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14/08/2012

(UK) Line of Duty, saison 1 : affrontement au sein de la police sur fond de soupçons de corruption

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La semaine dernière, la journaliste Alison Graham écrivait dans RadioTimes un article expliquant comment à ses yeux BBC2 était devenue numéro 1. Plus précisément, elle faisait ce constat en opposant notamment les deux thriller proposés en Angleterre cet été : Blackout sur BBC1 et Line of Duty sur BBC2. Sur ce point, je suis assez d'accord avec elle : Blackout était une mini-série ambitieuse, avec un solide casting (mené par Christopher Eccleston) qui s'est noyée dans une prétention inutile et des effets de style creux. Je n'ai même pas réussi à finir les trois épisodes qui la composent et ai renoncé à vous en parler sur le coup de la déception.

A l'opposé, sans être parfaite, sans parvenir non plus à flirter avec une certaine excellence comme The Shadow Line (déjà sur BBC2) l'an dernier, Line of Duty aura été une série prenante et efficace qui aura répondu aux attentes que son scénario suscitait. Ecrite par Jed Mercurio, sa première saison est composée de 5 épisodes dont la diffusion a débuté le 26 juin dernier pour s'achever le 24 juillet. Au vu de sa réception, une seconde saison a d'ores et déjà été commandée, et c'est tant mieux.

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Line of Duty débute par la faillite d'une opération anti-terroriste qui tourne mal : un homme innocent est tué dans un assaut contre un appartement qui s'avère ne pas être celui que les renseignements avaient désigné. Steve Arnott dirigeait l'assaut. Refusant de faire comme ses collègues qui peaufinent une version des faits permettant de les exonérer, il se retrouve vite en porte à faux par rapport à eux. Il est alors contacté par Ted Hasting pour rejoindre l'unité anti-corruption au sein de la police, AC-12, ce qu'il accepte.

Steve est alors assigné à une affaire en cours particulièrement délicate : une enquête sur le DCI Tony Gates, qui vient juste d'être décoré pour avoir obtenu, pour la troisième année d'affilée, les meilleures statistiques de résolution d'affaires. Hasting est persuadé que cet extérieur est trop brillant pour être honnête. Une de ses agents, Kate Fleming, travaille d'ailleurs sur le terrain pour infiltrer l'équipe de Gates. Pourtant, tout semble en ordre et Gates ne se préoccupe guère de AC-12. Mais c'est à cause de sa maîtresse, Jackie Laverty, que le policier en apparence sans reproches va mettre le doigt dans un engrenage extrêmement dangereux.

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Line of Duty propose une saison 1 qui monte en puissance tout au long de ses cinq épisodes. Elle accorde un soin tout particulier à son ambiance, dépeignant l'envers de l'institution policière dans laquelle nous sommes immergés : un milieu coincé entre statistiques, bureaucratie, solidarité de corps et ambitions personnelles, avec ses codes, mais aussi ses principes, plus ou moins fluctuants. C'est sans doute parce que la série opte pour une solide introduction qu'elle démarre lentement, prenant le temps de poser le background de chaque personnage avant d'introduire son enquête fil rouge. Elle ne va ensuite cesser de gagner en intensité et en maîtrise au fil des épisodes, délivrant une seconde moitié de saison extrêmement prenante et très bien huilée. Sans éviter certains excès (notamment lorsqu'elle propose quelques aperçus d'une organisation criminelle qui semble avoir le bras long), la série saura bien exploiter son concept de départ : dépassant la simple enquête de corruption, elle se transforme progressivement en face-à-face très personnel entre Arnott et Gates.

Dans le cadre de cette confrontation qui oscille entre défiance réciproque et mépris grandissant, sans que l'on sache jusqu'où les choses peuvent dégénérer, Line of Duty fait le choix judicieux de nous faire suivre les développements de l'histoire suivant les points de vue de chacun des deux hommes. En changeant ainsi constamment de perspectives, le récit s'enrichit de nuances et gagne en recul, se détachant de toute approche manichéenne. Le téléspectateur est un observateur extérieur des forces et des failles de chacun, témoin privilégié d'un affrontement marqué par d'importantes différences d'approche. Le personnage de Gates est sans doute celui qui se révèle être le plus intéressant. Difficile à cerner, imperturbable en façade seulement, il conserve ses nuances : s'il a fait des choix discutables, l'histoire qui le rattrape est un engrenage létal qu'il ne pouvait imaginer et qui le dépasse. Arnott gagne lui en intérêt vers la fin de la saison : tout à sa droiture et refusant toute compromission, il finit par se rendre compte que nul n'est irréprochable ; la bavure initiale qui l'a conduit dans cette unité pèse alors plus lourdement que tout.

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Sur la forme, Line of Duty propose une réalisation relativement classique. La nervosité des plans de la caméra correspond cependant très bien à l'atmosphère tendue recherchée. La photographie adopte une dominante de couleurs froides également adéquate. On est en somme loin des excès surchargés d'effets de Blackout qui a dû rappeler à tout téléspectateur l'ayant testée le bienfait que peut apporter aussi une relative sobriété.

Enfin, Line of Duty bénéficie d'un convaincant casting. C'est tout particulièrement Lennie James (Jericho, The State Within, Hung) qui sort du lot, dans un registre très ambigu d'officier de police en apparence sans histoires dont les erreurs de jugement précipitent la perte. Face à lui, Martin Compston (qui m'avait beaucoup marqué il y a plus d'une décennie dans le film Sweet Sixteen - à une époque où je fréquentais encore beaucoup les salles obscures) met un peu plus de temps à trouver ses marques mais s'en sort globalement bien. Vicky McClure (This is England) apporte une vitalité et une énergie à son personnage qui sont vraiment appréciables. Gina McKee (The Lost Prince, The Forsyte Saga, The Silence) s'impose elle comme un modèle d'ambivalence. Et on retrouve également à leurs côtés Neil Morrissey (Waterloo Road), Adrian Dunbar (Ashes to Ashes), Craig Parkinson (Whitechapel 2, Misfits), Kate Ashfield (Collision), Paul Higgins (Hope Springs), Owen Teale (Kidnap and Ransom), Darren Morfitt (55 Degrees North) ou encore Claire Keelan (No Heroics).

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Bilan : Pointant les limites internes à l'institution policière, Line of Duty relate une histoire sombre d'un abord classique : une enquête sur un officier soupçonné de ne pas respecter les règles, qu'il s'agisse de faire gonfler ses statistiques ou de corruption. Après des début un peu hésitants, la saison trouve progressivement son équilibre et une tension qui ne la quittera plus en se changeant en confrontation entre les deux hommes. A l'investigation mise en scène, se greffe alors un récit d'affirmation et de déchéance où chaque protagoniste s'accroche comme il peut sur la voie qu'il a choisi. Cette saison 1 se bonnifie ainsi pour se conclure sur une fin chargée d'amertume. Je serai donc au rendez-vous pour la saison 2.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

11/02/2010

(Mini-série UK) Affaires d'Etats (The State Within) : jeux de guerre diplomatiques


Classiquement, une immersion dans les coulisses du pouvoir offre toujours une matière première intéressante pour les fictions du petit écran. A partir de cette base de départ attrayante, les essais sont évidemment transformés avec plus ou moins de succès. Parmi les productions proposées au cours de ces dernières années, il en est une que j'avoue revisionner avec toujours beaucoup de plaisir : The State Within (Affaires d'Etat). Il s'agit d'une mini-série, comportant 6 épisodes d'1 heure, qui fut diffusée en 2006 sur BBC1.

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Pour une mini-série britannique, elle a la particularité de se dérouler aux Etats-Unis, s'invitant ainsi dans les coulisses du pouvoir américain. Nous allons traverser aux côtés de l'ambassadeur britannique en poste outre-atlantique, Sir Mark Brydon (Jason Isaacs), une crise majeure entre les deux pays, à la suite d'un attentat perpétré sur le sol américain par d'apparents terroristes bénéficiant de la nationalité anglaise. Disposant d'un scénario à tiroirs, où diverses intrigues s'entrechoquent, pour se révéler, à terme, constituer les pièces d'un même vaste puzzle létal, The State Within offre un contenu vraiment très riche. Quels rapports peuvent être établis entre l'explosion du vol en direction de Londres, la prochaine exécution en Floride d'un vétéran britannique ou encore le décès d'un mercenaire au cours d'un étrange exercice d'entraînement en Virginie ? Une vaste partie d'échecs très dangereuse s'engage, dont Brydon ignore initialement les réels enjeux.  Gérant habilement ces différentes storylines a priori déconnectées, tout en alternant les tons, la complexité croissante de l'histoire s'impose rapidement comme très addictive.

Adoptant, au fur et à mesure que l'intrigue progresse, une ambiance de plus en plus paranoïaque, que les maîtres des fictions d'espionnage n'auraient pas renié, cette mini-série  nous plonge dans des jeux de pouvoirs et de guerre au plus haut sommet de l'Etat, dans le cadre duquel les motivations de chacun apparaissent très ambivalentes. Peu à peu se dégage la menace très concrète d'une vaste conspiration à l'oeuvre, dont les ramifications réelles ne nous sont dévoilées que progressivement. Dotée d'un suspense électrisant, mêlant efficacement drame, action, mais aussi mise en place de stratégies plus feutrées, cette production a tous les attributs d'un fascinant thriller de haut vol. Elle peut finalement être perçue comme le pendant international d'une mini-série comme State of Play (Jeux de pouvoir), avec une atmosphère s'inscrivant parfaitement dans la tradition de la référence de la BBC en la matière, Spooks (MI-5). De manière générale, ce récit, sur l'emballement d'un système que certains tentent d'enrayer, m'a aussi évoqué les romans de Tom Clancy.

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Traitant de thématiques classiques, sur fond de conspiration ayant des ramifications dans les plus hautes sphères du pouvoir, The State Within va très loin dans le brassage des genres qu'elle exploite, n'hésitant pas à mettre en scène des faits trouvant un écho certain avec la réalité. Si les parallèles sont "fortuits", ils n'en demeurent pas moins évidents. De la figure du dictateur, gênant ou promouvant certains intérêts occidentaux, jusqu'à la préparation d'une guerre derrière laquelle se cachent des enjeux industriels, en passant par l'évocation de la dangerosité de ces armées privées composées de mercenaires, ou encore en introduisant des personnages atypiques comme l'ex-diplomate James Sinclair (inspiré d'un ancien ambassadeur britannique Ouzbékistan, Craig Murray), tous ces éléments ont une résonnance particulière, d'autant plus captivante.

A travers cette plongée conduite de main de maître dans les coulisses du pouvoir, The State Within dresse aussi un portrait sans concession des démocraties modernes, pointant les dérives d'un système tout en s'interrogeant sur la place et le pouvoir détenus par certaines grandes entreprises multinationales, et plus précisément, en l'espèce, celles de l'industrie de l'armement. L'accent est surtout mis sur les rapports consanguins, équivoques, que peuvent entretenir les milieux d'affaires et les politiques auxquels les prises de décision sont sensées revenir. Pour autant, nous sommes loin d'une présentation manichéenne, les personnages bénéficiant d'une psychologie fouillée qui leur confère une réelle épaisseur, nourrissant leur ambivalence. Dans cette perspective, la figure de la Secrétaire d'Etat à la Défense offre sans doute l'exemple le plus concret : si elle est passée d'un monde à l'autre, avec la bénédiction de son précédent employeur, elle est aussi marquée par un drame familial qui l'influence tout autant. Si les conflits d'intérêts potentiels sont évidents a priori, dans cette mini-série, on assiste plutôt à une harmonisation artificielle de ces mêmes intérêts. Le sous-traitant, servant le puissant, n'étant pas forcément celui que l'on croit, dans cette relation entre le privé (la société) et le public (l'Etat). Accentuant la complexité de l'ensemble, la mise en scène des rapports de force à l'intérîeur même des différents camps se révèle très convaincante.

De manière générale, The State Within joue parfaitement sur une ambiguïté qu'elle entretient avec beaucoup de subtilité. L'implication et les motivations de nombreux personnages demeurent floues. De plus, les scénaristes n'hésitent pas à laisser certains éléments à la libre interprétation du téléspectateur, telle la fin relativement ouverte sur laquelle se conclut la série, illustration de la dualité régnant dans cette fiction.

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Intrigante sur le fond, la mini-série bénéficie également d'un casting cinq étoiles particulièrement solide, mené par un acteur que j'apprécie beaucoup, Jason Isaacs (qui reste, dans mon esprit téléphagique, associé à son rôle de frère malfrat dans l'excellente série de Showtime, Brotherhood), incarnant un diplomate plein de ressources. On retrouve globalement beaucoup de têtes connues à l'affiche, à commencer par l'incontournable, et toujours si impeccable, Sharon Gless (qui évoquera, suivant la génération de téléphages à laquelle vous appartenez, Cagney & Lacey, Queer as Folk ou bien encore Burn Notice) : elle excelle dans son rôle de secrétaire d'Etat américaine, figure autoritaire et ambiguë, gardant toujours un sang-froid admirable.

A leurs côtés, c'est le casting dans son ensemble qui se révèle très convainquant. A commencer par Ben Daniels, en agent du MI-6 rompu aux rouages du métier, mais dont on s'interroge sur les loyautés réelles, qui est devenu désormais le procureur de Law & Order UK. Cette mini-série est également l'occasion de croiser : Genevieve O'Reilly, qui jouait Sarah Caulfield dans la dernière saison de Spooks (MI-5) cet automne, Alex Jennings, le révérend de Cranford, Eva Birthistle, vue depuis dans la mini-série The Last Enemy, Lennie James de Jericho, dernièrement croisé dans la version moderne du Prisonnier, ou enore Noam Jenkins, aperçu dans de nombreux rôles de guest-stars de ReGenesis à Being Erica...

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Bilan : Thriller conspirationniste de haut vol, brassant de vastes enjeux géopolitiques, The State Within est une mini-série captivante qui nous plonge dans les coulisses de la diplomatie et des jeux de pouvoirs internationaux, aux côtés d'un ambassadeur quelque peu atypique. Mettant en lumière la prédominance prise par certaines grandes entreprises, et l'impuissance des appareils étatiques classiques, l'histoire prenante est bien servie par un excellent casting.

Une délocalisation britannique réussie !


NOTE : 9/10