Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

02/11/2011

(K-Drama) Gye Baek (première partie) : une fresque épique vers la chute de Baekje

 gyebaek1.jpg

S'il y a bien un genre de séries dans lequel ma sériephile s'épanouit tout particulièrement, ce sont les sageuk (séries historiques sud-coréennes). Cette année, par manque de temps, à l'exception de Warrior Baek Dong Soo qui versait plus dans le divertissement d'action que dans le véritable épique, je me suis surtout consacrée à des sageuk relativement courts. J'en ai volontairement laissé d'autres de côté, comme The Duo ou The Princess Man, en attendant d'avoir plus de temps. Mais l'appel était devenu trop fort en cette fin de mois d'octobre ; et l'offre trop alléchante...

A la différence de Tree With Deep Roots, mélange historique de thriller et politique, qui s'adresse à un public plus large au-delà des seuls amateurs du genre, Gye Baek est un drama conçu prioritairement pour satisfaire le public friand de ces épopées classiques aux accents souvent tragiques. Diffusé sur MBC depuis le 25 juillet 2011, il comprendra 32 épisodes et s'achèvera au cours de ce mois de novembre en Corée du Sud. Il y a dix jours, lorsque j'avais décidé de progresser plus avant dans ce drama sur les conseils de Mina, j'envisageais de faire une review classique de "pilote", c'est-à-dire, pour un sageuk, après avoir visionné les 4/5 premiers épisodes. Mais Gye Baek est, avouons-le, la raison pour laquelle j'ai terminé mes quelques jours de vacances plus fatiguée que je ne les avais commencés... Et c'est pourquoi cette review, que je n'ose plus appeler "pilote", traite en fin de compte de la première partie du drama, soit 16 épisodes.

gyebaek2.jpg

Gye Baek se déroule au VIIe siècle, à la toute fin de la période connue sous le nom des Trois Royaumes, qui étaient composés de Silla, Baekje et Goguryeo. La péninsule coréenne s'apprête en effet à être unifiée sous la domination de Silla. Ce drama n'est pas l'histoire d'une conquête glorieuse, il apparaît au contraire comme un hommage au courage des déchus. C'est en effet la fin de Baekje qu'il entreprend de nous raconter, à travers un récit romancé de la vie du dernier grand général de ce royaume, Gye Baek. De sa naissance jusqu'à l'ultime et célèbre bataille de Hwangsanbeol, où les armées de Baekje, en sévère infériorité numérique, furent entièrement détruites, Gye Baek va nous relater les derniers soubresauts d'un royaume qui sera annihilé quelques années après cette défaite militaire capitale.

Le drama débute, avant même la naissance de son personnage principal, au milieu des troubles et de la contestation entretenue par la seconde épouse du roi contre la reine, dont le tort principal est d'être originaire de Silla. Le prince et héritier présomptif, son fils Euija, fait l'objet de tentatives d'assassinats que seule l'admirable dextérité du maître d'arme qu'est le général Mu Jin permet d'endiguer. Mais si ce n'est pas la force, cela sera le complot qui fera tomber la reine et entraînera dans sa chute son protecteur militaire et la famille de ce dernier. Au cours d'une nuit tragique de mise à exécution du plan des opposants, lesquels se cachent derrière une confrérie d'assassins du nom de Wi Je, la reine préfèrera la mort au déshonneur. Par la ruse, le prince Euija parviendra à se maintenir en vie auprès de son père, à la cour. Tandis que Mu Jin perdra sa femme, qui n'a que le temps de donner naissance à leur fils, Gye Baek.

Les inimitiés ainsi forgées dans le sang, et alors que les confrontations ultérieures provoquent d'autres drames, une quête de revanche va guider les pas de chacun... Au détriment de Baekje ?

gyebaekv.jpg

Le premier attrait de Gye Baek réside dans le souffle épique qui traverse et porte le récit. Le qualificatif de fresque a rarement semblé aussi approprié que face à ce drama aux accents résolument héroïques et tragiques. Mêlant aux destinées personnelles de ses protagonistes le sort plus incertain de tout un royaume, la série se révèle riche en émotions. Eprouvante et poignante par moment, jubilatoire et savoureuse à d'autres instants, elle est en plus dotée d'un sens du détail appréciable, grâce auquel rien n'est jamais anodin et tout finit par se recouper. Révélatrice de cette ambiance prenante, l'ouverture du premier épisode, sur cette dernière bataille déséquilibrée dont l'issue est connue, propose des scènes qui marquent d'emblée par leur solennité et leur intensité : le téléspectateur se retrouve ainsi instantanément happé par l'histoire et ses enjeux.

De manière plus générale, il faut saluer l'équilibre, certes fragile et parfois vascillant, dont fait preuve cette première partie de Gye Baek. La série trouve le juste dosage entre les phases d'action, chorégraphiées avec sobriété mais toujours beaucoup de conviction, et le decorum figé des intrigues de cour et autres conciliabules de palais. Les affaires royales, adoptant un schéma géopolitique classique à la période des Trois Royaumes, restent très accessibles. Comme dans tout sageuk traditionnel, le scénario se construit de manière cyclique : les éléments d'une confrontation prochaine sont d'abord introduits, jouant sur une tension de plus en plus palpable, pour enfin éclater et offrir un ou deux épisodes en apothéose. Puis, s'enchaîne une brève période de transition où le renouveau des rapports de force est enregistré, avant de recommencer ensuite un nouveau cycle qui suivra le même schéma. Cela aboutit à un ensemble homogène et rythmé, sans temps mort notable, où l'intérêt du téléspectateur ne se dément jamais.

gyebaeke.jpg

Outre son sens du rythme et de l'épique, Gye Baek doit également beaucoup à ce qui reste la grande force des k-dramas : sa dimension humaine. Elle bénéficie en effet d'une galerie de personnages forts, en mesure d'impliquer émotionnellement le téléspectateur. Il ne faut pas se laisser abuser par le titre qui renvoie la fausse idée d'un simple biopic sur ce général de Baekje. Gye Baek est en effet un véritable drama choral, comme le sont les sageuk les plus enthousiasmants. La série laisse une place à chacun de ses protagonistes, pour grandir, pour mûrir et pour nuancer leur personnalité, acquérant ainsi une réelle épaisseur. Loin d'offrir un simple récit manichéen, tout en prenant parti pour ses héros, le drama s'attache surtout à esquisser le reflet d'une humanité à la faillibilité troublante.

Manifestant un sincère intérêt pour chacun de ses protagonistes, Gye Baek s'assure une assise humaine solide. La série fait le choix d'offrir un traitement relativement égal à son duo principal, faisant du prince Euija un pendant parfait à l'impulsivité initiale de Gye Baek. Leur alliance, scellée par les tragédies des premiers épisodes, permet opportunément de dépasser le vague triangle amoureux pour se concentrer sur des enjeux autrement plus importants, touchant au sort même du Royaume. Avec beaucoup d'habileté, la série éclaire l'ambivalence des motivations de tous les protagonistes. Sous couvert de la notion polysémique d'"intérêt du royaume", tout et son contraire sont prônés et perpétrés : il est difficile de percevoir où s'achève la poursuite de quêtes très personnelles (de vengeance comme de pouvoir) et où débute la réelle préoccupation pour l'intérêt collectif. La figure de l'opposante, représentée par la reine Sa Taek Bi, incarne parfaitement tous ces paradoxes. Quant au roi, malméné au gré des rapports de force, il s'accroche avant tout au prestige de la couronne (il n'est pas sans rappeler par exemple le roi Kumwa dans Jumong). Au final, aucun personnage n'apparaît jamais unidimensionnel et c'est vraiment une des forces de l'histoire.

gyebaekk.jpg

Aussi enthousiasmant soit-il dans ses passages les plus fastes, au cours desquels je reconnais volontiers m'être laissée grisée, Gye Baek n'est pour autant pas exempt de défauts. Sageuk de 2011 qui a pris en compte la modernisation des codes narratifs subis par le genre au cours de la dernière décennie, il n'en demeure pas moins de facture classique. Il conserve ainsi un vrai sens de la théâtralisation parfois très poussé. Si le drama fait preuve d'un savoir-faire certain dans la mise en valeur de ces passages, il a aussi tendance à vouloir trop en faire. La décharge émotionnelle causée ne masque pas les raccourcis évidents (géographiques notamment), voire les facilités parfois gênantes du récit.

Il est flagrant que les scénaristes ont souvent préféré privilégier les effets et l'intensité de certaines confrontations, au détriment de la vraisemblance de plusieurs développements. Ce parti pris narratif peut diviser et donne assurément des arguments recevables aux détracteurs de la série. C'est sans doute pour cela que Gye Baek s'adresse, à mon avis, prioritairement aux amateurs du genre. Pour s'apprécier pleinement, il suppose de se laisser emporter par un récit qui laissera difficilement insensible les amoureux de fresques épiques. Tant que le rythme d'ensemble demeurera toujours aussi constant et qu'il continuera d'accorder un tel soin à ses personnages, le téléspectateur pardonnera les errances au profit de l'envolée émotionnelle suscitée par certains passages. 

gyebaekr.jpg

Sur la forme, Gye Baek est un beau sageuk qui allie les atours chatoyants des costumes traditionnels propres à ces dramas historiques se déroulant dans les cours royales et l'approche plus sobre liée aux destinées des gens du commun. La photographie est soignée et l'esthétique du drama reste globalement un vrai plaisir pour les yeux. De plus, la série ne manque pas d'une dose d'action appréciable, bien servie par les chorégraphies de combats. Quant aux reconstitutions de batailles, les scènes d'ouverture sont d'une intensité à saluer - de quoi plonger immédiatement le téléspectateur dans l'univers de la série.

Pour autant, Gye Baek n'atteindrait pas la dimension à laquelle elle parvient sans l'atout de choix que représente sa bande-son. Une fresque épique ne saurait exister sans ces morceaux, entraînant ou mélancolique, voire déchirant, qui vont accompagner les protagonistes tout au long de leur histoire. Le drama dispose ainsi d'une palette de musiques bien fournies qui savent parfaitement accompagner les passages clés de la série.

gyebaekh.jpg

Enfin, le dernier atout et argument de poids de Gye Baek est son casting. Gye Baek est en effet incarné par un des acteurs emblématiques de ce genre historique, Lee Seo Jin. Si dans certains rôles contemporains comme pour Freeze, il a pu me laisser quelques réserves, en revanche, il reste le premier acteur de sageuk à m'avoir marqué par la première série de ce genre que j'ai eu l'occasion d'apprécier, Damo. Certes, à ce jour, je ne fais pour l'instant que caresser le rêve de me lancer dans la fresque que représente Yi San et ses 77 épisodes. Mais même sans avoir eu pour le moment l'occasion de voir ce dernier drama, Lee Seo Jin est vraiment à sa place dans un sageuk et sait prendre la mesure des rôles qui lui sont confiés dans ce genre.

A ses côtés, on retrouve une distribution très solide : Jo Jae Hyun pour incarner un prince Euija qui joue sa survie au quotidien, passé maître dans l'art du subterfuge, la toujours majestueuse Oh Yun Soo ou encore la très sobre Song Ji Hyo. Parmi la galerie d'acteurs complétant la distribution, on croise Hyo Min, Jun Noh Min, Kim Yoo Suk, Jin Tae Hyun, Choi Jae Hwan, Jo Sang Ki, Kim Hyun Sung, Yoon Da Hoon, Ahn Kil Kang, Jung Sung Mo, Im Hyun Sik, Kim Dong Hee, Park Yoo Hwan, Go Yoon Hoo, Jang Hee Woong ou encore Cha In Pyo.

gyebaeku.jpg

Bilan : Vaste fresque aux accents irrémédiablement tragiques, Gye Baek est un drama passionnant, parcouru d'un souffle épique exaltant qui saura sublimer certaines scènes. Navigant entre deux approches, celle des destinées individuelles et celle du sort d'un royaume, le drama peut s'appuyer sur une galerie de personnages travaillés auprès desquels le téléspectateur se sent tout particulièrement impliqué. Privilégiant parfois le ressenti émotionnel à la cohérence narrative, il n'en demeure pas moins une de ces rares séries capables de susciter un enthousiasme immodéré et exaltant, que l'amateur de sageuk chérira et savourera avec un bonheur non dissimulé.

J'attends donc la seconde partie avec impatience (et prépare déjà mes mouchoirs).


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :


Le générique :


Une chanson de l'OST :

07/02/2010

(K-Drama) Jumong (The Book of Three Han) : fresque épique sur la fondation d'une nouvelle nation



jumongdrama.jpg

Je ne vous cache pas m'être sentie plutôt contente en visionnant le dernier épisode de Jumong. Non que la lassitude me gagnait, la série sachant se renouveler constamment pour poser de nouveaux enjeux, mais il s'agit, de loin, du plus long drama asiatique que j'ai regardé jusqu'à présent : 81 épisodes. C'est que, mine de rien, cela demande un certain investissement (pas seulement en temps) ! Si bien qu'une fois l'histoire terminée, le sentiment de vide, en quittant un univers désormais trop bien connu, se dispute à la satisfaction d'avoir suivi et apprécié jusqu'au bout cette longue, mais fascinante, épopée.

Toujours est-il que je pense quand même attendre quelques mois avant d'attaquer Kingdom of the Winds, histoire de laisser reposer un peu tout cela ; et je vais probablement plutôt me concentrer sur des dramas contemporains dans les prochaines semaines.

Voici donc pour ce dimanche asiatique, une critique complète de Jumong (garantie sans spoilers). *Je dois vous avouer que l'heure tardive à laquelle je poste ce billet s'explique en grande partie en raison du terrible dilemme auquel j'ai dû faire face : condenser tout ce que j'aimerais écrire sur ce drama en une seule note !*

jumong9.jpg

Cette série, également intitulée The Book of Three Han : The Chapter of Jumong, se propose de nous raconter la fondation du royaume de Goguryeo (Koguryŏ), au Ier siècle avant J.-C., par Jumong. Ce royaume fut ensuite un des trois, avec Baekje (Paekche) et Silla, à dominer la péninsule coréenne durant plusieurs siècles, au cours d'une période que l'on désigne aujourd'hui sous le nom des Trois Royaumes de Corée. Avec ce récit, nous revisitons donc un des mythes fondateurs de ce pays.

Au Ier siècle avant J.-C., le territoire, divisé en de nombreux clans et tribus, subit l'influence chinoise de la dynastie des Han, qui a notamment conquit le Josun Antique. Ses habitants, désormais persécutés et appelés les "migrants", ont été réduits en esclavage par leurs conquérants. Cependant, leur espoir fut ranimé par un chef de guerre devenu légendaire, Hameosu, qui leva une armée, l'armée du Damul, pour combattre les Han et remporta plusieurs victoires contre l'Armée de Fer. Allié au prince héritier du royaume de Puyo, Kumhwa, Hameosu fut cependant trahi par le père de ce dernier avant de mener la dernière bataille.

Ce héros de la lutte pour les migrants considéré comme mort, Kumhwa recueillit à Puyo l'amante de son ami, Yuwha, afin qu'elle devienne sa concubine. Yuwha était alors déjà enceinte de Hameosu. Fidèle à sa promesse, Kumwha accepta d'élever l'enfant, appelé Jumong  ("grand archer") en hommage à son père, comme son fils. Il reçut une éducation royale aux côtés des deux autres garçons du roi. Mais, l'âge adulte approchant pour les trois jeunes hommes, l'enjeu successoral devient progressivement central. Tandis que les rivalités de personnes s'enveniment, la destinée de chacun va se mettre en marche. Le rêve de Hameosu de fonder une nouvelle nation et de restaurer le Josun Antique, en repoussant les Han, pourra-t-il voir le jour ?

jumong2.jpg

Jumong est un drama historique au sens traditionnel du terme. Si la série n'a aucune peine à maintenir une tension constante qui retient l'attention du téléspectateur, elle le fait en utilisant les codes très classiques de ce genre. La narration passe ainsi par une mise en scène théâtrale, ce qui donne donc des scènes relativement figées. Pour autant, paradoxalement, l'intensité émotionnelle des tragédies et de l'Histoire en mouvement n'est en rien amoindrie par ce traitement platonique des intrigues. L'empathie pour les personnages est bien réelle ; et le téléspectateur n'a aucun mal à ressentir, lui aussi, les foudres de la politique et de la passion qui s'abattent et s'affrontent.

Dans les différents types du genre historique, Jumong pourrait sans doute être classé comme une série d'intrigues de Cour. Certes, les batailles sont bien présentes et plusieurs arcs fondamentaux ont lieu en extérieur. Mais dans l'ensemble, ce sont dans les recoins des divers palais royaux, de Puyo à Hyunto, en passant par Keru, que se joue le sort des personnages. Sans se priver de phases d'action, le drama trouve rapidement un dosage convaincant, parvenant à trouver un équilibre entre complots de couloirs et parenthèses de combats décisives.

Il se dégage de l'ensemble un véritable souffle épique dans lequel le téléspectateur n'a aucun mal à se laisser emporter, pleinement conscient de l'importance des enjeux. Avouons-le, je craignais a priori un peu la longueur de cette série. Mais Jumong s'est révélé en fait prenant de bout en bout, quasiment sans temps mort. Ce drama s'apparente en réalité à une vaste épopée, que l'on pourrait comparer à un épais roman découpé en chapitres... C'est ce qui donne une impression de densité au récit, de laquelle il est difficile de se détacher une fois happé par l'histoire. La construction des intrigues accentue d'ailleurs ce sentiment : se déroulant toujours sur plusieurs niveaux, jouant sur les intéractions de diverses sphères de personnages, elles ne sont pas confinées sur un seul épisode. Par ce biais, la série se rapproche d'une chronique, divisée en un certain nombre de grands arcs scénaristiques (les chapitres).

jumong1.jpg

De plus, une autre qualité indéniable du fond, qui contribue également à maintenir l'attention du téléspectateur, c'est l'évolution constante des histoires. Allant toujours vers l'avant, les enjeux, comme les priorités, changent constamment, aucune situation ne restant jamais acquise. Si la lutte de pouvoirs demeure centrale, de nouvelles préoccupations viennent régulièrement bouleverser les alliances préconstituées, parvenant à renouveler les problématiques posées. Si bien que jamais la série ne donne l'impression de tourner en rond. Il faut le souligner, car c'est très impressionnant, pour le téléspectateur, d'observer la façon dont ce vaste récit se façonne et prend peu à peu toute sa dimension, découvrant des rouages et des ressorts scénaristiques insoupçonnés. Grâce à cette belle maîtrise, ces jeux de pouvoirs s'avèrent ne pas être du tout répétitifs, même s'ils s'étendent sur plus de 80 épisodes.

En fait, la série ne se déroule pas d'une seule traite. Au contraire, elle enchaîne de vastes arcs, regroupant plusieurs storylines, entre lesquelles se glissent de brefs épisodes de transition, qui servent de base pour permettre le lancement de l'arc suivant. Schématiquement, on peut diviser le drama en deux grandes parties. La première a une connotation plutôt initiatique, suivant un développement assez classique. Initialement jeune prince hédoniste et privilégié, profitant de la vie sans se soucier des conséquences de ses actes, Jumong va devoir faire face à ses premières douloureuses expériences de la vie, devenant peu à peu un guerrier accompli. A la frivolité des débuts succède la prise de conscience du poids de la destinée qui pèse sur lui, alors qu'il découvre l'héritage laissé par son vrai père. Cette première partie se déroule principalement à Puyo, sur fond de concurrence exacerbée entre les différents princes pour s'imposer comme l'héritier désigné du roi Kumhwa. Les intrigues de Cour ont ici une importance prépondérante.

La seconde partie marque l'émancipation véritable de Jumong. Il se décide finalement à embrasser la voie tracée par son père. S'assignant un rôle de protecteur des migrants du Josun Antique, il quitte Puyo pour fonder une nouvelle nation, coupant ainsi ses liens avec le royaume où il a grandi. D'une concurrence interne de succession, le coeur du drama se déplace alors vers un conflit entre tribus et nations. Recréant l'armée du Damul, Jumong se pose en adversaire des Han affaiblis dans la péninsule et va peu à peu conquérir un territoire qui deviendra à terme Goguryeo, un nouveau royaume devenu adversaire de Puyo. N'ayant plus rien de l'innocence inconsciente des premiers épisodes, Jumong est désormais un meneur d'hommes et un chef de guerre accompli.

La force du récit est de nous permettre d'apprécier l'évolution de toute une galerie de personnages très divers. A mesure que chacun doit faire face à de nouvelles épreuves que la vie place devant lui, la tonalité de l'histoire prend un tour plus mature, l'importance des enjeux étant démultipliée.

jumong5.jpg

Cette évolution de l'atmosphère du drama, de l'insouciance de la jeunesse jusqu'aux difficiles décisions nécessaires, prises grâce à l'expérience acquise, est une des raisons pour laquelle suivre Jumong dans la continuité se révèle particulièrement passionnant. Le téléspectateur est finalement le témoin privilégié de cette progressive maturation des différents personnages. Nous voyons la façon dont leurs propres choix les construisent peu à peu, les menant sur un chemin qui va leur permettre d'accomplir de grandes choses. Je dois dire que c'est un sentiment très agréable de voir ainsi parfaitement récompensé son investissement devant cette longue fresque historique, en observant la réalisation de ces différentes destinées.

Outre l'ampleur du récit, ce qui retiendra l'attention, cela va être aussi l'attachement du téléspectateur à l'égard des différents personnages. Jumong offre en effet une galerie très hétéroclyte de personnalités diverses, pour lesquelles il est facile de ressentir une empathie spontanée. Le format long devient ici une opportunité : il permet de mettre chacun en valeur, ne se cantonnant pas à la poignée de personnages principaux. Si bien que tous les personnages récurrents - les morts étant finalement - paradoxalement - assez rares dans les deux premiers tiers de la série - ont des occasions de s'illustrer, tant en bien qu'en mal, suivant le camp dans lequel ils se trouvent. Tous deviennent rapidement des piliers presque immuables, dont les allégeances peuvent fluctuer, mais qui demeurent des points de repères solides pour le téléspectateur.

Plus anecdotique, mais tout aussi appréciable, la longueur de la série est aussi une occasion de retenir la plupart des noms propres utilisés, des personnes comme des clans en cause ; l'histoire est alors plus facilement accessible que dans des dramas plus condensés, où le téléspectateur peut se perdre.

jumong11.jpg

Jumong exploite donc pleinement les 81 épisodes qui lui sont alloués. Cette durée permet au récit d'alterner les ambiances. L'écriture mûrit avec ses personnages. La densité de ses storylines lui offre la possibilité d'alterner les genres et de proposer une palette très riche au téléspectateur. Ce drama apparaît, par bien des aspects, assimilable à un récit initiatique. Mais s'y mêlent aussi la passion et l'irrationnalité d'histoires d'amours impossibles, malmenées par les évènements. Les luttes de pouvoir bouleversent régulièrement toutes les certitudes, ne faisant jamais oublier qu'elles sont à l'origine de tout et que c'est d'elles dont dépendent tous les personnages. Ces luttes politiques prennent parfois (voire même souvent) un tour militaires, la série traversera ainsi plusieurs guerres. Mais, plus que tout, Jumong contient toute la symbolique de la fondation d'une nation nouvelle. Tout le drama tend vers cette finalité, les personnages surnageant dans le tourbillon de l'Histoire et du destin.

Il est donc difficile de classer Jumong de façon arrêtée : la série mélange les genres, faisant se succéder des storylines aux tonalités très différentes. C'est incontestablement un des aspects les plus enrichissants pour le téléspectateur qui, finalement, trouvera logiquement toujours des éléments scénaristiques qui lui conviendront. Seule une fresque aussi imposante peut offrir cette extrême diversité. De plus, ce constat renforce le sentiment que la série forme véritablement un tout complet, qui a su exploiter pleinement l'ensemble de son potentiel.

jumong4.jpg

A partir du caractère assez théâtral du contenu de la série, il est logique que la forme s'y adapte : la réalisation est logiquement assez figée, surtout pour les scènes se déroulant en intérieur. On identifie ainsi plusieurs lieux clés qui vont s'imposer comme les pièces incontournables où les discussions les plus déterminantes auront lieu (qu'il s'agisse de la salle du trône ou des diverses chambres des principaux protagonistes). En extérieur (une bonne partie du drama s'y déroule quand même), les batailles sont correctement chorégraphiées, de façon assez sobre, sans effets de style inutiles. L'image est moins chatoyante et contrastée que dans des dramas historiques plus récents (la série date pourtant seulement de 2006-2007), mais un soin certain a été apporté tant aux décors qu'aux costumes ; ce qui assoit de façon convaincante l'univers ainsi recréé. En somme, en dépit d'un classicisme un peu pesant par moment et qui peut paraître daté par certains aspects, la réalisation est très correcte et sert bien l'histoire.

Mais le véritable point fort de Jumong réside dans sa bande-son. Comme dans beaucoup de dramas coréens, celle-ci se révèle superbe, avec plusieurs chansons ou musiques particulièrement marquantes qui ne pourront laisser pas indifférent le téléspectateur. Qu'il s'agisse de refléter la tonalité épique du moment, la tragédie d'amours brisés ou le deuil engendré par la perte d'êtres chers, tous les instants clés de la série bénéficient d'accompagnements musicaux d'excellente facture. J'ai d'ailleurs récupéré les 2 volumes de l'OST, indépendamment du drama, et les musiques s'écoutent également seules, sans perdre ni leur charme, ni leur attrait.

jumong3.jpg

Enfin, terminons cette présentation sur le casting. Si le jeu des acteurs apparaît, dans certaines scènes, dans la continuité du style théâtral choisi, un brin figé, la série bénéficie cependant d'excellentes performances de la part de l'ensemble de ses acteurs, à commencer par celui qui incarne le héros : Song Il Gook (Emperor of the Sea, Lobbyist, Kingdom of the winds). S'il s'agit du premier drama dans lequel je le croise, j'avoue avoir été vraiment fascinée par la progressive métamorphose qu'il est capable de retranscrire, de la naïveté teintée d'insouciance des premiers épisodes, jusqu'au leader marqué par les drames, sur lequel pèsent toutes les épreuves qu'il a dû traverser. Qu'il s'agisse de jouer dans un registre léger plutôt comique ou d'imposer sa présence dans des moments véritablement dramatique, Song Il Gook est vraiment convaincant et parvient à faire naître instantanément l'empathie du téléspectateur à l'égard de son personnage. A ses côtés, la belle Han Hye Jin (JeJoongWon) incarne avec beaucoup d'autorité et une certaine froideur, la troublante Soh Suh No, la fille du chef de Keru, un important marchand, dont la destinée semble liée à celle de Jumong ; leur amour réciproque se heurtera constamment aux aléas de leur vie tumultueuse.

Derrière ce couple phare, la galerie particulièrement riche de personnages est, comme je l'ai déjà évoqué, très bien mise en valeur grâce au format : la longueur de la série permettant d'offrir un temps d'antenne important à chacun. Les rôles féminins, dont les manigances en coulisses sont peut-être encore plus déterminantes que celles de leurs époux, sont parfaitement tenus, qu'il s'agisse de Lady Yuwha, incarnée par Oh Yun Soo (The Queen returns), de l'insupportable reine Wan Hoo, jouée par Kyun Mi Ri, ou encore de la douce, mais si déterminée, Yesoya (Song Ji Hyo, vue dans Goong). Le concurrent principal de Jumong, le prince Daeso, dont les crises de colère sont souvent fatales, est incarné efficacement par Kim Seung Soo (dernièrement dans Good Job, Good Job). Enfin, l'ambivalent roi Khumwa est interprété par Jun Kwang Ryul (Swallow the sun).

jumong7.jpg

Bilan : Jumong est une véritable épopée au sens noble du terme. Traditionnel tant sur la forme que sur le fond, il s'agit d'un drama historique composé d'ingrédients classiques, mais dont le mélange prend vraiment bien. Doté d'une mise en scène assez théâtrale, imposant une certaine distance avec les protagonistes, le téléspectateur n'en est pas moins emporté par le souffle épique qui traverse ce grand récit. En dépit de sa longueur, le scénario se révèle solide dans la durée, s"exécutant sans temps mort et offrant ainsi une belle récompense pour l'investissement du téléspectateur. Construit en plusieurs grands arcs, bénéficiant de phases où l'histoire s'accélère considérablement, rendant intenable toute attente pour regarder l'épisode suivant, ce drama est admirablement bien maîtrisé sur le plan narratif.

Si j'ai bien conscience que la longueur peut a priori quelque peu rebuter, je dois avouer qu'il n'en est que plus gratifiant de suivre un récit qui ne déçoit pas et prouve que la réalisation de ces 81 épisodes se justifiait pleinement. Jumong n'est pas une série à "engloutir" d'une traite. Il s'agit d'un investissement de plusieurs mois, qu'il faut prendre le temps de savourer, et que l'on regardera en parallèle d'autres dramas, en y consacrant une soirée par semaine, par exemple. Si vous n'avez rien contre les dramas historiques, vous ne regretterez certainement pas l'aventure : laissez-vous prendre au jeu de cette grande fresque !


NOTE : 7,5/10


Un aperçu de l'OST avec la superbe chanson clôturant chacun des épisodes :


Un MV reprenant des images des premiers épisodes :