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11/02/2010

(Mini-série UK) Affaires d'Etats (The State Within) : jeux de guerre diplomatiques


Classiquement, une immersion dans les coulisses du pouvoir offre toujours une matière première intéressante pour les fictions du petit écran. A partir de cette base de départ attrayante, les essais sont évidemment transformés avec plus ou moins de succès. Parmi les productions proposées au cours de ces dernières années, il en est une que j'avoue revisionner avec toujours beaucoup de plaisir : The State Within (Affaires d'Etat). Il s'agit d'une mini-série, comportant 6 épisodes d'1 heure, qui fut diffusée en 2006 sur BBC1.

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Pour une mini-série britannique, elle a la particularité de se dérouler aux Etats-Unis, s'invitant ainsi dans les coulisses du pouvoir américain. Nous allons traverser aux côtés de l'ambassadeur britannique en poste outre-atlantique, Sir Mark Brydon (Jason Isaacs), une crise majeure entre les deux pays, à la suite d'un attentat perpétré sur le sol américain par d'apparents terroristes bénéficiant de la nationalité anglaise. Disposant d'un scénario à tiroirs, où diverses intrigues s'entrechoquent, pour se révéler, à terme, constituer les pièces d'un même vaste puzzle létal, The State Within offre un contenu vraiment très riche. Quels rapports peuvent être établis entre l'explosion du vol en direction de Londres, la prochaine exécution en Floride d'un vétéran britannique ou encore le décès d'un mercenaire au cours d'un étrange exercice d'entraînement en Virginie ? Une vaste partie d'échecs très dangereuse s'engage, dont Brydon ignore initialement les réels enjeux.  Gérant habilement ces différentes storylines a priori déconnectées, tout en alternant les tons, la complexité croissante de l'histoire s'impose rapidement comme très addictive.

Adoptant, au fur et à mesure que l'intrigue progresse, une ambiance de plus en plus paranoïaque, que les maîtres des fictions d'espionnage n'auraient pas renié, cette mini-série  nous plonge dans des jeux de pouvoirs et de guerre au plus haut sommet de l'Etat, dans le cadre duquel les motivations de chacun apparaissent très ambivalentes. Peu à peu se dégage la menace très concrète d'une vaste conspiration à l'oeuvre, dont les ramifications réelles ne nous sont dévoilées que progressivement. Dotée d'un suspense électrisant, mêlant efficacement drame, action, mais aussi mise en place de stratégies plus feutrées, cette production a tous les attributs d'un fascinant thriller de haut vol. Elle peut finalement être perçue comme le pendant international d'une mini-série comme State of Play (Jeux de pouvoir), avec une atmosphère s'inscrivant parfaitement dans la tradition de la référence de la BBC en la matière, Spooks (MI-5). De manière générale, ce récit, sur l'emballement d'un système que certains tentent d'enrayer, m'a aussi évoqué les romans de Tom Clancy.

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Traitant de thématiques classiques, sur fond de conspiration ayant des ramifications dans les plus hautes sphères du pouvoir, The State Within va très loin dans le brassage des genres qu'elle exploite, n'hésitant pas à mettre en scène des faits trouvant un écho certain avec la réalité. Si les parallèles sont "fortuits", ils n'en demeurent pas moins évidents. De la figure du dictateur, gênant ou promouvant certains intérêts occidentaux, jusqu'à la préparation d'une guerre derrière laquelle se cachent des enjeux industriels, en passant par l'évocation de la dangerosité de ces armées privées composées de mercenaires, ou encore en introduisant des personnages atypiques comme l'ex-diplomate James Sinclair (inspiré d'un ancien ambassadeur britannique Ouzbékistan, Craig Murray), tous ces éléments ont une résonnance particulière, d'autant plus captivante.

A travers cette plongée conduite de main de maître dans les coulisses du pouvoir, The State Within dresse aussi un portrait sans concession des démocraties modernes, pointant les dérives d'un système tout en s'interrogeant sur la place et le pouvoir détenus par certaines grandes entreprises multinationales, et plus précisément, en l'espèce, celles de l'industrie de l'armement. L'accent est surtout mis sur les rapports consanguins, équivoques, que peuvent entretenir les milieux d'affaires et les politiques auxquels les prises de décision sont sensées revenir. Pour autant, nous sommes loin d'une présentation manichéenne, les personnages bénéficiant d'une psychologie fouillée qui leur confère une réelle épaisseur, nourrissant leur ambivalence. Dans cette perspective, la figure de la Secrétaire d'Etat à la Défense offre sans doute l'exemple le plus concret : si elle est passée d'un monde à l'autre, avec la bénédiction de son précédent employeur, elle est aussi marquée par un drame familial qui l'influence tout autant. Si les conflits d'intérêts potentiels sont évidents a priori, dans cette mini-série, on assiste plutôt à une harmonisation artificielle de ces mêmes intérêts. Le sous-traitant, servant le puissant, n'étant pas forcément celui que l'on croit, dans cette relation entre le privé (la société) et le public (l'Etat). Accentuant la complexité de l'ensemble, la mise en scène des rapports de force à l'intérîeur même des différents camps se révèle très convaincante.

De manière générale, The State Within joue parfaitement sur une ambiguïté qu'elle entretient avec beaucoup de subtilité. L'implication et les motivations de nombreux personnages demeurent floues. De plus, les scénaristes n'hésitent pas à laisser certains éléments à la libre interprétation du téléspectateur, telle la fin relativement ouverte sur laquelle se conclut la série, illustration de la dualité régnant dans cette fiction.

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Intrigante sur le fond, la mini-série bénéficie également d'un casting cinq étoiles particulièrement solide, mené par un acteur que j'apprécie beaucoup, Jason Isaacs (qui reste, dans mon esprit téléphagique, associé à son rôle de frère malfrat dans l'excellente série de Showtime, Brotherhood), incarnant un diplomate plein de ressources. On retrouve globalement beaucoup de têtes connues à l'affiche, à commencer par l'incontournable, et toujours si impeccable, Sharon Gless (qui évoquera, suivant la génération de téléphages à laquelle vous appartenez, Cagney & Lacey, Queer as Folk ou bien encore Burn Notice) : elle excelle dans son rôle de secrétaire d'Etat américaine, figure autoritaire et ambiguë, gardant toujours un sang-froid admirable.

A leurs côtés, c'est le casting dans son ensemble qui se révèle très convainquant. A commencer par Ben Daniels, en agent du MI-6 rompu aux rouages du métier, mais dont on s'interroge sur les loyautés réelles, qui est devenu désormais le procureur de Law & Order UK. Cette mini-série est également l'occasion de croiser : Genevieve O'Reilly, qui jouait Sarah Caulfield dans la dernière saison de Spooks (MI-5) cet automne, Alex Jennings, le révérend de Cranford, Eva Birthistle, vue depuis dans la mini-série The Last Enemy, Lennie James de Jericho, dernièrement croisé dans la version moderne du Prisonnier, ou enore Noam Jenkins, aperçu dans de nombreux rôles de guest-stars de ReGenesis à Being Erica...

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Bilan : Thriller conspirationniste de haut vol, brassant de vastes enjeux géopolitiques, The State Within est une mini-série captivante qui nous plonge dans les coulisses de la diplomatie et des jeux de pouvoirs internationaux, aux côtés d'un ambassadeur quelque peu atypique. Mettant en lumière la prédominance prise par certaines grandes entreprises, et l'impuissance des appareils étatiques classiques, l'histoire prenante est bien servie par un excellent casting.

Une délocalisation britannique réussie !


NOTE : 9/10

09/02/2010

(UK) Being Human : series 2, episode 5

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Avec ce cinquième épisode, Being Human nous offre un flashback plus long qu'à l'accoutumée, qui permet de dresser un parallèle entre des évènements qui se sont passés il y a 40 ans et la situation actuelle. C'est l'occasion de retrouver, le temps d'une petite heure, Herrick, inimitable et fidèle à lui-même. La série fait donc la part belle à l'intrigue vampirique, se concentrant sur les dilemmes de Mitchell ; tandis que George poursuit sa phase de remise en cause et que Annie continue de réfléchir sur sa nature de fantôme.

L'homogénéité n'est pas le point fort de l'épisode, certains éléments sont traités de façon un peu trop caricaturale, mais l'alchimie entre les personnages fonctionne toujours très bien et l'épisode se suit sans temps mort.

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L'épisode s'ouvre à nouveau sur une scène issue du passé de Mitchell. Dans les années 60, le vampire, toujours entraîné dans le sillon destructeur de Herrick, se réveille dans un appartement, couvert de sang. Les cadavres de deux jeunes femmes, rencontrées la veille, traînent par terre. Une orgie sanglante qui va conduire Mitchell, pour échapper à la police, à prendre en otage une de leurs voisines, Josie. Cette dernière, loin d'être effrayée, va mener le vampire sur la voie d'une introspection dangereuse, en lui tenant tête et en soulevant plusieurs questions qui dérangent. L'occasion de s'intéresser plus précisément à ce qui pousse les vampires à tuer, à ce que leur cause l'état de manque que plusieurs subissent dans le présent suite aux "BAA". La construction de l'épisode, qui appuie sur le parallèle entre les hésitations de Mitchell, 40 ans auparavant, et les nouveaux choix qu'il a à prendre dans le présent, confère une réelle épaisseur à cette storyline sur la nature vampirique.

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Si, dans le passé, Mitchell esquisse les premiers pas vers la rédemption, dans le présent, il perd peu à le contrôle, jonglant avec trop de priorités et d'exigences différentes. Pliant sous cette pression, les conditions ne sont vraiment plus adéquates pour que le vampire résiste éternellement à ses pulsions meurtrières. Le pacte conclut avec le chef de la police le conduit toujours plus loin sur une pente très dangereuse : il exige de lui un comportement "normal" de vampire, pour qu'il effectue son sale boulot. Mais à trop vouloir jouer impunément avec le feu, on finit par se brûler. Tout cela se retournera contre le policier : acculé, Mitchell ne verra bientôt qu'une seule solution pour éviter l'escalade dramatique, le tuer dans la morgue qui sert de quartier-général aux vampires. Une action qui a pu lui sembler justifié sur le moment, mais qui marque surtout une brusque rechute très dangereuse et brise les dernières défenses de Mitchell.

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Trop perturbé pour réfléchir, il se rend, couvert de sang, à son rendez-vous chez Lucy. Elle qui l'avait défendu jusqu'à présent auprès de son organisation, espérant sincèrement qu'il pouvait désormais éviter les tueries, la voilà très concrètement confrontée à la nature vampirique de son petit ami. La scène de la révélation est très surréelle, sonnant de façon assez étrange : elle nous est présentée du point de vue de Lucy. Classiquement, le vampire devrait être celui qui est inquiet de l'effet que peut produire une telle vérité. Là, Lucy, qui est déjà au courant, attend de la franchise. C'est un soulagement pour elle que Mitchell ne lui mente pas. Tandis que ce dernier, encore sous le choc du meurtre qu'il a commis, paraît complètement perdu. Ce qui peut expliquer le fait qu'il ne relève pas l'absence de réaction de Lucy à l'annonce de sa nature. Mais son discours sur sa volonté de cesser ces tragédies et la nécessité d'un soutien pour la réaliser est tout simplement bouleversant.

Si la scène de lit finale était dispensable, d'une symbolique excessive trop caricaturale, cet arc vampirique s'est révélé très solide et bien construit. Même s'il a recours à certaines facilités scénaristiques, je dois avouer que je n'avais encore jamais éprouvé autant d'empathie pour le personnage de Mitchell. A ce sujet, il faut d'ailleurs souligner la performance d'Aidan Turner. S'il ne m'avait pas toujours pleinement convaincu par le passé, voilà un épisode qui balaie les quelques hésitations qui pouvaient encore traîner à son sujet. En effet, il y délivre une performance conflictuelle de premier ordre. Il parvient à très bien retranscrire à l'écran les transformations successives de son personnage : du prédateur meurtrier au personnage assailli de doutes, en passant par le moment où il craque chez Lucy, tout est très convaincant.

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Si la majeure partie de l'épisode est donc occupée, avec une certaine réussite, par la storyline vampirique, les deux autres membres de notre trio surnaturel ne sont pas oubliés, mais se voient proposer des intrigues plus anecdotiques, qui poursuivent sur le thème de la normalité, avec une envie similaire qui s'impose au coeur de cet épisode : la famille.

Le "new George", post-rupture, continue de bouleverser sa vie à grande vitesse, sans prendre le temps de vraiment s'interroger sur les choix qu'il fait. Son nouveau flirt, rencontré la semaine passé, est une mère célibataire. Le voilà s'imaginant parfaitement en père de substitution, pour une gamine qui l'accueille plutôt fraîchement. Agissant avec une spontanéité déconcertante, suivant ses envies, il va jusqu'à annoncer à ses colocataires qu'il souhaite leur demander d'emménager à la maison. Au fil des épisodes, il devient difficile de cerner la psychologie du personnage de George, de plus en plus erratique. Est-ce qu'il essaye juste de compenser la perte de Nina ? Veut-il seulement atteindre l'idéal familial de normalité auquel il aurait aspiré s'il n'avait jamais été transformé ? Ce besoin de précipiter les choses s'explique-t-il uniquement par ses nouvelles résolutions ?

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Toujours est-il que le "new George" ne convient guère à Mitchell qui, sans aucune diplomatie, lui expose sa manière de voir les choses, expliquant ce qu'il pense de sa lubie du moment. Les aspirations changeantes et très différentes des uns et des autres précipitent d'ailleurs les décalages grandissant entre nos trois amis, alors même que certaines scènes nous prouvent qu'ils demeurent encore très unis (notamment celles autour du bébé).

Autre décalage de l'épisode, celui suscité par le bébé fantôme confié à Annie pour faire du "babysitting". J'avoue qu'en dépit de petits détails "particuliers" très sympathiques (la lecture des histoires d'horreur pour calmer l'enfant, etc...), je n'ai pu m'empêcher de trouver cette storyline assez faible. Annie semble destinée à passer par tous les états d'esprit cette saison, alternant entre détresse et euphorie, en fonction de la tonalité souhaitée pour l'épisode, l'évolution globale manquant un peu de cohésion. L'intrigue en elle-même reste touchante, mais assez anecdotique au final. On ne peut que constater que, trop souvent, le personnage d'Annie demeure le plus utilisé par les scénaristes pour offrir des petites bulles de transition, tranchant avec l'ambiance de la storyline principale, que celle-ci soit dédiée aux loup-garous ou aux vampires.

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Bilan : Un peu faible sur les storylines secondaires centrées sur l'idée de famille, l'épisode sort du lot grâce à la solide intrigue de Mitchell. Les histoires vampiriques n'ont pas toujours été les plus convaincantes par le passé, mais celles de l'épisode fonctionnent très bien et confèrent une tonalité à la fois tragique et poignante à l'épisode.

Being Human poursuit de façon assez plaisante sur son rythme de croisière. Le téléspectateur attend désormais la confrontation avec l'organisation secrète, qui ne pourra plus rester dans l'ombre très longtemps, la mi-saison étant désormais passée.


NOTE : 7,5/10

07/02/2010

(K-Drama) Jumong (The Book of Three Han) : fresque épique sur la fondation d'une nouvelle nation



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Je ne vous cache pas m'être sentie plutôt contente en visionnant le dernier épisode de Jumong. Non que la lassitude me gagnait, la série sachant se renouveler constamment pour poser de nouveaux enjeux, mais il s'agit, de loin, du plus long drama asiatique que j'ai regardé jusqu'à présent : 81 épisodes. C'est que, mine de rien, cela demande un certain investissement (pas seulement en temps) ! Si bien qu'une fois l'histoire terminée, le sentiment de vide, en quittant un univers désormais trop bien connu, se dispute à la satisfaction d'avoir suivi et apprécié jusqu'au bout cette longue, mais fascinante, épopée.

Toujours est-il que je pense quand même attendre quelques mois avant d'attaquer Kingdom of the Winds, histoire de laisser reposer un peu tout cela ; et je vais probablement plutôt me concentrer sur des dramas contemporains dans les prochaines semaines.

Voici donc pour ce dimanche asiatique, une critique complète de Jumong (garantie sans spoilers). *Je dois vous avouer que l'heure tardive à laquelle je poste ce billet s'explique en grande partie en raison du terrible dilemme auquel j'ai dû faire face : condenser tout ce que j'aimerais écrire sur ce drama en une seule note !*

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Cette série, également intitulée The Book of Three Han : The Chapter of Jumong, se propose de nous raconter la fondation du royaume de Goguryeo (Koguryŏ), au Ier siècle avant J.-C., par Jumong. Ce royaume fut ensuite un des trois, avec Baekje (Paekche) et Silla, à dominer la péninsule coréenne durant plusieurs siècles, au cours d'une période que l'on désigne aujourd'hui sous le nom des Trois Royaumes de Corée. Avec ce récit, nous revisitons donc un des mythes fondateurs de ce pays.

Au Ier siècle avant J.-C., le territoire, divisé en de nombreux clans et tribus, subit l'influence chinoise de la dynastie des Han, qui a notamment conquit le Josun Antique. Ses habitants, désormais persécutés et appelés les "migrants", ont été réduits en esclavage par leurs conquérants. Cependant, leur espoir fut ranimé par un chef de guerre devenu légendaire, Hameosu, qui leva une armée, l'armée du Damul, pour combattre les Han et remporta plusieurs victoires contre l'Armée de Fer. Allié au prince héritier du royaume de Puyo, Kumhwa, Hameosu fut cependant trahi par le père de ce dernier avant de mener la dernière bataille.

Ce héros de la lutte pour les migrants considéré comme mort, Kumhwa recueillit à Puyo l'amante de son ami, Yuwha, afin qu'elle devienne sa concubine. Yuwha était alors déjà enceinte de Hameosu. Fidèle à sa promesse, Kumwha accepta d'élever l'enfant, appelé Jumong  ("grand archer") en hommage à son père, comme son fils. Il reçut une éducation royale aux côtés des deux autres garçons du roi. Mais, l'âge adulte approchant pour les trois jeunes hommes, l'enjeu successoral devient progressivement central. Tandis que les rivalités de personnes s'enveniment, la destinée de chacun va se mettre en marche. Le rêve de Hameosu de fonder une nouvelle nation et de restaurer le Josun Antique, en repoussant les Han, pourra-t-il voir le jour ?

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Jumong est un drama historique au sens traditionnel du terme. Si la série n'a aucune peine à maintenir une tension constante qui retient l'attention du téléspectateur, elle le fait en utilisant les codes très classiques de ce genre. La narration passe ainsi par une mise en scène théâtrale, ce qui donne donc des scènes relativement figées. Pour autant, paradoxalement, l'intensité émotionnelle des tragédies et de l'Histoire en mouvement n'est en rien amoindrie par ce traitement platonique des intrigues. L'empathie pour les personnages est bien réelle ; et le téléspectateur n'a aucun mal à ressentir, lui aussi, les foudres de la politique et de la passion qui s'abattent et s'affrontent.

Dans les différents types du genre historique, Jumong pourrait sans doute être classé comme une série d'intrigues de Cour. Certes, les batailles sont bien présentes et plusieurs arcs fondamentaux ont lieu en extérieur. Mais dans l'ensemble, ce sont dans les recoins des divers palais royaux, de Puyo à Hyunto, en passant par Keru, que se joue le sort des personnages. Sans se priver de phases d'action, le drama trouve rapidement un dosage convaincant, parvenant à trouver un équilibre entre complots de couloirs et parenthèses de combats décisives.

Il se dégage de l'ensemble un véritable souffle épique dans lequel le téléspectateur n'a aucun mal à se laisser emporter, pleinement conscient de l'importance des enjeux. Avouons-le, je craignais a priori un peu la longueur de cette série. Mais Jumong s'est révélé en fait prenant de bout en bout, quasiment sans temps mort. Ce drama s'apparente en réalité à une vaste épopée, que l'on pourrait comparer à un épais roman découpé en chapitres... C'est ce qui donne une impression de densité au récit, de laquelle il est difficile de se détacher une fois happé par l'histoire. La construction des intrigues accentue d'ailleurs ce sentiment : se déroulant toujours sur plusieurs niveaux, jouant sur les intéractions de diverses sphères de personnages, elles ne sont pas confinées sur un seul épisode. Par ce biais, la série se rapproche d'une chronique, divisée en un certain nombre de grands arcs scénaristiques (les chapitres).

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De plus, une autre qualité indéniable du fond, qui contribue également à maintenir l'attention du téléspectateur, c'est l'évolution constante des histoires. Allant toujours vers l'avant, les enjeux, comme les priorités, changent constamment, aucune situation ne restant jamais acquise. Si la lutte de pouvoirs demeure centrale, de nouvelles préoccupations viennent régulièrement bouleverser les alliances préconstituées, parvenant à renouveler les problématiques posées. Si bien que jamais la série ne donne l'impression de tourner en rond. Il faut le souligner, car c'est très impressionnant, pour le téléspectateur, d'observer la façon dont ce vaste récit se façonne et prend peu à peu toute sa dimension, découvrant des rouages et des ressorts scénaristiques insoupçonnés. Grâce à cette belle maîtrise, ces jeux de pouvoirs s'avèrent ne pas être du tout répétitifs, même s'ils s'étendent sur plus de 80 épisodes.

En fait, la série ne se déroule pas d'une seule traite. Au contraire, elle enchaîne de vastes arcs, regroupant plusieurs storylines, entre lesquelles se glissent de brefs épisodes de transition, qui servent de base pour permettre le lancement de l'arc suivant. Schématiquement, on peut diviser le drama en deux grandes parties. La première a une connotation plutôt initiatique, suivant un développement assez classique. Initialement jeune prince hédoniste et privilégié, profitant de la vie sans se soucier des conséquences de ses actes, Jumong va devoir faire face à ses premières douloureuses expériences de la vie, devenant peu à peu un guerrier accompli. A la frivolité des débuts succède la prise de conscience du poids de la destinée qui pèse sur lui, alors qu'il découvre l'héritage laissé par son vrai père. Cette première partie se déroule principalement à Puyo, sur fond de concurrence exacerbée entre les différents princes pour s'imposer comme l'héritier désigné du roi Kumhwa. Les intrigues de Cour ont ici une importance prépondérante.

La seconde partie marque l'émancipation véritable de Jumong. Il se décide finalement à embrasser la voie tracée par son père. S'assignant un rôle de protecteur des migrants du Josun Antique, il quitte Puyo pour fonder une nouvelle nation, coupant ainsi ses liens avec le royaume où il a grandi. D'une concurrence interne de succession, le coeur du drama se déplace alors vers un conflit entre tribus et nations. Recréant l'armée du Damul, Jumong se pose en adversaire des Han affaiblis dans la péninsule et va peu à peu conquérir un territoire qui deviendra à terme Goguryeo, un nouveau royaume devenu adversaire de Puyo. N'ayant plus rien de l'innocence inconsciente des premiers épisodes, Jumong est désormais un meneur d'hommes et un chef de guerre accompli.

La force du récit est de nous permettre d'apprécier l'évolution de toute une galerie de personnages très divers. A mesure que chacun doit faire face à de nouvelles épreuves que la vie place devant lui, la tonalité de l'histoire prend un tour plus mature, l'importance des enjeux étant démultipliée.

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Cette évolution de l'atmosphère du drama, de l'insouciance de la jeunesse jusqu'aux difficiles décisions nécessaires, prises grâce à l'expérience acquise, est une des raisons pour laquelle suivre Jumong dans la continuité se révèle particulièrement passionnant. Le téléspectateur est finalement le témoin privilégié de cette progressive maturation des différents personnages. Nous voyons la façon dont leurs propres choix les construisent peu à peu, les menant sur un chemin qui va leur permettre d'accomplir de grandes choses. Je dois dire que c'est un sentiment très agréable de voir ainsi parfaitement récompensé son investissement devant cette longue fresque historique, en observant la réalisation de ces différentes destinées.

Outre l'ampleur du récit, ce qui retiendra l'attention, cela va être aussi l'attachement du téléspectateur à l'égard des différents personnages. Jumong offre en effet une galerie très hétéroclyte de personnalités diverses, pour lesquelles il est facile de ressentir une empathie spontanée. Le format long devient ici une opportunité : il permet de mettre chacun en valeur, ne se cantonnant pas à la poignée de personnages principaux. Si bien que tous les personnages récurrents - les morts étant finalement - paradoxalement - assez rares dans les deux premiers tiers de la série - ont des occasions de s'illustrer, tant en bien qu'en mal, suivant le camp dans lequel ils se trouvent. Tous deviennent rapidement des piliers presque immuables, dont les allégeances peuvent fluctuer, mais qui demeurent des points de repères solides pour le téléspectateur.

Plus anecdotique, mais tout aussi appréciable, la longueur de la série est aussi une occasion de retenir la plupart des noms propres utilisés, des personnes comme des clans en cause ; l'histoire est alors plus facilement accessible que dans des dramas plus condensés, où le téléspectateur peut se perdre.

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Jumong exploite donc pleinement les 81 épisodes qui lui sont alloués. Cette durée permet au récit d'alterner les ambiances. L'écriture mûrit avec ses personnages. La densité de ses storylines lui offre la possibilité d'alterner les genres et de proposer une palette très riche au téléspectateur. Ce drama apparaît, par bien des aspects, assimilable à un récit initiatique. Mais s'y mêlent aussi la passion et l'irrationnalité d'histoires d'amours impossibles, malmenées par les évènements. Les luttes de pouvoir bouleversent régulièrement toutes les certitudes, ne faisant jamais oublier qu'elles sont à l'origine de tout et que c'est d'elles dont dépendent tous les personnages. Ces luttes politiques prennent parfois (voire même souvent) un tour militaires, la série traversera ainsi plusieurs guerres. Mais, plus que tout, Jumong contient toute la symbolique de la fondation d'une nation nouvelle. Tout le drama tend vers cette finalité, les personnages surnageant dans le tourbillon de l'Histoire et du destin.

Il est donc difficile de classer Jumong de façon arrêtée : la série mélange les genres, faisant se succéder des storylines aux tonalités très différentes. C'est incontestablement un des aspects les plus enrichissants pour le téléspectateur qui, finalement, trouvera logiquement toujours des éléments scénaristiques qui lui conviendront. Seule une fresque aussi imposante peut offrir cette extrême diversité. De plus, ce constat renforce le sentiment que la série forme véritablement un tout complet, qui a su exploiter pleinement l'ensemble de son potentiel.

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A partir du caractère assez théâtral du contenu de la série, il est logique que la forme s'y adapte : la réalisation est logiquement assez figée, surtout pour les scènes se déroulant en intérieur. On identifie ainsi plusieurs lieux clés qui vont s'imposer comme les pièces incontournables où les discussions les plus déterminantes auront lieu (qu'il s'agisse de la salle du trône ou des diverses chambres des principaux protagonistes). En extérieur (une bonne partie du drama s'y déroule quand même), les batailles sont correctement chorégraphiées, de façon assez sobre, sans effets de style inutiles. L'image est moins chatoyante et contrastée que dans des dramas historiques plus récents (la série date pourtant seulement de 2006-2007), mais un soin certain a été apporté tant aux décors qu'aux costumes ; ce qui assoit de façon convaincante l'univers ainsi recréé. En somme, en dépit d'un classicisme un peu pesant par moment et qui peut paraître daté par certains aspects, la réalisation est très correcte et sert bien l'histoire.

Mais le véritable point fort de Jumong réside dans sa bande-son. Comme dans beaucoup de dramas coréens, celle-ci se révèle superbe, avec plusieurs chansons ou musiques particulièrement marquantes qui ne pourront laisser pas indifférent le téléspectateur. Qu'il s'agisse de refléter la tonalité épique du moment, la tragédie d'amours brisés ou le deuil engendré par la perte d'êtres chers, tous les instants clés de la série bénéficient d'accompagnements musicaux d'excellente facture. J'ai d'ailleurs récupéré les 2 volumes de l'OST, indépendamment du drama, et les musiques s'écoutent également seules, sans perdre ni leur charme, ni leur attrait.

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Enfin, terminons cette présentation sur le casting. Si le jeu des acteurs apparaît, dans certaines scènes, dans la continuité du style théâtral choisi, un brin figé, la série bénéficie cependant d'excellentes performances de la part de l'ensemble de ses acteurs, à commencer par celui qui incarne le héros : Song Il Gook (Emperor of the Sea, Lobbyist, Kingdom of the winds). S'il s'agit du premier drama dans lequel je le croise, j'avoue avoir été vraiment fascinée par la progressive métamorphose qu'il est capable de retranscrire, de la naïveté teintée d'insouciance des premiers épisodes, jusqu'au leader marqué par les drames, sur lequel pèsent toutes les épreuves qu'il a dû traverser. Qu'il s'agisse de jouer dans un registre léger plutôt comique ou d'imposer sa présence dans des moments véritablement dramatique, Song Il Gook est vraiment convaincant et parvient à faire naître instantanément l'empathie du téléspectateur à l'égard de son personnage. A ses côtés, la belle Han Hye Jin (JeJoongWon) incarne avec beaucoup d'autorité et une certaine froideur, la troublante Soh Suh No, la fille du chef de Keru, un important marchand, dont la destinée semble liée à celle de Jumong ; leur amour réciproque se heurtera constamment aux aléas de leur vie tumultueuse.

Derrière ce couple phare, la galerie particulièrement riche de personnages est, comme je l'ai déjà évoqué, très bien mise en valeur grâce au format : la longueur de la série permettant d'offrir un temps d'antenne important à chacun. Les rôles féminins, dont les manigances en coulisses sont peut-être encore plus déterminantes que celles de leurs époux, sont parfaitement tenus, qu'il s'agisse de Lady Yuwha, incarnée par Oh Yun Soo (The Queen returns), de l'insupportable reine Wan Hoo, jouée par Kyun Mi Ri, ou encore de la douce, mais si déterminée, Yesoya (Song Ji Hyo, vue dans Goong). Le concurrent principal de Jumong, le prince Daeso, dont les crises de colère sont souvent fatales, est incarné efficacement par Kim Seung Soo (dernièrement dans Good Job, Good Job). Enfin, l'ambivalent roi Khumwa est interprété par Jun Kwang Ryul (Swallow the sun).

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Bilan : Jumong est une véritable épopée au sens noble du terme. Traditionnel tant sur la forme que sur le fond, il s'agit d'un drama historique composé d'ingrédients classiques, mais dont le mélange prend vraiment bien. Doté d'une mise en scène assez théâtrale, imposant une certaine distance avec les protagonistes, le téléspectateur n'en est pas moins emporté par le souffle épique qui traverse ce grand récit. En dépit de sa longueur, le scénario se révèle solide dans la durée, s"exécutant sans temps mort et offrant ainsi une belle récompense pour l'investissement du téléspectateur. Construit en plusieurs grands arcs, bénéficiant de phases où l'histoire s'accélère considérablement, rendant intenable toute attente pour regarder l'épisode suivant, ce drama est admirablement bien maîtrisé sur le plan narratif.

Si j'ai bien conscience que la longueur peut a priori quelque peu rebuter, je dois avouer qu'il n'en est que plus gratifiant de suivre un récit qui ne déçoit pas et prouve que la réalisation de ces 81 épisodes se justifiait pleinement. Jumong n'est pas une série à "engloutir" d'une traite. Il s'agit d'un investissement de plusieurs mois, qu'il faut prendre le temps de savourer, et que l'on regardera en parallèle d'autres dramas, en y consacrant une soirée par semaine, par exemple. Si vous n'avez rien contre les dramas historiques, vous ne regretterez certainement pas l'aventure : laissez-vous prendre au jeu de cette grande fresque !


NOTE : 7,5/10


Un aperçu de l'OST avec la superbe chanson clôturant chacun des épisodes :


Un MV reprenant des images des premiers épisodes :

06/02/2010

(US) Big Love : The Mighty and Strong (saison 4, épisode 4)


La semaine dernière, malheureusement prise aux pièges d'un emploi du temps fatal où les journées ne font que 24 heures, je n'avais pas eu l'occasion de revenir sur le troisième épisode de cette saison 4. Non qu'il ait été moins intense que le précédent : j'ai trépigné, applaudi, crié devant mon petit écran, comme seul Big Love parvient à me faire réagir. Reste que, avec l'épisode de dimanche dernier, cela semble se confirmer que cette nouvelle ("si brève !" se lamente-t-on) saison entend reproduire le même schéma de construction que l'an passé : chaque épisode paraît marquer le franchissement d'un nouveau palier franchi, allant toujours plus loin dans l'intensité, les émotions et l'extrêmité de certaines situations qui laissent le téléspectateur sans voix, entre effarement devant le contenu dépeint et émerveillement devant le chef-d'oeuvre s'animant devant lui. Si je suis vite à court de superlatifs lorsque j'évoque Big Love, il y a quelque chose d'incroyablement grisant à suivre, chaque semaine, une série qui repousse quotidiennement ses limites ; qui ne capitalise pas sur ses acquis, mais qui continue de surprendre, réussissant à exercer une véritable fascination sur le téléspectateur.

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Si l'on devait condenser en une simple phrase la portée de cet épisode 4, je pense que cela serait celle-ci : la fin des dernières illusions de légitimité de Bill. Le personnage a toujours été ambitieux, doté d'une capacité hors du commun à interpréter les faits à son avantage et à donner l'impression de porter le poids du monde sur ses épaules. Mais, bien plus que les autres hommes de Juniper Creek, Bill est, en bien des aspects, plus dangereux, plus pernicieux. En effet, ce qui le caractérise, c'est son hypocrisie. A la différence de J.J. ou Roman, par exemple, qui assument et revendiquent ce qu'ils sont, Bill se cache derrière une fausse apparence de bon père de famille, mettant en scène sa respectabilité et sa responsabilité, alors que sous la surface, il conserve et applique, plus ou moins ouvertement, les mêmes principes de vie qui ont cours dans la communauté.

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Le fait qu'il régisse de façon centralisée et autoritaire sa petite famille a toujours été une des bases de la série. Sa dernière lubie, se lancer en politique, a parfaitement illustré la façon dont les décisions se prennent chez les Henricksons, laissant les épouses interdites et Bill n'attendant que leur soutien. Cependant, avec ce quatrième épisode, nous sommes passés à un degré supérieur. En effet, il s'agit de faire face aux conséquences du "qui pro quo" ayant eu lieu au cours de l'émission de Margene, où Ben a été présenté comme son petit ami. Entre regards de travers, gênes non formulées, cette storyline est vraiment bien bien traitée. Plus que l'inceste sous-jacent, ne touche-t-on pas là à la limite même de la vie polygame, à cette réification des femmes que cela entraîne ? Le dîner où Nicky, ignorant ce dernier développement, s'énerve toute seule contre le projet de J.J. d'épouser sa mère, offre un parallèle symbolique particulièrement révélateur de ce caractère très malsain : l'ex-mari qui épouse son ancienne belle-mère, est-ce bien différent de la situation de Ben et Margene ? L'illusion de civilisation et de modernité de la famille n'achève-t-elle pas de s'effriter toute seule, face à la réalité ?

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Car les scénaristes nous conduisent bien plus loin dans ces eaux dangereuses. Bill apprend l'existence du baiser entre les deux jeunes gens, et soudain, tout le flirt des dernières saisons revient dans les mémoires. Initialement, Ben présente une version des faits où il est le seul responsable, cherchant à dédouaner Margene. Cette même Margene qui lui a pourtant avoué des sentiments la nuit auparavant. Si ce n'est qu'un bénin crush d'adolescent, Bill n'explose pas tout de suite ; il se contente de prononcer des sentences avec son air habituel de supériorité. Mais Margene ne peut se résoudre au mensonge et dans une scène bouleversante, où Ginnifer Goodwin est absolument magistrale, la jeune femme avoue qu'elle est celle qui a initié le baiser. C'est alors que la perspective de Bill change complètement et qu'il révèle sa véritable nature. Il pouvait se montrer miséricordieux avec un gamin qui lui enviait ses conquêtes. Cependant, la confession de Margene érige soudain Ben en rival. Tous les schémas d'éducation assimilés dans sa jeunesse reviennent à la surface ; et Bill ne fait que les reproduire, sans recul et sans même pleinement les assumer à haute voix. La scène finale contient, en ce sens, une violence implicite inouïe. Ces quelques brèves phrases, prononcées sur un ton anodin, échangées entre le père et le fils, sont presque effrayantes. On perçoit pleinement le fossé qui les sépare désormais. En une économie de mots, sans en faire trop, Big Love nous offre une des scènes les plus glaçantes qu'elle nous ait jamais proposé. Magistral.

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En parallèle, l'intrigue de Sarah permet de rappeler un autre drame de la saison passée, alors qu'elle s'occupe du bébé de l'Indienne renversée par sa mère dans l'épisode précédent. Plus que le contenu de la storyline, touchante mais assez convenue, cette histoire permet surtout d'apprécier les bases bien plus saines et salutaires sur lesquelles est fondé le mariage de Sarah. Face à Bill qui apostrophe son mari pour qu'il ordonne à sa femme de rendre le bébé, le jeune homme remet magnifiquement son beau-père à sa place en soulignant que ce n'est pas ainsi que fonctionnent ses rapports avec son épouse. Instant jubilatoire pour le téléspectateur qui savoure la prise de distance ainsi imposée à Bill (*j'ai applaudis devant ma télévision*). Je suis vraiment contente que Sarah ait trouvé un mari qui la mérite, loin de la reproduction des modes de vie de Juniper Creek.

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D'autant que le réquisitoire à charge contre Bill ne s'arrête pas là. Face à ses ambitions politiques, se dresse un adversaire dangereux qui menace de les exposer comme polygames, avant même l'élection. Pour cela, des services financiers sont même envoyés à Home Plus pour faire une vérification des comptes. Ils y descellent une anomalie : la couverture d'assurances des autres épouses non-officielles et de leurs enfants. Cette preuve qu'il y a des polygames à Home Plus va être révélée au public. C'est alors que Bill, avec une solennité et une capacité à manipuler que n'aurait pas renié Roman, demande à Doug de se sacrifier, pour sauver sa propre image. Doug, l'ami fidèle, qui a tant dû subir pour suivre les différentes lubies de Bill, accepte de détourner les regards en révélant sa propre situation, pour épargner Bill qui prouve encore une fois à quel point il est prêt à tout pour satisfaire ses ambitions personnelles. N'envoie-t-il pas, sans sourciller, Nicky en infiltration dans le camp politique adverse, après les sermons auxquelles elle avait eu droit, l'an passé, lorsqu'elle avait fait la même chose pour son père ?

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Au-delà de ces lourdes réflexions sur la famille Henrickson - dont on se demande bien comment elle va pouvoir rester unie, tant tout apparaît si artificiel actuellement - , cet épisode 4 était encore une fois particulièrement dense, n'offrant aucun instant de répit. Les parents de Bill prouvent une fois de plus qu'ils sont incroyables, comme on les suit dans leur excursion frontalière pour chercher les oiseaux exotiques de Lois ; et la soeur de Cathy se révèle un peu plus comme un personnage à part entière qui, j'espère, continuera à être présente. J.J. bouge peu à peu ses pions, se tournant vers Joey et Wanda et laissant sous-entendre des ennuis prochains qui promettent... Et Big Love continue de passer à une allure folle ; chacune de ses scènes, de ses storylines, mériterait de se voir consacrer un passage de cette review. Je m'arrête ici arbitrairement, mais on ne le répètera jamais assez : cette série est un chef-d'oeuvre !

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Bilan : Un épisode magistral, d'une intensité et d'une densité uniques, qui sonne comme un réquisitoire à charge contre Bill, en soulignant ses contradictions, mal dissimulées derrière une hypocrisie de façade qui ne peut que glacer le téléspectateur. Bill n'est pas un "bad guy" au sens classique du terme. C'est un personnage à part dans le monde du petit écran, car c'est sous les apparences, derrière une attitude auto-justificative constante et rassurante, que se cache ses réelles motivations.

Bref, Big Love est juste la meilleure série actuelle du petit écran. Au-delà de l'extrême satisfaction qu'elle procure, je ne peux m'empêcher d'être un peu chagrinée : pourquoi si peu de reconnaissance pour ce véritable chef-d'oeuvre ?


NOTE : 9,5/10

05/02/2010

(Téléphagie) Jalousie : chronique téléphagique perdue en terres lost-iennes


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Depuis plusieurs semaines, voire quelques mois, j'ai assisté, avec un recul teinté de fascination, à la construction méthodique d'un fabuleux buzz autour de la dernière saison d'une des séries phares de la chaîne américaine ABC. Une fin en forme d'apothéose, de consécration médiatique pour cette création fantastique de J. J. Abrams, qu'est Lost. On nous promet la résolution, enfin, après des années de théories mythologiques complexes, scabreuses, farfelues, aux divagations infinies... On met même en scène ce retour au-delà de la sphère de l'entertainment, nous annonçant Lost plus fort que le discours sur l'Etat de l'Union d'Obama... Bref, ce début 2010 est Lost-ien. Série incontournable, générationelle, portée aux nues. On y consacre des éditions spéciales dans la blogosphère sériephile, on redécore les blogs, et même Ladytelephagy y consacre son billet audio/podcast du jour (dont l'écoute a finalement été la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, expliquant le billet qui suit).


Face à ce gigantesque phénomène médiatique, la téléphage qui sommeille en moi se retrouve partagée entre deux sentiments contradictoires. Tout d'abord, il y a une forme de perplexité devant l'ampleur du buzz. En observant cette bulle médiatique qui s'auto-nourrit, j'avoue avoir été un peu prise au dépourvu. Non que j'aie perdu de vue la série au fil des ans, mais je n'avais pas pris conscience de l'effet boule de neige qu'avait eu sa dense mythologie. Bref, j'en ai été réduite à me demander quand est-ce que Lost avait acquis une telle dimension et comment j'avais pu rater ça.

Parce que disons-le franchement, j'ai abandonné Lost il y a longtemps. Si longtemps que je ne me souviens plus exactement quand le décrochage s'est opéré. Au cours de la saison 2 ou de la saison 3, je crois. Dans ma mémoire très floue, j'en garde le souvenir d'une fiction assez divertissante, mêlant les genres, avec une qualité des épisodes très fluctuante, tout comme mon intérêt pour les storylines. Je ne sais plus vraiment pourquoi j'ai arrêté. Etait-ce une forme de lassitude devant une histoire dont les enjeux n'étaient pas clairement posés ? Même pas. Peut-être était-ce un peu lié au fait que je n'ai jamais éprouvé le moindre attachement pour des personnages qui m'insupportaient pour la plupart, que je tolérais au mieux ou détestais au pire. Un jour, les aléas de la programmation ont fait que j'ai simplement raté un épisode. Le déclic fatal. Je n'ai jamais rattrapé. Et j'ai laissé filer les saisons sans moi. Sans aucun regret. Pour vous dire le faible impact que la série avait eu sur moi, l'idée ne m'était d'ailleurs même pas venue à l'esprit d'essayer de retenter un plongeon dans cet univers, avant le raz-de-marée subi depuis le début de l'année. Lost n'était pour moi qu'un épiphénomène, existant en toile de fond de ma sphère téléphagique, une anecdote dont je suivais l'évolution au gré de mes flux rss.

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Seulement, au cours des dernières semaines, succédant à cette indifférence polie, un second sentiment est né en moi : la jalousie. Oui, face à ce gigantesque buzz dont je ne suis qu'une observatrice extérieure, comment ne pas être curieuse et envieuse en assistant à cette belle communion unanimiste ? Comprenez-moi bien : je n'ai rien contre la vie solitaire du sériephile qui poursuit en pèlerin obstiné ses découvertes obscures qui, de toute façon, ne pourront intéresser qu'une poignée de passionnés. Mais Lost offre cette opportunité si rare - et si précieuse - d'une expérience téléphagique collective. Rompant avec la réclusion habituelle du sériephile qui le confine à une certaine consanguinité communautaire, Lost réconcilie et unifie un public plus vaste sous sa bannière. Qu'y-a-t-il de plus grisant que d'avoir le sentiment d'appartenir à une grande collectivité, qui brise les barrières traditionnelles et acquiert une dimension qui va bien au-delà de la simple "série à succès" ? N'est-ce pas génial de voir ainsi récompensée, par une telle consécration, sa fidélité pour une série que l'on suit depuis six ans maintenant ? N'est-ce pas galvanisant que de pouvoir jouer sur ce buzz, de l'enrichir soi-même, de s'en amuser, en ayant conscience d'y appartenir ?

Alors oui, je suis jalouse. Je n'ai pas honte de l'admettre. J'aimerais moi-aussi connaître ces moments-là, avoir cette opportunité de partager avec le plus grand nombre, comme Lost le permet actuellement. Parce que si la confidentialité n'est pas un problème en soi, ce besoin quasi-viscéral de partager est bien toujours là. C'est ce même besoin, au fond, qui amène les téléphages à créer des blogs comme celui-ci ou à hanter les forums de spécialistes. La sériephilie est une passion qui ne peut se vivre en autarcie.

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Donc, fans ou simples amateurs de Lost, profitez, savourez cette saison 6. Je ne prétends pas comprendre l'ampleur de ce phénomène médiatique et j'ai des dizaines de séries qui m'appellent avant même d'envisager un jour une éventuelle redécouverte de Lost, mais je vous envie !

15:55 Publié dans (Téléphagie) | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : lost, buzz, abc |  Facebook |