui marque par son intensité.

Overspel aura donc été pour moi une première incursion néerlandaise réussie. Il est certain que le concept peut offrir matière à un remake parfaitement transposable aux Etats-Unis. Cependant, comme rien n'est sûr pour le moment, si jamais cette review vous a intrigué, pourquoi ne pas directement investir dans le coffret DVD néerlandais ? Je l'ai acheté sur ce site.


NOTE : 8/10


Le générique de la série :


La bande-annonce de la série :