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09/06/2012

(Pilote NOR) Koselig Med Peis (Norwegian cozy / Esprit norvégien) : un drama familial touchant

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Février dernier avait été l'occasion d'une première incursion dans le petit écran norvégien avec une co-production réalisée avec les Etats-Unis, la dépaysante Lilyhammer. Aujourd'hui, c'est une série 100% venue de Norvège dont je vais vous parler : Koselig Med Peis. Encore que son créateur, Thomas Torjussen, n'hésite pas à citer Six Feet Under parmi ses sources d'inspiration dans un registre du drame familial dont certains ingrédients seront en effet familiers au téléspectateur. Cependant cette fiction sur laquelle il a travaillé trois années n'en est pas moins empreinte d'une atmosphère caractéristique, propre aux oeuvres d'Europe du Nord.

Koselig Med Peis (Norwegian Cozy à l'international ; ou encore Esprit norvégien en version française) est une mini-série de six épisodes, d'une durée d'1 heure chacun environ. Elle a été diffusée en Norvège sur NRK1 en début d'année 2011. Pour les curieux parmi vous, sachez qu'elle arrive très prochainement en France sur Eurochannel, où sa diffusion débutera le dimanche 17 juin à 19h45. Et si vous ne recevez pas cette chaîne, tout n'est pas perdu : le coffret DVD norvégien comprend en effet une piste de sous-titres anglais, il est disponible notamment par là. En ce qui me concerne, après tout le bien qu'avait pu en dire LadyTeruki, cette série figurait sur ma liste "à voir" depuis plus d'un an. Je me suis enfin lancée ; et si j'ai mis un peu de temps à rentrer dans ce pilote, j'en suis ressortie très intriguée.

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Koselig Med Peis s'ouvre sur le retour de Georg, 36 ans, qui vient rendre visite à ses parents. Enfin, à sa mère surtout qui a refait sa vie avec une femme, tandis que les relations très dégradées qu'il entretient avec son père, Frank, font de ce dernier presque un étranger. Georg retrouve aussi à la table familiale son jeune frère, Terje, et son sens de l'entreprenariat mené en dehors des sentiers battus. Mais c'est seul qu'il arrive chez sa mère, s'étant encore disputé avec sa petite amie, une chanteuse qui vient tout juste de sortir un disque et avec laquelle il n'a plus grand chose en commun alors qu'elle lance sa carrière. Son couple ne tient plus qu'à un fil, ou même peut-être est-il déjà bel et bien fini.

Georg aurait pourtant une annonce à faire : peu avant leur dernière rupture, sa compagne lui avait dit être enceinte. L'idée d'être parent un jour l'amène à essayer de renouer avec ce père à l'égard duquel il nourrit plus de rancoeur que de sentiments. Pousser la porte de la vieille demeure famliale le fait retourner sur les traces d'une enfance lointaine, à la source de ses doutes sur sa vie d'adulte et sur sa conception de la paternité. L'état de son père s'est cependant considérablement dégradé loin d'eux. Son médecin pense qu'il faut que quelqu'un s'occupe désormais de lui, et sollicite Georg. Si ce dernier refuse dans un premier temps, la confirmation de la rupture avec son amie et le fait qu'il ne travaille pas le conduit à accepter la surprenante proposition de son père qui, par une tirade lapidaire, l'invite à revenir habiter dans la maison. 

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Le pilote de Koselig Med Peis démarre lentement, mais à mesure que l'on découvre les Broch-Hansen, s'impose très vite une atmosphère particulière : celle d'un drama familial, aux caractérisations justes, qui se nourrit des peurs de ses personnages. L'épisode nous introduit en effet au sein d'une famille éclatée, guère harmonieuse, privée de toute figure fédératrice, où l'absence de communication règne et chacun semble vivre de ses désillusions, jetant un regard désabusé sur ce qui l'entoure. La prise de distance apparente est pourtant illusoire : chaque personnage est marqué par ces relations, leurs dysfonctionnements et les craintes qui en découlent.

Dans ce tableau familial, on a ainsi tout d'abord Georg : de retour chez ses parents, il se retrouve célibataire, sans aucune vie professionnelle, à déjà 36 ans. De son côté, son frère cultive ses postures à contre-courant. Après avoir publié un livre, il a trouvé refuge sur le net pour mener à bien des projets d'un genre très particuliers, comme l'idée de vivre de la publicité rapportée par un site internet dont il veut booster les visites en... mettant en ligne des vidéos de lui déféquant sur les drapeaux des pays du monde (en commençant dès le pilote par celui de la Norvège !). Les deux fils se positionnent dans leurs choix de vie par rapport à leur père, Frank, qui nous est d'abord présenté à travers leur regard négatif : désagréable, de plus en plus marginal, il est en plus malade. Finalement, seule la mère semble avoir su s'affranchir de cet environnement névrosé : justement parce qu'elle a refondé une famille, refaisant sa vie avec une femme et semblant vivre heureuse en couple. Mais elle n'en conserve pas moins un regard sans illusion sur son ex-mari, voire même parfois sur ses enfants.

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Au cours de cet éclairage sur cette famille dysfonctionnelle, le pilote s'intéresse plus particulièrement aux rapports père/fils. On est frappé par cette aspiration farouche à la normalité de Georg, sur laquelle vient s'ajouter une impression de fuite irrépressible. Revenir dans la demeure familiale qui est comme figée dans le temps, réveille les sources des peurs adultes du personnage. Les deux fils partagent d'ailleurs la même crainte de devenir comme leur père : pas seulement pour la froideur et le rejet qu'ils ont dû endurer, mais aussi pour cette absence de communication, devenue une véritable déconnexion sociale suite aux manifestations d'instabilité mentale. Chacun a leur manière, cette peur d'un glissement vers la folie les paralyse. Ils recherchent instinctivement l'opposé, agissant en antithèse du comportement paternel pour fuir ce risque. L'écriture de la série, retranscrivant leurs actes et les maladresses qui les accompagnent, met en exergue le troublant paradoxe d'une attitude qui semble plus rapprocher les fils qu'elle ne les éloigne de ce père.

Si Koselig Med Peis a un versant désabusé, la tonalité n'est pas pesante. La série conserve une dose d'humour noir qui apporte une relative légèreté bienvenue. De plus, elle n'omet pas de se tourner vers l'avenir, avec une dose d'espoir. En effet, tout rêve pour le futur n'est pas oublié. Georg espère une famille. L'idée est inaccessible pour le moment, mais le désir existe. Et il se manifeste par les scènes les plus réussies de ce pilote, embrassant un registre surréaliste opportun : dans les scènes d'ouverture (dont on ne comprend pas immédiatement la portée) et de conclusion, Georg délivre un monologue d'une sincérité et d'une émotion simples et désarmantes adressé à un fils fantasmé, déjà nommé Joakim, désormais avorté, auquel il expose ses vues et ses attentes. La scène finale est particulièrement touchante, elle parachève la tonalité douce amère de l'épisode et vous convainc d'être au rendez-vous pour le suivant.

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Sur la forme, Koselig Med Peis bénéfice d'une réalisation posée. Dans les images, dominent des couleurs froides et/ou sombres. Les flashback du passé surgissent à travers un filtre beige claire, comme des instantanés semi-effacés directement issus de la mémoire des personnages. Toute l'identité visuelle qui se dégage de cette série est très travaillée, et reflète vraiment bien l'atmosphère particulière d'un récit, où la tonalité oscille entre pathos et nostalgie, où percent instants émotionnelles et humour noir.

Enfin, le casting se met au diapason de cette ambiance, avec un jeu extrêmement sobre, à la simplicité recherchant une certaine authenticité. Anders Baasmo Christiansen (Dag) incarne ce fils qui avait tenté vainement de laisser derrière lui sa famille et ce coin de son enfance, pour finalement devoir revenir habiter dans la demeure familiale, rouvrant ainsi la source de tous ses doutes sur sa vie. Anders Danielsen Lie joue son frère, atypique et sombre. On retrouve également Stein Winge, Tone Danielsen (Jul i Blåfjell, Jul på månetoppen), Kristin Kajander, Viktoria Winge ou encore Anna Bache-Wiig (Gutta Boys, Åse Tonight).

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Bilan : Dotée d'une écriture très sobre, où la désillusion poignante cohabite avec un certain humour noir, et saupoudrée d'une dose de surréalisme bienvenue, Koselig Med Peis se révèle être un très intéressant drama familial auquel il faut laisser le temps de s'installer. Evoquant des rapports compliqués avec un père étranger et la manière dont ils scellent la vie d'adulte, ce portrait de famille aux personnages dysfonctionnels trouve le moyen de toucher le coeur du téléspectateur.

La série n'est sans doute pas à mettre entre toutes les mains, mais les amateurs de ce mélange particulier devraient apprécier ! Tout comme ceux qui s'intéressent aux fictions scandinaves.


NOTE : 7,75/10


La bande-annonce de la série :

L'ouverture (qui capture l'ambiance du retour) :

17/02/2012

(Pilote NOR/US) Lilyhammer : un gangster new-yorkais en Norvège

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Les séries s'affranchissent peu à peu de leur cadre traditionnel. De nouveaux modèles économiques sont à inventer ; et internet a sa place dans ces expérimentations. En ce mois de février, une nouvelle étape vient d'être franchie : Netflix et Hulu, deux grandes plates-formes de streaming, marchent sur les plate-bandes des chaînes de télévision classiques en lançant toutes deux leurs premières productions originales : Lilyhammer pour la première, Battleground pour la seconde. Et cela n'est que le début, puisque Netflix a d'autres projets en cours, comme House of Cards

Lilyhammer, la première du genre, est une série américano-norvégienne, qui a été diffusée tout d'abord en Norvège, sur NRK1, le 25 janvier 2012 (avec un score d'audience impressionnant). Depuis, depuis le 6 février 2012, la fiction est désormais disponible dans son intégralité sur Netflix. La saison 1 comporte 8 épisodes ; une saison 2 a d'ores et déjà été commandée. Si elle pose les premières bases d'une révolution de l'industrie par son origine et son mode de diffusion, Lilyhammer reste une comédie douce-amère très classique sur le clash des cultures. Cependant son pilote n'en est pas moins sympathique.

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Frank Tagliano, surnommé "the Fixer", appartient à la mafia new-yorkaise. Mais un conflit avec le nouveau boss de l'organisation le conduit à accepter l'offre des autorités américaines de témoigner dans un procès contre lui. Logiquement, il doit intégrer un programme de protection des témoins, sa vie étant désormais en danger. Or Frank veut quitter les Etats-Unis. Il avait été très marqué par la ville de Lillehammer lorsqu'il avait suivi les Jeux Olympiques de 1994 à la télévision : il demande donc à être envoyé en Norvège.

C'est ainsi qu'un gangster new-yorkais aguerri débarque dans la campagne enneigée scandinave, avec en poche de faux papiers fabriqués par le FBI et quelques économies qui devraient lui permettre de débuter une nouvelle existence. Evidemment, la vie à Lillehammer n'a pas grand chose à voir avec les habitudes quotidiennes qu'avait Frank ; il faut dire qu'on y craint plus le loup rôdeur que le potentiel délinquant. Il va falloir apprendre à s'intégrer, tandis que le rêve de l'Américain est d'ouvrir son propre bar.

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Au-delà de ses enjeux linguistiques omniprésents (l'anglais et le norvégien s'entremêlent constamment dans les dialogues) et des vieux réflexes de Frank, prêt à intimider ou à corrompre avec la même aisance qu'il respire, le charme du pilote de Lilyhammer tient beaucoup à la simplicité avec laquelle il entreprend de nous conter les aventures norvégiennes colorées d'un pur new-yorkais. Si l'épisode cède très vite à quelques clins d'oeil incontournables, il le fait avec une douce ironie à laquelle le téléspectateur ne reste pas insensible. Comment résister à cette scène du premier réveil de Frank à Lillehammer au cours de laquelle il découvre, abandonnée devant chez lui, une tête d'animal, écho à une autre tête mythique, celle du cheval du Parrain ? Tandis que le téléspectateur partage l'incrédulité passagère du personnage, la chute qui suit, en découvrant qu'il s'agit simplement de la voisine qui a égaré par mégarde son futur déjeuner, tombe parfaitement.

Cette anecdote est vraiment représentative de la tonalité d'ensemble de ce premier épisode. Sans chercher à innover, Lilyhammer propose un pilote, certes classique dans ses dynamiques, mais sympathique. La série investit pleinement - mais sans paraître pour autant forcée, ou artificielle - ce terrain si bien connu du choc des cultures, toujours prompt à susciter confrontation et décalages improbables. Restant très sobre, avec une retenue qu'on pourrait presque qualifier de scandinave, il s'agit d'une comédie noire, un peu douce-amère, qui dépayse et prête à sourire, et à laquelle on s'attache facilement. Certes, on pourra sans doute reprocher à ce pilote d'exposition son côté par trop convenu, mais il s'agit d'un épisode qui remplit sa mission d'introduction. Par la suite, il faudra donc voir si la série est capable de faire preuve de plus d'initiative (et peut-être d'ambition ?) pour exploiter toutes les facettes de son cadre. 

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Sur la forme, Lilyhammer bénéficie d'une réalisation très classique, capitalisant sur ce ressenti un peu old school. Si l'introduction new yorkaise est expédiée sans chercher à rendre particulièrement crédibles des passages comme la fusillade déterminante du bar, l'arrivée en Norvège permet ensuite à la série de trouver progressivement son style. Tout en restant très simple et sobre, la caméra n'en sait pas moins mettre en valeur le décor enneigé qui sert de cadre à la fiction, offrant un dépaysement garanti au téléspectateur.

Enfin, Lilyhammer rassemble un casting qui sonne très authentique, puisqu'entièrement norvégien à l'exception de l'acteur principal, une tête bien identifiable pour tout sériephile, puisqu'associé à jamais aux séries mafieuses, Steven Van Zandt (The Sopranos), qui est évidemment parfaitement taillé pour ce rôle (et, je l'avoue, sa présence n'a pas été sans éveiller en moi quelque nostalgie). A ses côtés, pour ma première (!) incursion en terres téléphagiques norvégiennes, nous croisons Trond Fausa Aurvåg, Marian Saastad Ottesen, Steinar Sagen, Fridtjov Såheim, Sven Nordin, Anne Krigsvoll, Mikael Aksnes-Pehrson, Kyrre Hellum, Tommy Karlsen Sandum, Greg Canestrari ou encore Tim Ahern.

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Bilan : Comédie sombre au parfum scandinave aussi dépaysant que rafraîchissant (dans tous les sens du terme), Lilyhammer propose un pilote de facture très classique, mais qui n'en est pas moins sympathique. Les dynamiques du clash culturel mis en scène fonctionnent, et, sans révolutionner ce terrain familier, on y retrouve toutes les recettes qui ont su faire leur preuve. Pour huit épisodes, on a donc envie de découvrir comment la série va grandir ! 


NOTE : 6,5/10


Une bande-annonce de la série :