07/02/2010
(K-Drama) Jumong (The Book of Three Han) : fresque épique sur la fondation d'une nouvelle nation
Je ne vous cache pas m'être sentie plutôt contente en visionnant le dernier épisode de Jumong. Non que la lassitude me gagnait, la série sachant se renouveler constamment pour poser de nouveaux enjeux, mais il s'agit, de loin, du plus long drama asiatique que j'ai regardé jusqu'à présent : 81 épisodes. C'est que, mine de rien, cela demande un certain investissement (pas seulement en temps) ! Si bien qu'une fois l'histoire terminée, le sentiment de vide, en quittant un univers désormais trop bien connu, se dispute à la satisfaction d'avoir suivi et apprécié jusqu'au bout cette longue, mais fascinante, épopée.
Toujours est-il que je pense quand même attendre quelques mois avant d'attaquer Kingdom of the Winds, histoire de laisser reposer un peu tout cela ; et je vais probablement plutôt me concentrer sur des dramas contemporains dans les prochaines semaines.
Voici donc pour ce dimanche asiatique, une critique complète de Jumong (garantie sans spoilers). *Je dois vous avouer que l'heure tardive à laquelle je poste ce billet s'explique en grande partie en raison du terrible dilemme auquel j'ai dû faire face : condenser tout ce que j'aimerais écrire sur ce drama en une seule note !*
Cette série, également intitulée The Book of Three Han : The Chapter of Jumong, se propose de nous raconter la fondation du royaume de Goguryeo (Koguryŏ), au Ier siècle avant J.-C., par Jumong. Ce royaume fut ensuite un des trois, avec Baekje (Paekche) et Silla, à dominer la péninsule coréenne durant plusieurs siècles, au cours d'une période que l'on désigne aujourd'hui sous le nom des Trois Royaumes de Corée. Avec ce récit, nous revisitons donc un des mythes fondateurs de ce pays.
Au Ier siècle avant J.-C., le territoire, divisé en de nombreux clans et tribus, subit l'influence chinoise de la dynastie des Han, qui a notamment conquit le Josun Antique. Ses habitants, désormais persécutés et appelés les "migrants", ont été réduits en esclavage par leurs conquérants. Cependant, leur espoir fut ranimé par un chef de guerre devenu légendaire, Hameosu, qui leva une armée, l'armée du Damul, pour combattre les Han et remporta plusieurs victoires contre l'Armée de Fer. Allié au prince héritier du royaume de Puyo, Kumhwa, Hameosu fut cependant trahi par le père de ce dernier avant de mener la dernière bataille.
Ce héros de la lutte pour les migrants considéré comme mort, Kumhwa recueillit à Puyo l'amante de son ami, Yuwha, afin qu'elle devienne sa concubine. Yuwha était alors déjà enceinte de Hameosu. Fidèle à sa promesse, Kumwha accepta d'élever l'enfant, appelé Jumong ("grand archer") en hommage à son père, comme son fils. Il reçut une éducation royale aux côtés des deux autres garçons du roi. Mais, l'âge adulte approchant pour les trois jeunes hommes, l'enjeu successoral devient progressivement central. Tandis que les rivalités de personnes s'enveniment, la destinée de chacun va se mettre en marche. Le rêve de Hameosu de fonder une nouvelle nation et de restaurer le Josun Antique, en repoussant les Han, pourra-t-il voir le jour ?
Jumong est un drama historique au sens traditionnel du terme. Si la série n'a aucune peine à maintenir une tension constante qui retient l'attention du téléspectateur, elle le fait en utilisant les codes très classiques de ce genre. La narration passe ainsi par une mise en scène théâtrale, ce qui donne donc des scènes relativement figées. Pour autant, paradoxalement, l'intensité émotionnelle des tragédies et de l'Histoire en mouvement n'est en rien amoindrie par ce traitement platonique des intrigues. L'empathie pour les personnages est bien réelle ; et le téléspectateur n'a aucun mal à ressentir, lui aussi, les foudres de la politique et de la passion qui s'abattent et s'affrontent.
Dans les différents types du genre historique, Jumong pourrait sans doute être classé comme une série d'intrigues de Cour. Certes, les batailles sont bien présentes et plusieurs arcs fondamentaux ont lieu en extérieur. Mais dans l'ensemble, ce sont dans les recoins des divers palais royaux, de Puyo à Hyunto, en passant par Keru, que se joue le sort des personnages. Sans se priver de phases d'action, le drama trouve rapidement un dosage convaincant, parvenant à trouver un équilibre entre complots de couloirs et parenthèses de combats décisives.
Il se dégage de l'ensemble un véritable souffle épique dans lequel le téléspectateur n'a aucun mal à se laisser emporter, pleinement conscient de l'importance des enjeux. Avouons-le, je craignais a priori un peu la longueur de cette série. Mais Jumong s'est révélé en fait prenant de bout en bout, quasiment sans temps mort. Ce drama s'apparente en réalité à une vaste épopée, que l'on pourrait comparer à un épais roman découpé en chapitres... C'est ce qui donne une impression de densité au récit, de laquelle il est difficile de se détacher une fois happé par l'histoire. La construction des intrigues accentue d'ailleurs ce sentiment : se déroulant toujours sur plusieurs niveaux, jouant sur les intéractions de diverses sphères de personnages, elles ne sont pas confinées sur un seul épisode. Par ce biais, la série se rapproche d'une chronique, divisée en un certain nombre de grands arcs scénaristiques (les chapitres).
De plus, une autre qualité indéniable du fond, qui contribue également à maintenir l'attention du téléspectateur, c'est l'évolution constante des histoires. Allant toujours vers l'avant, les enjeux, comme les priorités, changent constamment, aucune situation ne restant jamais acquise. Si la lutte de pouvoirs demeure centrale, de nouvelles préoccupations viennent régulièrement bouleverser les alliances préconstituées, parvenant à renouveler les problématiques posées. Si bien que jamais la série ne donne l'impression de tourner en rond. Il faut le souligner, car c'est très impressionnant, pour le téléspectateur, d'observer la façon dont ce vaste récit se façonne et prend peu à peu toute sa dimension, découvrant des rouages et des ressorts scénaristiques insoupçonnés. Grâce à cette belle maîtrise, ces jeux de pouvoirs s'avèrent ne pas être du tout répétitifs, même s'ils s'étendent sur plus de 80 épisodes.
En fait, la série ne se déroule pas d'une seule traite. Au contraire, elle enchaîne de vastes arcs, regroupant plusieurs storylines, entre lesquelles se glissent de brefs épisodes de transition, qui servent de base pour permettre le lancement de l'arc suivant. Schématiquement, on peut diviser le drama en deux grandes parties. La première a une connotation plutôt initiatique, suivant un développement assez classique. Initialement jeune prince hédoniste et privilégié, profitant de la vie sans se soucier des conséquences de ses actes, Jumong va devoir faire face à ses premières douloureuses expériences de la vie, devenant peu à peu un guerrier accompli. A la frivolité des débuts succède la prise de conscience du poids de la destinée qui pèse sur lui, alors qu'il découvre l'héritage laissé par son vrai père. Cette première partie se déroule principalement à Puyo, sur fond de concurrence exacerbée entre les différents princes pour s'imposer comme l'héritier désigné du roi Kumhwa. Les intrigues de Cour ont ici une importance prépondérante.
La seconde partie marque l'émancipation véritable de Jumong. Il se décide finalement à embrasser la voie tracée par son père. S'assignant un rôle de protecteur des migrants du Josun Antique, il quitte Puyo pour fonder une nouvelle nation, coupant ainsi ses liens avec le royaume où il a grandi. D'une concurrence interne de succession, le coeur du drama se déplace alors vers un conflit entre tribus et nations. Recréant l'armée du Damul, Jumong se pose en adversaire des Han affaiblis dans la péninsule et va peu à peu conquérir un territoire qui deviendra à terme Goguryeo, un nouveau royaume devenu adversaire de Puyo. N'ayant plus rien de l'innocence inconsciente des premiers épisodes, Jumong est désormais un meneur d'hommes et un chef de guerre accompli.
La force du récit est de nous permettre d'apprécier l'évolution de toute une galerie de personnages très divers. A mesure que chacun doit faire face à de nouvelles épreuves que la vie place devant lui, la tonalité de l'histoire prend un tour plus mature, l'importance des enjeux étant démultipliée.
Cette évolution de l'atmosphère du drama, de l'insouciance de la jeunesse jusqu'aux difficiles décisions nécessaires, prises grâce à l'expérience acquise, est une des raisons pour laquelle suivre Jumong dans la continuité se révèle particulièrement passionnant. Le téléspectateur est finalement le témoin privilégié de cette progressive maturation des différents personnages. Nous voyons la façon dont leurs propres choix les construisent peu à peu, les menant sur un chemin qui va leur permettre d'accomplir de grandes choses. Je dois dire que c'est un sentiment très agréable de voir ainsi parfaitement récompensé son investissement devant cette longue fresque historique, en observant la réalisation de ces différentes destinées.
Outre l'ampleur du récit, ce qui retiendra l'attention, cela va être aussi l'attachement du téléspectateur à l'égard des différents personnages. Jumong offre en effet une galerie très hétéroclyte de personnalités diverses, pour lesquelles il est facile de ressentir une empathie spontanée. Le format long devient ici une opportunité : il permet de mettre chacun en valeur, ne se cantonnant pas à la poignée de personnages principaux. Si bien que tous les personnages récurrents - les morts étant finalement - paradoxalement - assez rares dans les deux premiers tiers de la série - ont des occasions de s'illustrer, tant en bien qu'en mal, suivant le camp dans lequel ils se trouvent. Tous deviennent rapidement des piliers presque immuables, dont les allégeances peuvent fluctuer, mais qui demeurent des points de repères solides pour le téléspectateur.
Plus anecdotique, mais tout aussi appréciable, la longueur de la série est aussi une occasion de retenir la plupart des noms propres utilisés, des personnes comme des clans en cause ; l'histoire est alors plus facilement accessible que dans des dramas plus condensés, où le téléspectateur peut se perdre.
A partir du caractère assez théâtral du contenu de la série, il est logique que la forme s'y adapte : la réalisation est logiquement assez figée, surtout pour les scènes se déroulant en intérieur. On identifie ainsi plusieurs lieux clés qui vont s'imposer comme les pièces incontournables où les discussions les plus déterminantes auront lieu (qu'il s'agisse de la salle du trône ou des diverses chambres des principaux protagonistes). En extérieur (une bonne partie du drama s'y déroule quand même), les batailles sont correctement chorégraphiées, de façon assez sobre, sans effets de style inutiles. L'image est moins chatoyante et contrastée que dans des dramas historiques plus récents (la série date pourtant seulement de 2006-2007), mais un soin certain a été apporté tant aux décors qu'aux costumes ; ce qui assoit de façon convaincante l'univers ainsi recréé. En somme, en dépit d'un classicisme un peu pesant par moment et qui peut paraître daté par certains aspects, la réalisation est très correcte et sert bien l'histoire.
Bilan : Jumong est une véritable épopée au sens noble du terme. Traditionnel tant sur la forme que sur le fond, il s'agit d'un drama historique composé d'ingrédients classiques, mais dont le mélange prend vraiment bien. Doté d'une mise en scène assez théâtrale, imposant une certaine distance avec les protagonistes, le téléspectateur n'en est pas moins emporté par le souffle épique qui traverse ce grand récit. En dépit de sa longueur, le scénario se révèle solide dans la durée, s"exécutant sans temps mort et offrant ainsi une belle récompense pour l'investissement du téléspectateur. Construit en plusieurs grands arcs, bénéficiant de phases où l'histoire s'accélère considérablement, rendant intenable toute attente pour regarder l'épisode suivant, ce drama est admirablement bien maîtrisé sur le plan narratif.
Si j'ai bien conscience que la longueur peut a priori quelque peu rebuter, je dois avouer qu'il n'en est que plus gratifiant de suivre un récit qui ne déçoit pas et prouve que la réalisation de ces 81 épisodes se justifiait pleinement. Jumong n'est pas une série à "engloutir" d'une traite. Il s'agit d'un investissement de plusieurs mois, qu'il faut prendre le temps de savourer, et que l'on regardera en parallèle d'autres dramas, en y consacrant une soirée par semaine, par exemple. Si vous n'avez rien contre les dramas historiques, vous ne regretterez certainement pas l'aventure : laissez-vous prendre au jeu de cette grande fresque !
NOTE : 7,5/10
Un aperçu de l'OST avec la superbe chanson clôturant chacun des épisodes :
Un MV reprenant des images des premiers épisodes :
21:16 Publié dans (Séries asiatiques) | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : k-drama, jumong, the book of three han, song il gook, han hye jin, kim seung soo, oh yun soo, kyun mi ri, song ji hyo | Facebook |
Commentaires
Superbe article qui donne envie de s'y mettre. Enfin,je me suis un peu calmée avec les historiques, celui que je suis est plutôt moyen "The Reputable Family", du coup je regarde en parallèle "Iris" histoire de changer de style (mais l'intrigue reprend un peu trop "Alias", j'ai l'impression d'avoir déjà tout deviné ^^) et "Dexter" (ça fait du bien de se replonger dans une série US de temps en temps).
Écrit par : Lynda | 01/03/2010
Et c'est re moi ! Bon alors d'abord pour tous les compliments, je suis ravie que tu te sois retrouvée dans ce que j'ai écrit. ^_^ Comme toi Jumong fait partie de mes dramas historiques favoris (entre-temps j'ai aussi fini The Legend... encore un drama grandiose !) et je pense avoir du mal à trouver mieux que cette fresque épique. J'ai entendu beaucoup de bien de Queen Seon Duk et nombreux sont qui disent qu'il est l'un des seuls K-dramas historiques à pouvoir rivaliser avec Jumong... à voir donc. Peut-être l'as-tu déjà commencé ? je dois avouer être impressionnée par le nombre de séries que tu sembles commencer, que de pilotes ! Tu vas toujours au bout après ça, ou tu t'arrêtes quand le début ne te dit rien ?! oui, oui, je suis curieuse et impressionnée... je suis contente de moi quand j'arrive à poste un article par mois alors, tu comprendras que j'admire le rythme que tu tiens :p
Écrit par : Laikanou | 05/06/2010
@ Laikanou : Pour Queen Seon Duk, moi qui suis friande de dramas historiques, j'ai eu du mal à accrocher. Je ne sais pas si je l'ai essayé dans une mauvaise période, mais je l'ai mis de côté au bout de 4/5 épisodes. Pourtant j'en entends beaucoup de bien ; je lui redonnerai sans doute sa chance un jour. (Moi aussi j'ai absolument adoré The Legend, d'ailleurs, c'est ce drama qui m'a refait partir dans un cycle de consommation coréenne intensive, alors que j'avais un peu levé le pied en 2009 ^^)
Sinon, cette année, en drama historique, outre Chuno et sa jolie esthétique mais ses problèmes de flottements scénaristiques, j'aime bien la sobriété et le sujet original de Jejungwoon. Sur un ton plus léger, Dong Yi se laisse bien voir également.
Sinon, je te rassure, non, je ne regarde pas tous les dramas que je commence. ^^ En fait, j'ai transposé aux dramas ma pratique téléphagique à l'égard des séries occidentales, comportement que certains appellent "pilotovore". C'est-à-dire que tu testes le pilote (bon, pour les séries coréennes, comme c'est un peu plus lent à démarrer, généralement je regarde les 2 premiers épisodes !), et à partir de là, tu opères une première sélection. C'est une sorte de tri dans la production télévisée qui te permet de rester en contact avec la diversité des fictions et de satisfaire une curiosité sériephile qui en demande constamment.
Après, je ne continue pas tout. Je fais des priorités, puis en fonction de mon emploi, je classe et case mes préférées. Actuellement, en dramas non finis, je regarde et compte aller au bout de Coffee House, Dong Yi, Cinderella's Sister, Bad Guy... En revanche, parmi mes tests de ces derniers mois, je ne suis pas allée au bout (et je ne suis pas sûre de le vouloir) de dramas comme Personal Taste, Prosecutor Princess (mais là, un lobbying intense m'incite à persévérer) ou même Call of my country pour le très récent.
C'est une technique de tri comme une autre. C'est comme ça que je fonctionne pour les séries américaines depuis des années, j'ai reproduit un peu naturellement le schéma, même si ces productions sont différentes.
Après, pour le rythme de publication, comme j'ai instauré la "journée asiatique", cela me force à respecter une échéance. A l'origine, c'était pour un effort de lisibilité des lecteurs (comme j'ai bien conscience que tout le monde ne me suit pas dans mes écarts téléphagiques entre 3 continents), mais maintenant c'est plutôt bien rodé, sauf que j'ai du mal à caser des bilans de saison, car il y a trop de test de pilotes !
Les pilotes ont l'avantage de demander moins de temps que les grands bilans de dramas. Donc c'est pour ça aussi que je peux tenir un rythme de 1 billet par semaine. Ce type de critique a aussi ses détracteurs (on émet un jugement après seulement deux épisodes), mais le but d'une série reste de t'accrocher dès le départ. Et puis, au moins, ça permet d'offrir une première vue sur les dernières nouveautés ; sans que ce soit forcément des jugements définitifs.
Écrit par : Livia | 09/06/2010
Je pense que je me laisserai tenter cet été ! Ca me fera un bon fil rouge dans mes visionnages (surtout que quand on y pense ca fait un peu comme une série occidentale de 4 saisons de 20 épisodes à peu près)... On est pas rebuté par une série à plusieurs saisons alors je ne me laisserai pas abattre pour Jumong !!!
A moi la série historique la plus longue que je n'ai jamais vu...
Écrit par : Nephthys | 11/04/2011
@ Nephthys : Pour les périodes un peu creuses, c'est parfait ! D'ailleurs, on retrouve dans la construction narrative du drama, même s'il a été diffusé en un seul tenant, cette nécessité d'introduire des cycles qui le rapprocherait donc d'une saison occidentale. C'est une sorte de grande épopée avec des chapitres qui se succèdent en quelque sorte. Ca permet au téléspectateur de ne pas se laisser gagner par la lassitude et de se renouveler ainsi constamment !
Et puis c'est vraiment une expérience de savourer de longues oeuvres, en terme de développement et d'attachement aux personnages et à l'univers ! :)
Écrit par : Livia | 15/04/2011
J'ai hâte de me lancer dans l'aventure... Vivement cet été !
Écrit par : Nephthys | 17/04/2011
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