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31/03/2010

(US) Caprica, mi-saison 1 : le futur de l'humanité toujours en attente d'un vrai début


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Vendredi dernier s'est terminée la diffusion de la première partie de la saison 1 de Caprica. Neuf épisodes, pour une durée bien brève venue corser un peu plus le travail des scénaristes, en leur imposant le format rigide et a-sériephile de deux mi-saisons devant être construites de façon quasi-indépendante. Cette mauvaise habitude prise par certaines chaînes de proposer une programmation qui va, par nature, contre les atouts potentiels d'un format d'une vraie saison de 20 épisodes n'a guère aidé Caprica à trouver son rythme. Au contraire. Je serais tentée de penser que cet ajout de contraintes supplémentaires a surtout entravé le développement de la série. Cela se ressent avec d'autant plus d'acuité que, disons-le franchement, cette dernière aura éprouvé quelques difficultés pour trouver ses marques, en pratiquant longtemps une forme de navigation en vue, au sein des grands éléments du scénario, sans que la cohésion d'ensemble ne prenne véritablement forme.

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En effet, après neuf épisodes, le premier constat assez paradoxal qui s'impose, c'est l'étrange impression que Caprica n'a pas encore véritablement commencé. Le final du neuvième épisode et les différents évènements qu'il comporte entre-ouvrent peut-être la porte vers les vrais débuts de l'Histoire. Jusque là, la série aura usé la patience du téléspectateur attendant patiemment qu'elle embrasse pleinement le coeur de son sujet et cesse de tourner autour. Au fond, cette première partie de saison lui aura permis de maintenir son rang un prequel intrigant centré, sur un univers qui exerce son attrait sur le téléspectateur, mais nous n'aurons fait qu'entre-apercevoir un potentiel encore inexploité. Bref, ces neuf premiers épisodes ont gardé un fâcheux arrière-goût d'exposition dont la lente progression aura paru trop souvent vaine, se perdant dans des effets de style dilatoires assez frustrants au bout d'un moment.

Si bien que, sans pour autant avoir eu envie de laisser la série s'en aller sans moi, j'avoue restée très mitigée, pas pleinement convaincue des options narratives adoptées et encore plus perplexe face au traitement de certains personnages. Cela me chagrine assez car, a priori, Caprica aurait eu tout pour me plaire ; mais elle n'est pour l'instant que cette série dans laquelle je fais le choix conscient de m'investir "sur le long terme" (en espérant une saison 2, que le cocktail prenne avec le temps, et que ces idées soient enfin concrétisées !), cependant au sortir de laquelle, je suis généralement proportionnellement plus frustrée que satisfaite...

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Comme je l'ai dit, le problème de cette première partie n'est pas une question de concept. Ce dernier demeure des plus solides. Mais ce sont les options prises pour le mettre en scène qui coincent. En fait, Caprica regorge de bonnes idées, qu'il s'agisse de grands thèmes généraux posés par la série ou bien d'éléments moins importants, petits détails qui aiguiseront la curiosité des plus attentifs. Leur intérêt n'est pas démenti. Pensez donc : l'intelligence artificielle, la robotique, les rapports entre réel et virtuel... tout cela ne figure pas parmi les grands classiques de la science-fiction pour rien. Ils exercent une  fascination certaine et proposent un potentiel de départ aux possibilités très riches pour toute fiction envisageant de les traiter. Saupoudré l'ensemble de problématiques existentielles où pointent un soupçon de rhétorique religieuse et de thèmes plus ou moins mystiques, et vous obtenez un cocktail forcément des plus intrigants. Ajoutez à cela le fait que vous connaissez la fin de l'histoire et la tragédie qui va se prépare sous vos yeux, et vous voilà captivé. Certes, en dépit de certains questionnements communs, le résultat est très différent du penchant "space-opera", façon appel de l'espace post-apocalyptique, de la série mère, Battlestar Galactica, mais cette évolution ne surprend pas et s'impose logiquement au vu du récit envisagé.

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Seulement, une fois ces problématiques posées, notamment au cours d'un pilote très correct en terme d'exposition des enjeux, Caprica passe malheureusement les huit épisodes suivants à enregistrer au ralenti les conséquences du drame initial, comme si les scénaristes craignaient de trop donner tout de suite. Si les grandes thématiques demeurent, elles paraissent ensuite presque égarées dans l'arrière-plan : maintenues dans la série de façon implicite, par les parallèles automatiques faits par un téléspectateur qui bénéficie de plus de recul et d'une vision d'ensemble lui permettant de garder à l'esprit le caractère fondamental de la genèse qui se déroule sous ses yeux. Il manque ainsi à la série la force d'une cohésion globale entre toutes ses storylines. Elle passe une trop grande partie de cette mi-saison à broder sur des intrigues à la marge, nous laissant songeur sur la manière de comprendre ces éléments anecdotiques qui relèvent plus de la contextualisation, aussi "sexy" qu'elle soit grâce l'univers proposé, celui de Caprica, aux technologies et aux moeurs à part.

Mais au-delà de cet effort, en parallèle, à une progression concrète des storylines, la série préfère user d'un recours à la symbolique, s'employant à réaliser des mises en scène à la portée particulièrement forte (ex. l'image de la Trinité évoquée avec Zoe, le caractère angélique d'une des scènes du final..). L'idée est intéressante ; seulement, encore une fois, les scénaristes ne transforment pas toujours leur essai et le téléspectateur garde l'impression désagréable qu'il y a trop de choses qui sont laissées en chantier, trop de bonnes idées juste esquissées. Il en ressort ainsi un sentiment de dispersion frustrant.

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Cette impression est renforcée par le second reproche majeur que j'adresserais à la série : le traitement de ses personnages. Sans vouloir absolument aller jusqu'à ressentir de l'empathie pour ces individus touchés de plein fouet par des drames et qui se débattent au sein de cette société "futuriste" (même si le terme est littéralement anachronique dans le cas présent), beaucoup restent très difficiles à cerner, marqués par des évolutions inconsistantes, manquant de cohérence. S'il est compréhensible qu'Adama père subisse de plein fouet le deuil de sa fille, fallait-il le faire évoluer à une vitesse disproportionnée de l'homme de loi, reniant presque ses origines, à celui qui serait prêt à ordonner une exécution, puis à celui qui se perd dans New Cap City ? Si tout peut se justifier théoriquement, et apparaître a priori cohérent sur le papier, porté à l'écran, cela donne surtout l'impression d'une psychologie un peu bâclée, cédant aux poncifs du genre et construite façon girouette... Ce côté un peu brouillon, qui n'est pas propre à Adama, fait qu'il est difficile d'éprouver quoique ce soit pour des personnages dont les dilemmes sont traités au pas de charge. En terme d'évolution, les différents visages d'Amanda Graystone ont également de quoi déstabiliser, même si le couple Graystone est incontestablement l'élément le plus solide du scénario : de mère éplorée à épouse forte sortant son mari de certains bourbiers, à la régression finale vers un passé où elle avait perdu le sens de la réalité...

C'est assez paradoxal de se plaindre du ralenti excessif du développement des storylines, tout en pointant un approfondissement des personnages insuffisamment posé. En fait, toutes ces remarques soulignent surtout les difficultés qu'ont éprouvé les scénaristes pour calibrer correctement cette première partie de saison. Etait-ce dû à la brièveté des 9 épisodes ? Est-ce une période d'ajustement par laquelle ils ont dû passer pour maîtriser ensuite leur sujet ? Reste que cette écriture brouillonne donne l'impression de progresser par à-coups. Encore une fois, on perçoit toujours ce que les scénaristes avaient en tête, quel était leur projet... Mais le manque de subtilité dans l'écriture lui confère un côté très factice, qui sonne un peu faux, comme si c'était forcé. De plus, à côté, il y a également des personnages vraiment difficiles à apprécier, dont la place laisse perplexe, à l'image de Sister Clarice. Si l'idée du S.T.O., ou l'introduction globale du monothéisme soulignent l'existence de bases intéressantes, il manque un élément pour assurer la cohérence et la pleine portée...

On garde la désagréable impression que les scénaristes eux-mêmes ne savent pas trop où ils vont : dispersion et manque de cohésion semblent les reproches auxquels on se heurte dans tous les aspects du show.

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Bilan : Le souci de Caprica ne provient pas d'un manque de fond ; au contraire, qu'il s'agisse des concepts généraux ou bien des petits détails de reconstitution de l'univers des colonies, on croise des tas de bonnes idées. Le problème intervient dans leur mise en scène, trop souvent inconsistante et brouillonne. Les initiatives intrigantes ne sont pas toujours transformées, les scénaristes ne vont pas toujours au bout des choses et paraissent régulièrement se disperser sans cohésion d'ensemble. Le recours aux symboles ne peut occulter le fait que la série passe ses neuf premiers épisodes sans réelle progression concrète, ponctuée par deux brusques accélérations - celle du pilote et celle du dernier épisode. Tout cela laisse un arrière-goût de profonde vanité s'installer.

En somme, Caprica a le potentiel. A elle de parvenir à dépasser cette première phase d'exposition, où elle aura effectué un certain nombre de réglages, pour pleinement concrétiser les bonnes idées que l'on voit esquissées.


NOTE : 6/10


Le générique de Caprica :


Une bande-annonce de la série :


28/03/2010

(K-Drama / Pilote) Harvest Villa : cocktail détonnant de genres très différents


Mine de rien, ce blog commence à contenir un certain nombre de "tests de pilotes" de séries coréennes ! Et vu la nouvelle vague de nouveautés en train d'arriver avec le printemps, la tendance ne va sans doute pas aller en diminuant. Car, le cercle est pernicieux : la curiosité nourrit la curiosité. Je crois avoir trouvé mes marques dans ce nouveau paysage téléphagique. J'ai intégré la Corée du Sud dans mes habitudes téléphagiques quotidiennes : sélection des sites d'intérêt, inauguration d'une page de flux rss sur mon reader, réflexe de la consulter plusieurs fois par jour... Bref, un fonctionnement sériephile des plus classiques.
Si bien que je suis en train de réfléchir à une réorganisation de la catégorie "Séries asiatiques" : peut-être opérer une distinction, à l'image des séries des autres nationalités, entre les reviews des pilotes et les critiques d'ensemble de séries. Vu que la rubrique commence à être assez remplie, cela permettrait à chacun de s'y retrouver plus facilement.

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Toujours plongée dans les nouveaux dramas ayant débuté au cours de ce mois de mars, ma  découverte de la semaine fut assez étonnante ; je n'ai toujours pas réussi à bien la cerner après le visionnage des deux premiers épisodes. Présentée de façon assez intrigante comme un drama alliant suspense et comédie, le tout saupoudré d'un zeste de drama, Harvest Villa paraissait proposer un mélange des genres potentiellement intéressant, ou du moins assez original pour susciter la curiosité de la téléspectatrice que je suis. Ayant débuté le 5 mars 2010 sur la chaîne câblée sud-coréenne tvN, elle devrait normalement comporter un total de 16 à 20 épisodes.

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La volonté de Harvest Villa apparaît d'emblée de se positionner à un croisement des genres, cherchant à prendre en défaut l'attente du téléspectateur, tout en s'appropriant des ficelles de genres très différents, tellement classiques que l'on pourrait les qualifier de clichés. Cette envie d'impulser une certaine folie se remarque dès la construction, un peu hâchée et brouillonne, du pilote. Ce dernier s'ouvre en effet sur une scène digne d'un drame à suspense : dans une ambiance nocturne et angoissante, alors qu'une tempête fait rage dehors, un meurtre est en train de se commettre. Voulant manifestement obtenir quelque chose de leur victime, trois individus anonymes, encapuchonés, poursuivent et font tomber un vieil homme du toit d'un immeuble, sous les yeux effarés d'un alcoolique, habitant le bâtiment, qui en perd la raison. Le bref aperçu des autres occupants, dans leurs appartements, n'est pas fait pour rassurer le téléspectateur, instantanément intrigué par ce qui se joue sous ses yeux, qu'il ne peut comprendre pour le moment. Une brève scène policière nous indique ensuite que les autorités concluent à un suicide, classant ainsi rapidement l'affaire.

Après cette entrée en matière qui prend à rebours le téléspectateur par la tension et l'ambiance inquiétante distillées dans l'immeuble où le drame s'est produit, l'épisode enchaîne sans la moindre transition sur des scènes tout droit sorties de la plus classique et fleur bleue des comédies romantiques sud-coréennes. Elles vont nous permettre de présenter le fils de la victime dont nous venons d'assister à la mort et qui est le personnage principal de la série. Ici, la série empile les poncifs du genre : coup de foudre à l'égard de la jolie voisine qui vient de s'installer, tentatives de flirt calamiteuse et pseudo-rebondissements, aux ficelles énormes. Cela cherche à être drôle, sans vraiment y réussir. Ou plutôt est-ce une mise en application de la maxime selon laquelle, plus c'est énorme, plus cela peut passer auprès du téléspectateur.

Cette collision des genres peut quelque peu déstabiliser. Reste que ce traitement finalement un peu par l'absurde, en accumulant les stéréotypes, n'éclipse cependant pas complètement le fil rouge que va constituer le meurtre du départ. Car le fils hérite de la propriété de son père, sous la condition de devoir aller y habiter jusqu'à ses 32 ans, qui interviendront dans quelques mois. Mais il est probable que ce qui lui paraît comme être une brève parenthèse l'amènera à creuser ce mystère qui entoure le bâtiment et le soi-disant suicide de son père, qu'il n'avait pas revu depuis des années.

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Le concept clé de Harvest Villa a priori était donc une envie de mêler plusieurs genres très différents. Rester à déterminer quel cocktail tous ces ingrédients allaient produire. En effet, si cette initiative peut apporter un peu de sang neuf à ces concepts, cela pouvait aussi se révéler une ambition potentiellement glissante et déboucher sur un étrange hybride improbable à la narration pas très équilibrée. Le début du drama le place en fait entre ces deux résultats extrêmes. Car c'est au final un bien étrange alliage, assez étonnant, qui ressort de tout cela. Pas désagréable à suivre, mais assez désarçonnant quand même. On obtient une alternance de scènes très diverses, qui empruntent aux stéréotypes des fictions coréennes pour chacun des genres vers lesquelles elles sont censées tendre, le tout s'enchaînant sans la moindre transition. Ainsi, à un passage digne de la plus traditionnelle des comédies romantiques, succède une scène tout droit sortie d'un policier sombre. Cette versatilité dans la tonalité, qui s'opère de façon très rapide, fait qu'il est assez difficile de cerner immédiatement où est-ce que l'on a mis les pieds. Initialement, cela peut laisser quelque peu perplexe le téléspectateur qui est assailli de mille et une interrogations : Où les scénaristes veulent-ils en venir ? Quelle ambiance cherchent-ils vraiment à créer ? Qu'est-ce que c'est que cet O.T.N.I. (object télévisuel non identifié) ?

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Cet emprunt assumé à tous les poncifs des différents genres, presque opposés, parvient, au cours du deuxième épisode, à se stabiliser un peu. Ou du moins le téléspectateur commence-t-il à s'y habituer. Romance, comédie, policier, suspense, presque action... Tout y est. On retrouve même parfois ce mélange au sein d'une seule scène, ou alors c'est la storyline dont elles dépendent qui donne le ton. Une chose est sûre, la série, avec ses clins d'oeil et cette volonté de jouer sur ces clichés, ne se visionne pas au premier degré. Même les instants qui ne sont pas estampillés "comédie", par leur présentation très over-the-top, se regardent avec une nécessaire prise de distance salvatrice. Finalement, Harvest Villa semble être une série cherchant volontairement à provoquer un cocktail détonnant, souhaitant avant tout divertir et encourageant le téléspectateur à s'amuser face aux rebondissements improbables et autres storylines qui s'ajoutent à l'intrigue principale. Car, en dépit de l'impression de beaucoup de disperser, il y a effectivement un fil rouge conservé, à la connotation plus mystérieuse, mais qui, pour le moment, soulève des questions un peu abstraites sur l'imbrication réelle de tous les personnages. Au fond, la déstabilisation initiale du téléspectateur paraît voulue afin de l'encourager à se prendre au jeu.

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En ce qui concerne l'atmosphère globale de la série, en marge d'une réalisation classique qui n'hésite pas à jouer dans le burlesque des comédies asiatiques, le petit plus réside dans la musique. La bande-son est agrémentée par tout un tas de morceaux bien rythmés et très décalés, qui jouent volontairement sur leur caractère entraînant pour accentuer l'impression que nous sommes dans un étrange mélange des genres assez improbable. Le choix se révèle donc plutôt opportun, fidèle à l'image recherchée par le drama.

Du côté des acteurs, Lee Bo Young semble être dotée d'un don d'ubiquité en ce printemps 2010, puisqu'en plus d'assurer le lead-in féminin dans The Birth of The Rich, elle incarne également l'intérêt romantique potentiel dans Harvest Villa. Le héros est interprété par Shin Ha Kyun, que je connaissais pas, mais qui revient aux dramas après une longue période d'absence. Baek Yoon Shik (Hero) joue le plus inquiétant des habitants de l'immeuble, au métier assez particulier. La série bénéficie d'une galerie de personnages très riches, parmi lesquels on retrouve un certain nombre de têtes familières : Kim Chang Wan (Queen of Housewives), Jo Mi Ryung (que vous pouvez croiser actuellement dans Life is beautiful), Kwon Byung Gil ou encore la rafraîchissant Kang Byul (Creating Destiny).

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Bilan : Les débuts de Harvest Villa révèlent donc un certain potentiel, sans pour autant pleinement concrétiser l'essai. Si l'on perçoit bien la volonté de mixer les genres de façon assez détonnante et d'imposer une prise de distance qui peut se révéler sympathique si le téléspectateur joue le jeu, le drama butte sur un certain manque d'homogénéité qualitative que le temps et l'installation claires des intrigues pourront peut-être corriger.


NOTE : 5/10


La bande-annonce de la série :

Le générique de la série (avec la petite musique entraînante récurrente, façon folklore russe) :


27/03/2010

(ITA) Romanzo criminale, saison 1 : un polar romain au coeur des années de plomb italiennes


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Aujourd'hui, une critique qui marque la poursuite de "l'internationalisation" de ce blog, avec une fiction d'une nouvelle nationalité (et l'apparition d'une catégorie généraliste par la même occasion).


Je ne vous cache pas mon excitation lorsque j'ai mis la main, il y a une dizaine de jours, à un prix raisonnable, sur le coffret DVD de la première saison d'une série que je souhaitais découvrir depuis plus d'un an, et dans laquelle j'étais prête à investir "à l'aveugle" sans hésitation : il s'agit de Romanzo Criminale. Cette fiction a la particularité de provenir de l'autre côté des Alpes. La saison 1, comportant 12 épisodes, y fut diffusée au cours de l'hiver 2008-2009 sur la chaîne câblée italienne Sky Cinéma 1. Ayant rencontré un succès tant auprès du public que des critiques, une deuxième saison a été commandée et est annoncée pour la fin de l'année en Italie (novembre 2010).

En France, nous (enfin, du moins, les chanceux abonnés) avons eu l'opportunité de pouvoir la découvrir l'été dernier grâce à Canal +, qui confirmait une nouvelle fois que les (bonnes) séries européennes ont une place dans sa grille. De mon côté, ne recevant pas cette chaîne, j'ai donc dû patienter encore un peu en surveillant la sortie du DVD (décembre 2009) ainsi que l'évolution des prix. Mais le retard est désormais rattrapé ; et cette découverte s'est révélée être largement à la hauteur de mes attentes, voire les a même dépassées.

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Parler d'un "investissement à l'aveugle" lorsque j'évoque cette série est sans doute un peu excessif. Car si j'étais si curieuse de découvrir cette adaptation télévisée de Romanzo Criminale, dont il existe aussi un film éponyme sorti en 2005 (plus condensé, mais qui mérite également le détour), c'était tout d'abord parce que j'avais lu et beaucoup aimé le roman d'origine, d'où sont tirées toutes ces versions à destination du petit et grand écran. Récit dont l'auteur, Giancarlo de Cataldo, a exercé les fonctions de magistrat, il s'agit certes d'une histoire de gangsters, mais pas seulement, tant elle s'attache avec beaucoup de soin à dresser un portrait riche, vivant et détaillé sans complaisance de l'Italie des années de plomb.

Romanzo Criminale se révèle d'autant plus prenante et intrigante qu'elle s'inspire de faits réels. Ce qu'elle se propose en effet de nous relater, c'est une version romancée de l'histoire de la bande de la Magliana, qui tint le milieu romain dans les années 70-80. Régnant sur les activités criminelles de la capitale italienne, elle joua également un rôle dans les tensions secouant l'Italie de cette période, entretenant des rapports ambiguës avec les milieux d'extrême-droite, ainsi qu'avec la Mafia. Ces liens troubles permettent à la série de dépasser le cloisonnement des genres, offrant ainsi un véritable polar noir au contenu particulièrement dense et intéressant.

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Romanzo Criminale est tout d'abord une fiction nous plongeant dans la destinée mouvementée d'une bande de malfrats qui va faire main basse sur les activités criminelles de Rome à la fin des années 70. Auparavant, jamais aucun groupe n'avait pu imposer son autorité sur une ville qui avait fini par sembler imprenable, chaque tentative se soldant par une implosion fatale en vol. Lieu de compromis où s'exerce l'influence des différentes Mafias du sud du pays, la ville va pourtant céder sous les coups d'éclats de la bande de la Magliana, réussissant là où tous les autres avaient échoué. La série nous entraîne aux origines de cette association criminelle. Cette union, de ce qui correspondait initialement à deux bandes distinctes, se forge dans le sang et l'argent de l'enlèvement et du meurtre d'un riche homme d'affaires, le baron Rosselini. Dans l'euphorie de ce coup de maître et portés par l'ambition et la vision de celui que l'on surnomme le Libanais, ses différents membres vont poursuivre leur collaboration commune en réinvestissant les sommes gagnées grâce à la rançon dans le trafic de drogue.

Dirigée par un trio d'individualités très dissemblables, où le Libanais s'impose comme le leader naturel, aux côtés de Froid et de Dandy, cette bande va peu à peu gravir tous les échelons dans sa course folle aux sommets des hautes sphères du crime, jusqu'à parvenir à exercer un contrôle sans partage sur Rome. Dans cette entreprise, les heurts avec les pontes déjà en place ne sont que règlements de comptes de bas étage, en comparaison des forces tentaculaires avec lesquelles alliance et compromis se révèlent rapidement nécessaires. Cette navigation à vue dans ces eaux dangereuses les conduira ainsi à se rapprocher de la Mafia calabraise ou encore sicilienne, à côtoyer des mouvances politiques extrémistes, à un moment où elles sont à leur apogée, et dont sont également proches d'autres personnes directement liées au pouvoir étatique, à qui le gang devra rendre certains services pour survivre, notamment par une collaboration avec les services secrets italiens.

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Pour mettre en scène ces évènements très denses, il faut souligner l'ambitieuse construction narrative de la série. En effet, Romanzo Criminale nous fait certes vivre le développement de la bande, avec une ascension irrésistible portée par leur arrogance et leur ambition. Mais la série prend également le temps de marquer chaque étape, de décrire les obstacles imprévus placés sur leurs routes. Au-delà d'une continuité toujours présente, le côté feuilletonnant ne prend jamais le pas sur l'indépendance que conserve chaque épisode. Parvenant à trouver le juste équilibre entre les développements sur le long terme et des intrigues quotidiennes toutes aussi solides même si leur intérêt peut varier, bouclées en une heure, la première saison constitue un vaste arc, où la morale finale pourrait être une réflexion sur le caractère dévorant, et au final auto-destructeur, de l'ambition. La fin est à la fois une conclusion convaincante, dont le caractère inévitable est perceptible très tôt, mais aussi une redistribution des cartes qui promet une saison 2 toute aussi passionnante.

Autre bonne idée qui ajoute à la richesse de l'univers proposé par Romanzo Criminale, et qui permet de contribuer à l'ambiance de polar sur laquelle la série capitalise pleinement : c'est l'introduction, en opposant récurrent, d'un commissaire têtu, Nicola Scialoja, qui sera en charge de la première affaire fondatrice du gang, l'enlèvement du baron Rossellini. Frustré par son échec, par la suite, son entêtement à les voir tomber n'aura de cesse de grandir à mesure que la bande prendra du pouvoir. Le personnage de Scialoja offre le pendant policier parfait au groupe. S'imposant progressivement comme l'adversaire solitaire de tout un système qui s'auto-régule de lui-même, il n'est pas non plus dénué d'ambiguïtés. En un mot, il symbolise un autre versant de cette société italienne de la fin des années 70, avec ses propres paradoxes et contradictions.

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Au-delà de la solidité de l'histoire, au coeur de cette épopée criminelle, les protagonistes constituent l'âme de la série, volatils et explosifs à son image. Disposant de personnalités très différentes, ils sont tous des personnages hauts en couleur, dont un trio principal va rapidement émerger. L'ambition insatiable de certains, cette absence de satisfaction qui les pousse toujours plus loin dans ce règne sans partage sur Rome, les amène sur des voies de plus en plus dangereuses. A la simplicité des objectifs des débuts succèdent une gestion des affaires où priment l'immédiateté et le court terme. Ils brûlent leur empire avec la même ferveur qu'ils ont savouré les premiers succès. Au-delà de ces excès, la série présente, avec beaucoup d'authenticité, le fragile équilibre qui a fait naître la bande de la Magliana : les intérêts personnels de chacun, mêlés à un égo toujours prompt à se manifester, sont une menace constante pour la cohésion d'un groupe que l'on devine, dès le départ, précaire. Le compromis atteint se résume à un fonctionnement hybride, entre démocratie participative, où chacun est un associé ayant voix au chapitre des prises de décision, et des orientations globales impulsées par des leaders naturels, dont le Libanais est le coeur.

Cette dynamique de groupe, atypique, est un constant rappel de l'instabilité explosive qui fait le quotidien de la série. Soulignant les rapports de force permanents, et la versatilité première de chacun des personnages, la fiction choisit l'angle du réalisme pour traiter de la vie du gang. Pas de codes de l'honneur désuets, pas d'amitiés placées au-dessus de tout, simplement un ensemble d'individus pragmatiques, pesant toujours avec soin leurs propres intérêts dans cette alliance collective. Ils agissent ou réagissent avec plus ou moins de passivité, selon leurs personnalités, mais, plus que tout, ils restent toujours profondément indépendants. Le rapport hiérarchique entre eux est fondé sur des non-dits, une capacité instinctive de la part de certains à s'imposer, cependant ils gardent ancrés en eux leurs réflexes de délinquants issus de la Rome éclatée et jamais vraiment domptée.

Romanzo Criminale parvient ainsi à créer une atmosphère semblable à une poudrière, violente et souvent létale, mais maintenant toujours une cohésion d'une volatilité addictive pour le téléspectateur. Cette tension constante est une vraie réussite à saluer, soutenant des intrigues bien construites et permettant à la série de se créer une identité propre.

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Cependant, Romanzo Criminale n'est pas seulement une simple série de gangsters : ce polar trouve en effet une résonance historique particulière, d'autant plus forte qu'elle évoque des faits encore très récents. Elle dresse un portrait vif et complexe d'une décennie tragique de l'histoire italienne, celle des années de plomb. Période intense de déchirements politiques et sociaux passionnels, la série nous en propose une reconstitution minutieuse où elle parvient à retranscrire, avec beaucoup de justesse, l'atmosphère qui régnait dans le pays. Elle nous fait vivre au plus près les violents soubresauts que connut une Italie déchirée par ses extrêmes. En suivant les actions et les contacts de la bande de la Magliana et du milieu romain en général, Romanzo Criminale nous conduit à croiser tous les acteurs de l'ombre des évènements sanglants qui vont marquer cette époque : des Brigades Rouges aux groupuscules d'extrême-droite, des troubles services secrets italiens aux différentes Mafias. Les responsabilités de chacun dans cette escalade qui sera qualifiée de "stratégie de la tension" ne sont pas toujours clairement appréhendées, mais cet instantané photographique est très révélateur.

La première saison se déroulant de 1978 à 1980, elle va évoquer plusieurs des grandes tragédies de ces années de plomb, au  coeur des heures les plus sombres de cette période, emportées dans une spirale tragique de montées des violences. Au printemps 1978, c'est le traumatisme de l'enlèvement et de l'exécution du politicien Aldo Moro, le dirigeant de la démocratie-chrétienne, par les Brigades Rouges. Radicalisant les positions, s'ensuivent escalades des tensions et répressions policières. Puis, dans le dernier quart de la saison, au cours de l'été 1980, le pays sera secoué par un attentat à la bombe particulièrement meurtrier, celui de la gare de Bologne qui 85 morts, perpétré par l'extrême-droite italienne.

C'est donc avec pour toile de fond ces références constantes et incontournables que Romanzo Criminale va nous faire vivre l'épopée criminelle, hors de contrôle, de la bande de la Magliana. Un contexte historique particulier qui aura également son incidence.

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Enfin, sur la forme, Romanzo Criminale m'a agréablement surprise. Ne connaissant pas vraiment la production télévisée italienne, je ne savais trop à quoi m'attendre. Mais finalement, tout en étant très classique, la série fait preuve d'une maturité très intéressante. La réalisation est de bonne facture. Le réalisateur trouve progressivement ses marques, proposant certains plans très convaincants. L'image paraît initialement un peu sombre ou brouillonne par moment, mais elle n'hésite pas non plus à recourir à des teintes plus chatoyantes sur certaines scènes extérieures, l'ensemble soulignant une réelle volonté de reconstitution de l'ambiance de ces années 70. Le style s'affirme donc au fil des épisodes, le téléspectateur s'habituant également aux choix faits et les adoptant.

Par ailleurs, la série prend beaucoup de plaisir à souligner l'intensité et les contrastes de certaines scènes clés, par le recours au fameux montage parallèle, dont la scène la plus symbolique est celle qui suivra, en alternance, les festivités d'un mariage et l'exécution d'un ennemi. C'est un procédé très classique, mais accompagné d'une musique appropriée, il fait toujours de l'effet. D'ailleurs, la bande-son, composée d'un thème récurrent adéquat et de chansons d'époque, après une importante utilisation dans le pilote, sera utilisée avec plus de parcimonie et une certaine justesse par la suite. Jamais envahissante, elle constituera une musique d'ambiance plutôt entraînante, très appréciable pour souligner certaines scènes ou faire office de transition.

Enfin, l'ensemble des acteurs (qui m'étaient tous inconnus : Francesco Montanari, Vinicio Marchioni, Alessandro Roja, Marco Bocci et Daniela Virgilio) délivrent une prestation assez solide. Je pense sincèrement que la série est à pleinement savourer en version originale. C'est peut-être une appréciation très personnelle, car elle a dégrippé en moi quelques bases rouillées (il semblerait que j'ai conservé plus de souvenirs que je ne le pensais de mes années d'études) et m'a rappelé à quel point j'aimais cette belle langue qu'est l'italien. Cependant, comme il s'agit aussi d'une série d'ambiance, l'immersion du téléspectateur ne peut, à mon sens, que passer par la version originale.

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Bilan : Polar noir passionnant, sur fond de chronique sociale et de reconstitution historique d'une époque particulièrement agitée où l'Italie traversa une des périodes les plus sombres de sa démocratie, Romanzo Criminale acquiert progressivement au cours de la saison une dimension qui dépasse la simple série de gangsters. C'est par la durée que son scénario solide peut pleinement trouver ses marques. Son format lui permet d'exploiter pleinement tous les ressorts narratifs que le roman d'origine pouvait poser. En cela, sa construction se révèle au final bien maîtrisée et très agréable à suivre pour le téléspectateur, dont l'intérêt n'est jamais pris en défaut.

Romanzo Criminale est donc une réussite, avec une saison 1 admirablement bien mise en scène et qui dresse un portrait fascinant et complexe de l'Italie des années de plomb. Une série à découvrir sans hésitation.


NOTE : 8,25/10


La bande-annonce (en VO sous-titrée anglais) :

 

25/03/2010

(US) The Tudors, saison 4 : la dernière ligne droite de la vie de Henri VIII


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Le mois d'avril prochain verra débuter, sur la chaîne câblée américaine Showtime, la quatrième et dernière saison de The Tudors. En téléphagie, il y a difficilement meilleur public que moi devant une fiction télévisée historique : peu importe l'époque, la nationalité ou même le fond du sujet, j'aime les plongées plus ou moins romancées dans un tourbillon mêlant grande et petite histoire.

Pourtant, s'il est une série historique solidement installée actuellement, mais avec laquelle j'entretiens des rapports très conflictuels, il s'agit bien de The Tudors. Pour tout vous dire, c'est une série que j'ai pris l'habitude d'abandonner, en moyenne, 3 fois par saison... mais vers laquelle je finis toujours, bon gré, mal gré, par revenir pour achever les derniers épisodes inédits et attendre la suite - ces tergiversations s'étalant généralement jusqu'à l'hiver suivant. J'ai beaucoup de peine à m'expliquer cette étrange attitude téléphagique qui défie toute logique, car cela fait quelques années que je me montre des plus expéditives avec les séries que je suis : j'abandonne sans arrière-pensée, ni regret, là où, auparavant, je m'efforçais de finir religieusement.

Objectivement, l'agacement engendré par le visionnage d'un épisode des Tudors est rarement contre-balancé par les quelques trop rares scènes bien dosées et intrigantes qu'il pourra éventuellement comprendre. Cependant, chaque printemps, je suis toujours au rendez-vous. Et chaque printemps, invariablement, après le visionnage du pré-air traditionnel, je me pose les mêmes questions qu'aujourd'hui.

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Le premier qualificatif qui me vient à l'esprit en pensant à The Tudors serait le terme "frustrant". Une frustration chargée de regrets, en raison du potentiel que l'on sent poindre par moment, des moyens matériels mis à disposition et de l'ambition du sujet de départ, qui nous rappellent ce que la série aurait pu être, si d'autres choix scénaristiques avaient été faits. Elle se propose de nous raconter, romancée de manière excessive, mais surtout avec une ré-appropriation des codes scénaristiques du soap qui sont transposés, sans adaptation, dans ce cadre du XVIe siècle, la vie du roi Henri VIII, célèbre, suivant votre intérêt, pour sa politique religieuse ou le nombre d'épouses, au destin tragique pour certaines, qui se succédèrent à ses côtés. La saison 1 s'était ouverte en 1518, à l'époque Catherine d'Aragon était encore Reine d'Angleterre, le cardinal Thomas Wosley gérait d'une main de fer les affaires du Royaume et avait l'oreille du roi, et Thomas More était un ami apprécié du roi. Une éternité semble s'être écoulée tant ce tableau paraît désormais si lointain, appartenant à une autre vie bel et bien révolue. Cette saison 4 de The Tudors débute en 1740, par l'annonce du mariage entre Henri VIII et sa dernière femme en date, Katherine Howard, sa cinquième et avant-dernière.

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Ce premier épisode de la saison pose les enjeux à venir, les relations amoureuses prenant, comme toujours, le pas sur le contexte historique plus global qui n'est qu'évoqué indirectement, à travers notamment les multiples références au Royaume de France. Henri VIII présente fièrement à la cour sa nouvelle épouse, une jeune femme d'une légèreté puérile ou rafraîchissante - suivant votre point de vue - , dont la frivolité exaspère rapidement le téléspectateur autant qu'elle amuse, pour le moment du moins, le roi d'Angleterre. Si les premiers pas hésitants de la jeune femme en tant que reine ne sont pas des plus concluants, elle retient surtout l'attention de Thomas Culpeper qui paraît nourrir une obsession bien malsaine à son égard, le poussant déjà aux pires extrêmités pour calmer ses pulsions. Si je n'ai porté qu'une attention très modérée à ces énièmes roucoulements soap-esques, l'épisode contient cependant des aperçus politiques plus intéressants.

L'exécution de Cromwell a laissé un vide manifeste dans l'entourage du roi, qui se contente désormais d'entériner les décisions prises quasiment seul par Henri, sans essayer, ni parvenir, à modérer les excès royaux. Assisté d'hommes ambitieux pragmatiques, à son image, il n'y a plus aux côtés du roi de conseiller sachant tirer les ficelles et s'imposer. Les quelques rares qui restent en décalage avec cette approche courtisane paraissent, de guerre lasse, ne plus se formaliser par ses éléments, tel le duc de Suffolk, un ancien toujours présent aux côtés d'Henri, mais qui a bien changé depuis sa fougue des débuts.

Pour le reste, ce début de saison reprend les mêmes ingrédients, et quasiment les mêmes schémas, que les saisons passées : de la lune de miel amoureuse - mais que l'on devine versatile - du roi, jusqu'à l'introduction d'ambitieux personnages issus de sa nouvelle belle-famille, en passant par l'instabilité de caractère d'Henri et sa constante rivalité avec la France, tout est là, de manière presque invariable. A croire que le changement d'épouse et les années qui défilent ne sont que prétexte pour reproduire les mêmes dynamiques... En cela, il est heureux que Henri VIII n'ait eu "que" six femmes et que la saison 4 soit la dernière, le risque de copier-coller commençant à poindre de manière insistante.

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Les reproches que j'adresse à The Tudors n'ont pas varié depuis la première saison, si ce n'est que l'effet de répétition accentue un peu plus leur visibilité et réduit la tolérance du téléspectateur. Il s'agit d'une série qui a fait sienne le précepte selon lequel il est nécessaire ré-adapter au goût du jour ces vieux récits en costumes d'évènements d'autrefois, pour espérer ne pas offrir une plongée dans l'Histoire qui serait placée sous le signe de l'ennui. Dans cette optique, The Tudors ne propose pas une reconstitution historique : elle prend simplement le prétexte d'un tel cadre pour délivrer, avec une pointe d'exotisme passéiste prétexte à tous les excès, un soap dans les coulisses d'un pouvoir politique royal. Les histoires de coeur ont trop souvent éclipsé, voire même balayé, les enjeux politiques. La versatilité de Henri VIII n'est que la partie émergée d'une dynamique qui parcourt l'ensemble de la cour, où les sentiments - et leur dangerosité - semblent toujours destinés à prendre le pas sur des réflexions plus rationnelles. Si les scènes d'amour n'ont pas le caractère cru d'autres fictions du câble américain, conservant toujours un esthétisme soigné auquel la série est désormais attachée, elles ne manquent cependant pas, soulignées par des mises en scène généralement des plus inventives.

Seulement, cet aspect soapesque donne également une désagréable impression de creux dont la série ne parvient jamais à se départir, naviguant à vide et se perdant dans cette vanité sentimentale sans relief. Il fait malheureusement passer au second plan des intrigues politiques déterminantes, désamorçant les ressorts dramatiques, réduisant les complots politiques à des coucheries manipulatrices, le tout manquant singulièrement d'envergure. La série rabaisse ses ambitions en les réduisant à l'instinct humain le plus primaire, les sentiments, élaguant ainsi une grande partie de la complexité touchant à ses intrigues de cour. Ce n'est pas un hasard si les épisodes les plus marquants et les plus réussis proposés par The Tudors, ont été ceux qui lui donnaient l'occasion d'assumer pleinement son genre historique et permettaient de mettre entre parenthèse l'angle d'attaque soapesque choisi ; en témoigne par exemple l'épisode traitant de l'épidémie de Suette (Episode 7, saison 1), un des plus forts et des plus aboutis qu'ait eu à nous offrir la série.

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Pourtant, en dépit de tous les reproches que je lui adresse, je vous l'ai dit, je finis toujours par reprendre le fil de l'histoire là où je l'avais abandonné. Pourquoi ? A bien y réfléchir, je pense que cela s'explique sans doute pour des raisons avant tout formelles. En effet, le visionnage d'un épisode de The Tudors ne peut que rappeler au téléspectateur les ambitions initiales de Showtime, soulignant les moyens investis dans cette fiction, mais réveillant aussi son lointain statut de reconstitution historique (même très romancée) qui continue d'exercer une part de fascination, en dépit de la désillusion apportée par les premières saisons. Car s'il est bien un aspect que j'ai toujours profondément admiré dans The Tudors, c'est le décor que la série a pris le soin de recréer. Au-delà de la mise en valeur des riches costumes ou des jeux de lumière avec lesquelles la caméra s'amuse, la recherche d'esthéticisme dans ses images demeure une constante particulièrement appréciable. La réalisation est appliquée, offrant de belles images retravaillées qui sont autant de tableaux paraissant tout droit sortis d'un instantané théâtral ou d'une peinture de l'époque. Pour les yeux, The Tudors constitue donc un vrai plaisir, la série sacrifiant même parfois le fond à la forme, pour mettre en valeur certaines scènes. A la manière d'une histoire couchée sur un beau papier glacé, elle impose un style très propre, renforçant ce décalage soap en offrant finalement une reconstitution visuelle idéalisée de l'époque. Cela accroît encore la distance prise par le récit avec son sujet de départ, mais il faut reconnaître que ce choix esthétique, dans lequel même certaines exécutions, par leur façon d'être filmées, peuvent apparaître comme des oeuvres d'art, sait exercer et entretenir une certaine fascination sur le téléspectateur.

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Bilan : Bénéficiant d'un cadre historique prétexte à une reconstitution soap-esque qui place les sentiments au coeur de la dynamique du récit, The Tudors souffre d'un certain manque d'envergure et de relief. Derrière la belle façade très chatoyante, les histoires, au final des cycles assez répétitifs, tournent quelque peu à vide. Les enjeux des intrigues s'effacent derrière la versatilité et à l'intensité émotionnelles mises en scène. L'emballage apparaît avoir été trop souvent préféré à la richesse du contenu, alors même que le sujet aurait pu se prêter à un récit des plus passionnants.

Ainsi, si je regarderai probablement l'intégrale de la série, je dois bien avouer que celle-ci m'aura toujours laissé plus de regrets que de satisfactions.


NOTE : 5/10


Le long trailer introduisant cette dernière saison :


Le générique de cette quatrième saison à venir :

24/03/2010

(UK) Life on Mars : Am I mad, in a coma, or back in time ?

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La dernière et troisième saison de Ashes to Ashes débutera le 2 avril prochain sur BBC1, ouvrant un week-end pascal particulièrement savoureux pour les amateurs de séries britanniques, puisque le lendemain marquera les débuts de la très attendue cinquième saison de Doctor Who. Le retour de deux de mes séries préférées actuelles, mine de rien, ce printemps téléphagique en cours et futur est des plus attractif.

La dernière saison de Ashes to Ashes est annoncée comme devant venir "boucler la boucle" entamée par Life on Mars, nous promettant des explications, mais aussi une vraie conclusion. L'attente est donc à son comble ; l'impatience grandit chaque jour un peu plus, tandis que la campagne de promotion commence dans les médias. Cependant, avant d'évoquer Ashes to Ashes, il est sans doute opportun de revenir aux origines du concept, de repartir dans les années 70 aux côtés de Sam Tyler, en vous parlant, aujourd'hui, de Life on Mars.

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"My name is Sam Tyler. I had an accident and I woke up in 1973. Am I mad, in a coma, or back  in time ? Whatever's happened, it's like I've landed on a different planet. Now, maybe if I can work out the reason, I can get home."
(Monologue de Sam, introduisant le générique)

Je vous avoue que j'ai toujours eu beaucoup de mal à retranscrire avec des mots l'intense ressenti émotionnel, sans doute très subjectif, que suscite chez moi cette série. Elle fait partie de ces fictions que je vais savourer, mais où, après le visionnage, je n'aurais pas le besoin d'exprimer, d'analyser, l'expérience je viens de vivre... Si elle est ainsi associée au syndrome de la page blanche, c'est sans doute parce que Life on Mars est, dans mon coeur de téléphage, profondément liée à l'affectif ; la part rationnelle du critique étant obscurcie par les élans de son coeur.

Pour ceux qui auraient vécu sur Mars (littéralement) au cours des dernières années, reprenons au commencement. Le synopsis de la série est à la fois original, maniant de grandes questions a priori complexes, mais aussi d'une simplicité presque désarmante dans son traitement du quotidien. Sam Tyler, policier à Manchester en 2006, est renversé par une voiture au cours d'une enquête, lors du pilote de la série. Il perd connaissance et se réveille alors en 1973. Une interrogation lancinante, en forme de fil rouge, va guider le téléspectateur à travers les deux saisons que compte la série, ainsi résumée par Sam dans le générique du début : Am I mad, in a coma, or back in time ?

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Life on Mars s'impose tout d'abord une série d'ambiance ; elle mise et capitalise sur une fibre nostalgique inconsciente en redonnant vie aux années 70, présentant, avec ses reconstitutions stéréotypées à dessein, une forme d'hommage aux cop-shows de cette époque-là... Entre course-poursuites en voitures ronflantes, policiers jouant encore aux cow-boys, voire pseudo justiciers, dans les rues de leur ville et règles disciplinaires intervenant à éclipse suivant les circonstances, tous ces ingrédients se retrouvent d'une façon très condensée dans Life on Mars. Ne vous y trompez pas : il n'y a pas de réelle volonté de reconstitution rigoureuse derrière ce portrait très coloré, l'image renvoyée correspond plutôt au mythe télévisé associé à cette période. C'est donc sur un tableau fictif, reposant en grande partie sur l'imaginaire collectif partagé consciemment ou inconscimment par chaque téléspectateur, que la série va se construire un décor attractif, tranchant volontairement avec le genre policier moderne qui inondent nos ondes. Au final, ce qui est proposé, ce sont un peu des années 70 revisitées par l'esprit d'une personne dont la mémoire biaisée mêlerait quelques souvenirs personnels et tout une série de clichés classiques ayant une origine culturelle.

Si le téléspectateur redécouvre, par le biais de cette remise au goût du jour, un certain nombre de codes scénaristiques, parfois assez directs, pour ne pas dire simpliste, d'une époque plus manichéenne, moins nuancée dans son rapport à l'ordre, cette atmosphère se révèle être un des atouts majeurs de la série. D'autant que l'immersion 70s' passe également par des détails plus formels : les costumes, mais aussi et surtout une excellente bande-son musicale, très fournie et particulièrement bien choisie, qui offre un retour en arrière entraînant, tout aussi symbolique, au téléspectateur.

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Au-delà de ce dépaysement sympathique, Life on Mars bénéficie également de son concept, qui permet un intrigant mélange des genres, offrant la possibilité d'alterner différentes tonalités. En effet, certes, la série se présente sous l'apparence d'un cop-show -tout droit sorti des 70s'- et va donc proposer diverses enquêtes occupant chaque épisode. Des affaires pouvant avoir une connotation très marquée par l'époque, mais on y trouve également des intrigues très classiques. Seulement, et Life on Mars ne vous le fera jamais oublier, Sam Tyler n'est pas un simple policier qui évoluerait dans un formula-show traditionnel. La confusion, source de mystère et de tant d'interrogations, qui entoure sa présence dans les 70s' est savamment entretenue tout au long de la série. Si les scénaristes nous donnent des pistes et des indices penchant pour l'une ou l'autre des explications proposées au début de chaque épisode, la série va s'avérer particulièrement réussie pour progressivement diluer les repères de la réalité, faisant peu à peu disparaître, par des hallucinations tout autant que par les étranges coïncidences qu'il croise, la frontière qui préserve la santé mentale de son héros.

De policière, la série flirte ainsi parfois avec le surnaturel. Ce fantastique de façade, jamais pleinement consacré, est utilisé pour mettre au défi la tentative de maintien de rationnalité du show. Quels sont les points de repère que Sam peut conserver ? Ne glisse-t-il pas peu à peu vers une assimilation de cet univers si coloré des 70s' ? Son comportement gardera toujours une profonde ambivalence, tiraillée entre deux priorités : ce qui l'entoure dans l'immédiat et son analyse extérieure et détachée de la situation dans laquelle il se trouve bloqué. Au fond, la thématique récurrente, qui constitue le coeur de la série, est celle de la perte du sens de la réalité. Un égarement progressif qui culminera avec le déchirant - mais sonnant si juste - final.

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Au-delà d'une métaphore identitaire aux accents de tragédie, Life on Mars ne repose pas uniquement sur cette toile de fond prenante et originale. En effet, la série ne se serait pas imposée avec une telle force à l'écran sans des protagonistes qui en sont la véritable âme. L'équipe policière, au sein de laquelle Sam Tyler est parachuté, est dirigée par un DI, Gene Hunt, personnalité forte qui défie toute catégorisation : il a ses ambiguïtés éthiques mais demeure instinctivement attaché à son métier et à la mission qu'il sous-tend. Ce personnage est profondément marqué, tant par les moeurs de son époque, que par les stéréotypes associés depuis dans l'imaginaire du public. Bien souvent, l'intérêt des épisodes va résider plus dans la confrontation explosives des deux approches, souvent presque antinomiques, incarnées par Sam et par Gene, plutôt que dans le fond de l'enquête menée qui n'est pas toujours des plus fouillées. Ici encore, l'opposition s'inscrit dans une lignée classique : les méthodes policières de travail des années 2000 n'ayant pas grand chose de commun avec ce qui peut être perçu comme le tourbillon des années 70. L'aspect très rigoriste, mais aussi très humain et souvent touchant, de Sam se heurte aux initiatives pragmatiques, détachése du code de bonnes conduites, et fonctionnant à l'instinct, que symbolise Gene.

Le clash était inévitable - et même recherché - et il va suivre un développement intéressant, s'inscrivant dans la logique du petit écran. En effet, si la construction des épisodes, de l'affaire du jour jusqu'aux oppositions de vues qu'elle génèrera chez nos deux principaux personnages, peut apparaître un peu répétitive sur le long terme, il faut cependant préciser qu'elle ne suit pas toujours avec rigueur un schéma invariable. Peu à peu, Gene et Sam vont parvenir à une certaine compréhension réciproque, où vont poindre les bases d'une amitié, mais aussi une forme de respect. Bénéficiant de cette complicité relative et du théorème selon lequel les opposés s'attirent, Life on Mars s'inscrit dans la lignée de ces bromances explosives particulièrement appréciées du petit écran. Pour parfaire cela, les excellents acteurs qui composent ce duo, John Simm et Philip Glenister, délivrent des performances parfaites, aux accents charismatiques très magnétiques et à l'alchimie évidente à l'écran.

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Bilan : Sans révolutionner le petit écran, Life on Mars aura réussi à pleinement capitaliser sur un concept de départ original, qui l'aura conduit à utiliser des ingrédients classiques dont la force va être de parvenir, avec beaucoup de naturel, à toucher la fibre affective du téléspectateur. Qu'il s'agisse de l'attrait nostalgique, de cette étrange ambiance indéfinissable naviguant entre faux policier et quête identitaire, entre drames et décalages humoristiques, l'attrait de la série restera sa capacité à se faire apprécier instinctivement, notamment par le biais de personnages très attachants.


NOTE : 8,5/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce (de la première saison) :