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20/02/2010

(US) Big Love : Under One Roof (saison 4, episode 6)

Fin de semaine chaotique pour ma connexion internet. Si tout devrait rentrer dans l'ordre une fois de retour chez moi, en attendant, postés de façon quelque peu artisanale, voici quelques mots sur le dernier épisode diffusé de Big Love, qui est, je le maintiens, la meilleure série actuellement diffusée dans le petit écran.

La progressive implosion des Henricksons se poursuit presque inexorablement sous les yeux du téléspectateur, chaque semaine s'employant à défier toujours plus profondément le fragile équilibre encore maintenu au sein de la famille polygame.

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Les scénaristes aiment nous rappeler qu'ils n'oublient pas les péripéties passées, faisant régulièrement référence à des évènements des saisons précédentes. Dans ce sixième épisode, c'est carrément un retour - et même plusieurs retours - qu'ils consacrent sous le regard stupéfait du téléspectateur, prouvant, encore une fois, qu'il n'existe pas d'histoires laissées innocemment en suspens. Dans l'immédiat, ce sont les retrouvailles inattendues avec une Anna enceinte qui marquent la petite famille. Si elle ne fut que très brièvement mariée à Bill, elle en a donc gardé les conséquences, sans envisager de renouer, après leur rupture, avec celui qui est le père biologique de son bébé. On retrouve ici l'indépendance Anna que nous avions appris à connaître. Seulement, dans cette folie permanente qui constitue leur quotidien, ni Barb, ni Bill, n'envisagent d'abandonner un enfant conçu dans le cadre de cette union sacrée qu'ils partagent. J'ai beaucoup apprécié cette réintroduction du personnage d'Anna, avec son caractère affirmé et sa distance vis-à-vis de toutes les exigences du mode de vie particulier des Henricksons. Elle a tourné cette page d'expérience polygame avec beaucoup de pragmatisme. Et, au-delà des complications sans fin que cette révélation peut engendrer dans le futur, c'est aussi l'occasion de placer Bill devant des responsabilités qu'il fuit constamment.

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Ce rôle échoue logiquement à Barb, l'épouse la plus légitime sans doute pour adresser à son mari des critiques avec une autorité difficilement remise en cause. Nous le savons, Bill, en dépit de ses fréquents jugements hautains et paternalistes portés sur les différents membres de la famille qu'il régit, n'a jamais fait preuve d'une attitude exempte de tous reproches, le téléspectateur qui s'est souvent braqué contre lui peut en témoigner. Or, Barb, en plaçant Bill devant ses contradictions, va nous procurer le plaisir de dénoncer tout haut ce que beaucoup pensent tout bas derrière leur petit écran, en pointant l'égoïsme de son époux et son habitude de, finalement, toujours servir en premier lieu ses intérêts personnels auxquels il ajuste, souvent inconsciemment d'ailleurs, ceux de sa famille. Le fait qu'il ait couché avec Anna avant même le mariage n'est qu'une petite goutte d'eau dans un vase déjà plein, où le clash avec Ben a joué une influence déterminante dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences sur la relation de Barb et Bill.

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Au-delà de ce fil conducteur, l'épisode regorge encore une fois de scènes incontournables particulièrement marquantes. Margene poursuit sa maturation. En business woman avisée qu'elle devient progressivement, la jeune femme prend des accents de plus en plus épanouies, et surtout "modernes". Elle va même jusqu'à donner des discours féministes sur sa vie et sa réussite professionnelle. Le contraste entre l'environnement familial qu'elle a choisi et ses envolées libérales pose un décalage qui nourrit un peu plus les réflexions du téléspectateur sur le dynamique de cette famille, mais qui amène aussi à se demander jusqu'où Margene ira sur cette voie de l'émancipation : quand est-ce que cette forme de double vie la fera rentrer dans un conflit interne que l'on pressent déjà ?

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Pour ce qui est du conflit interne, le personnage de Nicky s'y enfonce depuis quelques temps. Inénarrable Nicky qui passe encore une fois par toutes les émotions, offrant une série de scènes sortant du lot à son interprète, Chloé Sevigny. Celle où elle explose, lors de sa dispute avec Margene concernant leur expérience de vie respective, est d'une intensité qui laisse le téléspectateur, un instant, sans voix. Un brusque dérapage qui constitue un véritable cri du coeur où Nicky laisse entrevoir l'étendue de ses frustrations, mais aussi tout le malaise existentiel dans lequel elle se débat depuis quelques temps. Une quête identitaire, un déphasage qu'elle ressent jusqu'au plus profond d'elle-même et qu'elle met sur le compte d'une éducation qui a brisé quelque chose en elle, un ressort qu'elle recherche désormais désespérément : en témoigne la scène où elle débarque, avec une tenue ultra-provocante, au mariage de sa mère. Comment ne pas être touché, décontenancé et fasciné, par ces passages surréels où elle cherche sa fille dans ce motel si glauque où les unions ont lieu à la chaîne ? Magnifiquement mis en scène, mais aussi d'une brutalité sous-jacente terrible, vraiment glaciale.

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En parallèle, l'épisode pose les bases d'une intrigue future qui promet d'être déstabilisatrice pour la famille. Ben, voyageant avec ses grands-parents, découvre l'exotisme de Mexico. Mais la famille rencontre de vieilles connaissances, exilées de l'autre côté de la frontière, qu'il aurait mieux fallu ne jamais recroiser pour leur propre bien. Encore une fois, les scénaristes nous prouvent qu'ils n'oublient pas les contentieux des précédentes saisons. Il semble que, dans Big Love, les fantômes du passé soient toujours en mesure de revenir hanter et bouleverser les vies des différents personnages, au moment où on les aurait presque oubliés. La spirale des évènements est presque étourdissante, mais quel plaisir de suivre une série qui réserve tant de moments de jubilation, exploitant à merveille son histoire !

L'épisode nous rappelle enfin que les drames humains ne sont jamais loin. L'aventure homosexuelle d'Alby avec l'homme en charge du fonds de Junniper Creek s'ébruite peu à peu à cause de sa femme. Si le fils de Roman Grant préfère se réfugier encore dans ses illusions et séparer la réalité du monde qui l'entoure de ce petit moment de bonheur qu'il savoure, pour la première fois, aux côtés de son amant, ce dernier se retrouve au coeur d'un conflit interne beaucoup plus intense. La scène finale, dont le caractère poignant laisse le téléspectateur interdit, est terrible.

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Bilan : Un épisode d'une intensité émotionnelle encore une fois particulièrement forte : Big Love devient des plus éprouvantes à suivre. Le contenu est dense, tout s'enchaîne avec une maestria qui n'est désormais plus à prouver. J'ai beaucoup apprécié le fait que la fidélité du téléspectateur soit récompensée par le retour de plusieurs figures des saisons passées.


NOTE : 9/10

17/02/2010

(UK) Being Human : series 2, episode 6

Avec ce sixième épisode, Being Human nous propose un des plus solides épisodes de la série, poursuivant de façon convaincante et cohérente le développement des personnages tout en posant les bases d'une confrontation finale avec l'organisation secrète, dont l'issue promet d'être dramatique.

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Le flashback d'ouverture du jour nous renvoie dans le passé de l'homme en charge de cette chasse aux créatures surnaturelles, expliquant ses motivations de la plus classique des façons : une tragédie personnelle qu'il a transformée en croisade personnelle contre le Mal auquel il associe, en particulier, les vampires. L'épisode s'intéresse tout particulièrement aux rapports qu'il entretient avec Lucy. A ce titre, leurs échanges se révèlent particulièrement intéressants ; au-delà de la gestion des doutes de la jeune femme, l'homme n'apparaît plus comme une simple caricature. A travers plusieurs scènes plus nuancées qu'à l'accoutumée, les scénaristes nous rappellent que tout n'est qu'une question de perspective. En choisissant de l'humaniser en nous exposant le pourquoi de ses vues, ils parviennent à se détacher de l'image trop manichéenne de simple fanatique qu'ils s'étaient jusqu'à présent contentés de dépeindre. Si son opinion n'évoluera plus, si son extrêmisme ne laisse place à aucune hésitation, ses vues apparaissent cependant néanmoins cohérentes.

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Le final de la saison se rapproche petit à petit, et la confrontation de l'organisation avec nos trois héros se rapproche irrémédiablement. Le tournant tragique que l'épisode prend donne une première indication de ce qui nous attend. Le dilemme moral auquel Lucy est confrontée est amené avec un tact bien dosé et une certaine finesse : le développement de la thématique sur les tentations du Malin demeurant un classique indémodable est ici très bien mis en scène. Les choix faits par la docteur lors des révélations de Mitchell sont remis en cause par sa conscience : peut-elle occulter les victimes passées pour un futur en pointillés où elle n'a aucune certitude qu'il ne replongera pas ? Elle se laisse peu à peu convaincre de la nécessité de ne pas dévier de ses plans, de ne pas se compromettre pour les vampires. C'est d'ailleurs en utilisant cet angle que l'ambiguïté de l'épisode prend toute sa force : bien plus que les fantômes, ou même que les loup-garous, les vampires constituent les créatures les plus portées naturellement vers le côté obscur. Celles pour lesquelles la défense est la plus difficile. Si bien que le téléspectateur comprend pleinement les dilemmes à l'oeuvre, peu importe qu'il apprécie certains vampires par ailleurs.

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Les hésitations de Lucy la conduisent finalement à se rallier aux vues de son supérieur. Elle trahira Mitchell, en provoquant indirectement, et dévoilant ensuite, l'existence d'une réunion de tous les vampires de la ville, au cours de laquelle son petit ami est sensé annonce son intention de prendre du recul avec la communauté. C'est l'occasion pour Ivan de prendre toute sa dimension. Mettant parfaitement en valeur cette ambivalence intrigante qui l'entoure, ses derniers échanges avec Mitchell sont parfaitement calibrés. A dessein, ils permettent au téléspectateur de ressentir une certaine empathie, ou fascination, pour ce personnage. Une construction narrative qui permet ensuite de conclure l'épisode sur une des scènes les plus intenses que la série nous ait proposée jusqu'à présent : l'explosion du QG des vampires, la caméra nous laissant contempler, songeur, le cadavre d'Ivan au milieu des débris enflammés jonchant le sol. Le caractère dramatique du moment est particulièrement bien mis en scène, avec une utilisation adéquate d'un aspect formel dont je devrais louer plus souvent les mérites : la musique présente dans Being Human. Cela pose aussi les jalons d'une difficile confrontation à venir, qui va prendre un tour très personnel.

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En parallèle, moins intenses, mais s'intégrant de façon homogène et équilibrées dans l'épisode, les storylines de George et d'Annie apportent également leur lot de d'introspection. C'est tout d'abord le déménagement du loup-garou qui prend un tour très concret, puisque son couple trouve rapidement la maison rêvée pour leur petite famille. Pourtant, le téléspectateur ne peut s'empêcher de penser que cette histoire est d'ores et déjà vouée à l'échec. Le fait que sa petite amie ignore sa vraie nature engendre des mensonges qui fragilisent déjà, au moins virtuellement, la fondation de leur relation. De plus, George lui-même ne peut se cacher constamment les doutes qu'il éprouve devant ce développement très soudain. C'est une fuite en avant dont il commence à mesurer les conséquences. Dans cette perspective, la fille de sa compagne acquière une nouvelle dimension, très appréciable. Loin du cliché de l'enfant se braquant devant un beau-père potentiel, elle fait preuve d'une rare compréhension de la situation, pour délivrer à George un message finalement rempli de sagesse qui le met enfin face à certaines de ses responsabilités.

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Cependant, la palme de l'émotion revient incontestablement à Annie. Ses deux amis évoluant vers d'autres horizons, s'éloignant de la maison, peut-elle rester toujours au même point ? L'épisode va chercher à solder les comptes de la jeune femme. A travers une intrigue très classique, Annie est amenée à formuler ses adieux définitifs à son ancienne vie. Pour refermer ce chapitre, après avoir été confrontée à son meurtrier, puis à la mort-même, les lignes de fin seront écrites avec sa famille. Même si l'on peut regretter les facilités scénaristiques utilisées, ainsi qu'une résolution finalement un peu trop rapide, le téléspectateur ressent pleinement la nécessité symbolique, pour Annie, de tourner cette page. C'était un préalable incontournable, avant même de songer à imiter George et Mitchell.

Tout est désormais en place pour la dernière ligne droite de la saison.

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Bilan : Rarement un épisode de Being Human se sera conclu sur un enchaînement de scènes aussi ambitieuses, prenantes et, en un sens, émouvantes. Rarement la téléspectatrice que je suis aura eu aussi envie d'être le dimanche suivant pour découvrir la suite. Les ingrédients pour nous offrir un final explosif sont désormais clairement posés, la progression de l'intrigue se poursuivant sans temps morts. Mine de rien, la série aura atteint, avec cette deuxième saison, une dimension que nous n'avions fait qu'entre-apercevoir lors de la première. Peut-être Being Human commence-t-elle à prendre pleinement la mesure de son potentiel ?


NOTE : 8,5/10

16/02/2010

(Pilote US) How to make it in America : un Entourage made in New York ?

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HBO lançait hier soir une nouvelle série : How to make it in America. Elle s'inscrit dans la lignée de ses classiques dramédies, à l'ambiance un peu indéfinissable et aux épisodes d'une durée d'une demi-heure, que la chaîne câblée américaine propose depuis quelques saisons. Présentée dans les médias comme un Entourage se déroulant à New York au lieu de Los Angeles, il faut reconnaître que ce parallèle s'impose rapidement à l'esprit du téléspectateur découvrant ce pilote. Les deux séries n'ont pas seulement une filiation commune, dotées des mêmes producteurs exécutifs, How to make it in America emprunte un certain nombre d'ingrédients qui ont forgé l'identité de son aînée, sur le fond comme sur la forme.

Ne disposant que de huit épisodes pour convaincre, cette série se propose de nous faire suivre la vie de deux jeunes gens, Ben Epstein et Cam Calderon, qui approchent de la trentaine, mais qui sont un peu restés à l'entrée de l'âge adulte. Autour d'eux, ils ne peuvent que constater que leurs amis et autres connaissances commencent peu à peu à faire leur vie et à concrétiser leurs projets. Entre petits jobs et combines à la petite semaine afin de se faire un peu d'argent, ils cherchent encore leur voie. How to make it in America va suivre leurs tribulations pour parvenir à vivre, à leur manière, une partie de ce "rêve américain".

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Ce pilote prend le temps de poser les bases du milieu dans lequel évoluent les deux héros, remplissant une fonction d'exposition classique, tout en s'efforçant d'installer l'ambiance générale de la série. De leurs problèmes de coeur à leurs soucis d'argent, l'épisode introduit, parfois de façon assez sibylline, sans toujours s'y arrêter, toutes les préoccupations qui rythment, ou perturbent, actuellement la vie de Ben et Cam. Si tout apparaît plutôt bien huilé, l'ensemble sonne d'une façon très convenue. Et ce n'est pas l'écriture des dialogues, dont les répliques fusent, certes, avec une spontanéité sympathique, qui va remettre en cause cette impression de déjà vu.

Si le parallèle avec Entourage est aisé - presque un réflexe - , c'est que l'on retrouve, dans ce buddy show, le même souci de parvenir à recréer une atmosphère supposée typique, celle qui règne dans la ville où la série se déroule. L'objectif affiché est de capturer l'ambiance si particulière de la Big Apple. De l'insertion d'images traditionnellement associées à New York jusqu'à la bande-son, un brin entêtante, qui marque les transitions au sein du fil narratif, la marque de fabrique d'Entourage paraît bel et bien présente.

Seulement, nous sommes ici en terrain très connu. Cela est autant dû au caractère très (trop ?) calibré du show, qu'au fait qu'un grand nombre de fictions se sont essayées, avant elle, à nous présenter New York. Comme la plupart des ficelles scénaristiques employées sont d'un classicisme extrême qui confine au stéréotype, il faut accepter, dès le départ, que l'intérêt de How to make it in America ne réside pas dans une quelconque recherche d'originalité. Simplement, derrière cette apparente banalité, le téléspectateur est invité à jouer le jeu et à se glisser aux côtés de nos deux héros. On touche là sans doute à l'enjeu déterminant de la série : si Entourage a entrepris de démystifier Hollywood, ici, le décor citadin est plus terne, moins clinquant. Et il n'y a pas Ari. La recette peut-elle prendre ?

Côté casting, aucun acteur ne dépareille, ni ne s'impose vraiment dans ce pilote, où il n'y a pas spécialement matière à briller. Pour incarner le duo principal, nous retrouvons Bryan Greenberg (de la défunte October Road) et Victor Rasuk (quelques épisodes d'Urgences). A leurs côtés, on croise des têtes connues du petit écran : Luis Guzman (John From Cincinnati), Eddie Kaye Thomas ('Till Death), Lake Bell (Boston Legal, Surface), Curtiss Cook (des tas d'apparitions en guest-star) ou encore Jason Pendergraft.

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Bilan : Il est difficile de se faire une idée sur l'orientation future de la série au vu de ce seul pilote. En effet, l'épisode se regarde, certes, sans arrière-pensée et de manière pas déplaisante. L'ambiance est plutôt sympathique, le rythme assez accrocheur. Mais - comme après de trop nombreux épisodes d'Entourage, si j'ose le parallèle jusque là -, une fois l'épisode visionné, j'ai surtout conservé une étrange impression de vide, caractérisée par une incapacité à matérialiser son contenu.

Au vu de ce pilote, How to make it in America peut très bien se révéler une dramédie noire agréable, mais, pour le moment, la série a seulement esquissé les bases d'un "buddy show" sans conséquence. Cela mérite-t-il trente minutes d'investissement hebdomadaire ? La brièveté de cette première saison, composée de seulement huit épisodes, pourrait être salvatrice, car parfaitement adéquate à la densité du contenu proposé.


NOTE : 4,5/10


La bande-annonce de la série :


Le générique :

14/02/2010

(J-Drama) Nobuta wo Produce : une fable universelle sur l'amitié

Jusqu'à présent, dans le cadre des dimanches asiatiques, je ne vous ai parlé que de séries coréennes. Ce qui a pu vous donner l'impression erronée que je ne suis jamais allée au-delà de cette péninsule en Asie. En réalité, mon attrait coréen est somme toute assez récent, puisqu'il date surtout de l'année dernière. Aujourd'hui, c'est un post de retour aux sources que je vous propose (chronologiquement, je concède qu'il est probable que j'aurais dû commencer par là).

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C'est par le Japon que j'ai découvert les séries asiatiques, il y a de cela 3-4 ans. En fait, j'y suis arrivée de façon peut-être un peu atypique, emportée par ma téléphagie. Car, a priori, je ne corresponds pas trop au profil classique d'amateurs des dramas de ces nationalités. Je n'avais jamais manifesté de véritable intérêt pour l'Asie auparavant. Tout juste le cinéma permettait-il d'entre-ouvrir une porte vers les fictions de ces pays, les films de Wu Xia Pian ou les Miyazaki m'ayant conduit plus d'une fois dans les salles obscures. Mais, à côté, je n'avais quasiment jamais lu de mangas de ma vie (ce qui n'a pas changé, d'ailleurs, depuis). J'ignorais tout aussi de l'entertainment asiatique, n'ayant jamais entendu parler de jpop ou de kpop avant de mettre un pied dedans (il faut dire que je n'ai jamais été très branchée musique). Et mon expérience avec la japanimation était principalement issue d'un passé chargé par des heures passées devant les programmes de jeunesse de TF1, à une époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître, où les dessins animés japonais trustaient toutes les matinées.

Bref, je n'avais vraiment aucune prédisposition asiatique a priori. J'étais, au mieux, complètement ignorante. Cependant, via des forums ou des blogs de téléphagie "généraliste", je croisais de temps en temps d'intrigants articles évoquant un pan inconnu de la sériephilie et employant un vocabulaire qui m'était tout aussi étranger. De fil en aiguille, se réveilla en moi la curiosité associée à tout instinct de téléphage. Certes, je ne savais pas où je mettais les pieds. Je manquais cruellement de connaissances et de références culturelles ; mais quoi de plus excitant que de partir à l'aventure en des terres sériephiles inconnues ? Pourquoi ne pas tenter une brève incursion pour découvrir en quoi consistaient concrètement ces fictions qui paraissaient très diversifiées ? Qui sait, je pourrais peut-être même apprécier...

Une fois la résolution prise, j'ai ensuite cherché la série adéquate pour débuter. Là encore, un rapide balayage synthétique des forums et blogs m'avait appris l'importance de ce premier contact, mais aussi qu'il existait un certain nombre de "dramas clés" particulièrement bien indiqués. Il fallait une thématique suffisamment universelle pour parler à mon esprit d'occidentale, surtout pour une personne aussi profane que moi. Après diverses hésitations, mon choix s'arrêta sur un drama, jouissant d'une assez bonne réputation et en apparence suffisamment neutre pour ne pas provoquer de chocs culturels trop importants. Il se déroulait en plus dans un des rares cadres dont j'avais quelques souvenirs via les dessins animés : le lycée. Les high school dramas furent d'ailleurs, au cours de mon premier été asiatique, le genre prédominant que je découvris (une ère qui est révolue depuis). Il s'agissait de Nobuta wo Produce (oui, un des grands classiques pour commencer).

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Quand j'y repense après toutes ces années, je me dis que ce premier visionnage comprenait une part de naïveté confondante, assez touchante au fond. Il y avait une excitation presque inexplicable, un quasi-émerveillement d'avoir enfin sauté le pas et de me retrouver devant ce décor entièrement nouveau. C'étaient une langue inhabituelle, des moeurs particulière et un environnement, à la fois familier et si différent, de ce que je pouvais connaître.

Je me demande si je pourrais un jour avoir le moindre recul critique sur Nobuta wo Produce, tant cette série occupe une place à part dans la construction de ma téléphagie. Elle est une de ces pierres, fondatrices d'un nouvel édifice, et restées, pour cela, chères à mon coeur. Je n'ai d'ailleurs jamais osé la revoir depuis, de crainte de briser le mythe idéalisé que mon esprit a forgé autour. De peur que 20, 30 dramas plus tard, des situations qui m'avaient tant touché sur le moment, me paraissent soudain d'une plate banalité. Nobuta wo Produce reste protégée dans mes souvenirs, un petit îlot utopique et inaccessible, jouissant d'un souvenir sans doute autant conjoncturel que lié à sa qualité indéniable.

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Cette série, datant de 2005, est composée de 10 épisodes. Elle nous raconte une histoire classique, assez universelle : il s'agit d'une fable sur l'amitié, entre trois élèves aux personnnalités très différentes. Nobuko Kotani (Horikita Maki) vient d'arriver dans ce nouveau lycée. Timide et effacée, ne parlant quasiment jamais, elle devient rapidement le souffre-douleur de ses camarades (subissant un ijime). Parallèlement, Shuji Kiritani (Kamenashi Kazuya) est, à l'opposé, le garçon le plus populaire de l'établissement. Toujours entouré, il se sent pourtant profondément isolé, en marge des autres élèves avec lesquels il traîne et pour lesquels il joue la comédie du lycéen parfait, leur présentant l'image qu'ils attendent de lui. Akira Kusano (Yamashita Tomohisa) se situe, lui, à part, assez étrange et cultivant sa marginalité. Il essaye, maladroitement, de se rapprocher de Shuji. Finalement, à la suite d'un enchaînement de circonstances, ces trois étudiants très différents vont se réunir en se fixant un challenge : parvenir à rendre Nobuko populaire. Un fil rouge à l'origine d'une belle amitié.

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Nobuta wo produce propose une histoire profondément humaine, d'une simplicité à la fois désarmante et rafraîchissante, qui n'en demeure pas moins très intéressante. Le trio principal offre finalement une association quelque peu atypique, d'adolescents très différents qui, ensemble, vont peu à peu mûrir et se découvrir au contact les uns des autres. Le drama met en scène une introspection touchante, qui conduit à l'apprentissage de ce qu'est l'amitié par trois jeunes gens qui n'avaient encore jamais connus de liens aussi forts. Dotée d'une écriture fine, assez subtile, et qui confère une authenticité troublante à l'ensemble, la série n'écarte d'ailleurs pas la logique ambivalence des sentiments réciproques des héros, traçant les contours flous d'un triangle implicite qui n'est pas destiné à se concrétiser. A tâtons, chacun se construit grâce aux autres, apprenant, au fil des évènements, autant sur lui-même que sur ses amis. L'idée initiale, "produire Nobuta", apparaît, en fin de compte, comme le prétexte parfait, une idée presque puérile, anecdotique, qui a permis cette rencontre a priori improbable entre ces trois adolescents.

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Outre cette thématique qui trouve une résonnance universelle, les personnages contribuent grandement à l'attachement que le téléspectateur ressent instantanément pour cette série. Leurs personnalités gagnent en profondeur et en complexité au fur et à mesure que les épisodes introduisent de nouvelles situations, nuançant leurs traits de caractère tout en restant fidèles à ce qu'ils sont. Nobuko ne deviendra jamais une jeune fille extravagante et sûre d'elle, mais elle va peu à peu prendre confiance en elle, apprenant à se tourner vers les autres. Shuji reste attaché aux apparences, tout en comprenant que l'on ne peut mener une vie uniquement basée sur un artifice.  Akira garde ses comportements loufoques et spontanés, tout en découvrant ce que s'attacher à quelqu'un signifie. Tour à tour, drôles, touchants, suprenants ou encore émouvants, ces trois jeunes gens nouent une relation d'amitié difficilement catégorisable, qui ne peut laisser indifférent.

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Au-delà de ce trio principal, c'est l'ambiance générale de la série qui l'impose comme une fiction à part. Elle bénéficie d'un récit qui mélange habilement les tons, passant avec aisance de moments légers à des scènes véritablement poignantes, jouant sur le ressenti et les émotions du téléspectateur comme de ses protagonistes. Le drama utilise d'ailleurs toute la palette de ressorts scénaristiques à sa disposition, n'hésitant pas à introduire quelques scènes très décalées, plutôt déjantées, qui s'intègrent pourtant parfaitement dans la narration. Il parvient également à exploiter au maximum une galerie de personnages secondaires particulièrement riches. Que ces derniers servent de guides ou bien de révélateurs pour nos héros, ils permettent d'ajouter une dimension supplémentaire à l'histoire.

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Concernant le casting, si, à l'époque, je ne les connaissais absolument pas - je n'avais fait aucune recherche avant de regarder la série -, il est inutile de les présenter : tout amateur de j-dramas a déjà croisé les trois acteurs principaux, qui sont des habitués du petit écran japonais. Kamenashi Kazuya, Horikita Maki et Yamashita Tomohisa délivrent ici une performance d'ensemble homogène qu'il faut saluer. Dans cette série, peut-être aidés par la force du thème de départ, ils parviennent à créer à l'écran une réelle alchimie entre eux, si bien que le téléspectateur ressent une empathie instantanée pour ce groupe atypique d'adolescents en quête d'eux-mêmes. D'ailleurs, j'ignore si c'est une conséquence de cette ambiance particulière, mais j'avoue qu'il s'agit du seul rôle dans lequel Yamapi m'ait réellement convaincu en tant qu'acteur (ou alors, je suis mal tombée pour les dramas ultérieurs).

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Bilan : D'une authenticité presque désarmante, Nobuta wo Produce est une série profondément humaine et touchante. C'est une histoire d'une grande simplicité, sur l'adolescence et ses apprentissages, abordant des thématiques connues, au sein desquelles l'amitié occupe une place centrale. Elle offre un récit dont la force réside, tant dans l'attachement instantané ressenti par le téléspectateur, que dans le caractère universel de son thème, qui trouve une résonnance particulière auprès de chacun.


NOTE : 8/10


Un extrait vidéo (en VOSTF) :


Le générique de fin, la chanson Seishun Amigo, par Shuuji to Akira (interprétée par les deux acteurs principaux de la série) :

13/02/2010

(US) Big Love : Sins of the Father (saison 4, episode 5)

Il deviendrait presque prévisible, répétitif, de commencer sa review de Big Love par une onomatopée exclamative de jubilation. Pourtant, ce cinquième épisode de la saison a encore une fois su porter la série toujours plus loin sur la route dangereuse que la famille Henrickson emprunte cette année. Toujours plus loin dans ce tourbillon en apparence presque hors de contrôle, tout aussi fascinant et grisant que déconcertant par moment. Mais la série ne se laisse pas submerger par les excès mis en scène, parvenant à nourrir admirablement une ambiguïté salvatrice dans son traitement des personnages.

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Sur fond de primaires républicaines vécues au pas de course, le fil rouge de l'épisode poursuit sur les conséquences des révélations du précédent et sur cette fameuse scène finale qui avait vu Ben rassembler ses affaires pour quitter le domicile parental, suite au baiser échangé avec Margene. Suivant un schéma désormais éprouvé, sur un modèle presque choral, l'épisode va explorer les réactions de chacun, à mesure que les évènements sont révélés, tel un effet domino destructeur.

Cette crise, sans doute la plus profonde qui ait secoué la famille puisqu'elle remet en cause tous ses fondements, survient, de plus, au plus mauvais moment, alors que le stress lié aux élections est à sa comble. Le téléspectateur se retrouve véritablement happé, presque submergé, dans un tourbillon magistralement mené, qui nous étourdit par son intensité et sa richesse. Heureusement, ce récit mouvementé bénéficie, encore une fois, d'un traitement très humain, qui permet à la série de conserver un ressenti d'authenticité d'autant plus appréciable au milieu de cet apparent chaos.

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"L'exil" de Ben remet en cause la fondation la plus solide de la famille, la première : celle qui unit Bill à Barb. Car si cette dernière fait toujours preuve d'une grande patience, sacrifiant généralement aux désirs de son mari sur l'autel de l'unité familiale, cette fois-ci, la situation est bien différente. C'est cette même famille qui vole en éclat si Bill en exclut un de ses enfants. L'épisode est l'occasion de voir une Barb, les nerfs à fleur de peau, qui perd le contrôle de ses émotions comme rarement.

Toucher à un de ses enfants est un point de non-retour qui fait remonter en elle ses instincts maternels les plus primaires, en témoigne le fait qu'elle défie ouvertement Bill, en pleine convention, mais surtout sa violente réaction à l'égard de Margene.  Jamais Barb n'était apparue aussi excessive ; cette perte de contrôle, à l'image du séisme secouant sa famille, offre un signe supplémentaire de l'effritement de cette dernière. Illustration de ce retournement des choses, c'est finalement auprès d'un Tommy, plus compréhensif qu'à l'accoutumée, que Barb trouve un peu de réconfort. Cette soudaine humanisation de l'Indien, après l'opposition ouverte des premiers épisodes, indique peut-être l'ouverture d'une parenthèse à suivre, dans le futur, entre les deux co-gérants du casino.

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Celle qui subit le plus fortement les conséquences de la crise reste pourtant Margene. Cette dernière fait preuve d'un volontarisme et d'une force de caractère particulièrement affirmés, mue par une résolution forgée au cours des épreuves passées. Blessée par les attitudes de Bill, puis de Barb, elle ne cède pas à l'auto-apitoiement : elle refuse catégoriquement de porter le blâme pour la désagrégation familiale en cours sous ses yeux. L'épisode offre des scènes de confrontation d'une rare violence verbale, même pour une série riche en opposition comme Big Love.

L'obstination de Margene est une preuve supplémentaire de la maturation de la jeune femme, évolution particulièrement sensible depuis le début de saison. Si certaines scènes frisent l'excessif, cette semi-hystérie ambiante sonne pourtant toujours étrangement juste : au vu du modèle familial suivi et des situations rencontrées, il était prévisible que l'accumulation des tensions conduise à ce genre de dialogues quasi-surréalistes, mais qui trouvent leur justification dans toutes les petites rancoeurs passées où le compromis l'avait emporté.

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Alors que ses rapports se dégradent avec ses deux autres épouses, Bill renoue avec Nicky probablement de la plus pernicieuse des manières. En effet, si cette dernière semble désormais revenue à une fonction d'épouse docile, recherchant la maternité, ce qu'exige son mari d'elle va la faire réfléchir sur sa place dans la famille. Lui faire jouer les espionnes chez son adversaire direct, l'obliger à constamment mentir sur son identité qui change au gré des besoins de Bill, c'est aussi ouvrir une boîte de Pandore bien dangereuse, lorsque l'on connaît Nicky et ses blessures passées. Cette dernière s'interroge d'ailleurs sur cette étrange ambivalence dans laquelle elle est confinée.

Le monologue identitaire spontané qu'elle déclame à Barb, avec une distance presque désabusée, est particulièrement révélateur. D'autant que le téléspectateur ne peut se départir de la désagréable impression d'assister à une reproduction de la saison 3, Bill ayant remplacé Roman. Le paternalisme extrême avec lequel Bill traite Nicky, la confortant en la qualifiant de "good girl", tout autant que son instrumentalisation, prouve que les bases de leur relation ne sont toujours pas assainies.

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Mais de façon encore plus marquée que les vacillements de son cocon familial, c'est une réminescence du passé qui vient mettre Bill en face de responsabilités qu'il avait passées l'épisode à fuir, refusant d'admettre qu'il reproduisait ce même désagréable schéma qui l'avait conduit à la rue à 14 ans, jeté hors de chez lui par son père. Le parallèle douloureux s'opère, de manière forcée, à plusieurs niveaux, Big Love prouvant encore une fois sa capacité à densifier à l'extrême son récit.

En toile de fond, un fait divers tragique, mais si classique, sur un "lost boy" de Juniper Creek ramène le débat politique de la convention républicaine sur la question dérangeante de cette communauté sectaire qui vit en marge de la société. Le cas de Ben et le passé de Bill se recoupent implicitement, sous le regard effaré de Lois et de Joey, qui ont l'impression désagréable de revivre une histoire qui les a déjà brisés une première fois. La violente réaction de Lois en apprenant ce qu'il s'était passé entre son fils et son petit-fils est l'illustration poignante de blessures qui ne se refermeront jamais. Pourtant, la confrontation au casino, aussi désagréable qu'elle soit pour Bill, va permettre un progressif électrochoc, amplifié par la basse tactique de son adversaire.

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Le politicien ressort en effet les vieux dossiers de Bill, et plus précisément, son propre passé de "lost boy", cherchant à acculer son adversaire sur cette question sécuritaire. Cette technique va finalement avoir l'effet inverse, permettant une soudaine prise de conscience, peut-être salvatrice pour Bill. Ayant glissé vers le pan le plus détestable de sa personnalité au cours des derniers épisodes, emporté par ses ambitions, le final de l'épisode prend le contre-pied de ce mouvement, surprenant le téléspectateur à éprouver presque une forme de compassion pour un personnage qui a, à l'évidence, perdu le contrôle et semble le comprendre de la plus brutale des manières. Son discours, vibrant d'une sincérité presque touchante, offre une balance bienvenue ramenant Bill sur un terrain plus nuancé.

Dans cette perspective, il faut saluer la conclusion menée de main de maître, occasionnant une empathie émotionnelle rare. En effet, si Bill obtient la nomination tant recherchée, il en saisit en même temps le prix à payer. Le tiraillement entre ambitions professionnelles et institution familiale apparaît désormais flagrant, même pour lui. Et le contraste entre l'euphorie de ses supporters et la contemplation des ruines de sa famille offre une scène finale où la joie et la détresse fusionnent, laissant le téléspectateur sans voix devant une telle intensité.

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Bilan : Un épisode magistral, laissant presque sans voix par moment, où la famille Henrickson implose sous nos yeux, mais parvient à revenir à un équilibre précaire en guise de conclusion. La série utilise l'hypocrisie de Bill, que ce dernier semble incapable de reconnaître, pour parvenir à un contraste étonnant, celui d'un personnage paradoxal en mesure de prendre le téléspectateur de court avec son émouvante prise de conscience finale. Big Love est, comme toujours, placée sous le signe d'une ambiguïté presque déconcertante, mise en scène avec intelligence et nuances suivant une versatilité subtile.


NOTE : 9,5/10