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26/04/2012

(Pilote US) Veep : une satire politique aux piques encore mouchetées

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Aux Etats-Unis, ce mois d'avril a été consacré au lancement de nouvelles comédies sur HBO. Girls est tout d'abord arrivée, avec son parfum un peu indépendant, son authenticité troublante, son réalisme aux frontières du pathos... Un véritable portrait générationnel sur lequel, après deux épisodes, je suis toujours incapable d'avoir un avis. Peut-être est-ce parce que la série me tend un miroir trop brut sur une génération à laquelle j'appartiens. En attendant donc d'être en mesure d'écrire quelque chose sur Girls, je vais m'arrêter sur celle qui a débuté dimanche dernier (le 22 avril) : Veep (histoire de continuer la programmation politique du blog).

Dire que Veep était très attendue dans les rangs sériephiles est un euphémisme. La série réunit en effet une équipe, tant devant que derrière la caméra, qui a de belles références, et laisse donc entrevoir un vrai potentiel. Le retour de Julia Louis-Dreyfus, mais aussi la présence de Tony Hale, retiennent forcément l'attention des amateurs de comédies d'outre-Atlantique. Quant à moi, c'est plus la perspective de retrouver derrière le projet Armando Iannucci qui m'intriguait (il a quand même signé quelques-unes des meilleures satires politiques de ces dernières années, sur le petit (The Thick of It) et le grand écran (In the loop)).

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Veep nous introduit dans les coulisses politiques de Washington, nous invitant à suivre le quotidien de la vice-présidente, Selina Meyer, et de son staff. S'efforçant d'exister dans ce rôle secondaire quelque peu ingrat et avant tout protocolaire, subordonné aux directives de la Maison Blanche, Selina tente de prendre des initiatives pour marquer son passage à cette fonction. Ainsi, au cours de ce pilote, la verra-t-on d'abord essayer d'associer son nom à une politique écologique... pour finir ensuite par tenter de réparer les dommages collatéraux causés par un tweet trop enthousiaste sur le sujet d'un membre de son staff, ayant irrité le lobby pétrolier. L'objectif de la série est clairement affiché : elle va nous dépeindre sans complaisance les rouages de la vie politique fédérale américaine.

Adoptant le style caractéristique du mockumentary, se plaçant au plus près des échanges, capturant les hésitations comme les répliques assassines, la caméra se fait volontairement - et pour le plus grand bonheur du téléspectateur - intrusive. Doté d'une bonne dose de cynisme, l'épisode va être rythmé par les différents ratés internes qui parsèment ces premières journées types aux côtés de Selina. Il faut dire que l'on croise dans les bureaux de la vice-présidence, à des degrés divers, un certain nombre de véritables bras cassés : leur connaissance des moeurs de Washington et le pragmatisme ambitieux inhérent à leurs postes n'occultent pas une spontanéité gaffeuse qui va être le principal ressort comique du récit. En cela, l'épisode s'avère efficace pour introduire cette galerie de protagonistes aux personnalités et fonctions bien définis. Veep s'est en effet rappelée qu'un mockumentary n'est pas un simple one-man-show (ou ici, woman-show) : se reposer sur un lead fort peut être une bonne chose, à condition d'avoir un entourage bien présent pour intéragir avec le personnage central. Au vu de ce pilote, il semble bien que la dynamique qui s'esquisse soit prometteuse !

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Mais si elle pose bien son cadre, c'est dans sa tonalité que Veep laisse une impression plus mitigée. Ce pilote propose en effet une introduction très hésitante (trop ?) dans l'univers politique, bien loin de la noirceur, du corrosif, et de l'irrévérence que l'on pouvait légitimement attendre d'un tel sujet, traité sous un tel format. Les dialogues sonnent presque timorés par moment. Certes, il y a bien quelques petites piques marquantes très réussies, comme lors de l'excellent dîner au cours duquel la vice-présidente doit improviser un discours - les différents incidents qui marquent la soirée, de l'intervention de l'employé de la Maison Blanche pour raturer le discours pré-écrit à la "gaffe" de Selina. Cependant, dans l'ensemble, j'ai eu le sentiment d'assister à une première prudente dans laquelle la série cherche encore son ton et son équilibre ; et les scénaristes sans doute une certaine assurance d'écriture.

Au-delà de ces ajustements à faire sur le fond, sur la forme, Veep est déjà au point : elle adopte les traits classiques et appropriés du faux documentaire, avec une caméra nerveuse au plus près de l'action et des conciliabules entre les membres du staff. Une approche brute qui convient parfaitement. Enfin, la série bénéficie d'un solide casting : c'est sur les épaules de Julia Louis-Dreyfus (Old Christine) que repose une bonne partie de la consistance du personnage de Selina Meyer. Au fil de l'épisode, elle se montre de plus en plus convaincante. A ses côtés, Tony Hale (Arrested Development) n'a pas son pareil pour jouer les assistants personnels un peu bênet - c'est d'ailleurs ce duo qui nous réserve quelques-uns des échanges les plus savoureux - ; et Anna Chlumsky, Matt Walsh, Timothy Simons, Reid Scott ou encore Sufe Bradshaw sont tous aussi convaincants.

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Bilan : Peut-être en attendais-je trop. J'aurais tant aimé vous parler de coup de foudre, puisque tous les ingrédients paraissaient a priori réunis. Mais ça n'a pas été pas le cas. Ne vous méprenez cependant pas : le pilote de Veep pose indéniablement des bases solides - notamment sa galerie de personnages - et laisse entrevoir, par éclipse, d'intéressantes promesses pour traiter par l'absurde et avec un certain cynisme de l'envers du décor de la vice-présidence américaine. Reste que, pour le moment, la série cherche encore manifestement son équilibre. J'attends d'elle plus d'impertinence, de surprise, que les piques mouchetées qu'elle nous propose dans ce pilote. Elle doit plus oser.

En conclusion, il faut aussi rappeler que le mockumentary est un genre qui nécessite souvent quelques réglages. Et au vu des quelques étincelles entre-aperçues - et de l'équipe, je garde confiance pour la suite ! A surveiller.


NOTE : 7/10


La bande-annonce de la série :

19/04/2012

(Dossier) Les séries & la politique : Part. 1, Actualités et références passées de la série politique

Avec un dimanche à venir placé sous le signe de la politique (premier tour de l'élection présidentielle française, lancement de Veep sur HBO), c'est l'occasion ou jamais d'évoquer ce sujet qui m'est cher : les séries politiques.

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Cela fait six ans que The West Wing s'est conclue. Une éternité. La source politique ne s'est pas tarie avec celle qui représente l'apogée de ce genre. En effet, depuis, de nombreuses séries ont vu le jour sur le sujet. Dans le versant dramatique, on pense notamment à Borgen (Danemark, 2010-..), President (Corée du Sud, 2010-2011), Daemul (Corée du Sud, 2010), Les Hommes de l'Ombre (France, 2012), Korean Peninsula (Corée du Sud, 2012), Boss (Etats-Unis, 2011-..), Yaldey Rosh Ha-Memshala (Israël, 2011-..), Ekipa (Pologne, 2007), Party Animals (Angleterre, 2007)... De plus, les comédies ne sont pas en reste avec des séries comme At Home with Julia (Australie, 2011), Polishok (Israël, 2009), The Hollowmen (Australie, 2008-..), Change (Japon, 2008), City Hall (Corée du Sud, 2009), The Thick of it (Angleterre, 2005-..), Parks & Recreation (Etats-Unis, 2009-..), Battleground (Etats-Unis, 2012), Veep (Etats-Unis, 2012), L'Etat de Grâce (France, 2007)... A l'exception d'At Home with Julia, qui fictionnalise la vie de la première Ministre d'Australie, et à un degré moindre et indirect de Yaldey Rosh Ha-Memshala dont la particularité est d'avoir pour scénariste la petite-fille de Yitzhak Rabin, nous sommes face à des fictions (non directement inspirées de faits réels).

Cette liste peut sembler longue. Elle n'a pourtant rien d'exhaustif. On pourrait encore y inclure Forbrydelsen (Danemark, 2007-..) ou The Wire (les dernières saisons) (Etats-Unis, 2002-2008) qui, à la jonction de différents genres, y auraient légitimement leur place. Ce bref exposé montre une chose : l'intérêt du petit écran pour la chose publique n'est pas un phénomène localisé (si j'avais pris le temps de faire des recherches, je suis persuadée que l'on aurait pu trouver des exemples sud-américains, voire africains). Cela semble correspondre à une réelle demande du public, peut-être tout simplement inhérente à la dynamique démocratique de nos sociétés (car si parler politique n'est pas garantie de succès, Borgen, Daemul ou encore Les Hommes de l'Ombre ont chacune rencontré leur public dans leur pays respectif). Certaines de ces fictions sont réussies, d'autres non ; elles ont toutes des partis pris narratifs différents, mais elles conservent pour point commun leur sujet de départ. Dans la catégorie "séries politiques", on retrouvera ainsi mêlées celles qui nous immergent dans le milieu politique, celles qui mettent en scène des thématiques politiciennes, ou même celles qui s'engagent, fictions citoyennes ou critiques.

J'ai toujours été profondément fascinée par le thème de la politique ; le rôle déterminant qu'a joué The West Wing dans la construction de ma passion pour les séries n'est pas un hasard. Dans ce dossier - en deux parties au vu de sa longueur -, j'aimerais essayer de vous expliquer à quoi correspond pour moi la série politique et les raisons pour lesquelles elle éveille mon intérêt. Pour commencer, il me semble nécessaire de rappeler que les premières grandes lettres de noblesse sériephiles de ce genre ne datent pas du XXIe siècle (I). Puis, dans une deuxième partie à venir, j'évoquerai les grandes thématiques explorées par quelques-unes de ces séries représentatives du genre (II).

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I. L'Angleterre, terre de fictions politiques : la décennie fondamentale des années 80

The West Wing s'est réapproprié le genre politique, elle ne l'a pas inventé. Le pays où la tradition de la série politique me semble la plus implantée est l'Angleterre. En terme de liberté de ton, d'acuité dans l'approche de ce milieu particulier et de traitement des thèmes qui transcendent le genre, mais aussi sur le plan de la réactivité par rapport aux évènements réels (le récent téléfilm On Expenses l'a encore une fois rappelé, relatif au scandale des notes de frais), la télévision anglaise n'a jamais hésité à aborder la question politique frontalement, sous toutes ses facettes et en empruntant toutes les tonalités. Et ce très tôt, sans doute parce que le genre s'est développé en s'inscrivant dans la lignée d'autres traditions narratives bien implantées.

Pour évoquer ces pionnières politiques du petit écran qui ont joué un rôle déterminant, la décennie marquante à retenir est celle des années 80-début 90, soit la décennie du gouvernement de Margaret Thatcher en Angleterre. On y croise quelques-unes des comédies politiques les plus réussies ayant durablement marqué les esprits, parmi lesquelles je retiendrais deux séries cardinales : Yes Minister (1980-84) / Yes Prime Minister (1986-88), et The New Statesman (1987-92). Précisons qu'elles ne sont pas les seules à l'époque - mais d'autres sont plus anecdotiques comme, par exemple, sur ITV, No job for a lady (1990-92). Par ailleurs, dans un registre très différent, les mini-séries politiques dramatiques ont également su se faire une place et s'essayer à l'exercice de la politique-fiction : A very British coup (1988) ou encore GBH (1991), voire même Edge of Darkness (1986), n'ont pas laissé indifférent, sachant que la grandiose House of Cards (1990-95) est, elle, venue refermer magistralement l'ère Thatchérienne.

L'attrait du petit écran pour la politique, tout comme la pertinence et la qualité pour l'évoquer, ne sont donc pas nés avec les années 2000.

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La série qui représente à mes yeux la quintescence de la fiction politique, ayant durablement imprégné les esprits, mais aussi la manière de concevoir la politique et ses ressorts (bien au-delà du seul petit écran anglais), reste Yes Minister / Yes Prime Minister. Rythmée par des dialogues délicieusement ciselés, maniant un humour froid souvent très drôle, cette série nous décrit les coulisses d'un cabinet ministériel (et puis, promotion oblige, du 10 Downing Street), en s'intéressant plus particulièrement aux relations entre les fonctionnaires en place au sein de l'administration et l'homme politique censé les diriger. Offrant à ses personnages des numéros de duettistes aux répliques jubilatoires qui resteront cultes, Yes Minister est une brillante comédie satirique qui, tout en sachant garder une distance par rapport à son sujet, fait preuve de beaucoup de finesse et de perspicacité pour capturer et décrire les dynamiques à l'oeuvre dans les coulisses gouvernementales. Demeurée une référence en matière d'écriture politique, elle a connu de nombreux remakes à travers le monde. Un retour au petit écran a même récemment été annoncé, les créateurs de l'original (Jonathan Lynn et Antony Jay) reprenant leur plume après une incursion au théâtre en 2010.

L'autre grande comédie politique de l'époque est The New Statesman. S'inscrivant dans un registre plus sombre, volontairement corrosive, cette série met en scène un MP (représentant à la Chambre des Communes) nouvellement élu du parti conservateur, Alan B'Stard. Arriviste ambitieux, arrogant et amoral, s'affranchissant de toutes limites et assumant toutes les prises de position sans sourciller, ce personnage provocateur (qui doit aussi beaucoup à la performance de Rik Mayall pour l'interpréter) reste une des figures les plus marquantes du petit écran britannique (que l'on peut éventuellement rapprocher d'autres anti-héros "détestables" de la comédie de l'époque, comme Blackadder). Dotée de dialogues très cinglants, se complaisant dans un humour aussi noir que savoureux, cette comédie particulièrement irrévérencieuse dresse en filigrane un portrait au vitriol du monde parlementaire, tout en entraînant son personnage principal dans toutes sortes d'histoires et plans improbables, y compris à l'étranger. Signe de son impact durable, le nom d'Alan B'Stard parle toujours aux Anglais et reste à l'occasion utilisé par ses créateurs, des années après la fin de la série, pour signer des éditoriaux dans certains journaux britanniques.

(Le générique de The New Statesman)


Aujourdhui, dans les séries actuelles, il existe toujours des héritières s'inscrivant dans la lignée ainsi tracée par leurs prédécesseurs. En 2009, la comédie israëlienne Polishok s'inspirait encore directement de la voie ouverte par Yes Minister (dont j'ai aussi parlé d'ailleurs du renouveau futur annoncé). Mais, ces dernières années, c'est sans aucun doute l'excellente The Thick of It qui apparaît comme la plus grande et digne représentante de cette tradition (qui s'exporte jusqu'au grand écran, avec In the loop). Elle a su adapter et intégrer des exigences modernes, notamment avec son approche mockumentary, tout en préservant les acquis satiriques consacrés précédemment.

Signe d'un filon inépuisable, le créateur de The Thick of It, l'Ecossais Armando Iannucci (qui, en 2005, décrivait sa série comme la rencontre de Yes Minister avec The Larry Sanders Show), lance ce dimanche sur HBO une nouvelle comédie Veep très attendue, mettant en scène une vice-présidente américaine interprétée par Julia Louis-Dreyfus. Cette nouveauté est à surveiller de près et montre que ce créneau qui s'est construit sur plusieurs décennies demeure porteur pour le petit écran.


La suite : Part. 2, Les grandes thématiques parcourant les séries politiques les plus représentatives.


[Ce premier article inaugure une nouvelle catégorie sur le blog : les Dossiers. Jusqu'à présent My Télé is Rich! a toujours été très centré sur les reviews - avec deux/trois billets d'humeur exceptionnels -, j'aimerais l'élargir à des billets un peu plus transversaux. Histoire de pouvoir prendre un peu de recul avec la production télévisuelle. N'hésitez donc pas à réagir (aussi ^^) sur cette idée.]