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23/11/2014

(NOR) Dag, saison 1 : un conseiller conjugal atypique pour une comédie acerbe

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"Listen. I don't despise you, or find you to be loathsome specimens. This isn't personal to me in any way. But I've heard everything you say from a hundred other couples. So please allow me to repeat : compatible personalities do not exist. When living together for an extended period, you end up repressing the other person's personality. Do yourself a favour : get divorced. End this misery. It'll be a mercy killing." (Dag, S01E01)


Imaginez un conseiller conjugal dont la philosophie de vie repose sur l'idée que chacun devrait vivre en solitaire. Cette certitude, Dag n'hésite pas à la partager avec les clients les plus divers qui osent pousser la porte de son cabinet. En guise de consultation, son écoute se conclut invariablement par un laïus déconstruisant minutieusement la notion de couple et, plus généralement, le soi-disant besoin de socialiser présenté comme inhérent à l'être humain. Ses thérapies ont donc l'avantage d'être courtes... et le taux de divorce, vertigineux, y défie toutes les statistiques.

Ce synopsis constitue le point de départ de Dag, une comédie norvégienne qui a rencontré un joli succès aussi bien critique que public dans son pays. Elle compte à ce jour trois saisons diffusées entre 2010 et 2013 sur la chaîne TV2. Après l'expérience concluante qu'avait été le visionnage de l'inclassable -et jubilatoire- Hellfjord l'an dernier, j'étais très curieuse de poursuivre l'exploration du petit écran norvégien, ainsi que la découverte de cet humour typiquement scandinave que l'on peut y croiser. Dag était la série parfaite pour cela. C'est en une petite semaine que j'ai terminé les 10 épisodes de la première saison - d'une durée d'environ 25 minutes chacun. En attendant la suite, aujourd'hui, poussons ensemble la porte du cabinet de ce thérapeute atypique.

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Dag est une comédie noire, à l'humour caustique, parfois féroce, souvent absurde. Centrée sur son personnage principal, la série fonctionne cependant comme un ensemble au sein duquel les figures secondaires contribuent tout autant à la tonalité corrosive ambiante. Tandis que Dag a toute latitude pour développer amplement ses théories sur l'asociabilité de l'être humain et l'incompatibilité naturelle entre deux individus auxquelles se heurte fatalement tout projet de vie commune, les autres protagonistes ne sont pas en reste. Chaque épisode est ainsi le témoin des derniers désastreux choix relationnels de Benedict, le -seul- ami de Dag, qui démarre la saison en abandonnant sa compagne, sur le point d'accoucher, à la maternité, se retrouvant poursuivi par les parents bouchers serbes de celle-ci pendant une bonne partie des épisodes. Au cabinet, les remarques de Malin, secrétaire intrusive pour qui la confidentialité est une notion inconnue, et les brèves sessions avec des clients, réguliers ou nouveaux venus, toujours hauts en couleurs, parachèvent de poser l'ambiance. La série se construit par petites touches souvent mordantes et sombres sur la nature humaine en général et les relations portées à l'écran en particulier. Agrémentée de tirades désillusionnées qui font mouche, elle cultive une tonalité résolument corrosive, rafraîchissante à sa manière dans cette façon atypique et décalée d'aborder ces grands thèmes classiques que sont la vie, la mort, la solitude... et l'amour.

Pour autant, derrière ces apparences aussi désenchantées qu'acérées, la série n'en est pas moins pourvue d'une certaine sensibilité. Car, au fil de la saison, le portrait de Dag se nuance à mesure qu'il se précise. Si le conseiller conjugal tient farouchement à son indépendance, faisant tout pour que rien ne puisse ni l'atteindre, ni le toucher (en témoigne le véritable sas qu'il s'est aménagé dans son appartement entre l'extérieur et les pièces dans lesquelles il vit), des informations sur son passé et sur sa famille, dévoilées progressivement, viennent nous donner une meilleure compréhension du personnage. Mieux encore, sa carapace se fissure face à l'obstination de sa sœur, puis d'Eva rencontrée justement par son intermédiaire. En effet, Eva s'immisce dans la vie minutieusement réglée de Dag, perturbant son quotidien et faisant dérailler quelques-uns de ses principes cardinaux, sans qu'il puisse vraiment refuser quoique ce soit à cette jeune femme qui brouille les défenses qu'il a érigées autour de lui. La mort de son père vient aussi le questionner. En filigrane, une interrogation se dessine : cela vaut-il la peine de tenter de s'ouvrir au monde, ou du moins à quelqu'un d'autre ? Sa philosophie de vie solitaire, aussi rationalisée qu'elle paraisse, ne dissimule-t-elle pas surtout la peur du rejet, de l'échec, de l'aléa tout simplement inhérent à toute relation ? Construire quelque chose à deux, c'est accepter de prendre un risque. De donner et de recevoir. Dag en est-il capable ? Sans rien brusquer, cette saison 1 est ainsi une histoire d'évolutions, sans que nul ne sache vraiment où elles conduisent...

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Dotée d'un humour acerbe et mordant, Dag est une comédie noire chargée de désillusions sur la nature humaine, qui excelle dans un registre à la fois provocateur et absurde. Sa tonalité à part repose en partie sur les épaules de sa figure centrale, conseiller conjugal atypique à la philosophie de vie solitaire revendiquée, mais aussi sur une galerie de personnages secondaires qui contribuent pleinement au décalage ambiant. Souvent féroce, délicieusement corrosive, mais non dépourvue d'une humanité qui pointe derrière son désenchantement, Dag est une série qui peut faire office d'introduction parfaite dans le registre comique venu du Nord. Avis aux amateurs (et aux sériephiles curieux) !


NOTE : 7,5/10


Pour conclure, laissons le mot de la fin à Malin, la secrétaire de Dag, qui explique les raisons qui l'ont conduite à choisir son métier :

"I love human disappointment. Or, not disappointment, exactly. But suffering. People who obliterate their sense of dignity. People banging their head against the wall, their heart on their sleeve... I just love it. It's just my cup of tea." (S01E03)


Les premières minutes du pilote (sous-titrées en anglais) :


[Retrouvez ce billet dans la sélection hebdomadaire Séries Mania]

17/08/2013

(NOR) Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet : une fiction empreinte d'humanité apaisante et rafraîchissante



Buzz Aldrin, what happened to you in all the confusion ?


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Il y a quelque chose de rassurant à constater que chacune de mes nouvelles découvertes en provenance de la télévision scandinave me conforte dans mon inclinaison pour ces fictions. Mieux encore, j'ai l'impression que, chaque année, un pays ressort tout particulièrement de mes programmations : en 2011, c'était le Danemark, en 2012, la Suède... en 2013, il semble que cela soit le tour de la Norvège. Il est vrai que depuis Lilyhammer et Koselig Med Peis, j'ai eu l'occasion de visionner des fictions extrêmement diverses au cours des six derniers mois : le thriller avec Torpedo, la comédie noire avec Hellfjord, et puis, en août, une mini-série sur la quête de soi : Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet ? (laquelle vient directement concurrencer la suédoise Torka aldrig tårar utan handskar pour le titre le plus imprononçable de l'année).

Buzz Aldrin, hvor ble det av deg i alt mylderet (Buzz Aldrin, what happened to you in all the confusion ? en version internationale) est une mini-série, en quatre épisode de 55 minutes environ, diffusée sur NRK1 en novembre et décembre 2011. Il s'agit de l'adaptation d'un roman de l'écrivain Johan Harstad, datant de 2005, et qui a été publié en France sous le titre Buzz Aldrin, mais où es-tu donc passé ?. C'est Geir Henning Hopland qui s'est assuré de la transposition à l'écran, signant à la fois le scénario et la réalisation. Buzz Aldrin (vous me pardonnerez de ne pas répéter le titre en intégralité tout au long du billet !) a aussi pour particularité d'être la première série du pays à avoir été proposée dans son intégralité dans les cinémas norvégiens avant même sa diffusion télévisée. C'est une fiction très riche, humainement et émotionnellement. Et, en bonus, elle est l'occasion pour le sériephile voyageur de découvrir de nouveaux territoires : direction les Îles Féroé !

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Mattias est né en 1969, le jour où l'Homme a marché sur la Lune. Tandis qu'il naissait, Neil Armstrong prononçait ses fameux mots "That's one small step for a man, one giant leap for mankind". En grandissant, il en a conservé une fascination pour l'espace. L'astronaute dont il a fait son héros n'est cependant pas celui qui a été le premier à poser le pied sur la Lune, mais Buzz Aldrin, le second. Il voit, dans cet homme de l'ombre, un rouage essentiel du projet ayant accepté d'être en retrait. Il en tire une admiration pour ceux qui arrivent à se placer second, et non sous le feu des projecteurs. Mattias rêve ainsi simplement de trouver sa propre place dans l'ombre pour y mener une existence paisible, sans histoire, ni imprévu, par exemple loin de l'agitation des concerts de son meilleur ami qui ne cesse de l'inviter à suivre leurs tournées.

A presque 30 ans, il semble avoir atteint son but : un travail de fleuriste/jardinier qui lui permet de se fondre dans le décor, la même petite amie depuis le lycée qu'il connaît par coeur. Sa vie suit une routine monotone qu'il ne voudrait changer pour rien au monde, préférant toujours le calme à la moindre proposition de sortie de sa compagne. Mais Mattias va brutalement voir tous ses repères s'effondrer : sa petite amie décide de le quitter, estimant que leurs aspirations ne correspondent plus, puis l'entreprise qui l'emploie se déclare en faillite et est obligée de le licencier. Pour tenter de lui changer les idées, son meilleur ami l'entraîne avec son groupe de musique vers les Îles Féroé où ils doivent donner un concert. Perdu dans sa douleur, Mattias se brouille avec eux. Il se réveille sur une route isolée qui traverse une des îles. Ne sachant où aller, ni que faire ensuite, il est alors recueilli par Havstein, un psychiatre qui a organisé une petite communauté comptant plusieurs patients que le cadre unique doit aider à guérir.

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Buzz Aldrin place le téléspectateur aux côtés du personnage de Mattias. De façon intime, elle nous glisse dans son esprit, nous faisant comprendre sa manière de voir et de penser, et partageant avec nous toutes ses attentes. Dotée d'une écriture fine, la mini-série dresse par petites touches un portrait humain et faillible, s'attachant à mettre en lumière la psychologie de son héros, tout en explorant les relations qu'il entretient avec ceux qui gravitent autour de lui. Les autres protagonistes ne sont pas négligés, traités plus rapidement, mais avec le même souci d'éclairer leurs façons d'être ou motivations. Buzz Aldrin est un véritable "human drama", sincère et versatile, au propos très riche. La mini-série se révèle capable de jouer sur une large palette de tonalités, alternant les ambiances, tour à tour touchante, légère, poignante... Elle manie admirablement l'art de la rupture dans ses dialogues, s'amusant des moments de flottement qu'elle crée : un style de narration caractéristique qui semble fréquent dans les fictions norvégiennes, car Koselig Med Peis et Hellfjord l'exploitaient déjà très bien (même remarque, d'après les premiers épisodes que j'ai pu voir, pour Halvbroren).

Le récit est ponctué de plusieurs monologues de Mattias au cours desquels il développe sa fascination pour Buzz Aldrin sur fond d'images d'archives. Il nous montre comment il a peu à peu reconstruit dans son esprit cette figure publique, idéalisant le fait qu'il n'ait été que le deuxième homme à marcher sur la Lune en y voyant son acceptation d'être en retrait, maillon nécessaire de l'ombre. Dès l'enfance, Mattias n'aspire qu'à l'anonymat d'une vie paisible, ambition décalée que les autres comprennent mal. Il refuse de se mettre en avant, qu'importe les talents dont il dispose (il chante très bien) et qui pourraient lui permettre de se retrouver sur le devant de la scène. Il mène pareillement sa vie d'adulte. Mais une question se fait de plus en plus pressante au fil du premier épisode qui va être celui de tous les bouleversements : jusqu'où peut-il s'effacer ? Face à la personne qu'il aime, cette attitude ne risque-t-elle pas de le faire disparaître peu à peu à ses yeux ? N'y-a-t-il pas des fois, dans certaines circonstances, où l'on doit accepter d'être mis en avant ? En s'obstinant à se fondre dans un décor qui n'a rien d'immuable, le jeune homme se perd lui-même lorsque tous ses repères s'effondrent.

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Les Îles Féroé sont un point de chute dans tous les sens du terme pour Mattias, y compris métaphorique au vu de son arrivée mouvementée. Elles vont lui offrir une première réponse. Perdues au bout du monde, isolées avec leurs moutons, elles sont une destination rêvée pour lui. Elles rendent d'abord possible une fuite en avant temporaire : la communauté qui l'accueille permet de rétablir un quotidien huilé où Mattias peut vite reposer les bases d'une vie monotone, sans remous, ni inattendu. Elles vont pourtant, à terme, le forcer à se remettre en cause, faisant se confondre la quête de stabilité et une véritable quête de soi. Les rencontres et les évènements le contraignent en effet à sortir de sa réserve, en lui donnant quelques leçons de vie parfois douloureuses. Il faut dire qu'au sein de la communauté dans laquelle il vit, chacun a ses propres démons, y compris  Havstein, le psychiatre qui a ses propre raisons pour s'être égaré sur ces îles. Privilégiant  toujours une approche humaine, la mini-série dépeint les craintes et les désirs de toutes ces personnes qui s'efforcent, presque malgré elles parfois, de continuer à aller de l'avant.

Au final, Buzz Aldrin est l'histoire d'une reconstruction. Tout en restant fidèle à lui-même et à son idéalisation de l'anonymat et du second plan, Mattias va apprendre que l'on ne peut pas se fondre et disparaître face à ses proches. S'il est possible de chérir sa tranquillité, il faut parfois admettre être le centre d'attention, celui qui compte, celui sur lequel on peut se reposer. Si la mini-série laisse une impression durable, c'est justement parce que le parcours de Mattias se révèle tout aussi régénérateur pour le téléspectateur. Non seulement on s'implique aux côtés du personnage, mais l'effet apaisant des Îles Féroé joue également. Invitation au dépaysement, loin de toute course aux ambitions, le récit prend volontairement son temps : il est une ode à la simplicité, et à la vie en général, confortant l'idée que chacun peut trouver la place qui lui convient. Le visionnage de Buzz Aldrin a ainsi quelque chose de profondément réconfortant. Elle est une de ces fictions sincères et humaines, rafraîchissantes par son propos, qui conserve une saveur vraiment particulière.

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Dense sur le fond, Buzz Aldrin peut également s'appuyer sur une réalisation soignée et maîtrisée : la caméra est posée, plutôt habile, sachant utiliser des plans larges comme serrés. De plus, elle dispose d'une bien belle photographie. Le décor dans lequel se déroule la majorité de la mini-série (3 épisodes sur 4) est un atout dépaysant non négligeable, et son réalisateur l'a parfaitement compris, faisant de ce cadre un acteur à part entière du récit. Il faut dire qu'il a l'art de rendre magnifiques ces paysages glacés mais quasi-féériques des Îles Féroé, semblant par moment égarer volontairement ses personnages entre brume, verdure et mer, en jouant sur ces couleurs dominantes. Outre de jolies images, Buzz Aldrin dispose d'une bande-son assez bien dosée, dans laquelle ressortent notamment les prestations musicales de Mattias : la référence omniprésente au voyage spatial la conduit tout naturellement vers David Bowie, et Space oddity n'a jamais semblé plus adéquate que lorsqu'elle retentit dans la mini-série. Le générique se révèle original, mettant en parallèle la naissance de Mattias et l'atterrissage sur la Lune, avec en filigrane une symbolique sur la vie.

Enfin, Buzz Aldrin dispose d'un solide casting, assez international, à dominante plutôt danoise dans les rôles principaux. C'est Pal Sverre Valheim Hagen qui incarne Mattias, dont la recherche d'anonymat se transforme peu à peu en quête existentielle, afin de tout reposer à plat dans sa vie. Le visage le plus familier pour le sériephile amateur de fictions scandinaves sera sans doute celui de Bjarne Henriksen (Forbrydelsen I, Blekingegade, Borgen) qui paraît apprécier de circuler dans toute l'Europe du nord (souvenez-vous de la saison 2 de l'islandaise Pressa) : il interprète ici le psychiatre gérant la communauté accueillant Mattias aux Îles Féroé. Parmi les autres prestations notables, signalons la performance de Rikke Lyllof (Borgen), jouant une patiente instable, dont l'expressivité touchera durablement au fil de ses évolutions. On retrouve également Annfinnur Heinesen, Annika Johanssen (Kirsebærhaven 89), Helle Fagralid (Nikolaj og Julie, Jul i Valhal, Blekingegade, Forbrydelsen III), Kristine Rui Slettebakken, mais aussi Chad Coleman (The Wire, The Walking Dead) dans le rôle entièrement anglophone d'un naufragé.

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Bilan : Fiction empreinte d'humanité, bénéficiant d'une écriture simple et sincère, Buzz Aldrin se révèle extrêmement rafraîchissante et étonnamment apaisante. Partant de ce désir d'anonymat dans lequel se perd un temps Mattias, c'est de la vie en général qu'elle finit par traiter. Dotée d'une tonalité versatile, jamais lourde, elle propose l'histoire d'une reconstruction, en en faisant un véritable parcours régénérateur. Aussi dépaysante qu'attachante, revivifiante même, il s'agit d'une mini-série un peu part dont le visionnage ne laisse pas indifférent. La narration se construit tout en ruptures, parfois un peu abruptes par leur enchaînement, mais l'ensemble reste une bien belle découverte qui vient confirmer toute la richesse de la fiction scandinave qui a décidément beaucoup à apporter, dans des genres très différents, loin de se limiter au seul polar.


[La mini-série est disponible avec des sous-titres anglais, y compris en DVD par là.]


NOTE : 7,75/10


Une bande-annonce de la série :

Un extrait (chanté - Space oddity) :

26/04/2013

[Dossier] Au Nord il y a des séries !

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Quittant la (relative) fiabilité de ma connexion internet pour quelques jours, je vous préviens donc que l'actualisation de ce blog dépendra pour le week-end à venir de l'éventuel wifi que mon ordinateur pourra capter. Je ne vous laisse cependant pas sans lecture.

En effet, j'ai fait quelques infidélités à mon blog cette semaine, et j'ai réalisé pour Allociné un dossier consacré aux séries scandinaves. C'est un article qui pourra intéresser ceux qui, parmi vous, sont amateurs de séries scandinaves (ou les curieux par-delà ces frontières !), appréciant Äkta Människor actuellement sur Arte, ayant aimé Borgen ou encore Forbrydelsen, voire ayant essuyé plus récemment quelques larmes devant Don't ever wipe tears without gloves. Ce dossier vient compléter d'une certaine manière toutes les explorations nordiques que j'ai pu partager au fil de ce blog.

L'idée n'a pas été de se lancer dans une revue exhaustive, mais plutôt d'essayer d'apprécier l'essor et le dynamisme scandinave (ainsi que l'effet de mode) sous ses différentes facettes. L'article est organisé comme suit :

1. Äkta Människor : un drame humain et social
2. La fiction, miroir critique de la société
3. Une source littéraire ne se limitant pas au polar
4. Le Danemark et la révolution de DR à la fin des années 90
5. Le dynamisme actuel
6. Par-delà les frontières de la Scandinavie
7. Une fiction scandinave ne se limitant pas au polar

Pour lire l'article, rendez-vous par là : "Real Humans", "Borgen", "The Killing"... Au Nord il y a des séries !

Le générique de Ørnen: En krimi-odyssé.

(Pour se mettre dans l'ambiance)

14/04/2013

(NOR) Hellfjord, saison 1 : une jubilatoire comédie férocement noire et décalée

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On associe souvent le dynamisme des séries nordiques aux fictions policières, même si la danoise Borgen, la norvégienne Koselig Med Peis ou, actuellement sur Arte, la suédoise Äkta Människor (Real Humans) démontrent que les pays scandinaves savent aussi proposer d'intéressantes fictions dans d'autres genres. Cependant toutes ces séries ont pour point commun d'être des dramas. Le sériephile curieux est donc logiquement amené à s'interroger : qu'en est-il des comédies nordiques ? Ont-elles aussi des particularités qui les font se démarquer et une tonalité qui saura conquérir les téléspectateurs par-delà leurs frontières ? La plus notable que j'avais eu l'occasion de voir jusqu'à présent est la marquante trilogie islandaise Næturvaktin, Dagvaktin, Fangavaktin, à l'humour noir, abrasif, souvent désespéré. Mais cette semaine, c'est une autre brillante comédie que j'ai pu visionner : direction la Norvège !

Hellfjord a été diffusée sur la NRK à l'automne 2012 (à partir du 9 octobre). Sa première saison compte 7 épisodes d'une demi-heure chacun environ. A l'écriture de cette fiction pour le moins atypique, on retrouve Tommy Wirkola et Stig Frode Henriksen (à l'origine de la comédie horrifique avec des zombies nazies, Dead Snow), ainsi que Zahid Ali (qui joue également le rôle principal de la série). Parmi les sources d'inspiration diverses, il est notamment aisé d'identifier Twin Peaks dans l'ambiance de ce petit village reculé dans lequel débarque le héros. Complètement décalée, avec un humour parfois assez trash voire gore, Hellfjord n'en est pas moins une bouffée d'air frais jubilatoire. Ce n'est donc pas un hasard si, le mois dernier, Showtime a lancé un projet de remake pour la télévision américaine. Mais commençons par savourer l'original.

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Le personnage principal de la série, Salmander, est un officier de la police montée d'Oslo. Mais lors des cérémonies pour la fête de l'indépendance, son cheval fait un malaise. Ne voyant d'autres alternatives, Salmander entreprend d'abréger ses souffrances, une tâche qui s'avère plus ardue que prévue et finit en un véritable massacre de l'animal sous les yeux effarés d'une foule festive traumatisée. Salmander est immédiatement convoqué par ses supérieurs et démis de ses fonctions face au scandale que ses actes ont causé. Cependant, du fait de son contrat, il ne peut être renvoyé avant un délai de trois mois. Il est donc muté pour cette période dans un coin reculé du nord du pays, Hellfjord.

C'est dans ce village, accessible uniquement par bâteau et vivant à son propre rythme, que Salmander débarque après un périple maritime guère rassurant qui lui confirme son absence de pied marin. La moyenne d'âge des habitants de Hellfjord est de 67 ans. Comme toute localité, il y a quelques particularités locales typiques : par exemple, un serpent des mers qu'il faut nourrir avec des têtes de chèvres ou encore le fait d'être la seule commune de Norvège où tout le monde fume - Salmander et ses chewing-gums à la nicotine pour tenter d'arrêter ne pouvaient plus mal tomber. Et puis, Hellfjord a un docteur... qui fait également office de dentiste, plombier, postier et mécanicien-garagiste. Il y a même un charmant bar où il est possible de voir danser des strip-teaseuses... ou simplement prendre un repas dominical en famille. Quant à l'économie locale, elle dépend principalement d'une entreprise de poissonnerie, Hellfish, tenue par un suédois.

Fils d'immigré pakistanais, Salmander n'est pas accueilli à bras ouvert par les habitants. Mais derrière les apparences tranquilles de ce petit village, se cachent surtout d'autres secrets bien moins avouables. Lorsqu'un employé de Hellfish est retrouvé mort, le futur ex-policier va peut-être tenir là un moyen de briller pour obtenir de rester dans la police.

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Hellfjord est une fiction rafraîchissante par cette façon qu'elle a de crânement tout oser dans un registre comique à part. L'interminable exécution du cheval de Salmander, Gunnar, au début du pilote donne parfaitement le ton : la série va s'épanouir dans un humour franchement noir, assez trash et souvent excessif. Elle provoque à dessein le téléspectateur qui se prend au jeu, multipliant les passages allant volontairement à contre-courant, versant dans le gênant voire dans l'écoeurant, et s'amusant à repousser les limites de ce qui peut être mis en scène. Si l'ensemble peut initialement dérouter, il apparaît vite surtout totalement décalé, avec même une facette carrément gore. Cependant, cette propension à faire régulièrement jaillir l'hémoglobine ne remet jamais en cause la tonalité humoristique d'une fiction qui ne se prend certainement pas au sérieux, qu'il s'agisse de relater une autopsie tournant au désastre ou de mettre en scène des fusillades dignes des films d'action les plus musclés.

Si la santé mentale des scénaristes de Hellfjord tendrait à devenir par moment un légitime sujet d'inquiétude, il ne faut pas s'y tromper : c'est une partition pensée dans ses moindres détails et dans tous ses dérapages qui nous est proposée. La série s'amuse à constamment prendre à rebours les attentes du téléspectateur, multipliant les chutes inattendues et les passages de flottement un peu confus normalement inexistants dans une fiction. Les ruptures de rythme y sont constantes, permettant aux épisodes de trouver leur propre allure de progression. Ce n'est certes pas un humour auquel tout le monde adhèrera, mais cette tonalité férocement noire et abrasive apparaît très rafraîchissante. Les scénaristes excellent dans l'art d'emprunter à différents genres des codes narratifs normalement si calibrés pour mieux s'en affranchir et les détourner. Cela rend l'ensemble aussi original que jubilatoire.

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Il est d'autant plus appréciable de rentrer dans la tonalité de Hellfjord que cette série bénéficie d'un univers très travaillé et abouti. La filiation Twin Peaks-ienne est revendiquée et exploitée. La série recèle de mille et uns détails pour caractériser des instantanés de la vie de ce petit village et pour esquisser le portrait des personnages. Chacun, avec ses excentricités et ses incompétences, se fond dans ce décor à l'ambiance atypique. Une grande partie de l'effet comique de la série repose sur les dynamiques qui vont naître entre les différents protagonistes : elles sont pleines de maladresses, de malaises et d'instants gênants où nul ne sait comment passer à autre chose. Si ces échanges laissent quelque peu interdits au départ, ils deviennent progressivement un des charmes de ce lieu éloigné de tout, situé par-delà le cercle polaire (il ne fait donc jamais nuit pendant une partie de l'année). D'autant plus que Hellfjord cultive tout un folklore local, avec son serpent des mers ou encore son club de lancers de harpons. Le dépaysement est donc assuré, porté par ces grands espaces nordiques bien mis en valeur.

Dans ces conditions, Salmander aurait pu croire que son séjour serait d'un calme absolu - réduit à chasser les infractions routières sur la seule route du coin... quasiment désertée. Mais ce calme est trompeur. En effet, pour pimenter l'ensemble, Hellfjord prend des accents policiers mystérieux avec un fil rouge d'investigation qui va couvrir toute la saison. Car quelque chose ne tourne pas rond dans ce village (en plus de tout le reste). Après un premier mort parmi ses employés, la poissonnerie Hellfish devient de plus en plus inquiétante, de même que son patron. Quelles sont les réelles activités de cette entreprise islandaise qui distribue son poisson à travers tout le pays ? Pour résoudre cette affaire qui se complexifie au fil des épisodes, une improbable équipe se forme. En plus d'être aidé et mis sur la voie par la jolie journaliste du coin qui, heureusement, sera plus d'une fois là pour lui sauver la mise, Salmander va devoir compter sur son récalcitrant assistant, Kobba, ainsi que sur son épouse finlandaise qui, à défaut de parler norvégien, dévoilera quelques compétences inattendues. Se crée ainsi une étrange alliance, totalement à l'image de la série : décalée et permettant d'insuffler des dynamiques à part.

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Sur la forme, Hellfjord est également une série très aboutie, pouvant s'appuyer sur une superbe réalisation notamment confiée à Patrik Syversen. Qu'il s'agisse de capturer l'isolement et le cadre (somptueux) dépaysant qu'offre ce village du bout de la Norvège, ou bien de mettre en scène des rêves ésotériques causés par un sommeil agité car la nuit ne tombe jamais, ou encore de basculer dans une violence gore sans perdre ses accents comiques, la caméra fait preuve d'une maîtrise jamais prise en défaut. De plus, la série se construit progressivement une atmosphère particulière, bien aidée par une bande-son toute aussi inspirée, dont l'influence Twin Peaks-ienne assumée contribue à l'immersion du téléspectateur dans les mystères de ce lieu : la musique y résonne à la fois étrange et envoûtante, pour un résultat très intriguant.

Enfin, Hellfjord bénéficie d'un casting - dans lequel on retrouve plusieurs de ses scénaristes - dont le jeu va parfaitement s'adapter à la tonalité ambiante, avec ses excès et ses décalages. Le rôle de Salmander est confié à Zahid Ali (Taxi) qui n'a pas son pareil pour jouer le policier s'efforçant de donner le change et de paraître calme et préparé à toutes les situations, alors qu'il est le plus souvent dépassé et atterré par ce qu'il rencontre à Hellfjord. C'est Stig Frode Henriksen (Hjerterått) qui interprète son assistant, Kobba, personnage abrasif haut en couleur. Ingrid Bolso Berdal (Kodenavn Hunter, Hjerte til hjerte) incarne la journaliste locale qui va aider l'enquête de Salmander. Le patron de Hellfish est quant à lui joué par Thomas Hanzon (Morden i Sandhamn). On croise également Pihla Viitala (Lemmenleikit), en guise de "mail order wife" finlandaise ne manquant pas de ressources ou encore Maria Bock (Hvaler) en vieille logeuse intrusive.
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Bilan : Dotée d'un féroce humour noir, abrasif et provocateur, Hellfjord est une comédie décalée assez jubilatoire. L'originalité et le soin apporté à son cadre et à l'univers ainsi créé en font un sacré moment de télévision, loin des fictions aseptisées et calibrées. Signe de la richesse de l'écriture, la saison 1 n'a pas épuisé tous les secrets de son cadre. Ce village du bout de la Norvège n'a en effet pas dévoilé tous ses mystères, et une dimension plus fantastique est à envisager, puisque les rêves ésotériques de Salmander prennent une toute autre tournure lors de la scène finale avec l'arrivée d'un nouveau venu : le prêtre de ses "visions". Il faut donc croiser les doigts pour que la NRK commande une suite, il serait en effet dommage de ne pas poursuivre l'exploration de Hellfjord.

En résumé, certes, la série n'est pas à mettre entre toutes les mains, et tous les publics ne s'y retrouveront pas. Mais elle n'est pas moins une bouffée d'air frais originale au sein des productions du petit écran. L'expérience mérite donc le détour. Et comme des sous-titres anglais sont disponibles (et même un coffret DVD par là), inutile de prendre prétexte du projet de remake de Showtime pour patienter : lancez-vous dans l'original (ce dernier a toujours plus de saveur) !


NOTE : 8/10


Des bande-annonces de la série :



11/01/2013

(NOR) Torpedo (Torpille) : une enquête difficile vers un engrenage létal

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Mes programmes de ce début d'année 2013 sont placés sous le signe de la Scandinavie. Il m'a tout d'abord fallu digérer le final de Forbrydelsen et faire mon deuil de cette série danoise qui aura marqué mon ouverture au petit écran européen. Pour me changer les idées, j'ai choisi de poursuivre mes escapades scandinaves en mettant le cap plus au nord. Je suis remontée en Suède, où j'achève de rattraper la version anglaise de Wallander (sur laquelle je reviendrai très prochainement), et en Norvège, où je me suis plongée dans une mini-série intitulée Torpedo. Ce thriller s'est avéré très prenant.

Ecrite et réalisée par Trygve Allister Diesen, Torpedo (Torpille en version française) a été diffusée sur TV2 en 2007. Comprenant 4 épisodes de 48 minutes, elle a retenu l'attention en Norvège. La bonne nouvelle, c'est que cette intéressante fiction du petit écran nordique nous parvient enfin en France en ce début d'année 2013 grâce à Eurochannel qui continue d'être une voie d'accès à surveiller pour les productions européennes. La chaîne a en effet entrepris sa diffusion depuis la semaine dernière (les multi-rediffusions devraient vous permettre de la rattraper, et pour ceux qui n'ont pas Eurochannel, le service de VOD est à surveiller). Torpedo est une brève mini-série efficace que devraient apprécier les amateurs.

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Terje Jonassen, un ancien soldat et commando, s'est reconverti depuis son retour à la vie civile en homme de main, redoutable notamment pour collecter les dettes de jeu. Son professionnalisme rigoureux permet souvent d'éviter que des situations sensibles ne dégénèrent : s'il ne cherche pas la violence pour la violence, il n'hésite pas à y recourir s'il s'y estime contraint et effraie facilement plus d'un récalcitrant. Terje est marié à Sissel, une belle femme dont le portrait s'affiche actuellement sur tous les écrans publicitaires de la ville. Ils ont ensemble une petite fille, Maja. Le défi quotidien de Terje est de trouver l'équilibre entre un travail où les commanditaires sont peu conciliants, avec des horaires parfois compliqués, et une vie familiale à soigner.

Mais tout bascule brusquement un jour. Une collecte de dette dont il devait avoir la charge tourne mal, notamment en raison des prises d'initiative peu inspirées de l'acolyte auquel il avait confié la tâche de finir le travail, Terje ayant préféré pouvoir profiter pleinement de l'anniversaire de sa fille. Ce dérapage suscite la colère du boss mafieux local, Cedomir. Cependant, le bien des affaires primant, Terje pense pouvoir vite tout arranger. Mais lorsqu'il rentre chez lui avec sa fille pour organiser l'anniversaire de cette dernière, il découvre le corps sans vie de sa femme dans la salle de bain : elle a été abattue à bout portant. Connu pour sa jalousie, Terje devient immédiatement un suspect privilégié pour la police.

Se sachant innocent, il n'entend pas rester les bras croisés et entreprend sa propre enquête pour retrouver le meurtrier. Plongeant dans les bas-fonds du crime organisé norvégien, la douleur lui faisant oublier toute prudence, il prend le risque de provoquer un engrenage dangereux. Mais il va aussi découvrir qu'il ne connaissait peut-être pas Sissel aussi bien qu'il le croyait.

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Torpedo est un thriller musclé qui sait jouer sur plusieurs tableaux : c'est une série d'action, dont certains passages empruntent aux fictions de gangsters, mais qui ne néglige pas pour autant des passages plus posés permettant des développements personnels. Sa mise en scène, à la sobriété calculée, renvoie une impression de réalisme abrasif qui contribue grandement à la tension ambiante. Bénéficiant d'un scénario solide et bien huilé, la fiction sait ménager le suspense jusqu'à la fin. Elle a pour atout de se dérouler sur une durée brève (4 jours, soit un épisode par jour) : elle peut ainsi relater sans temps mort l'enchaînement rapide d'évènements qui vont complètement bouleverser la vie de son personnage principal. L'histoire nous est racontée uniquement du point de vue de ce dernier, permettant de partager ses questionnements, mais aussi de mesurer combien la situation lui échappe progressivement. Il faut dire que Treje est en bien des points le prototype du protagoniste de film d'action : sombre et efficace, il s'épanouit parfaitement dans l'atmosphère particulière de la mini-série. Avec détermination, mais aussi des limites comme ses éclats violents, il nous entraîne dans cette investigation difficile où il tente de faire preuve de la même froideur rationnelle qui lui servait tant dans son travail.

Très vite, Torpedo prend les allures d'une quête de vengeance, mais il serait bien réducteur de la cantonner uniquement à ce genre. En effet, elle est surtout l'histoire de la descente aux enfers d'un homme prêt à tout bousculer, jusqu'aux bas fonds les plus mal famés du crime norvégien, pour retrouver le meurtrier de sa femme. Avant d'envisager la revanche, il s'agit d'abord pour lui de comprendre ce qu'il s'est passé. Sur ce plan, la mini-série n'a pas son pareil pour jouer des faux semblants et des coïncidences, et nous lancer sur de multiples fausses pistes. A mesure que Terje progresse, tout ne cesse de se complexifier ; et il découvre qu'il ignorait bien des choses sur la vie de Sissel. Les doutes se multiplient alors : et si les secrets de sa femme avaient provoqué sa perte ? Au fil des rebondissements, Terje peine à faire le tri entre les mensonges et les demi-vérités que chacun consent à lui dire. Torpedo réussit très bien à nous glisser dans une ambiance tendue et paranoïaque, où il faut se méfier de tout et où rien ne doit être pris pour argent comptant. C'est un engrenage létal qui se met en branle, très bien géré jusqu'à la fin et un ultime twist qui laisse un goût chargé d'amertume en parfait accord avec le parti pris réaliste et la tonalité sombre de l'ensemble.

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L'atmosphère pleine de tension que cultive Torpedo est renforcée par les intéressants choix faits par le réalisateur, Trygve Allister Diesen (un nom qui parlera peut-être à ceux qui ont apprécié Kommissarie Winter au printemps dernier sur Arte, puisqu'il s'était chargé de la réalisation des deux premiers épisodes). Filmée caméra à l'épaule, la mini-série bénéficie d'une réalisation extrêmement nerveuse, avec des plans toujours proches des protagonistes. Comme un écho à la tonalité de la mini-série, l'image est relativement sombre, avec une photographie qui semble jouer sur le contraste glacé entre la noirceur ambiante et le paysage enneigé qui est mis en scène (soit dit en passant, cet enneignement a laissé la téléspectatrice de latitudes tempérées que je suis effarée : comment est-il possible de conduire si vite sur une route si blanche ?!). A cela s'ajoute une bande-son sobre et appropriée, à l'image du générique (cf. vidéo ci-dessous).

Enfin, le casting se met au diapason. Le rôle principal est confié à Jorgen Langhelle qui trouve avec aisance ses marques dans ce registre de rudesse efficace caractérisant son personnage. Dans son entourage, on retrouve Aksel Hennie qui interprète son compère, plus souvent source d'ennuis que d'une réelle aide. La tête la plus connue du sériephile amateur du petit écran scandinave est sans doute Dejan Cukic (Hvor svært kan det være, Nikolaj og Julie, Borgia), que j'avais apprécié l'année dernière dans la série danoise Forestillinger, qui, cette fois-ci, incarne un chef mafieux que le héros va affronter. On croise également Rebekka Karijord, Gard Eidsvold, Lisa Werlinder, Kyrre Haugen Sydness, Morten Faldaas (Hjem), Maria Schwartz Dal, Anneke von der Lippe et Sven Nordin.

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Bilan : Récit musclé et mouvementé d'une enquête qui ne cesse de se complexifier, Torpedo met en scène l'enclenchement d'un engrenage létal. Fiction à la tension efficace, prenante jusqu'à la fin, elle sait très bien entretenir les fausses pistes et multiplier les faux semblants, jusqu'à une résolution intéressante en parfait accord avec la tonalité quelque peu désillusionnée dans laquelle elle nous plonge. En résumé, il s'agit d'une mini-série intéressante dans son genre, une expérience qui devrait parler aux amateurs de suspense, d'action, comme à ceux qui ont succombé aux sirènes scandinaves.


NOTE : 7,25/10


Le générique de la série :

Une bande-annonce :